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Culture du pommier à cidre / par Alfred Piquot
«Aimez vos pommiers, soyez-en glorieux et tout ira bien. Le blé et le trèfle se cultivent en grand mais les arbres ne se cultivent qu'en
petit un à un»
I
RL'OUVRAGE DE M. LE D . DENIS-DUMONT SUR LE CIDRE.
M. le Docteur Denis-Dumont appartient au département de la Manche, où l'usage du vin est à peu près
inconnu, où le cidre est la boisson ordinaire — « J'avais remarqué, dit-il, dès mes premiers pas dans la carrière
professionnelle, l'étonnante unanimité avec laquelle, en pleine Basse-Normandie, mes confrères, jeunes ou
vieux, jugeaient défavorablement le cidre ; — quelques-uns allaient même jusqu'à proscrire cette boisson d'une
manière absolue comme étant réellement nuisible » — « et cependant, ajoute-t-il, en parlant de son pays (la
Hague, où l'on ne boit que du cidre) les habitants étaient grands, sains, robustes, et rappelaient par leur énergie
et leur solide constitution, ces races Danoises et Norwégiennes. » — « Il y avait là une espèce de contradiction »
qui frappa vivement
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l'attention de notre savant compatriote — Un autre fait d'observation vint bientôt redoubler chez lui l'attrait que
lui inspirait cette étude. — « Attaché, dit-il, au service de l'Hôtel-Dieu, où sont dirigés en assez forte proportion les
malades de la contrée atteints d'affections chirurgicales graves, je ne tardai pas à constater qu'une maladie fort
commune dans les pays du vin, la pierre, était extrêmement rare à l'hôpital de Caen — Ce peu de fréquence de la
maladie de la pierre en Basse-Normandie avait bien été reconnu par quelques praticiens et, l'opinion que l'usage
du cidre jouait probablement un certain rôle avait bien quelques partisans ; — mais jusqu'à quel point fallait-il
admettre cette immunité pour notre pays ? — Quel était le rôle exact du cidre ? — Quel était son mode
d'action ? — Jusqu'où s'étendait sa vertu prophylactique ? — Avait-il une valeur thérapeutique quelconque ?.....
Autant de questions sur lesquelles personne ne se prononçait, et pour cause, et dont on chercherait en vain,
même aujourd'hui, la solution dans nos ouvrages classiques » — « Je fus donc en quelque sorte naturellement
conduit à envisager le cidre sous deux aspects différents : — Comme agent prophylactique ou thérapeutique, au
point de vue médico-chirurgical ; — Comme boisson alimentaire, au point de vue de l'hygiène. »
Le concours d'un grand nombre d'observateurs pour la réunion des éléments statistiques était
indispensable — De tous les points de la Basse-Normandie, les renseignements et les faits cliniques n'ont pas
r
fait défaut à M. le D Denis-Dumont : — les témoignages de 117 médecins des
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arrondissements de Caen, Bayeux, Falaise, Lisieux, Pont-l'Evèque, Vire, Mortain, Saint-Lo, Coutances,
Valognes, Cherbourg, etc., ne relèvent depuis 55 à 60 ans, dans toute cette contrée, où le cidre est la boisson
usuelle, que 60 cas, où la maladie de la pierre a été traitée, et encore, sur ces 60 cas, nous remarquons 31 cas
chez des buveurs de vin et 4 cas où des corps étrangers introduits par accident dans la vessie avaient déterminé
cette terrible maladie, qui provoque des « douleurs cruelles, qui nécessite une opération dangereuse, effrayante,
et que le praticien n'a guère plus de chances d'oublier que le patient lui-même. »
rA ces témoignages, qui constituent une vérité scientifiquement démontrée, M. le D Denis-Dumont ajoute
encore une étude approfondie sur les propriétés lithotriptiques du cidre dues à sa composition chimique et à son
action physiologique ; il prouve par les succès qu'il a obtenus dans le traitement de ses malades, l'efficacité du
cidre contre les calculs urinaires et les accidents qu'ils déterminent — Son action favorable sur la goutte — sur
les coliques hépathiques — l'obésité — et l'irrégularité des fonctions intestinales. — L'emploi salutaire du cidre en
bouteille contre les vomissements rebelles et les embarras gastriques. — Le plein succès du cidre là où les
traitements alcalins avaient été impuissants.
Dans la deuxième partie de son ouvrage, l'auteur parle des vignobles qui couvraient la Basse-Normandie au
moyen âge, époque où le cidre y était encore inconnu ; il cite les vignobles de la Manche depuis Mortain et Avranches jusqu'à Surtainville ;
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il parle de la mauvaise qualité des vins Normands, dont un des plus réputés était le vin d'Avranches en vogue
sous le nom de Tranche-Boyaux — Le vin, la bière ou cervoise ne firent définitivement place au cidre qu'au
ecommencement du XVI siècle. D'après le Traité du sidre par Julien de Paulmier, docteur en la Faculté de
Médecine de Paris, d'après le jour qui vient de se faire tout récemment par un vieux manuscrit du sire de
Gouberville dont la fameuse trouvaille est due à l'abbé Tolmer, de Valognes, l'usage du cidre, qui s'établit d'abord
dans le Cotentin, ne remonte qu'à 350 ou 400 ans au plus. — En 1486, dans la paroisse de Lestre, aux environs
de Valognes, s'établissait un gentilhomme espagnol, venant de Biscaye ; il se nommait Dursus, Dursus de
L'Estre. — Ce Dursus de L'Estre, d'après une tradition de famille et d'après le livre de Paulmier, aurait apporté
avec lui de la Biscaye des greffes d'espèces de pommes excellentes et aurait appris à ses nouveaux
compatriotes l'art de fabriquer le cidre. — Les espèces les plus anciennes seraient la pomme de Monsieur, la
Barbarie de Biscaye, la pomme de Marin-Onfroy.
r
M. le D Denis-Dumont revient aux qualités toniques, réconfortantes et nutritives du cidre et nous assure que
l'analyse chimique démontre dans certains cidres plus d'alcool que dans la plupart des vins ; 10, 11 et même 12
0/0 ; les cidres du Cotentin en contiennent 7, 8 et 9 0/0. — Le tanin auquel on fait jouer un rôle si important dans
les métamorphoses nutritives, entre quelquefois dans le cidre dans la proportion de 8, 10, 12 et 13 0/0,
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proportion plus forte qu'elle ne l'est dans beaucoup de Bordeaux et surtout dans les vins de Bourgogne.
Les sommités médicales de Paris, dont nos médecins de province ne subissent que trop l'influence, ont été
forcées enfin de se rétracter après avoir discrédité un peu à la légère notre boisson Normande, qui offre comme
force, goût, qualités, des variétés plus nombreuses que le vin.
Chose curieuse, tant le phylloxera fait de ravages, tant la production du vin augmente en France : — On en
est arrivé à ce point qu'on fabrique aujourd'hui des vins de toutes qualités, de toutes forces, de tous crûs, sans
employer un grain de raisin ! — A l'aide de teintures, de drogues, de mélanges plus ou moins pernicieux on
sophistique un breuvage de façon à dérouter tous les chimistes de la terre.
A l'activité fébrile du vigneron qui gravit les coteaux chargé d'une hotte pleine de terre pour soigner sa vigne ;
aux soins attentifs qu'il porte à la fabrication de son vin, quand on compare l'indolence de nos cultivateurs qui
négligent la culture et l'entretien de leurs pommiers, les maltraitent, les écorchent avec les harnois, leur rompent
les branches, les assomment à coups de gaule en raison de l'abondance des fruits dont ils sont couverts, on ne
peut que s'associer à l'indignation que notre spirituel compatriote éprouve contre une telle incurie, contre cette
routine ignorante et obstinée qui va jusqu'à rechercher l'eau des mares les plus immondes pour la fabrication du
petit cidre afin de l'obtenir plus gras ! — A la mauvaise fabrication
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des cidres viennent s'ajouter les charges exhorbitantes des droits fiscaux ; la spéculation des hôteliers avides
qui gâtent soigneusement leur cidre afin d'amener leurs clients à boire à raison de 2 fr. le litre ces détestables
r
mélanges qui n'ont du vin que la couleur, toutes ces causes, comme l'explique si bien le D Denis-Dumont, font
que l'on corrompt le cidre et que l'on se prête ainsi à entretenir toutes les préventions, toutes les détractions, les
calomnies, les injures que les suppôts du vin ne cessent de dégorger contre un produit si précieux qui, traité avec
plus d'intelligence, ferait notre richesse.
r
Comme agriculteur, nous applaudissons hautement aux procédés exposés par M. le D Denis-Dumont pour la