« Point de vue d un canoniste sur le mariage en Droit français »
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« Point de vue d'un canoniste sur le mariage en Droit français »

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  • exposé - matière potentielle : des motifs
  • cours - matière potentielle : du xixe siècle
1 INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS Faculté de Droit canonique Journée d'étude sur « L'initiation canonique et pastorale à la préparation au mariage » Samedi 19 novembre 2011 « Point de vue d'un canoniste sur le mariage en Droit français » Philippe GREINER Doyen de la Faculté de Droit canonique de l'Institut catholique de Paris Dans un document de 1977, la Commission théologique internationale, dépassant le seul contexte français, indiquait : « Dans une société pluraliste, l'autorité de l'Etat peut imposer aux fiancés une formalité officielle qui rende publique devant la société politique leur condition d'époux […].
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Langue Français

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INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
Faculté de Droit canonique
Journée d’étude sur
« L’initiation canonique et pastorale à la préparation au mariage »
Samedi 19 novembre 2011

« Point de vue d’un canoniste sur le mariage en Droit français »

Philippe GREINER
Doyen de la Faculté de Droit canonique
de l’Institut catholique de Paris

Dans un document de 1977, la Commission théologique
internationale, dépassant le seul contexte français, indiquait : « Dans une
société pluraliste, l’autorité de l’Etat peut imposer aux fiancés une formalité
officielle qui rende publique devant la société politique leur condition d’époux
[…]. Il faut cependant en instruire d’une manière adéquate les fidèles
catholiques, cette formalité officielle que l’on appelle couramment mariage
1civil ne constitue pas pour eux un mariage véritable » . Une telle déclaration
qui peut constituer un point de départ pour une réflexion canonique sur le
mariage civil, nous appellera d’abord à considérer la mise en place historique
du mariage civil en Droit français au regard de la doctrine et de la canonicité
catholiques (I), et à nous interroger ensuite sur l’étendue de la prise en compte
du mariage civil par l’Eglise (II).



1
Commission théologique internationale, « La doctrine catholique sur le sacrement du mariage », 1977, in
Textes et documents (1969-1985), Paris, Cerf, 1988, p. 183.
1
I – LA MISE EN PLACE DU MARIAGE CIVIL EN DROIT FRANÇAIS AU REGARD DE
LA DOCTRINE ET DE LA CANONICITE CATHOLIQUES
Sous l’Ancien Régime, le droit séculier suivait les préceptes de la
religion catholique au sujet du mariage, même si le pouvoir séculier a rogné
progressivement sur les compétences de l’Eglise en la matière. Depuis le début
du XVIIe siècle, les parlements français, s’appuyant sur des canonistes gallicans
ont ainsi entendu affirmer leurs prérogatives en considérant que le mariage est
un contrat, et que, pour cette raison, comme tout contrat, il relève des princes
séculiers. A la fin du règne de Louis XIV, une explicitation significative avait été
donnée par le chancelier Louis Phélypeaux de Pontchartrain, dans une lettre
qu’il écrivit en 1712 au Premier Président du Parlement de Besançon. Dans
cette lettre, Pontchartrain reconnaissait au Prince, un « pouvoir direct sur le
contrat, parce que, disait-il, le prince seul peut en régler la nature et les
conditions » ; et à ce même Prince, Pontchartrain reconnaissait également un
pouvoir « indirect sur l’administration du sacrement, parce que, disait-il, le
contrat étant la matière du sacrement, si le contrat est nul, le sacrement n’a
2plus de matière à laquelle on puisse l’appliquer » . Comme le relève Jean
Gaudemet, cela revenait à « affirmer la compétence exclusive du pouvoir
séculier sur le mariage, en tant que contrat », et à « subordonner le sacrement
3au contrat » . Plus tard, Robert Joseph Pothier, dans son Traité du contrat de
mariage publié pour la première fois en 1771 reprendra la même idée en disant
que le mariage est « le plus excellent et le plus ancien de tous les contrats. […]
4C’est celui qui intéresse le plus la société civile » (n° 1) . Ceci n’empêchait pas
Pothier de reconnaître à l’Eglise une autorité en matière de mariage, mais,
n’ignorant pas que les décrets du concile de Trente n’avaient pas été reçus en
France, il affirmait que si l’Eglise a bien compétence en matière sacramentelle,
les empêchements établis par elle en matière de mariage « seraient sans effet
sur le contrat, si le Prince ne leur avait son approbation en les recevant dans
ses Etats » (chap. III, art. 2). Quant au prêtre, Pothier admettait qu’il est plus
qu’un simple témoin. Il reconnaissait même qu’il est « le ministre des

2
L-P. de PONCHARTRAIN, Lettre au Premier Président du Parlement de Besançon, 3 septembre 1712,
e
reproduite in P.-A MERLIN, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 5 éd., t. XVIII, « Libertés de
l’Eglise gallicane », Bruxelles, H. Tarlier, 1827, § 3, p. 290-292.
3
J. GAUDEMET, Le mariage en Occident, les mœurs et le droit, Paris, Cerf, 1987, coll. Histoire, p. 325.
4
R. J. POTHIER, Traité du contrat de mariage par l’auteur du traité des obligations, 2 vol., Paris, Debure Père,
Orléans, Rouzeau-Montaut, 1771.
2
solennités » mais en indiquant que les conjoints sont eux « les ministres quant
à ce qui est de la substance du mariage » (n° 353). Et Pothier résumait sa
pensée en disant : « le mariage que contractent les fidèles, est tout à la fois un
ercontrat civil et un sacrement » (Chap. III, art. 1 ).
Si l’application au mariage de ces conceptions gallicanes a
constitué une étape notoire, il convient d’observer que la véritable
5sécularisation du mariage est apparue durant la période révolutionnaire . Cette
sécularisation est d’abord passée par l’affirmation du caractère exclusivement
contractuel du mariage et son enregistrement par un officier de l’état civil.
C’est ainsi que la Constitution du 3 septembre 1791 précise : « La loi ne
considère le mariage que comme un contrat civil » (Titre II, art. 7). Quant à la
mise en place de l’état civil, elle découle de la loi du 20 septembre 1792. Mais à
cette époque, le rôle de l’officier d’état civil se limitait effectivement à un
simple enregistrement du mariage. Soucieux de favoriser la multiplication des
mariages en rendant l’institution plus accessible et plus simple dans sa
réalisation, le législateur révolutionnaire privilégiait de la sorte le caractère
purement déclaratif de la forme civile du mariage. Ce simple enregistrement
avait pour effet de dissocier « les deux actes constitutifs du mariage, c’est-à-
dire le contrat, source du lien matrimonial, et l’état de mariage qui en résulte,
6source des droits et devoirs respectifs de chacun » des époux . Nous
retiendrons surtout que les révolutionnaires entendaient remplacer un mariage
célébré in facie ecclesiae par un mariage enregistré devant l’officier d’état civil.
èmeUn nouveau pas fut rapidement franchi avec l’élaboration du 3 projet de
Code civil de Cambacérès de messidor an IV qui ne concevait plus l’idée d’un
simple enregistrement du mariage mais introduisait celle d’une véritable

5
A l’extrême fin de l’Ancien Régime, Louis XVI, par l’édit de Versailles du 7 novembre 1787, avait cependant
accordé une forme civile du mariage, comme alternative à la forme canonique, pour les protestants qui
refusaient de se marier devant un curé catholique. Il est intéressant d’observer que le pape Benoit XIV, un
siècle plus tôt, avait déjà admis la validité du mariage sans la forme canonique des protestants des Provinces
fédérées de Belgique. Il appliquait la même règle pour les mariages mixtes célébrés dans ces Provinces. Voir
BENOIT XIV, Déclaration « Matrimonia quae in locis », 4 novembre 1741, in Denzinger, n° 2515-2520 ; voir J.
GAUDEMET, « Traditions canoniques et philosophie des Lumières dans la législation révolutionnaire : Mariage
et divorce dans les projets de Code civil », in J. GAUDEMET, « Droit de l’Eglise et société civile (XVIIIe-XXe
siècles), Revue de Droit canonique, hors série, 1998, p. 71-81.
6
F. FORTUNET, « De la loi du 20 septembre 1792 à l’article du Code civil : la volonté en actes… de mariage », in
Mariage-mariages, actes du colloque tenu les vendredi 9 mai 1997 (Palais du Luxembourg), et le samedi 10 mai
1997 (Faculté Jean Monnet de Sceaux), organisé par l’ Association française d’anthropologie du Droit, la Faculté
Jean Monnet de Sceaux et le Centre Droit et sociétés religieuses de l’Université de Paris-Sud XI, p. 154.
3
« célébration civile du mariage ». La différence était que, cette fois, il n’y avait
plus dissociation entre la déclaration de mariage et les droits et devoirs qui
reviennent à ceux qui entrent dans l’état de mariage. La prise en compte de ces
droits et devoirs des époux dans la célébration civile du mariage allait alors
reposer sur les principes d’une morale laïq

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