L’étranger dans l’opéra Les musulmans, La Juive et le siècle des Lumières La Juive L’un des éléments les plus intéressants de La Juive est la manière dont les juifs y sont dépeints. Il est évident qu’ils représentent l’étranger. A aucun niveau – racial, religieux, social et économique – ils ne se fondent dans le contexte dans lequel ils évoluent. Pour cette raison, la société catholique ne les tolère pas, du moins dans la vie publique. Mais il semblerait que Scribe et Halévy aient fait preuve d’une bonne dose d’ambiguïté dans leur description du juif Eléazar dans leur opéra. D’une part, il se situe clairement dans la droite ligne du Jew of Malta (le Juif de Malte) de Marlowe et du Merchant of Venice (Le Marchand de Venise) de Shakespeare, un harpagon avide, un fanatique religieux et un père obstiné. D’autre part, il fait preuve d’humanité et de clémence envers sa fille adoptive Rachel. Il est prêt à la laisser épouser Léopold, son amant chrétien et même à lui sauver la vie à la fin de l’opéra. Ce sont deux univers qui s’affrontent. La description emphatique de la Constance médiévale de Scribe semble annoncer un Eléazar digne de Marlowe et de Shakespeare, tandis que Fromental Halévy, son frère Léon et le ténor Adolphe Nourrit en font un personnage plus éclairé. Les circonstances et les ambitions personnelles jouent certainement un rôle, comme l’émancipation de Halévy, juif libéral, dans la société française de 1830.