Alexandre Dumas et son Voyage de Paris à Cadix, ou comment (s ...

Mazoyer

Informations

• Publié par: uxyxijed
• Nombre de lectures: 255
• Langue: Français

Extrait

Alexandre Dumas et son Voyage de Paris à Cadix, ou comment (s’)amuser  

      Un essai de typologie sommaire portant sur les récits de voyages en Espagne conduirait probablement à estimer que, entre le temps des Lumières au XVIII° siècle et l’époque romantique, le « moi » des auteurs se manifeste, dans leurs textes, de façon de plus en plus visible, envahissante, orgueilleuse et péremptoire ; avec une parenthèse toutefois : celle de l’époque de la Révolution française durant laquelle les visiteurs de l’Espagne – il en est, parmi eux, d’imaginaires – es préoccupent plus de critiquer (les institutions, certaines classes sociales, la mentalité des habitants, l’état des lieux…) que d’observer 1 , ce qui revient à dire que les auteurs, souvent porteurs d’un credo et de préjugés reçus en héritage indivis, ne sont que les porte-parole d’un collectif idéologique national. Jusque-là, c’est-à-dire jusqu’à la dernière décennie du XVIII° siècle, les visiteurs français – il en va de même pour les anglais, les allemands ou les italiens -, affectant d’être des observateurs attentifs et impartiaux, et se proposant d’être des informateurs utiles, s’emploient à décrire et comptabiliser, plus qu’à dénoncer ou préconiser. De là, la relative impersonnalité des ouvrages des Français Bourgoing, Peyron, Laborde, des Anglais Twiss, Swinburne, Clarke ou de l’Allemand Fischer. Une fois refermée la parenthèse révolutionnaire, la Guerre d’Indépendance, infiniment plus que la guerre contre la Convention (1793-1795), permet à ceux qui y ont participé (officiers, simples soldats, diplomates, médecins…) de mêler au récit de leurs aventures souvent inouïes leurs observations relatives aux paysages et aux gens. C’est donc l’invasion du récit par la subjectivité, avec une large place faite à l’émotion, au sensationnel et au burlesque. En pleine époque romantique, vers les années 1830-1850, l’essor des récits de voyage à travers le monde et la « mode espagnole » en Europe occidentale ont pour conséquence l’extraordinaire diversification du genre des récits de voyages en Espagne : dans la lignée des ouvrages de Fleuriot, puis de Blanqui, on a, d’un côté, des ouvrages politiques ou de règlements de comptes, d’où le comique est absent puisque n’est admise que l’ironie plus ou moins mordante et fielleuse (marquis de Custine, George Sand, Quinet…) ; dans une positi on médiane se trouve Mérimée avec ses Lettres d’Espagne (1831), qui mêle l’horreur à la dérision, manie l’humour et malmène les préjugés et les modes, comme le fera Dumas, lequel pourrait bien s’être inspiré, pour le fond et pour la forme, de lignes comme les suivantes : Les antiquités, surtout les antiquités romaines, me touchent peu. Je ne sais comment je me suis laissé persuader d’aller à Murviedro voir ce qui reste de Sagonte. J’y ai gagné beaucoup de fatigue, j’ai fait de mauvais dîners, et je n’ai rien vu du tout (Mérimée 1967 : I, 431).   Otons aux récits de Dumas les quelques épisodes et spectacles qui inspirent l’aversion et le sarcasme ; restent les scènes et commentaires divertissants. Voilà qui, aux antipodes de la littérature pamphlétaire et grandiloquente de Custine et de Quinet, ramène au Voyage en   Espagne de Gautier qui, sous bien des aspects, annonce le                                                   1 On songe en particulier aux écrits de Fleuriot et de Massias, étudiés, aux côtés d’autres, par E.   Fernández Herr.