DOSSIER Heidegger politique et philosophie
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Niveau: Secondaire, Lycée
DOSSIER Heidegger, politique et philosophie Ph ilo so ph iqu es 79 ENTRETIEN AVEC JEAN-LUC NANCY conduit par Frédéric Postel (mai 2006 - avril 2007) Comment l'engagement de Heidegger a-t-il été possible? Qu'est- ce qui de son œuvre a pu l'autoriser ou n'a pas su l'interdire ? N'est-ce pas à l'auteur plutôt qu'à l'œuvre qu'il faut regarder ? Mais que vaut cette alternative s'agissant d'un penseur qui ne définissait pas sa tâche comme intellectuelle? À quoi son enga- gement sera-t-il allé ? L'œuvre même porte-t-elle trace de cet engagement ? Pire : l'œuvre n'en est-elle pas compromise ? Heidegger aurait-il à son tour pensé que se posait en Europe une «question juive»? Comment s'est-il expliqué par la suite sur son engagement et donc, sur le nazisme ? S'en est-il même jamais vraiment expliqué? – Autant de questions que, en ces termes ou en d'autres, il nous a paru nécessaire de poser (ou recevoir) à (ou de) Jean-Luc Nancy. Frédéric Postel (18 mai 2006) : Tout de Heidegger, pour autant bien sûr qu'il soit possible de le prendre en vue, ne se laisse pas reconduire à la poli- tique, à sa prise de position en faveur de Hitler comme à ce qui délivrerait la vérité de son chemin de pensée.

  • déconstruction insuffisante

  • prise de position de heidegger

  • apparte- nance de la pensée

  • déconstruction

  • service de hitler

  • transformation du sujet de l'action


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Publié le 01 mai 2006
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Langue Français

Extrait

79
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1. J. Derrida,Ousia et grammè, inMarges - de la philosophiep. 72, n. 25. Toutes les, Paris, éd. de Minuit, 1972, références de mes deux premières lettres ont été basculées en note.
Frédéric Postel (18 mai 2006) :Tout de Heidegger, pour autant bien sûr qu’il soit possible de le prendre en vue, ne se laisse pas reconduire à la poli-tique, à sa prise de position en faveur de Hitler comme à ce qui délivrerait la vérité de son chemin de pensée. Là comme ailleurs, je songe à Nietzsche et à sa critique de l’égalité démocratique, il ne faut pas être réductionniste. Mais, à la différence de Nietzsche, Heidegger s’est engagé dans un mouve-ment politique, le national-socialisme, auquel il a cru profondément, ce qui ne peut pas ne pas être pour nous objet de scandale. L’originalité du travail de Jacques Derrida aura été de frayer une voie qui fût à distance non pas seulement des tenants d’un anti-heideggérianisme dont la motivation aurait été « politique » (à l’exemple de J.-P. Faye), mais encore du « camp de la dévotion heideggérienne »1. Il ne s’est jamais agi pour lui de reconduire à Heidegger comme à la vérité de la philosophie ou de la
Comment l’engagement de Heidegger a-t-il été possible ? Qu’est-ce qui de son œuvre a pu l’autoriser ou n’a pas su l’interdire ? N’est-ce pas à l’auteur plutôt qu’à l’œuvre qu’il faut regarder ? Mais que vaut cette alternative s’agissant d’un penseur qui ne définissait pas sa tâche comme intellectuelle ? À quoi son enga-gement sera-t-il allé ? L’œuvre même porte-t-elle trace de cet engagement ? Pire : l’œuvre n’en est-elle pas compromise ? Heidegger aurait-il à son tour pensé que se posait en Europe une « question juive » ? Comment s’est-il expliqué par la suite sur son engagement et donc, sur le nazisme ? S’en est-il même jamais vraiment expliqué ? – Autant de questions que, en ces termes ou en d’autres, il nous a paru nécessaire de poser (ou recevoir) à (ou de) Jean-Luc Nancy.
ENTRETIEN AVEC JEAN-LUC NANCY conduit par Frédéric Postel (mai 2006 - avril 2007)
Heidegger, politique et philosophie
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2. M. Blanchot,L’Entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, n. 1, p. 208-210, ici p. 210 (c’est M. B. qui souligne). Précisons que M. B. a en vue le discours prononcé à Leipzig le 11 novembre 1933. On sait mieux aujourd’hui que ce texte n’est ni « le principal » ni le plus « effrayant », ce qui est soulever la question de l’archive. 3. E. Lévinas,Préfaceà Marlène Zarader,Heidegger et les paroles de l’origine, Paris, Vrin, 1986, p. 12.
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« métaphysique », mais d’y puiser comme à une ressource essentielle dans le même temps où il marquait à son endroit une réserve non moins essentielle. Que cette réserve ne fût pas simplement « politique », c’était clair, mais que, quoique n’étant pas simplement « politique », elle n’en fût pas moins essentielle, ce ne l’était pas moins. Pourtant, à légitimer la référence à Heidegger, ne court-on pas le risque de légitimer le pire ? Ce risque, Jacques Derrida aura su l’éviter. Mais sa réserve n’est peut-être pas allée aussi loin qu’il l’aurait fallu, jusqu’à remettre en question l’hypothèse (formulée dans De l’esprit) d’un engagement, celui de Heidegger, qui s’expliquerait par ce qui, de sa pensée, demeurait encore à cette date pris dans les rets de « la métaphysique ». Voici ma question : qu’est-ce que la métaphysique pour que l’apparte-nance de la pensée à elle puisse – je ne dis pas : suffire, mais – contribuer à expliquer l’engagement de Heidegger ? En quoi, en d’autres termes, une «destruction» de la métaphysique plus accomplie aurait-elle préservé Heidegger de s’engager comme il le fit ? Ainsi que le notait Maurice Blanchot, si « le principal texte “politique” de Heidegger » est « à tous égards effrayant », c’est « d’abord pour cette raison : [...] destiné à recommander un vote décisif en faveur du national-socialisme, il a mis au service de Hitler le langagemême et l’écrituremêmepar lesquels, en un grand moment de l’histoire de la pensée, nous avions été invités à l’interrogation désignée comme la plus haute, celle qui pouvait nous venir de l’Être et du Temps2». La prise de position de Heidegger est philosophique, voire « métaphysique » au sens de « la méta-physique duDasein» que Heidegger entend lire chez Kant. Est-ce à dire que, la métaphysique entendue en ce sens aurait-elle été congédiée (ainsi qu’elle le sera en un sens par la suite), l’engagement aurait été rendu impos-sible ou du moins plus difficile ? Mais comment la métaphysique a-t-elle été congédiée par la suite ? Heidegger en vient alors à penser leGeviert, ce motif est présent dans tous ses travaux d’après-guerre. Ma question, qui n’est autre que celle d’Emmanuel Lévinas déjà (« timide question »), est de demander « si cette non-prévalence de l’homme, de son visage et de sa misère, sur le mystère de la terre et de laSache, sur l’affaire de l’être anonyme [...], répond aux plus poignants événements de notre siècle et justifie cette mise en congé des voix plus anciennes qu’Anaximandre, alors qu’elles sont entrées à titre de documents dans les Écritures de l’Occident ». Car, venait de dire Emmanuel Lévinas, « si l’homme est un partenaire » des Quatre (terre et ciel, mortels et dieux), c’est leGeviertqui en est le sens plein ; il n’y a dans cette remon-« tée aux sources dites grecques, et au-delà de ces sources, aucune prévalence de l’humain. Rien ne se réfère à la subjectivité de l’homme ni à la personne comme fin en soi3». En d’autres termes, n’est-ce pas cette non-prévalence de l’humain qui, plus sûrement, pourrait contribuer à expliquer l’engage-ment de Heidegger en 1933 et au-delà ?
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