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  • cours - matière potentielle : bien après la sonnerie
  • cours - matière potentielle : durant les deux mois d' été
Les voies détournées Sabrina Bardot Blog de l'auteur : Un mot, une phrase, une critique sur ce récit... N'hésitez pas :
  • mauvaises nouvelles
  • mauvaise nouvelle
  • ouvrages scientifiques sur la littérature
  • littérature du xviie siècle
  • tenue de la jeune enseignante
  • amours d'abélard
  • intensité de l'histoire
  • jeune homme
  • jeunes hommes
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Langue Français

Extrait

Les voies détournées
Sabrina Bardot
editionsleda@orange.fr
www.editionsleda.fr
Blog de l’auteur : http://sabrinabardot.centerblog.net/
Un mot, une phrase, une critique sur ce récit...
N’hésitez pas : editionsleda@orange.frNée à Clamecy dans la Nièvre, Sabrina Bardot a fait des
études de Lettres Modernes à Dijon. Après onze ans de danse
classique, elle est forcée d'arrêter suite à des problèmes de
santé qui aboutissent à un handicap invisible. Ces deux
problématiques, la danse, le handicap, en particulier les
formes de handicap invisible, et par extension le "délit
d'apparence" sont au centre de ses écrits. Pour elle, il n'est
d'être diminué que celui dont la pensée est entravée par des
principes moraux douteux. Le handicap est une autre forme
d'être dans le monde, une différence certes, mais non une
fatalité. S'il est obstacle, c'est avant tout le regard des autres
et leur jugement, leur perception erronée du handicap qu'il
faut combattre. Plus généralement, elle aime réfléchir sur
la notion d'identité, l'impact de l'apparence sur l'être, et
inversement.
Aujourd'hui, cet écrivain mêle le dessin, la danse, l'écriture et
son amour de la nature dans ses œuvres. Elle se passionne
pour les danses sociales latines et le flamenco. Attirée par les
pays d'Amérique latine, elle retrouve ses racines en Espagne.
Le Mexique, Grenade, l'Andalousie ou encore sa région
d'origine, El Rebollar, apparaissent de manière récurrente
dans ses écrits. Ce territoire d'évasion est aussi un espace
métaphorique des rêves et le lieu d'épanouissement d'un
autre moi ou d'autres Je. La question du départ, réel ou là
encore rêvé, du changement de cap dans une vie, de la méta-
2morphose, revient lui aussi régulièrement dans ses écrits.
Attachée pendant longtemps à la forme poétique, qu'elle
continue de nourrir, Sabrina Bardot a reçu plusieurs prix
pour des nouvelles, un genre qu'elle apprécie pour l'intensité
de l'histoire et l'exigence stylistique qu'il nécessite. Elle a écrit
également un roman, Fais-moi rêver, et mène actuellement
plusieurs projets dont un roman et un recueil de poèmes.
3La désinvolte
Elle sort du bus et reprend sa démarche alerte et légère,
elle vole à chaque pas. Les mèches de ses cheveux tourbillon-
nent autour de son visage, entraînées par une brise assez
vigoureuse mais chaude qui frappe la ville depuis la veille. La
boulangère la reconnaît, lui fait signe de la main. Elle répond
d’un sourire en lui rendant son salut. La boulangère se dit que
celle-là au moins, elle ne fait pas sa mijaurée, pas comme tous
les autres qui passent devant sa vitrine avant d’ a l l e r
bosser. Toujours guillerette, toujours le petit mot qui va bien.
Un peu trop maquillée peut-être. Mais bon, faut bien que
jeunesse se passe. Elle est bien jolie cette petite-là. Sa jupe
flotte autour de ses jambes, la jeune femme emboîte le pas à
tous les lycéens qui rejoignent comme elle l’établissement
scolaire où ils suivront un cours, où elle fera un cours.
Aujourd’hui, il est question de Valéry Larbaud, Beauté, mon
beau souci, une histoire d’amour frivole d’un jeune homme
pour sa belle-fille… Frivole. C’est le mot qui vient à l’esprit
du proviseur quand il voit la jeune prof de français traverser
la cour de sa silhouette élancée, avec son chemisier léger sous
sa petite veste de daim. « Tout son fric doit passer dans les
frusques à celle-là. Elle s’entendrait bien avec ma femme. Elle
est pourtant agrégée de Lettres, cultivée, instru i t e …
Po u rquoi diantre semble-t-elle agir comme toutes les
4évaporées qui n’ont pas plus qu’un bac moins deux ? » Un
parent d’élève s’est plaint : son fils est tombé fou amoureux.
Mais la tenue de la jeune enseignante est toujours correcte.
Que peut-on ? Elle est jolie, bien mise, souriante et sait faire
preuve d’humour. Le proviseur soupçonne tous les garçons de
la classe d’être dans le même état : aux aguets. Quand allait-
elle se relever un peu, cette petite jupe de crêpe fine, qu’on
voit un peu la cuisse légère de la prof de français qui
évoque à l’instant l’essence même du fantasme : l’interdit et
l’impossible. Une fois réalisé, il n’y a plus de fantasme ! Et
tous les garçons de la classe hochent la tête, résignés. Parfois,
le proviseur circule dans les couloirs, il la voit s’agiter, faire de
grands mouvements amples. Elle lui semble à l’aise partout,
passionnée par son sujet, mais il sait que d’autres prennent
cette aisance naturelle pour de l’arrogance. Trop sûre d’elle.
Trop dégagée. Dilettante aussi. C’est la conseillère principale
d’éducation qui en parlait justement avec la proviseure-
adjointe : « C’est une dilettante, cette femme-là ! » Elle ne
vient pas à certaines réunions, esquisse à peine une excuse
quand elle est en retard. Certains matins, elle surgit en cours
bien après la sonnerie, les traits tirés, le teint blafard, les
mains tremblantes. La gueule de bois ! Je vous dis qu’elle fait
la fête même les soirs de la semaine. Une coureuse en plus.
Souvent, on la voit boire un verre en terrasse avec un homme.
Beau, charmant, l’air intellectuel, amoureux, romantique.
Mais jamais le même. Une allumeuse. Elle badine, un point
c’est tout. Au travail comme avec les hommes.
Le proviseur sourit. Un des boutons détaché du chemisier
laisse apercevoir un balconnet en dentelle rose de confection
5fine. Aubade ou Chantelle, une bonne marque de lingerie
comme son épouse aimerait porter. Avec sa paie de petite prof
échelon 4, mais comment fait-elle ? Elle ne doit rien manger
de la journée, repas frugal, ligne élancée. C’est son secret.
Peut-être pour ça, toutes ces migraines dont elle s’est plainte
en début d’année. Puis plus rien. Elle a dû découvrir un de
ces trucs de substitution, un repas hyperprotéiné que l’on
vend en pharmacie, sans ordonnance. En outre, jamais elle ne
déjeune à la cantine. Elle est étonnante d’énergie pourtant.
Souvent absente, il est vrai. Mais quand elle est là, une vraie
tornade. L’autre jour, au petit cocktail de printemps, elle a
même pris ce ton cavalier avec le président du Conseil
Général, le sommant presque de financer son projet de
publier les travaux d’ é l è ves. Le proviseur était re s t é
estomaqué, lui qui n’avait pas même osé téléphoner, deman-
der des nouvelles du dossier, qui avait été refusé par la
DRAC. Lui, il aurait capitulé. Pas elle : une porte fermée, elle
entre par la fenêtre.
Après la lecture analytique, l’une des dernières de l’année, elle
repasse en revue avec les élèves la liste du bac. Des textes
étonnants, décalés, qui avaient fait lever au ciel les yeux de ses
collègues. Presque aucun classique, pas de tragédie, surtout
pas. Du burlesque, du contemporain, du comique. Amélie
Nothomb et l’autodérision, des textes de Philippe Avron, des
poèmes de Pr é ve rt, quelques chansons de MC So l a a r,
C a u we l a e rt, Pancol, Benacquista. Elle flirte avec les
Instructions Officielles, détourne les consignes. Elle avait
répondu, à un collègue qui s’était offusqué de sa préférence
pour Orwell sur Voltaire : « il faut savoir se faire plaisir, et leur
6faire plaisir. Apprendre pour apprendre, je ne vois pas l’inté-
rêt. Si je m’éclate, ils s’éclateront, et ils apprendront, et retien-
dront. » Il était reparti médusé ! Quelle arrogance ! Le
remettre en place, lui, devant tout le monde, lui, Pierre
Cernad, que l’on présentait aux autres comme un ponte de
l’enseignement littéraire, qui avait contribué à l’élaboration
de plusieurs manuels, une référence à l’IUFM. L’inspection
lui pendait au nez à celle-là… Cernad s’était promis d’écrire
au rectorat à propos de cette impertinente. La cloche sonne,
justement, elle croise Cernad, il ne la regarde même pas.
Enfin si, quand elle s’éloigne, du coin de l’œil, le dos voûté il
tourne la tête, pour qu’elle ne voie pas. Elle est toute guille-
rette. Bientôt la fin de l’année, elle pense à ses vacances sur la
Côte d’Azur, ou à l’étranger. Du plaisir, du loisir, du futile et
de l’agréable pendant que lui trimerait sur ses cours durant les
deux mois d’été. L’autre jour, à

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