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Description

Niveau: Supérieur

  • exposé


- Académie des Sciences morales et politiques OBSERVATIONS prononcées à la suite de la communication de M. Michel Albert (séance du lundi 9 décembre 2002) Gérald ANTOINE : Vos propos ne concernent-ils pas avant tout les entreprises et assez peu les moyennes et petites ? Vous avez parlé de « financiarisation ». Le grammairien n'a rien contre ce mot compliqué, fort bien fait au demeurant. Mais ne passe-t-on pas en ce moment même, particulièrement en Amérique, d'une financiarisation de type bancaire à une financiarisation de type boursier ? Permettez-moi de citer un exemple : le président d'une grande entreprise de logiciels, dont je tairai le nom, déclare un jour devant son conseil d'administration : « Je ne peux pas vous garantir pour le semestre prochain des résultats égaux à ceux que nous venons d'obtenir. » Le lendemain : chute spectaculaire des actions de cette entreprise à la Bourse. Instruit par ce précédent, le même responsable a déclaré il y a quelques jours : « Je ne vous garantis rien pour le semestre prochain, mais je peux vous annoncer que nous avons trois énormes contrats en négociation, et qu'ils ont toutes les chances d'aboutir. » Le lendemain : montée spectaculaire du cours de l'action. Je reste personnellement décontenancé par une telle variabilité, fort éloignée du développement durable. Vous avez évoqué in fine la part prise dans ces grandes affaires par les syndicats et nous avons loué l'une de leurs représentantes françaises les plus connues, Nicole Notat.

  • convergence d'intérêts du monde syndical

  • côté des objectifs

  • entreprise

  • modèle partenarial

  • mouvement syndical

  • défense des intérêts des travailleurs

  • sociétés anglo

  • développement durable


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Publié le 01 décembre 2002
Nombre de lectures 35
Langue Français

Extrait

Les banques centrales
par Michel ALBERT
Ce colloque sur lÕavenir des entreprises publiques comporte cinq exposÈs. Les sujets de tous ces exposÈs comportent lÕexpression gÈnÈrale dÕÒ entreprises publiques Ó (au pluriel), ‡ lÕexception dÕun seul, celui qui mÕest attribuÈ et qui prÈsente, lui, un caractËre sectoriel : Ò Les banques centrales Ó. Cette particularitÈ me paraÓt significative pour deux raisons. La premiËre est que les banques centrales constituent en effet une catÈgorie particuliËre dÕentreprises publiques qui nÕa pas dÕÈquivalent dans les autres secteurs. En ce sens notamment que lÕÈvolution des banques centralesrenforce leur caractËre dÕinstitutions publiques. Ce sera mon premier point. En second lieu, je tenterai de montrer que le rÙle des banques centrales nationales est, paradoxalement, de plus en plus important en dÈpit du processus demondialisationde lÕÈconomie. Il me semble que la BCE ne fait pas exception ‡ cette rËgle. I)Mais avant dÕaborder ces dÈveloppements, je voudrais donner quelques indications sur la notion mÍme de Ò Banque centrale Ó, expression dont notre prÈsident de sÈance, Pierre Tabatoni mÕa Ëme appris quÕelle a ÈtÈ inventÈe au 19 siËcle par lÕÈconomiste franÁais LÈon Aucher. Cette notion de Ò Banque centrale Ó nÕest ni simple, ni stable. Je me bornerai donc ‡ suggÈrer lÕesquisse de dÈfinition suivante : une Banque centrale est lÕautoritÈ publique chargÈe : II)de contrÙler le financement de lÕÈconomie, notamment en assurant lÕÈmission des billets de banque et en octroyant des crÈdits aux banques commerciales dans le cadre de la politique monÈtaire ; III)de surveiller et gÈrer les systËmes de paiement liÈs en particulier ‡ la compensation des chËques et des virements interbancaires ; IV)et, dans certains pays, de surveiller la soliditÈ du systËme bancaire et financier.
Ainsi, les banques centrales, crÈÈes ‡ lÕorigine pour des motifs assez diversifiÈs, ont-elles toutes aujourdÕhui la mÍme mission essentielle qui consiste ‡ Ò garder la monnaie Ó, cÕest ‡ dire prÈserver la stabilitÈ monÈtaire.
I - LÕÈvolution ‡ long terme des banques centrales a renforcÈ leur caractËre dÕinstitution publique
I/1.La plus ancienne banque centrale est la Banque de SuËde crÈÈe en 1656, suivie de prËs par la Ò Vieille Dame Ó de la City de Londres, crÈÈe en 1694. Depuis trois siËcles, presque tous les …tats se sont progressivement dotÈs dÕune banque
centrale. En 1900, 18 …tats seulement lÕavaient fait, soit ‡ peine plus de la moitiÈ. AujourdÕhui, il y a 172 banques centrales pour environ 200 …tats.
I/2.LÕÈconomie moderne est une Èconomie de marchÈ fondÈe sur le libre jeu de la concurrence et, de plus en plus sur la propriÈtÈ privÈe des entreprises. Depuis une vingtaine dÕannÈes surtout, on assiste ‡ un mouvement mondial de privatisation. Par rapport ‡ cette Èvolution gÈnÈrale vers lÕÈconomie de marchÈ et les privatisations, lÕhistoire des banques centrales prÈsente un caractËre doublement paradoxal : elles sont passÈes dÕun rÈgime de concurrence ‡ un rÈgime de monopole dÕÈmission et dÕun statut de sociÈtÈ privÈe ‡ un statut dÕautoritÈ publique.
I/2-1.Au cours du XIXËme siËcle, lÕusage du billet de banque se dÈveloppe rapidement mais, dans la plupart des pays, lÕ…tat nÕen assure pas directement lÕÈmission. Plusieurs banques commerciales obtiennent le privilËge dÕÈmettre des billets sur des zones gÈographiques dÈlimitÈes ou sur certaines coupures dÈfinies. Aussi, dans un mÍme pays, les banques dÕÈmission ont tendance ‡ se multiplier avec lÕusage croissant du billet de banque dans les Èchanges, provoquant ainsi la juxtaposition de plusieurs dizaines de billets diffÈrents dans un mÍme pays
Ainsi , la Banque de France crÈÈe il y a tout juste 200 ans, le 26 janvier 1800 nÕÈtait, ‡ lÕorigine, quÕun comptoir dÕescompte parisien, parmi dÕautres et subit la concurrence de trois autres Ètablissements qui Èmettent aussi des billets. Elle demeure soumise ‡ un rÈgime de concurrence jusquÕ‡ la RÈvolution de 1848 o˘ elle obtient le monopole national dÕÈmission des billets. Dans le mÍme sens, le cas le plus spectaculaire est celui des …tats Unis. La Banque FÈdÈrale de RÈserve nÕa ÈtÈ crÈÈe quÕen 1913. En 1912, 7355 banques privÈes assuraient lÕÈmission des billets de banque !
Au cours de longs dÈbats, la question des normes dÕÈmission, permettant de garantir la confiance indispensable ‡ la valeur et dÕorganiser cette Èmission, est vivement discutÈe. Et, pendant plusieurs gÈnÈrations, un grand dÈbat doctrinal oppose les partisans de la concurrence en matiËre dÕÈmission monÈtaire (Free banking) aux partisans du monopole (Central banking). Je ne connais aucun secteur dÕactivitÈ Èconomique et financier o˘ la victoire des seconds sur les premiers, celle du monopole sur la concurrence, ait ÈtÈ aussi complËte.
Pour en prendre la mesure, il faut ajouter que ce privilËge dÕÈmission ‡ caractËre monopolistique a ÈtÈ renforcÈ partout par son corollaire, la rËgle du cours lÈgal (cours forcÈ) dotant les billets de la Banque centrale dÕun pouvoir libÈratoire illimitÈ. CetterËgle impose des exigences de garantie beaucoup plus fortes et crÈe une tendance gÈnÈrale ‡ lÕunification de lÕÈmission au profit dÕun seul Institut qui, de fait, dominera les autres banques.
On notera au passage le caractËre rÈgalien du vocabulaire ici employÈ : monopole public, privilËge dÕÈmission, cours lÈgal, cours forcÈ. Alors que lÕÈvolution gÈnÈrale de lÕÈconomie tend ‡ Èliminer les monopoles au profit de la concurrence. CÕest le contraire qui sÕobserve en ce qui concerne les Banques centrales. CÕest un premier paradoxe.
I/2-2.Le second paradoxe renforce la portÈe du premier. ¿ lÕorigine, la plupart des banques centrales Ètaient des sociÈtÈs privÈes. Or, parallËlement au triomphe du monopole sur la concurrence dans ce secteur, on constate que le courant principal de lÕÈvolution de leur statut a fait que les banques centrales ont progressivement ÈtÈ nationalisÈes, y compris dans des pays qui comptent, en gÈnÈral, parmi les plus libÈraux et dans la derniËre dÈcennie beaucoup de banques centrales ont acquis leur indÈpendance vis ‡ vis du pouvoir politique.
…rigÈes progressivement en gardiennes de la monnaie, installÈes au cÏur de la circulation monÈtaire et du systËme de paiements, donc des Èchanges Èconomiques, les banques centrales vont ainsi se retrouver soumises aux pouvoirs publics pour sÕen affranchir ensuite.
Ici encore, le cas de la Banque de France est exemplaire. Sous le mÍme statut pendant 130 ans, elle est restÈe une sociÈtÈ privÈe jusqu'en 1936, avec son assemblÈe gÈnÈrale des actionnaires constituÈe par les fameuses Ò 200 familles Ó. CÕest alors que le gouvernement du Front Populaire a lancÈ le slogan Ò il faut que la Banque de France devienne la Banque de la France Ó et donnÈ aux Pouvoirs publics des moyens dÕintervention plus directs dans la gestion de la Banque. La nationalisation nÕinterviendra rÈellement quÕaprËs la seconde Guerre Mondiale, en 1945, pÈriode o˘ le mouvement de nationalisation des banques centrales sÕaffirme, notamment dans les pays comme la Grande Bretagne en 1946 ou les Pays Bas en 1948 sans parler de la Banque centrale dÕAllemagne qui porte le nom, particuliËrement expressif ‡ cet Ègard, de Bundesbank. Les banques centrales ainsi nationalisÈes sont moins des Ò entreprises publiques Ó que des autoritÈs publiques et elles deviennent alors naturellement les instruments de la politique monÈtaire des …tats. En tout cas, il est bien clair que, pour une Banque centrale, le profit ne saurait, en aucune maniËre, constituer un objectif. Ses missions sont des missions de service public.DÕailleurs, en France,le lÈgislateur nÕa pas dÈfini la nature juridique de lÕinstitution Ò Banque de France Ó. CÕest par un ArrÍt du 16 juin 1997, du Tribunal des Conflits que la Banque de France a ÈtÈ dÈclarÈe Ò personne publique Ó.
I/3.En dÈpit de leur caractËre dÕinstitutions publiques, les banques centrales sont de moins en moins soumises au pouvoir exÈcutif car elles sont de plus en plus nombreuses ‡ bÈnÈficier dÕun statut dÕindÈpendance.
Traditionnellement, lÕindÈpendance de la banque centrale est le propre des pays ‡ structure fÈdÈrale (…tats Unis, Allemagne, Canada, Suisse). Or, dans la pÈriode rÈcente, bien des pays unitaires ont rÈformÈ dans le mÍme sens leur Institut dÕÈmission : la Grande Bretagne, la Nouvelle ZÈlande, la SuËde et le Japon par exemple. Mais le grand changement dans ce domaine est imputable au TraitÈ de Maastricht qui pose comme condition premiËre de lÕentrÈe dans lÕeuro une rigoureuse indÈpendance de la Banque centrale. Huit pays sur onze ont d˚ se rÈformer sur ce point. Le cas de la France est ‡ cet Ègard remarquable. En vertu dÕune loi en quelque sorte prÈdestinÈe par sa date, la loi du 4 Ao˚t 1993, le gouvernement avait renoncÈ ‡ tout pouvoir en matiËre monÈtaire. Mais le Conseil
Constitutionnel a estimÈ que cette loi Ètait contraire ‡ lÕarticle 20 de la Constitution : Ò La politique de la France est conduite par le Gouvernement Ó. Il a donc fallu rÈformer la Constitution et voter une seconde loi pour aboutir ‡ er lÕindÈpendance de la Banque de France au 1 janvier 1994.
Comment sÕexplique cette Èvolution gÈnÈrale en faveur de lÕindÈpendance des Banques centrales ? Certes, notre Èpoque a tendance ‡ recourir ‡ des autoritÈs indÈpendantes dans de nombreux domaines (la COB, le CSA, la Commission de la Concurrence, la Commission informatique et libertÈ, la Commission de privatisation par exemple). Mais l‡ nÕest pas lÕexplication essentielle de ce phÈnomËne singulier qui fait quÕun gouvernement se prive dÕune partie importante de son pouvoir, le pouvoir monÈtaire, pour le transfÈrer ‡ la Banque centrale. CÕest parce que de plus en plus, lÕintÈrÍt gÈnÈral de lÕÈconomie nationale lÕexige.
La raison spÈcifique de lÕindÈpendance nouvelle des banques centrales tient au jeu combinÈ de la dÈmocratie et des marchÈs financiers dans une Èconomie financiËre en voie de globalisation. En dÈmocratie, tout gouvernement veut Ítre populaire. Pour Ítre populaire, il est tentÈ de demander moins ‡ lÕimpÙt et de donner plus au peuple. Pour cela, il y a deux moyens : le premier consiste ‡ faire du dÈficit budgÈtaire, mais cela se voit et devient rapidement co˚teux par suite de lÕaccumulation des dettes qui en rÈsulte. Le deuxiËme moyen consiste ‡ crÈer de la monnaie. CÕest plus subtil, mais la vigilance des marchÈs financiers sur ce point est extrÍmement sÈvËre : un excËs de crÈation monÈtaire suscite des tensions inflationnistes et ces tensions inflationnistes sont impitoyablement sanctionnÈes par les marchÈs sous la forme de ce quÕon appelle des primes de taux dÕintÈrÍt et qui constituent en rÈalitÈ des sanctions appliquÈes aux pays laxistes.
CÕest pourquoi les marchÈs favorisent les pays qui acceptent de faire sortir leur Banque centrale du domaine de compÈtences de lÕexÈcutif pour permettre ‡ lÕÈconomie nationale de bÈnÈficier de la confiance internationale.
I/4.¿ partir des annÈes 80, le concept de stabilitÈ de la monnaie devient lÕobjectif final explicite ou implicite, partagÈ ou mÍme unique de la politique monÈtaire. La banque centrale indÈpendante devient alors lÕautoritÈ supÈrieure chargÈe de rappeler aux partenaires sociaux quÕil leur appartient de contenir lÕÈvolution des prix et des salaires et au gouvernement quÕil doit mener une politique budgÈtaire assez rigoureuse pour que la monnaie nationale inspire confiance aux marchÈs internationaux.
La responsabilitÈ de censeur, de surveillant gÈnÈral qui incombe ainsi aux banques centrales est trËs souvent dÈsagrÈable ‡ exercer. Arthur BURNS, ancien PrÈsident de la RÈserve FÈdÈrale disait que le rÙle dÕun banquier central est de retirer les boissons alcoolisÈes avant que les convives ne commencent ‡ Ítre gais : prÈfÈrant sans doute lÕhumour au premier degrÈ, Guido CARLI, gouverneur de la Banque dÕItalie, avait accrochÈ derriËre le fauteuil de son bureau, un tableau reprÈsentant Saint SÈbastien percÈ de flËches.
Le concept mÍme de politique monÈtaire est relativement rÈcent. JusquÕau dÈbut du XXËme siËcle, la monnaie Ètait Èmise en application de rËgles automatiques telles que la convertibilitÈ des billets en or. CÕest surtout ‡ la suite de lÕaccÈlÈration gÈnÈrale de lÕinflation ‡ la fin des annÈes 70 que lÕindÈpendance des banques centrales par rapport ‡ lÕ…tat est apparue comme une condition majeure de la lutte contre lÕinflation, qui sÕexerce conjointement ‡ travers la politique budgÈtaire dÕune part, la politique monÈtaire dÕautre part, laquelle a pour objet dÕouvrir ou de fermer les robinets de lÕÈmission monÈtaire.
Encore ne suffit-il pas que lÕindÈpendance de la Banque centrale lui soit donnÈe par la loi. Il faut quÕelle soit scellÈe par la confiance, la confiance nationale et internationale, qui sÕaccomplit en ce que lÕon appelle la Ò crÈdibilitÈ Ó, cÕest-‡-dire lÕensemble des exigences auxquelles les responsables de la monnaie doivent satisfaire pour rassurer les marchÈs et leur permettre dÕoffrir ‡ lÕÈconomie nationale les meilleures conditions de financement, cÕest-‡-dire, les taux dÕintÈrÍt les plus bas possibles. La crÈdibilitÈ dÕune banque centrale constitue donc un bien public dÕautant plus apprÈciable que fort curieusement, le processus demondialisationde lÕÈconomie renforce le rÙle des Banques centrales nationales.
II - LÕimportance croissante des banques centrales nationales dans lÕÈconomie libÈralisÈe et mondialisÈe.
II/1.Nous avons tous maintes fois lu dans les journaux que les Banques centrales seraient dÈsormais impuissantes ‡ lutter contre les dÈferlements possibles de la spÈculation internationale car elles ne disposent plus de munitions suffisantes pour faire face aux mouvements internationaux de capitaux. Il est bien vrai que les rÈserves mondiales des Banques centrales sont de lÕordre de 2000 milliards de dollars, soit approximativement le volume quotidien des transactions sur le marchÈ des changes. Cela explique lÕÈchec frÈquent de ce quÕon appelle les interventions des Banques Centrales sur le marchÈ des changes, cÕest-‡-dire les achats ou les ventes de monnaie nationale quÕelles pratiquent parfois en vue dÕobtenir son apprÈciation ou sa dÈprÈciation.
Cela contribue assurÈment ‡ expliquer la prudence de la BCE dans ses rÈponses ‡ ceux qui la pressent dÕintervenir pour lutter contre la baisse de lÕeuro. Mais contrairement ‡ ce quÕon prÈtend parfois, cette attitude prudente ne traduit pas une faiblesse propre ‡ la BCE. En effet, le mÍme problËme sÕest posÈ ‡ la FED en 1995 ‡ lÕÈpoque o˘ cÕÈtait le dollar qui avait chutÈ, au plus bas, ‡ un taux infÈrieur ‡ 5 F contre prËs de 7.5 F aujourdÕhui. Or la FED a attendu pour intervenir sur le marchÈ des changes que les Etats-Unis aient pu obtenir par les accords du Plazza et du Louvre, le soutien mutuel de leurs partenaires europÈens et japonais. Ce soutien mutuel Ð il faut le souligner Ð Ètait essentiellement de caractËre philosophique et non matÈriel. Son efficacitÈ sÕest fondÈe, moins sur la puissance de feu utilisÈe, que sur la crÈdibilitÈ des acteurs, et dÕabord sur lÕautoritÈ morale des banques centrales concernÈes.
QuoiquÕil en soit, ce serait une erreur de croire que la mondialisation financiËre aurait pour effet de rÈduire le rÙle des banques centrales. Au contraire, pour comprendre cet apparent paradoxe, il convient de faire un retour en arriËre, ‡ lÕÈpoque du dirigisme et du contrÙle des changes.
II/2.Dans une Èconomie dirigÈe et cloisonnÈe, le rÙle de la banque centrale est secondaire.
Les prix sont alors dans une large mesure rÈglementÈs, sinon contrÙlÈs. Ainsi, quand je suis arrivÈ au CGP en 1976, lÕun des principaux soucis quotidiens du gouvernement Ètait encore de fixer le prix du pain et le prix du beefsteak !A fortiori, dans un tel contexte, le prix de lÕargent est-il lui aussi contrÙlÈ par lÕ…tat : quÕil sÕagisse de financer les besoins publics ou ceux de lÕÈconomie, les taux dÕintÈrÍt sont fixÈs ou du moins contrÙlÈs par le gouvernement. Et cela lui est dÕautant plus facile quÕil exerce Ègalement des contraintes sur les Èchanges extÈrieurs, qui sont soumis ‡ la discipline des droits de douane et des contingents. LÕisolement relatif qui en rÈsulte par rapport aux pays Ètrangers permet de rendre lÕinflation apparemment plus tolÈrable et de traiter le taux de change comme un simple facteur dÕajustement. Le Franc franÁais a ainsi ÈtÈ dÈvaluÈ quatorze fois entre 1945 et 1983.
Pour toutes ces raisons, dans lÕÈconomie dirigÈe et cloisonnÈe de jadis, le pouvoir de la Banque de France, ‡ lÕÈgard du gouvernement, nÕÈtait guËre que de remontrances et dÕobÈissance. CÕÈtait un organe subordonnÈ de lÕappareil dÕ…tat.
Mais, les uns aprËs les autres, tous les pays dÈveloppÈs ont ÈtÈ conduits ‡ renoncer ‡ ce dirigisme si confortable pour les gouvernements, contraints quÕils Ètaient dÕadmettre quÕon ne badine pas longtemps avec la monnaie.
II/3.Dans ce domaine, je ne connais pas, en dehors de Jean Rueff qui lÕa tant inspirÈ, de prophËte plus Èloquent que le GÈnÈral de Gaulle lui-mÍme : Ò Il sÕagit de la monnaie, critËre de la santÈ Èconomique et condition du crÈdit, dont la soliditÈ garantit et attire lÕÈpargne, encourage lÕesprit dÕentreprise, contribue ‡ la paix sociale, procure lÕinfluence internationale, mais dont lÕaffaiblissement dÈchaÓne lÕinflation et le gaspillage, Ètouffe lÕessor, suscite le trouble, compromet lÕindÈpendance ; je donnerai ‡ la France un franc modËle, dont la paritÈ ne changera pas aussi longtemps que je serai l‡ et que mÍme, malgrÈ les mauvais coups portÈs ‡ notre pays au printemps de 1968 par lÕalliance des chimËres, des chantages et des l‚chetÈs, je maintiendrai jusquÕau bout gr‚ce aux Ènormes rÈserves de devises et dÕor que la confiance aura, en dix ans, accumulÈes dans nos 1 caisses.Ó
Et encore : Ò LÕinflation nÕÈtant quÕune drogue qui, par phases alternÈes dÕagitation et dÕeuphorie, mËne la sociÈtÈ ‡ la mort Ó.
1 De Gaulle,MÈmoires dÕEspoir Ð Le renouveau(1958-1962) page 143-144
II/4.Cette vision prophÈtique est chaque jour davantage vÈrifiÈe par le nouveau contexte de lÕÈconomie mondiale libÈralisÈe et globalisÈe. Dans ce type dÕÈconomie, o˘ nous sommes irrÈversiblement entrÈs, lÕ…tat perd toute possibilitÈ dÕutiliser les outils du dirigisme. Les rËgles de lÕOMC ont ÈliminÈ presque tous les contingents et droits de douane. Les prix rÈsultent de la concurrence internationale et les taux dÕintÈrÍt Ñ surtout les taux dÕintÈrÍt ‡ long terme, ceux qui dÈterminent lÕinvestissement et donc la croissance Ñ sont fixÈs par le marchÈ mondial qui constitue le gendarme permanent de la politique des …tats.
Cette mondialisation progressive a ÈtÈ particuliËrement efficace dans lÕUnion europÈenne parce que celle-ci sÕest construite essentiellement autour des quatre libertÈs de circulation : la libertÈ de circulation des produits, des services, des capitaux et des hommes.
Cette grande transformation de lÕÈconomie dirigÈe et cloisonnÈe en direction dÕune Èconomie libÈralisÈe et globalisÈe a rendu impÈrative la stabilitÈ des prix et confÈrÈ, par consÈquent, une importance considÈrablement accrue au rÙle des Banques centrales. Alors que leurs moyens dÕaction sont dÕailleurs sensiblement rÈduits si on les compare ‡ lÕarsenal rÈglementaire dont elles disposaient jusquÕau dÈbut des annÈes 80, (encadrement du crÈdit, rÈglementation des taux) ou sur lequel elles pouvaient sÕappuyer comme le contrÙle des changes. Dans le systËme financier actuel de globalisation et dÕinternationalisation, la variation des taux dÕintÈrÍts et les rÈserves obligatoires sont les seules armes des Banques centrales dont lÕeffet dÈpend trËs largement de la crÈdibilitÈ que doivent avoir les autoritÈs monÈtaires.
II/5.Leur rÙle nÕest pas seulement technique, ni Èconomique. Il y a une nouvelle Èthique mondiale qui se fonde sur la stabilitÈ des prix et se diffuse par lÕintermÈdiaire des Banques centrales puisque la stabilitÈ des prix constitue un objectif essentiel pour toutes les Banques centrales. La portÈe Èthique de leur rÙle ‡ cet Ègard peut Ítre rÈsumÈe comme suit : la monnaie est la garantie des Èchanges. Tout Èchange est un contrat, une promesse qui doit Ítre tenue. La stabilitÈ monÈtaire est nÈcessaire pour que cette promesse se rÈalise sans que lÕinflation altËre les rapports entre crÈanciers et dÈbiteurs.
II/6.Ce nÕest donc pas par hasard que Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, est aujourdÕhui lÕun des FranÁais les plus cÈlËbres, non seulement ‡ lÕintÈrieur, mais au plan mondial. Or, il y a vingt ans, presque personne ne connaissait le nom du Gouverneur de la Banque de France.
Et que dire de lÕincomparable prestige dÕAlan Greenspan ! Son gÈnie nÕest pas seulement un gÈnie financier. Il repose aussi sur un vÈritable courage et sur une extraordinaire subtilitÈ dÕexpression qui fait lÕadmiration de milliers dÕexÈgËtes sur tous les marchÈs du monde. Alan Greenspan a dÈclarÈ un jour que les marchÈs boursiers Ètaient portÈs par une certaine Ò exubÈrance irrationnelle Ó. Ce jour-l‡ a quelque chose dÕhistorique.
II/7.Vous vous attendez probablement ‡ ce que je sois moins enthousiaste ‡ propos de la Banque Centrale EuropÈenne, compte tenu de la baisse de lÕeuroÉ Certes !
Et pourtant la BCE est dotÈe dÕune trËs robuste constitution fÈdÈrale. Son degrÈ dÕindÈpendance est mÍme unique au Monde, puisque dans tous les pays, le statut de la Banque centrale peut Ítre modifiÈ par la loi, alors que dans lÕUnion EuropÈenne, il y faudrait un traitÈ ratifiÈ ‡ lÕunanimitÈ des 15 pays membres !
Mais, on ne peut Ítre indÈpendant quÕ‡ lÕÈgarddÕautru.iOr, contrairement ‡ toutes les autres Banques centrales, la BCE est un organe fÈdÈral constituÈen dehorsde toute fÈdÈration ou union politique. Elle nÕa pas de vis-‡-vis, de partenaire, pas dÕautrui politique. LÕEuro 11, institution informelle o˘ se concertent les ministres des finances des 11 pays, peut juste Ítre considÈrÈ comme un embryon de Ò gouvernement Èconomique Ó et le Parlement europÈen devant lequel doit se rendre le prÈsident de la BCE 4 fois par an nÕa aucun pouvoir sur la BCE.
La BCE se retrouve donc la seule institution europÈenne ‡ dÈtenir un outil de politique macro-Èconomique, le taux dÕintÈrÍt, mais seule aussi, pour conduire la partie monÈtaire dÕune politique financiËre dont lÕaspect budgÈtaire demeure toujours ‡ construire.
Voil‡, me semble-t-il, un thËme de rÈflexion particuliËrement actuel pour nous au moment o˘ la France va devenir pour six mois le pays prÈsident de lÕUE.
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