Disjonction et difference dans l economie culturelle globale
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  • cours - matière potentielle : marchan­
  • cours - matière potentielle : laquclle
CHAPITRE PREMIER Disjonction et difference dans l'economie culturelle globale 11 suffit d'etre un tant soit peu au courant de ce qui se passe aujourd'hui dans Ie monde pour comprendre que celui-ci est devenu un systeme interactif d'un genre tout afait nouveau. Les historiens et les sociologues, notamment ceux qui s'interessent aux processus translocaux I et aux systemes mondiaux associes au capitalisme 2, savent bien que, depuis des siec1es, Ie monde est une masse Mteroc1ite d'interactions agrande echelle.
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Langue Français
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Extrait

CHAPITRE PREMIER
Disjonction et difference

dans l'economie culturelle globale

11 suffit d'etre un tant soit peu au courant de ce qui se passe
aujourd'hui dans Ie monde pour comprendre que celui-ci est
devenu un systeme interactif d'un genre tout afait nouveau. Les
historiens et les sociologues, notamment ceux qui s'interessent
aux processus translocaux I et aux systemes mondiaux associes
au capitalisme 2, savent bien que, depuis des siec1es, Ie monde
est une masse Mteroc1ite d'interactions agrande echelle. Cepen­
dant, il implique aujourd'hui des interactions d'un autre ordre
et d'une intensite nouvelle. Dans Ie passe, les transactions cultu­
relIes entre groupes sociaux etaient en general assez limitees,
parfois du fait de la geographie et de l'ecologie, parfois du fait
d'une resistance active atoute interaction avec I'Autre. Ce fut
Ie cas de la Chine pendant presque toute son histoire, ou du
Japon avant la restauration Meiji. Quand il existait des transac­
tions cuiturelles soutenues entre de vastes parties du globe, il
5'agissait Ie plus souvent du transport au long cours de marchan­
dises (et des marchands qui les accompagnaient), de voyageurs
3et d'explorateurs en tout genre • Avant Ie xx: siec1e, les deux
. rincipales forces pennettant une interaction cuiturelle soutenue
nt ete les guerres (et les systemes politiques a grande echelle
qu'elles ont parfois generes) et les religions revelees qui, dans
, cas de l'Islam par exemple, ont pu considher la guerre comme
.·un des moyens legitimes de leur expansion. Ainsi, entre voya­
~eurs et marchands, pelerins et conquerants, Ie monde a connu
_il trafic culturel sur de longues distances - et de longues
;:~riodes de temps. Cela semble aller de soi.
Mais on ne saurait nier qu'etant donne les problemes de dis­Flux globaux / 63
h2 / Aprds Ie colonialisme
II!" 1111 paradoxe - Ie paradoxe du primordialisme construit.
tance et de temps, etant donne aussi l'aspect limite des techno­
" dl'~I, I'histoire du colonialisme et des nationalismes dialecti­
logies visant au contrale des ressources a travers de vastes
1 \ IIIi'n1 cngendres par lui implique beaucoup d'autres choses 6,
11espaces, les echanges culturels entre des groupes socialement et
Ill)i11 it cst certain que, dans cette affaire, la question des etbni-
spatialement eloignes n'ont ete, jusqu'a ces demiers siecles, eta­
Ii, I l"or1struites est cruciale. blis qu'a grand-peine et maintenus dans Ie temps que par un
I""ldois, la revolution du capitalisme de l'imprimerie, de
effort soutenu. Les forces de gravite culturelle semblaient tou­
111'1111' que les affinites et les dialogues cultureIs qui en ont
jours reculer devant la formation d'recumenismes a grande
I" I,ul~, n'etaient que les modestes precurseurs du monde dans
echelle, qu'ils fussent religieux, commerciaux ou politiques, en
II ,pll I nous vivons aujourd'hui. Car Ie siecle passe a ete Ie
faveur d'accretions a une echelle plus restreinte et aux interets
"illll\ d'une explosion technologique, surtout dans les
plus limites.
It,tll.llIh';S du transport et de l'information, au terme de laquelle
Ensuite, la nature de ce champ gravitationnel semble avoir
I, I Illh.:ractions d'un monde domine par l'imprime semblent
parfois change. En partie du fait de l'esprit expansionniste et des
1'1111 disparu aussi aisement qu'elles avaient ete durement
interets maritimes de l'Occident depuis 1500, en partie a cause '\I":~l~S _ tout comme la revolution de l'imprimerie avait, en
d'un developpement relativement autonome de vastes formations
IHI h"l\lpS, rendues obsoletes les formes precedentes d'echange
sociales agressives dans les Ameriques (les Azteques et les
Ullll . Avec l'avenement des bateaux a vapeur, des automo­
ldIncas), en Eurasie (les Mongols et leurs descendants, les Mog­ i,d,,,,, dcs avions, de la photo, de 1'ordinateur et du telephone,
hols et les Ottomans), dans les iles du Sud-Est asiatique (les '1,,"'1 ;;ommes en effet entres dans un etat completement nouveau
Bugis) et dans les royaumes de l'Afiique precoloniale (par LIt vilisinage, et ce, meme avec les gens les plus eloignes de
exempleau Dahomey), un ensemble d'recumenismes ayant des
ii("I1'1 Marshall McLuhan, parmi d'autres, a cherche a theoriser
points de superposition a commence a emerger, dans lequel les ,_ IIIl11u.le sous Ie terme de «village global », mais il semble
interets heteroclites d'argent, de commerce, de conquete et de 1", ,I qlle de telles theories aient surestime les implications com­
migration ont cree des liens transsocietaux durables. Ce pro­
1IIIIII,IIIlaires du nouvel ordre mediatique 7. Chaque fois que nouS
cessus a ete accelere par les transferts de technologie et les "~111I1l~S tentes de parler de village global, nous devons aussi
innovations de la fin du XVIII" siecle et du XIX" siecle 4, qui ont
"Ill!'; wppeler que les medias cn~ent des communautes «sans 9
mene a la creation d'ordres coloniaux complexes, centres sur les 8 11111111\1 de lieu ». Nous vivons dans un monde rhizomatique ,
capitales europeennes et dissemines a travers Ie monde non euro­
"II" ~;l.:llizophrene, qui fait appel, d'une part, a des theories sur
peen. Cet ensemble intrique de mondes eurocoloniaux (d'abord I, .11'1 ilcincmcnt, 1'alienation et 1'ecart psychologique entre les
les Espagnols et les Portugais, puis essentiellement les Anglais,
1I1,IIvIIIIIS ct les groupes, et, d'autre part, a des reves - ou a des
les Fran9ais et les Hollandais) a pose la base d'un trafic perma­
, III. !I\'l\larS - de proximite electronique. Nous sommes proches
nent des idees de population et d'individu, auquel nous devons I, I tI •• la problematique centrale des processus culturels de notre
les communautes imaginees 5 des nationalismes recents sur toute
\II'i\11G, la planete.
\ Im;i, In curiosit6 qui a pousse Pico Iyer vers l'Asie 10 est a
Avec ce que Benedict Anderson a appele « Ie capitalisme de
I) 1.1111:; 6gards Ie produit d'une confusion entre une ineffable
l'imprime », un nouveau pouvoir s'est repandu dans Ie monde, t\"'I )lll\aldisalion» du monde et Ie jeu beaucoup plus subtil
celui d'une instruction de masse et de son corollaire : une pro­
I. II:ljccloires indigenes de desir et de crainte avec les flux
duction a large echelle de projets d'affinite ethnique dont la 1,111 I.IIII'S dl.: gens ct d'objets. En realite, les propres impres­
11 caracteristique etait d'etre delivres du besoin de communication
1,'11'1 ,,'IYI'\ It'lllOig,lH.:nlllu fait que si un systeme cultureI global
directe en face a face, ou meme d'une communication indirccte
I ,( I II (Iaill d'l'IlH"I)',cr, il l'St lrlln'~ l!'ironies et de resistances,
entre les personnes et les groupes. L'acte dc lire dl~S rhoscs
Plill.I\'; l'll\Il\lltlll'~':1 dllll:: II' 1l1nlllll) asialiqllc SOliS I'apparence de
ensemble a pose la condition d'[lpparit ion dl,; IllOliWllll'Ill~; hll~;l'S Flux globaux I 65
.1 '1"'\" 1(.' <..:vlvnialisme
1950, des habits des annees 1940, des maisons des annees 1930,
b passivite et d'un appetit sans bomes pour les objets occiden­
des danses des annees 1920, etc., ad libitum. taux, .
En ce qui conceme les Etats-Vnis, on pourrait suggerer que L'explication que donne Pico lyer de la mysterieuse affinite
la question n'est plus celle de la nostalgie, mais bien celie d'un des Philippins avec la musique populaire americaine illustre par­
imaginaire sociallargement construit sur des reprises. Jameson
faitement ce qu'est la culture globale de l'hyperreel : les inter­
a eu la force de lier la politique de la nostalgie a la sensibilite pretations philippines de ces chansons populaires sont a la fois
des postmodemes aux marchandises - et sans doute avait-il
plus repandues aux Philippines et, curieusement, plus fideles aux
raison 12. La guerre de la drogue en Colombie resume les suees originaux qu'elles ne Ie sont aux Etats-Vnis actuellement. Vne
tropicales du Viet-nam, avec Olivier North et sa succession de a imiter Kenny Rogers et les nation entiere semble avoir appris
masques - James Stewart dissimule John Wayne, qui dissimule Lennon Sisters, comme si Motown avait engendre un immense
Spiro Agnew, et tous se metaUlorphosent en Sylvester Stallone,
chreur asiatique. Mais « americanisation » est un terme bien pale
qui triomphe en Afghanistan -, satisfaisant ainsi, de maniere pour definir cette situation: d'abord, parce que moins d'Ame­
simultanee, l'envie secrete que l'imperialisme sovietique inspire ricains que de Philippins interpretent a la perfection certaines
;tuX Americains et la reprise, cette fois avec un happy end, de chansons - souvent assez anciennes - du repertoire americain ;

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