Bac ES 2012, épreuve de Philosophie, sujet 1 « Peut-il exister des désirs naturels ? » Proposition de corrigé Le désir est un mouvement qui nous pousse vers quelqu’un ou quelque chose, vers un objet réel ou imaginé, ou encore vers une action. Il se distingue du besoin qui renvoie à un cycle naturel et à la nécessité de notre propre nature. Platon définit le désir comme un manque qui incite, à la manière d’Eros, à rechercher la jouissance. Ainsi le désir, par le choix qu’il permet de son objet, se diversifie, s’amplifie jusqu’à parfois devenir démesuré sans être jamais pleinement satisfait. Il est donc paradoxal de parler d’un désir naturel si l’on considère que la nature du désir est de transformer le réel en objet de satisfaction et de nous rendre dépendant de cet objet ; le problème est que l’on confond le désir et son objet. Que signifie désir naturel ? Est-ce le désir lui-même qui peut être défini de façon positive comme la nature, « l’essence même de l’homme » (Spinoza) ou bien son objet, ce sur quoi il porte, qui appartient à la nature et que l’homme pourrait légitimement désirer contrairement aux objets qu’il façonne artificiellement lui-même ? Cela revient à se demander : que désirons nous vraiment ? Est-ce l’objet de nos désirs qui est naturel, ou bien le désir lui-même ?
Le désir est un mouvement qui nous pousse vers quelquun ou quelque chose, vers un objet réel ou imaginé, ou encore vers une action. Il se distingue du besoin qui renvoie à un cycle naturel et à la nécessité de notre propre nature. Platon définit le désir comme un manque qui incite, à la manière dEros, à rechercher la jouissance. Ainsi le désir, par le choix quil permet de son objet, se diversifie, samplifie jusquà parfois devenir démesuré sans être jamais pleinement satisfait. Il est donc paradoxal de parler dun désir naturel si lon considère que la nature du désir est de transformer le réel en objet de satisfaction et de nous rendre dépendant de cet objet ; le problème est que lon confond le désir et son objet. Que signifie désir naturel ? Est-ce le désir lui-même qui peut être défini de façon positive comme la nature, lessence même de lhomme (Spinoza) ou bien son objet, ce sur quoi il porte, qui appartient à la nature et que lhomme pourrait légitimement désirer contrairement aux objets quil façonne artificiellement lui-même ? Cela revient à se demander : que désirons nous vraiment ? Est-ce lobjet de nos désirs qui est naturel, ou bien le désirlui-même?Avonsnousalorslapossibilitédemaîtrisercequiestdelordredelanécessitéetqui se dresse face à la dominante raison comme son envers affectif, sentimental voire passionnel ?Dans un premier temps on peut sinterroger sur la possibilité de concevoir lexistence de désirs naturels puis nous nous interrogerons sur la nature même du désir pour enfin relever la valeur de tels désirs relativement à la connaissance et la maîtrise de soi que lon nomme sagesse (sophia).
I. Lexistence de désirs naturels
Le désir est un manque, il se distingue du besoin et peut porter sur des objets sensibles ou intelligibles (désir dIdées). Pour Platon, seul ce dernier est naturel cest-à-dire conforme à la nature de lâme. Les désirs qui portent sur des objets sensibles, périssables vont contre nature et peuvent conduire, par leur démesure, à notre propre perte.
Le désir naturel est clairement défini par Épicure dans la Lettre à Ménécée ; là encore, sil se distingue du besoin. Le désir naturel est tout autant légitime, il soppose au désir vain et sa satisfaction constitue la clé du bonheur. Parmi ces désirs naturels certains sont nécessaires, dautres sont simplement naturels affirme Épicure. Cette hiérarchie des désirs permet au sage de savoir quels sont les désirs quil faut satisfaire : sils sont nécessaires (boire, manger) il faut leur
donner satisfaction. Sils sont simplement naturels, il faut se poser la question de savoir quel plaisir sa satisfaction peut nous procurer.
Quils soient naturels ou non lobjet du désir est le critère, semble-t-il, pour juger nos désirs et leur donner ou non satisfaction. Ainsi pour Descartes, mieux vaut les changer plutôt que lordre du monde lorsque nos désirs sont vains, cest-à-dire nous rendent dépendant des conditions extérieures de leur réalisation. Il ne faut désirer que ce que nous savons pouvoir obtenir par nous-même. Mais alors, grâce à cette maîtrise, pouvons nous encore légitimement désirer ?
II. Le désir est naturel, il est lessence de lhomme
Le désir est souvent décrié car il nous rend esclave ; attaché à son objet nous sommes pris dans lengrenage de la recherche de satisfaction. Mais nest-ce pas justement cette absence qui confère son charme à lêtre désiré et qui lauréole des prestiges de limagination ? Cest ce que relève RousseauàproposdeJuliedansJulieoulaNouvelleHéloïse.Lhéroïneduromanseconsoledusacrifice de sa passion car le véritable bonheur est dans le rêve que suscite le désir, non dans la jouissance : Malheur à celui qui na plus rien à désirer , écrit Rousseau.
Le désir naturel peut signifier quil ny a pas de bons ni de mauvais désirs, mais quil désigne lessence même de lhomme comme laffirme Spinoza. Le désir est défini comme leffort conscient par lequel un être persévère dans son être (conatus) et produit des effets qui découlent de son essence même. Le désir est naturel, et par là-même nous ne pouvons pas nous empêcher de désirer, pas plus que nous pourrions nous empêcher dêtre. Ainsi la condamnation du désir ne peut dépendre de son objet car nous ne désirons pas une chose parce quelle est bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons .
III. Valeurs et importance des désirs naturels
Si nous ne confondons plus nos désirs et leurs objets (ce sur quoi ils portent), il est possible de considérer autrement leur valeur. Selon Hegel, lobjet naturel du désir nest pas un objet du monde extérieur tel met, telle femme, mais le désir lui-même. Ainsi le désir porte sur un autre désir, sur une autre conscience, et accède ainsi à sa propre vérité : le désir devient conscience de soi. Le sens du désir est alors la quête de la reconnaissance. La nature du désir est dêtre reconnu par une personne, comme une personne, un pur être pour soi et non comme un corps. Or, selon Hegel, cest dans la lutte à mort que les individus peuvent obtenir cette reconnaissance.
Le désir, manque en général, ne se rapporte pas à un objet particulier. Comme le montre Nicolas Grimaldi à propos de la lecture de Marcel Proust, ce que lhomme désire ce nest pas telle femme en particulier, mais toute les femmes, les paysages qui les entoure, latmosphère qui se dégage de sa présence. Un désir naturel est donc le fait même de désirer, comme le montre enfin René Girard par
lexemple familier des enfants qui, lorsquils jouent, se disputent des jouets semblables et en quantité suffisante. Le fondement du désir nest ni dans lobjet, ni dans le sujet mais dans limitation dun autre désir. Le désir est mimétique.
En conclusion :
Il sagissait de bien définir désir et besoin afin de ne pas confondre désir naturel et nécessité de satisfaire une tendance dordre physiologique. Mais le désir défini comme manque nest pas seulement jugé relativement à son objet, au risque de condamner ce qui est le propre même de lhomme. Le désir nest pas tant ce qui soppose à la raison que ce qui contribue à définir lhomme, en dehors du cercle nécessaire de lanimalité, comme un être de liberté.