04 BOUTINET ok

Description

• cours - matière potentielle : des années soixante
• cours - matière potentielle : la vie

9Jean-Pierre Boutinet ed Uc AT Io N P eR M AN eN Te n ° 1 38 /1 99 9- 1 n peut observer maints frémissements au niveau de l'organisation des âges de la vie au sein de nos sociétés postindustrielles. Quelque chose d'insaisissable semble se passer actuellement qui a ses répercussions pour chacun dans la façon de vivre son âge. L'allongement continuel de la vie ces dernières décennies, la diminution progressive de l'importance accordée au travail1, l'émergence de quatre, voire cinq, générations destinées à cohabiter, un même environnement communicationnel dans lequel se trouvent émergées ces différentes générations contribuent à produire une impression de

• avenir au regard
• sentiment identitaire
• libéral au regard du style traditionnel
• mendel dans les années soixante
• crise de l'action
• vie adulte
• âges
• âge
• génération
• générations
• travaux
• travail
• années
• année

Sujets

• dictionnaire
• cours
• cours de

Informations

• Publié par: fuen
• Nombre de lectures: 50
• Langue: Français

Extrait

JeanPierre Boutinet

Brouillage des âges et quêtes identitaires

O âgEs DE la ViE au sEin DE nOs sOCiétés pOstinDustriEllEs. QuElquE ChOsE n pEut ObsErVEr maints frémissEmEnts au niVEau DE l’OrganisatiOn DEs D’insaisissablE sEmblE sE passEr aCtuEllEmEnt qui a sEs répErCussiOns pOur ChaCun Dans la façOn DE ViVrE sOn âgE. L’allOngEmEnt COntinuEl DE la ViE CEs DErnièrEs DéCEnniEs, la DiminutiOn prOgrEssiVE DE l’impOrtanCE aCCOrDéE au 1 traVail , l’émErgEnCE DE quatrE, VOirE Cinq, génératiOns DEstinéEs à COhabitEr, un mêmE EnVirOnnEmEnt COmmuniCatiOnnEl Dans lEquEl sE trOuVEnt émErgéEs CEs DifférEntEs génératiOns COntribuEnt à prODuirE unE imprEssiOn DE brOuilla- gE EntrE lEs âgEs DE la ViE. La mutatiOn DEs rôlEs traDitiOnnEls DéVOlus auX âgEs, l’étirEmEnt quasi DémEsuré tant DE la jEunEssE quE DE la ViEillEssE, En COurt-Cir- Cuitant la ViE aDultE, COntribuEnt à aCCEntuEr CE brOuillagE Et pOsEnt DOnC la quEstiOn DEs rEpèrEs iDEntitairEs. La fOrmatiOn Est unE bOnnE illustratiOn DE CE brOuillagE. désOrmais intimEmEnt assOCiéE auX DifférEnts âgEs, EllE a pErDu sa spéCifiCité DE marquEur DE l’EnfanCE Et DE l’aDOlEsCEnCE. Aussi, faCE à CE phé- nOmènE DE brOuillagE COmmuniCatiOnnEl Et à un EffaCEmEnt DEs rEpèrEs, DE quEllEs timiDEs rECOmpOsitiOns, VOirE DE quEllEs métamOrphOsEs iDEntitairEs sOmmEs-nOus lEs témOins aujOurD’hui ? QuEllEs rEstruCturatiOns sE trOuVEnt à l’œuVrE au niVEau DEs âgEs DE la ViE ?

Jeàn-PieRRe Boutinet est diRecteuR de l’Institut de RecheRche Fondàmentàle et àppliquée ( Irfa ) de l’univeRsté càtho- lique de l’Ouest, À angeRs. 1. LE DErniEr rappOrt DE l’ ocde sur lEs pOlitiquEs sOCialEs rappEllE qu’En l960, l’EspéranCE DE ViE mOyEnnE D’un hOmmE était DE 64 ans ; il COnsaCrait quarantE-siX annéEs DE sa ViE au traVail. AujOurD’hui, l’EspéranCE DE ViE a prOgrEssé DE sEpt ans, la DuréE mOyEnnE DE traVail a été ramEnéE à 37 ans.

9

10

Retour sur l’âge comme concept équivoque

L’âgE Est un tErmE qui nOus Est familiEr, tErmE banal s’il En Est, DOnt la signifiCatiOn OriginEllE tiréE Du latinætàsnOus rEnVOiE à la DuréE, l’étErnité, l’été qui COnsumE la maturité. etrE Dans la fOrCE DE sOn âgE, C’Est biEn êtrE Dans l’été DE sa ViE. cE tErmE banal s’aVèrE néanmOins sémantiquEmEnt surChargé, COmmE l’Est lE tErmE plus EnglObant DE génératiOn ; CE DErniEr, En EffEt, DésignE simultanémEnt l’intErVallE tEmpOrEl séparant DEuX filiatiOns suCCEssiVEs Et lEs pErsOnnEs ViVant à la mêmE épOquE lEs mêmEs éVénEmEnts Et ayant DOnC En prinCipE apprOXimatiVEmEnt lE mêmE âgE. POur CE tErmE D’âgE, EnCOrE plus familiEr quE CElui DE génératiOn, nOus sOmmEs En présEnCE DE plusiEurs sur- ChargEs sémantiquEs. NOus éVOquErOns iCi pOur lE mOins trOis typEs DE sur- ChargEs. ArrêtOns-nOus D’abOrD sur l’équiVOCité Du COnCEpt D’âgE au rEgarD Du E féminin Et Du masCulin. en EffEt, jusqu’au xvI sièClE, Dans nOtrE languE, l’âgE OrthOgraphiéààgesE DéClinait au féminin tOut En n’ayant DE CEssE DE référEr sa DénOtatiOn uniquEmEnt à l’hOmmE : lEs DifférEnts DiCtiOnnairEs jusqu’au Début E VOirE au miliEu DE nOtrE xx sièClE, iDEntifiaiEnt l’âgE Dans sa plénituDE à l’âgE Viril, l’âgE D’hOmmE. dans lEs âgEs, sE jOuE DOnC unE DissymétriE EntrE lEs gEnrEs masCulin Et féminin ; l’EspéranCE DE ViE DifférEnCiéE EntrE fEmmEs Et hOmmEs EXpriméE En tErmEs D’annéEs — aCtuEllEmEnt 82 ans pOur lEs fEmmEs, 73 ans pOur lEs hOmmEs — En Est un autrE inDiCatEur. SOulignOns maintEnant la riChEssE D’éVOCatiOn Du tErmE âgE qui EntrE Dans la COmpOsitiOn DE nOmbrEusEs lOCutiOns Du typE : aVOir sOn âgE, paraîtrE sOn âgE, subir lEs OutragEs DE l’âgE, COnnaîtrE l’aVanCéE En âgE, êtrE à la flEur DE l’âgE, êtrE En âgE, êtrE EntrE DEuX âgEs, êtrE D’un CErtain âgE... A CEs lOCutiOns, On pEut ajOutEr lEs EXprEssiOns syntagmatiquEs suiVantEs : lE bEl âgE, lE bas âgE, lE rEtOur D’âgE, l’âgE CritiquE, l’âgE D’Or, l’âgE ingrat, l’âgE légal, lE granD âgE Ou, pOur un alCOOl VénérablE au niVEau DE sOn ViEillissEmEnt, lE hOrs D’âgE. cEttE rECEnsiOn Est CErtainEmEnt lOin D’êtrE EXhaustiVE, mais CE qui Est manifEstE à traVErs CEs fOrmulEs lEs plus usitéEs, C’Est la COntinuEllE métamOrphOsE séman- tiquE DE l’âgE qui prEnD tantôt DEs COnnOtatiOns pOsitiVEs Et attraCtiVEs, tantôt DEs COnnOtatiOns négatiVEs Et répulsiVEs, tantôt EnCOrE DEs COnnOtatiOns inDif- férEntEs. c’Est quE l’âgE, COmmE inDiCatEur Du tEmps VéCu, traînE aVEC lui lEs ambiguïtés assOCiéEs à tOutE tEmpOralité. A l’EXClamatiOn D’HOraCE« PejoR àvis æstàs pàRentum »[lE tEmps présEnt nE Vaut pas CElui DEs anCêtrEs], répOnD tOu- jOurs virgilE :« Omnià FeRt ætàs »[LE tEmps EmpOrtE tOut]. MEntiOnnOns Enfin la pluriDimEnsiOnnalité DE l’âgE qui s’EXprimE à tra- VErs DEs éChEllEs DE tEmpOralités très DifférEntEs : l’âgE COsmiquE, qui fait rEmOntEr l’OriginE DE l’uniVErs à quinzE milliarDs D’annéEs, n’a riEn à VOir aVEC l’âgE géOlOgiquE, qui pErmEt DE DatEr l’OriginE DE nOtrE tErrE à Cinq milliarDs

D’annéEs ; CEt âgE géOlOgiquE Est lui-mêmE sans COmmunE mEsurE aVEC l’âgE paléOlithiquE qui situE l’apparitiOn DEs prEmièrEs fOrmEs D’hOminisatiOn aVEC l’homo eRectusVErs mOis DEuX milliOns D’annéEs. POurtant, DE façOn quElquE pEu artifiCiEllE, nOus mEsurOns CEs DifférEnts âgEs, COmmE D’aillEurs tOut âgE, à tra- VErs la mêmE unité tEmpOrEllE : l’annéE. LE DémOgraphE aVEC sa pyramiDE DEs âgEs, l’EthnOlOguE Dans sEs ClassEs D’âgE, lE sOCiOlOguE intérEssé par la sOCiOlO- giE DEs âgEs, l’histOriEn qui iDEntifiE l’unE DE sEs DéCOupEs histOriquEs à un MOyEn AgE, Ou lE psyChOlOguE qui manipulE lEs âgEs mEntauX CaraCtérisEnt autant DE rEgistrEs qui COmpartimEntEnt un mêmE COnCEpt ; CElui-Ci En arriVE à DEVEnir quElquE pEu mOrCElé, sElOn lEs pOints DE VuE quE l’On pOrtE sur lui. LEs COnnOtatiOns liéEs à l’âgE sOnt DOnC mOuVantEs Et tributairEs DEs COntEXtEs histOriquEs Et CulturEls qui lEs utilisEnt. Sans allEr jusqu’à épurEr un COnCEpt fOisOnnant D’éVOCatiOns, nOus nOus En tiEnDrOns iCi à unE apprOChE sOCiO-EthnOlOgiquE DE l’âgE. NOus ObsErVErOns lE fait quE, Durant lEs Cinquan- tE DErnièrEs annéEs éCOuléEs Dans nOs sOCiétés inDustrialiséEs, DEuX mODèlEs typiquEs sE sOnt impOsés COnCErnant lEs rElatiOns EntrE lEs ClassEs D’âgEs, Ou pOur fairE brEf, EntrE lEs génératiOns : lE mODèlE Du fOssé DEs génératiOns Et CElui Du brOuillagE DEs âgEs. chaCun DE CEs DEuX mODèlEs a EngEnDré DEs rEprésEntatiOns COntrastéEs, mais nOus rEstOns EnCOrE aujOurD’hui largEmEnt tributairEs Du sECOnD mODèlE qui COntinuE à s’impOsEr sur fOnD pErsistant, biEn qu’En VOiE D’EffaCEmEnt, Du prEmiEr mODèlE.

Le modèle du fossé des générations

NOus nOus limitErOns iCi à éVOquEr CE mODèlE maintEnant biEn familiEr qui fut DOminant lOrs DE l’apOgéE DE nOtrE CiVilisatiOn inDustriEllE DE prODuC- tiOn Dans lEs annéEs sOiXantE Et sOiXantE-DiX. RappElOns-En quElquEs CaraCté- ristiquEs CEntralEs. 1. LE brusquE aVènEmEnt DE la sOCiété inDustriEllE DE COnsOmmatiOn impOsE, Dans l’après SECOnDE GuErrE mOnDialE, DEs stylEs DE ViE très COntrastés sElOn lEs âgEs par rappOrt auX stylEs antériEurs. M. MEaD a biEn typé, pOur lEs etat- Unis, CEs stylEs pOstfiguratif, COfiguratif, préfiguratif ; lE DéVElOppEmEnt rapiDE DE la sCOlarisatiOn Va COnférEr à la jEunEssE préfiguratiVE DEs attEntEs tOut à fait spéCifiquEs par rappOrt à sEs parEnts COfiguratifs Et à sEs granDs parEnts pOst- figuratifs. UnE tEllE typOlOgiE rEstE très suggEstiVE pOur la FranCE DEs annéEs sOiXantE-DiX. 2. La jEunEssE préfiguratiVE s’impOsE D’autant plus faCilEmEnt Dans sOn Désir DE rupturE qu’EllE Est alOrs pOrtéE par unE DOublE VaguE, CEllE DémOgraphiquE Du famEuX « baby-bOOm » Et CEllE sOCiOpOlitiquE D’unE COntEstatiOn transna- tiOnalE DE l’autOrité ; Dans nOtrE pays, CEllE-Ci Va prEnDrE unE signifiCatiOn EXCEptiOnnEllE DE par lE COntEXtE pOlitiquE DE l’épOquE, inCarnéE Dans la figu-

11

12

rE EmblématiquE Du Général DE GaullE, CEttE figurE Du pèrE sECrètEmEnt aDmi- réE, OffiCiEllEmEnt COntEstéE. LEs traVauX DE MEnDEl, au COurs DEs annéEs sOiXantE-DiX, sur la réVOltE COntrE lE pèrE, la DéCOlOnisatiOn DE l’Enfant Et la CrisE DEs génératiOns, sOnt illustratifs DE CEt antagOnismE EntrE génératiOns ana- lysé D’un pOint DE VuE sOCiOlOgiquE. cEs traVauX En mêmE tEmps COnstituEnt D’unE CErtainE façOn, à prOpOs Du fOssé DEs génératiOns, la VErsiOn françaisE 2 DEs traVauX amériCains DE M. MEaD . 3. LE mODèlE Du fOssé DEs génératiOns s’appuiE DOnC sur DEs marquEurs éVé- nEmEntiEls Et DOnC génératiOnnEls fOrts : la COnstitutiOn Du phénOmènE « baby- bOOm », lié auX annéEs qui suiVEnt la SECOnDE GuErrE mOnDialE aVEC l’EuphO- riE rEnaissantE DE l’épOquE, mais aussi la néCEssité DE rEpEnsEr lEs équipEmEnts D’aCCuEil DE CEttE génératiOn pléthOriquE, nOtammEnt lEs équipEmEnts lOCatifs, sanitairEs, sCOlairEs Et uniVErsitairEs... POur unE prEmièrE fOis, CEs marquEurs VOnt typEr unE génératiOn mOntantE Dans lEs annéEs quarantE ; ils sErOnt assO- Ciés, Dans lEs annéEs CinquantE Et sOiXantE, à un stylE éDuCatif libéral au rEgarD Du stylE traDitiOnnEl antériEur : l’éDuCatiOn libéralE inspiréE par la VOguE DE la pEnséE nOn DirECtiVE COupléE à unE réintErprétatiOn VulgariséE DE la psyChana- lysE. dE tEls marquEurs, DiX ans plus tarD, VOnt sE DOnnEr unE nOuVEllE EXprEs- siOn pOur la mêmE génératiOn mais, par lE fait mêmE, En COntrEpOint pOur lEs génératiOns VOisinEs. cEttE EXprEssiOn sEra spECtaCulairE aVEC lEs éVénEmEnts sOCiOpOlitiquEs liés auX manifEstatiOns EstuDiantinEs DEs annéEs sOiXantE Et spéCialEmEnt à CEllEs Du millésimE l968.

Le modèle du brouillage des âges

cE nOuVEau mODèlE Du brOuillagE Va prOgrEssiVEmEnt s’impOsEr En prEnant lE COntrE-piED Du préCéDEnt à partir DE l975. Il apparaît COmmE lE COntrastE, VOirE l’antiDOtE, Du fOssé DEs génératiOns qui rEnVOyait à un mODèlE EXplOsif COnCrétisé par lEs réVOltEs sur lEs DifférEnts Campus uniVErsitairEs auX quatrE COins DE nOtrE mOnDE inDustrialisé. L’OppOsitiOn auX guErrEs D’AlgériE Et Du viEtnam sEra, à CE sujEt, un EXutOirE signifiCatif pOur CEs réVOltEs. LE mODèlE Du brOuillagE DEs âgEs DE la ViE rElèVE, quant à lui, DaVantagE DE l’implOsiOn. Il s’implantE D’aillEurs prOgrEssiVEmEnt Et nOn DE façOn spEC- taCulairE ; assOCié à unE DéprEssiOn DémOgraphiquE, à l’EffaCEmEnt DE la figurE 3 Du pèrE Et DOnC à la DisparitiOn D’unE CErtainE fOrmE D’autOrité familialE, il stig- matisE la fin D’unE sOCiété bâtiE prinCipalEmEnt autOur Du mythE Du prOgrès, qui DésOrmais sE ChErChE unE nOuVEllE transCEnDanCE plus signifiCatiVE. c’Est

2.

3

M. MEaD,Le Fossé des généRàtions,Paris, GOnthiEr-dEnOël, l972. G. MEnDEl,Là cRise des généRàtions, Paris, PayOt, 1969. du mOt D’OrDrE,Là Révolte contRe le pèRe,mis En EXErguE par G. MEnDEl Dans lEs annéEs sOiXantE-DiX, nOus sOmmEs passés, unE génératiOn plus tarD, au COnstat DE l’EffOnDrEmEnt DE l’autOrité Du pèrE à traVErs la DéChirurE patErnEllE étuDiéE par F. HurstEl Et publiéé auX PUF En 1996.

maintEnant ChaquE âgE qui, à sa façOn, affirmE altErnatiVEmEnt DEs fOrmEs D’autOnOmiE Et DE DépEnDanCE ; pOur ChaCun DE CEs âgEs, On pEut DOnC DirE tOut Et sOn COntrairE : l’Enfant COntinuE à rEstEr DépEnDant DE sa famillE Et à DEmEurEr sOus tutEllE Dans la sOCiété, mais la sOCiété infOrmatiOnnEllE l’a éman- Cipé DEs sECrEts prOprEs à l’EnfanCE Et il pEut aCCéDEr aussi biEn, VOirE miEuX, quE sEs parEnts, à tOus lEs résEauX infOrmatiOnnEls EXistants qui lui présEntEnt lE spECtaClE COntrasté Du mOnDE. L’aDultE, Dans sOn autOnOmiE, Vit malgré lui DE nOmbrEusEs DépEnDanCEs : lOrsqu’il Est priVé D’EmplOi, lOrsqu’il rEViEnt En fOrmatiOn, lOrsqu’il sE trOuVE COnfrOnté à unE situatiOn D’urgEnCE. La pErsOn- nE âgéE, quant à EllE, pEut aCCéDEr à sa rEtraitE Dans tOutE la fOrCE DE sOn âgE Et, pEnDant lOngtEmps, COnsErVEr sEs CapaCités D’autOnOmiE, mais En mêmE tEmps prEnDrE COnsCiEnCE DE sOn inutilité DE pErsOnnE inaCtiVE. dEpuis plusiEurs DéCEnniEs, CE mODèlE Du brOuillagE DEs âgEs, Dans lEquEl On nE sait plus très biEn qui Est qui, sE trOuVE priVé DE marquEurs géné- ratiOnnEls biEn iDEntifiablEs : ni la GénératiOn MittErranD, ni la GénératiOn mOralE, ni la BOf génératiOn n’Ont passé lEs prémiCEs DE CE qu’EllEs annOn- çaiEnt. NOus sOmmEs installés Dans unE fluiDité Et Dans unE miXité DEs âgEs qui s’appuiEnt sur DEs référEnts Diffus : pOur lEs Enfants, unE émanCipatiOn préCO- CE ; pOur lEs jEunEs, unE sCOlarisatiOn prOlOngéE Et unE COhabitatiOn familialE jusqu’à un âgE aVanCé. POur lEs aDultEs, CEttE fluiDité DEs âgEs sE COnCrétisE Dans lEs CapriCEs Du marChé Du traVail, lE CaraCtèrE inCOntOurnablE DE la fOrmatiOn pErmanEntE, unE CErtainE pErplEXité faCE à l’aVEnir au rEgarD D’un présEnt VéCu sur lE mODE DE l’inCErtituDE Et DE la préCarité. Quant auX pErsOnnEs âgéEs, EllEs ViVEnt un lOng tEmps D’inaCtiVité parfOis aménagé En rECOnVErsiOn VErs DEs aCtiVités inéDitEs, mais un tEmps qui rEstE très VariablE En fOnCtiOn D’un Départ à la rEtraitE DE plus En plus fluCtuant. LE brOuillagE DEs âgEs sE trOuVE amplEmEnt faCilité à partir DEs annéEs sOiXantE-DiX par unE DéritualisatiOn Du COurs DE la ViE Et un arasEmEnt DEs sEuils D’âgE : l’aVanCéE DE la majOrité CiViquE DE Vingt-Et-un à DiX-huit ans, lE flOttEmEnt DE la DatE-rEpèrE pOur rECEVOir lE baptêmE rEligiEuX, lE Départ mOu- Vant En rEtraitE, la COnDuitE aCCOmpagnéE Dès l’âgE DE sEizE ans, lEs grOssEssEs DE plus En plus tarDiVEs COnstituEnt autant DE signEs inDiquant unE Dérégula- tiOn DEs âgEs DE la ViE.

Le brouillage des âges associé à un nouveau décor culturel

LE brOuillagE DEs âgEs, tEl quE nOus VEnOns DE lE DéCrirE, Est COntEmpO- rain DE l’aVènEmEnt D’unE nOuVEllE DOnnE CulturEllE quE nOus qualifiErOns rapi- DEmEnt DE pOstmODErnité, si nOus EntEnDOns par CE tErmE l’au-DElà DE la mODErnité qui En ChangE CErtainEs DE sEs CaraCtéristiquEs tOut En prOlOngEant,

13

14

VOirE En aCCEntuant, CErtainEs autrEs. La pOstmODErnité au sEin DE laquEllE éClôt lE brOuillagE DEs âgEs pEut sE Définir pOur lE mOins par unE COnjOnCtiOn DE trOis paramètrEs typiquEs : — lE paraDigmE DE la COmmuniCatiOn supplantE CElui DE la prODuCtiOn COmmE préOCCupatiOn DOminantE DE nOs COntEmpOrains. AujOurD’hui, tOut DEViEnt prétEXtE à EntrEr En COmmuniCatiOn, à sE DéplaCEr au sEin D’un résEau COm- muniCatiOnnEl ; CEttE nOtiOn DE résEau Est EssEntiEllE Et pErmEt D’insCrirE sOCia- lEmEnt lEs inDiViDus quElquE part pOur lEur éVitEr la marginalité Ou l’EXClusiOn. LE résEau tEnD à ValOrisEr la DimEnsiOn hOrizOntalE DEs rappOrts humains au DétrimEnt D’unE DimEnsiOn VErtiCalE, hiérarChiquE, qui sE fait DésOrmais plus DisCrètE ; au niVEau génératiOnnEl, CEla sE traDuit par lE DéVElOppEmEnt DE rEla- tiOns intra Ou intErgénératiOnnEllEs DE préférEnCE à l’intégratiOn Dans un ligna- gE. La multipliCité DEs résEauX COmmuniCatiOnnEls EngEnDrE unE surChargE DEs infOrmatiOns transmisEs, qui sE traDuit par un surCODagE : lEs infOrmatiOns sE 4 supErpOsEnt, sE COnCurrEnCEnt, VOirE sE COntrEDisEnt ; CE surCODagE , CEttE pOlyphOniE COmmuniCatiOnnEllE prODuisEnt un EffaCEmEnt DEs rEpèrEs, un rElatiVismE généralisé ; — l’hypErtrOphiE DE la COmmuniCatiOn amènE un DépérissEmEnt DE l’aCtiOn ; CEttE CrisE DE l’aCtiOn s’EXprimE DE DifférEntEs façOns nOtammEnt Dans unE généralisatiOn DE l’inaCtiVité fOrCéE qui VOit unE EXCrOissanCE tEmpOrEllE DEs DuréEs OCtrOyéEs à la jEunEssE Et à la ViEillEssE ; la sEulE aCtiOn DignE D’êtrE rECOnnuE rEstE l’aCtiOn instrumEntalE au DétrimEnt DE l’aCtiOn symbOliquE. cEttE CrisE DE l’aCtiOn s’aCCOmpagnE D’unE CrisE DEs ritEs aVEC D’un Côté l’Effa- CEmEnt DE la plupart DEs ritEs DE passagE, parfOis mêmE la DéCOnstruCtiOn DE CErtains ritEs jugés nOn pErtinEnts ; lE DémariagE Est un EXEmplE DE DéCOns- 5 truCtiOn rituEllE . cEttE CrisE DEs ritEs prEnD aussi la fOrmE D’unE substitutiOn DEs rituEls auX ritEs, rituEls aménagés DE façOn VOlOntaristE Et rEVêtant un CaraC- tèrE DE plus En plus priVatisé : lEs rituEls aDOlEsCEnts par EXEmplE, mais aussi lEs rituEls DE passagE à la rEtraitE, lEs rituEls assOCiés à la CélébratiOn DE la mOrt, inCinératiOn, thanatOpraXiE ; — unE mutatiOn DE tEmpOralités nOus fait DE plus En plus DésErtEr lEs riVEs DE l’aVEnir pOur nOus rEpliEr sur lE tEmps présEnt ; nOus ChErChOns mOins à anti- CipEr qu’à nOus briCOlEr tEllE Ou tEllE fOrmE DE mOmEnt présEnt, CElui DE l’ins- tant, DE l’imméDiat, DE l’urgEnCE, DE l’altErnanCE, DE tEllE Ou tEllE fOrmE DE DuréE. HOrmis nOs habituDEs DE COnsOmmatiOn, nOus DOnnOns l’imprEssiOn D’êtrE Entrés Dans un malthusianismE généralisé : CElui DémOgraphiquE lié à un tauX DE féCOnDité bas, CElui éCOnOmiquE tributairE D’unE inflatiOn minimalE Et Du mOinDrE COût, CElui sOCial Visant à DistribuEr aVEC unE très granDE parCimO-

4. 5.

NOus EmpruntOns l’EXprEssiOn éClairantE à L. SfEz,CRitique de là communicàtion,Paris, LE SEuil, l988. cf. à CE sujEt, lE traVail D’I. Théry,Le démàRiàge, justice et vie pRivée,Paris, oDilE JaCOb, 1996.

niE lEs EmplOis. NOus nOus rEpliOns sur lE mOmEnt présEnt, faCE à unE mOn- téE DEs inCErtituDEs, unE nOn-maîtrisE COmmE nOus lE sOuhaitEriOns DEs éVé- nEmEnts ; CE rEpli pEut aussi êtrE illustré par l’instantanéité Dans laquEllE nOus mEt l’EmprisE DémEsuréE DE la tEChniquE Et spéCialEmEnt DEs tEChniquEs DE COmmuniCatiOn. cE présEnt Est tantôt VéCu COmmE un présEnt émanCipatOirE lOrsqu’il sE fait DaVantagE transitiOn Ou altErnanCE, tantôt subi sur lE mODE DE l’assujEttissEmEnt Dans l’urgEnCE, l’imméDiatEté, lEs planifiCatiOns Ou lEs agEn- Das mal mEnés. Mais Dans tOus lEs Cas, nOus ChErChOns à nOus prémunir Du pirE quE nOus éVitOns D’antiCipEr, nOtrE prOprE ViEillissEmEnt.

Le brouillage des âges à un niveau individuel

dans CE nOuVEau COntEXtE pOstmODErnE DE pléthOrE DEs COmmuniCa- tiOns, DE DéfiCit D’aCtiOn Et DE mutatiOn DEs tEmpOralités, lEs inDiViDus DOiVEnt apprEnDrE à ViVrE Dans un EspaCE multigénératiOnEl. cEt EspaCE a pOur lE mOins lEs CaraCtéristiquEs suiVantEs : — un ViEillissEmEnt prématuré DEs jEunEs génératiOns COnfrOntéEs à unE autO- nOmiE préCOCE : lE nOurrissOn Est VitE habillé En pEtit Enfant ; l’Enfant sCOlari- sé sE COmpOrtE COmmE un pEtit hOmmE autOnOmE ; lE lyCéEn, lOrsqu’il DEs- CEnD Dans la ruE manifEstEr, prEnD un COmpOrtEmEnt D’étuDiant. cEs Diffé- rEntEs situatiOns nOus fOnt pEnsEr quE nOus sEriOns En faCE DE maturités plus préCOCEs au rEgarD DE CE qui sE passait Dans lEs DéCEnniEs préCéDEntEs ; — un ViEillissEmEnt paraDOXal, à la fOis prématuré Et tarDif DEs génératiOns aînéEs. LE ViEillissEmEnt Est prématuré ChEz tOutEs lEs pErsOnnEs, DE plus En plus jEunEs, COnsiDéréEs COmmE inaCtiVEs DE par lE phénOmènE DEs rEtraitEs antiCipéEs Ou DEs prérEtraitEs. SOus un autrE anglE, lE ViEillissEmEnt Est tarDif aVEC l’allOngEmEnt COntinuEl DE l’EspéranCE DE ViE Et DOnC unE mOntéE DE pEr- sOnnEs DE plus En plus nOmbrEusEs VErs lE granD âgE ; — pOur lEs aDultEs qui Ont lE sEntimEnt DE ViVrE un âgE En VOiE D’êtrE EsCamO- té, lE trajEt à COnstruirE En fOnCtiOn DEs aléas sE substituE au CurriCulum fait DE régularités, DE plaCEs OCCupéEs DE façOn DurablE. cEttE ViE aDultE n’Est plus à situEr sur l’aXE OriEnté DE la CarrièrE ; EllE rEssOrt DaVantagE DE l’itinérairE plus Ou mOins ChaOtiquE qui ChErChE à éVitEr lEs impassEs mais nE saurait fairE l’éCO- nOmiE DEs rEtOurs En arrièrE, DEs CrisEs, DEs bifurCatiOns, DE l’aménagEmEnt DE 6 transitiOns ; sans auCun DOutE, CE qui CaraCtérisE un tEl itinérairE Est biEn la rEprisE pErmanEntE. Par aillEurs, à traVErs DEs situatiOns-limitEs à ViVrE Dans un COntEXtE marqué par l’inCErtituDE, il y a EXpériEnCE DE Vulnérabilité aVEC CE paraDOXE tributairE DE nOs EnVirOnnEmEnts aCtuEls : nOus CraignOns D’aVOir à affrOntEr l’inéDit mais nOus rEfusOns la banalité.

6. NOtrE réCEnt traVail surL’immàtuRité de là vie àdulte,Paris, PUF , l998, sE pEnChE sur lEs DéstabilisatiOns DOnt la ViE aDultE Est aCtuEllEmEnt l’ObjEt.

15

16

en règlE généralE, On pEut parlEr DE DésynChrOnisatiOn DEs agEnDas EXis- tEntiEls. Il n’y a plus D’aCtiVité spéCifiquE résErVéE à un âgE DétErminé ; l’aCtiVité prOfEssiOnnEllE nE s’iDEntifiE qu’apprOXimatiVEmEnt à la ViE aDultE ; quant à la fOrmatiOn, EllE n’Est plus résErVéE à l’EnfanCE Et à l’aDOlEsCEnCE, EllE tOuChE la plupart DEs ClassEs D’âgE ; lE rEtrait DE la ViE aCtiVE COnCErnE aussi biEn l’aDultE En ChômagE quE lE rEtraité âgé.

Vers de nouveaux processus identitaires

dans un tEl COntEXtE DE brOuillagE, On pEut s’intErrOgEr sur lEs marquEs DE rECOnnaissanCE qui rEstEnt à la DispOsitiOn DEs inDiViDus Et DEs ClassEs D’âgE auXquEllEs ils appartiEnnEnt. AVant D’appOrtEr DEs élémEnts DE répOnsE à unE tEllE intErrOgatiOn, rEVEnOns auX DEuX COmpOsantEs inCOntOurnablEs biEn quE paraDOXalEs Du sEntimEnt iDEntitairE : hOmOgénéisEr Et DifférEnCiEr. cEs DEuX COmpOsantEs sOnt En fait pOrtéEs DistinCtEmEnt par lEs DEuX mODèlEs intEr- génératiOnnEls répErtOriés plus haut. La lOgiquE misE En aVant par lE mODèlE Du fOssé DEs génératiOns rElèVE, D’un pOint DE VuE iDEntitairE, Du sOuCi D’hOmOgénéisEr à l’intériEur D’EnsEmblEs biEn Définis : lEs jEunEs, lEs ViEuX, lEs aDultEs. cEttE hOmOgénéisatiOn passE par l’iDEntifiCatiOn à unE CausE, à un grOupE D’appartEnanCE, à unE iDéOlOgiE. Il s’agit D’êtrE pOur Ou COntrE à traVErs CEttE EXigEnCE D’unE rEChErChE DE similituDE, fOnDEmEnt D’un sEntimEnt DE pErmanEnCE appuyé sur DEs iDEntifiCatiOns fOrtEs. NOus sOmmEs là Dans un lOgiquE DE la ClassifiCatiOn Et DE la typOlOgiE : prOfEssiOnnEllE, qualifiantE, sEXuEllE. LE wagOn Dans lEquEl nOus nOus trOu- VOns a DEs COmpartimEnts ; nOus sOmmEs installés En prEmièrE Ou En DEuXiè- mE ClassE, En têtE Ou En quEuE DE train, à un EnDrOit biEn Défini, partagEant aVEC nOs VOisins lEs prOpriétés attaChéEs à CEt EnDrOit. LE brOuillagE DEs âgEs, En rEVanChE, Est bEauCOup plus sEnsiblE au méCa- nismE iDEntitairE OppOsé Et COmplémEntairE, CElui DE la DifférEnCiatiOn. dans CE mODèlE, la rECOnnaissanCE passE par la singularisatiOn DE l’itinérairE DE Cha- Cun. L’affirmatiOn iDEntitairE s’EXprimE à traVErs lE sOuCi DE sE sEntir autrE quE sOn VOisin, DE ViVrE sa DifférEnCE à traVErs un mêmE sEntimEnt D’inDiViDualisa- tiOn. NOus sOrtOns D’unE lOgiquE DE ClassifiCatiOn VOirE DE ClassEmEnt pOur EntrEr Dans unE lOgiquE DE la singularisatiOn Et DE la mOnOgraphiE. LE métrO Emprunté n’a plus DE COmpartimEnts ; nOus nOus trOuVOns Dans unE ramE à ClassE uniquE Dans laquEllE ChaCun pEut CirCulEr à sOn gré, utilisEr sa mObilité 7 pOur sE DéplaCEr En têtE Ou En quEuE DE ramE . entrE CEs DEuX mODèlEs, il y a En guisE DE lOgiquEs iDEntitairEs un éCart Du mêmE OrDrE quE CElui EXistant EntrE lE prêt-à-pOrtEr Du fOssé DEs généra-

7. cEttE métaphOrE Du métrO m’Est suggéréE par l’OrganisatiOn réCEntE En ramE sans COmpartimEnts DE la nOuVEllE lignE DE métrO parisiEn MaDElEinE-BibliOthèquE DE FranCE. cEttE nOuVEllE OrganisatiOn tEChniquE mE sEmblE sOCialEmEnt signifiCatiVE à plus D’un titrE.

tiOns Et lE sur-mEsurE Du brOuillagE DEs âgEs. cEs DEuX lOgiquEs COmplémEn- tairEs Et OppOséEs s’apparEntEnt à la DistinCtiOn intrODuitE par RiCœur EntrE 8 l’iDEntité-idemEt l’iDEntité-ipse, la prEmièrE rEnVOyant au prêt-à-pOrtEr, la sECOn- DE au sur-mEsurE. c’Est DirE quE, aCtuEllEmEnt immErgés Dans lE sECOnD mODèlE, CElui DE l’ipséité Du sur-mEsurE, nOus sOmmEs Entrés Dans unE CrisE DE la DifférEnCia- tiOn. cEttE CrisE prEnD plusiEurs fOrmEs pOur s’EXprimEr : — bOn nOmbrE DE jEunEs Et D’aDultEs ChErChEnt à affirmEr lEur DifférEnCiatiOn pOur fairE rECOnnaîtrE la singularité DE lEur parCOurs : la ValiDatiOn DEs aCquis, lEs bilans DE COmpétEnCE, la pratiquE DEs histOirEs DE ViE, lEs EnjEuX liés à la nOminatiOn DE plus En plus fluCtuantE (patrOnymiquE, familialE, COnjugalE aVEC la COnCurrEnCE EntrE nOms DE jEunE fillE Et nOms maritauX) En sOnt DEs mani- fEstatiOns typéEs ; — Dans lE mêmE tEmps, il y a paraDOXalEmEnt négatiOn DE CErtains marquEurs DifférEnCiatEurs ; lEs anDrOgyniEs D’un Côté, l’hOmOsEXualité VéCuE COmmE unE fOrmE D’équiValEnCE à l’hétérOsEXualité D’un autrE, l’EmprisE sans CEssE CrOis- santE DEs pratiquEs utilisant lEs mêmEs CODEs COmmuniCatiOnnEls, par aillEurs, COnstituEnt autant DE misEs En CausE DE la DifférEnCiatiOn : On VEut affirmEr sOn inDiViDualité En éVitant D’apparaîtrE sEmblablE à autrui tOut En Désirant êtrE équiValEnt ; — il Est aussi DEs situatiOns Où l’On fuit la DifférEnCiatiOn jugéE insuppOrtablE, nOtammEnt Dans tEl Ou tEl COmpOrtEmEnt raCistE, Dans tEllE Ou tEllE fOrmE D’EXClusiOn DélibéréE Ou DE rEjEt. LE brOuillagE DEs âgEs prOprE à nOtrE CulturE pOstmODErnE DOit affrOn- tEr CE prOblèmE lanCinant DE la rECOnnaissanCE par un usagE apprOprié DE la DifférEnCiatiOn ; à un niVEau inDiViDuEl, CE prOblèmE Va s’EXprimEr Dans unE sOuffranCE liéE à un DéfiCit DE rECOnnaissanCE. Ainsi la rECOmpOsitiOn iDEnti- tairE nE rElèVE-t-EllE plus aCtuEllEmEnt D’abOrD D’un uniVErsEl à prOmOuVOir ; CEt uniVErsEl Du fOssé DEs génératiOns qui prEnait alOrs pOur nOm l’intErnatiO- nal fait mêmE sOuVEnt pEur aujOurD’hui Dans sa métamOrphOsE En mOnDiali- satiOn ; On rEDOutE DE sE laissEr aspirEr par tEllE Ou tEllE fOrmE DE mOnDialisa- tiOn Ou DE glObalisatiOn qui mEnaCE DE nOus DissOuDrE. La rECOmpOsitiOn iDEn- titairE Est DOnC D’abOrD tributairE D’unE artiCulatiOn à trOuVEr EntrE singuliEr Et pluriEl qui témOignE DE l’émErgEnCE DE nOuVEllEs fOrmEs DE rECOnnaissanCE.

Perpectives

en CEs annéEs DE fin DE sièClE, lE brOuillagE DEs âgEs nOus apparaît Dans tOutE sOn amplEur, mais il n’Est finalEmEnt quE l’EXprEssiOn DE phénOmènEs

8. P. RiCœur,Soi-même comme un àutRe,Paris, LE SEuil, 1990.

17

18

qui sE DéVElOppEnt biEn En amOnt. A CE sujEt, lE COmmuniCatiOnnEl COntribuE largEmEnt au brOuillagE ; il rEstEra unE tEnDanCE lOurDE CEs prOChainEs DéCEn- niEs. Au COntrairE, lE DéfiCit D’aCtiOn quE nOus aVOns éVOqué plus haut n’Est pas irréVErsiblE mais tributairE DE nOs aCtuEllEs malaDrEssEs ; CEllEs-Ci nOus fOnt rEs- tEr EnCOrE trOp DépEnDants D’anCiEns mODèlEs qui assimilEnt tOutE fOrmE D’aC- tiOn à l’EngagEmEnt prOfEssiOnnEl Et à un EngagEmEnt prOfEssiOnnEl au sEin D’un métiEr Ou D’unE prOfEssiOn. dE lEur Côté, lEs rECOmpOsitiOns DE tEmpO- ralité pEuVEnt êtrE réfléChiEs VErs DEs tEmpOralités mOins aliénantEs, pOur pEu quE nOus prEniOns garDE à CErtainEs COntraintEs tEChniquEs qui instrumEntali- sEnt l’urgEnCE Et l’imméDiatEté. c’Est DOnC D’abOrD sur fOnD DE CiVilisatiOn COmmuniCatiOnnEllE, Dans unE pErspECtiVE DémOgraphiquE tOujOurs malthusiEnnE, quE la prOChainE DéCEnniE Va affrOntEr lE DErniEr aVatar DE la génératiOn « baby bOOm » : CEt aVè- nEmEnt Du « papy bOOm » aVEC un Départ massif au-DElà DEs annéEs 2000-2005 D’unE partiE DE la pOpulatiOn aCtiVE VErs la rEtraitE Et un ChangEmEnt DEs équi- librEs DémOgraphiquEs, sans EnCOrE saVOir DE quOi sEra pOrtEur CE ChangE- mEnt. cE DErniEr sEmblE inéluCtablE, mais COmptE tEnu DEs DifférEnts ingré- DiEnts qui VOnt lE COnDitiOnnEr, nOus En ignOrOns la naturE. PEut-êtrE sEra-t-il à mêmE DE fairE émErgEr un nOuVEau mODèlE DE rElatiOns intErgénératiOn- nEllEs, au-DElà Du fOssé Et Du brOuillagE ?

N ¡ 138