ISRAËL ET LA TURQUIE : UNE ALLIANCE INÉBRANLABLE ? Julie Decroix ...

Liza Blok

Informations

• Publié par: otawazoh
• Nombre de lectures: 209
• Langue: Français

Extrait

  ISRAËL ET LA TURQUIE : UNE ALLIANCE INÉBRANLABLE ? Julie Decroix*   La question de savoir si l’islam politique menace la laïcité turque est une source d’inquiétude récurrente depuis l’arrivée au pouvoir de l’Adalet ve Kalk ı nma Partisi (AKP), qualifié de parti islamiste par ses détracteurs. Elle se pose de manière d’autant plus prégnante aujourd’hui que les récentes élections législatives et présidentielles ont vu la position de ce parti se renforcer considérablement. Mais c’est également le cœur des relations israélo-turques que cette question touche. Traditionnellement proches du fait de leurs valeurs communes et de leur tropisme occidental, Israël et la Turquie doivent dorénavant faire face à de nombreux désaccords politiques, auxquels s’ajoute un sentiment anti-israélien chez de nombreux Turcs. Pourtant, tout laisse à penser que leur alliance, quoique compromise, n est pas encore dans l’impasse. Grâce à l’héritage ’ ottoman, elle est plus solide qu’il n’y paraît.   INTRODUCTION   À première vue, Israël et la Turquie n’ont pas grand-chose en commun. Israël est une jeune démocratie dont l’indépendance est toujours controversée après 60 ans d’existence. Quant à la Turquie, elle se présente comme un État autoritaire, quoique respectueux des institutions laïques héritées de la période kémaliste. Tous deux sont encore dissemblables, entre autres, par leur langue, leur religion, leur situation géographique et leur influence économique. Pourtant, depuis la reconnaissance en 1949 d’Israël par la Turquie – premier État au Moyen-Orient, avec l’Iran, à le faire –, ces deux pays forment une alliance de premier plan dans la région, fondée avant tout sur des valeurs communes et des choix stratégiques convergents, qu’il s’agisse aussi bien de leur environnement régional que du contexte international.   Les relations israélo-turques puisent leurs racines dans ce qui distingue ces deux pays du reste du Moyen-Orient, à savoir leur caractère non-Arabe, démocratique et laïc. De plus, l’ancrage occidental de ces deux alliés des États-Unis a renforcé leur lien, qui s’est considérablement consolidé au fil du temps jusqu’à se transformer en un véritable

partenariat stratégique dans les années 1990. Toutefois, les relations israélo-turques souffrent aujourd’hui de l’influence croissante de l’islam politique sur la société turque, aujourd’hui méfiante de l’Occident et encline au repli sur soi.   De nombreux observateurs ont commencé à craindre un déclin des valeurs laïques turques au moment de l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002. Porté par une classe moyenne émergente, l’AKP, qui se définit comme conservateur et modéré, a toujours été soupçonné de dissimuler des ambitions islamistes. De plus, la controverse provoquée au printemps dernier par la volonté de l’AKP d’imposer son candidat, l’actuel président Abdullah Gul, et son refus de chercher un consensus ont conduit le pays à une situation que beaucoup qualifient de pire crise politique jamais connue par la République turque.   Cette tension entre laïcité et religion n’inquiète pas seulement les Turcs. Elle est devenue le point focal des chancelleries européennes traditionnellement favorables à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne ainsi que des observateurs américains qui soutiennent également la candidature turque. Elle remet par ailleurs en

Journal d’étude des relations internationales au Moyen-Orient, Vol. 3, No.1 (mars 2008) 50