L Histoire d un voyage fait en la terre du Brésil de Jean de Léry - article ; n°1 ; vol.27, pg 27-40
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1975 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 27-40
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 1 005
Langue Français

Extrait

Professeur Jean–Claude
MORISOT
"L'Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil" de Jean de Léry
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1975, N°27. pp. 27-40.
Citer ce document / Cite this document :
MORISOT Jean–Claude. "L'Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil" de Jean de Léry. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1975, N°27. pp. 27-40.
doi : 10.3406/caief.1975.1075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1975_num_27_1_1075« L'HISTOIRE D'UN VOYAGE
FAIT EN LA TERRE DU BRÉSIL »
DE JEAN DE LÉRY
Communication de M. Jean-Claude MORISOT
(Montréal)
au XXVIe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1974.
L'Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, de Jean
de Léry, a connu ces dernières années de nombreuses
rééditions. Le fait, cependant, que l'on en reproduise tou
jours le texte de 1580, tend à dissimuler l'évolution de
l'œuvre, que je voudrais d'abord tenter de retracer. Au
fil des ans, le dessein de Léry a quelque peu varié. Nous
nous en assurerons en confrontant aux deux premières
éditions celle de 1611, la dernière parue du vivant de l'au
teur.
Л
Lorsque l'Histoire paraît en 1578, c'est avec un retard
de vingt ans sur l'événement, puisque l'aventure brési
lienne de Léry remonte à 1557 Í1)- H comparera sa des
tinée à celle de Benzoni (2), qui « estoit en l'aage d'environ
vingt deux ans, quand, à la façon commune des jeunes
(1) Léry consacre une bonne partie de sa préface à expliquer ce retard :
ce n'est qu'en 1563, et à la requête de ses anus, qu'il s est décidé à tirer
de ses notes de voyage, rédigées au Brésil même, un « assez ample dis
cours » ; mais il en perdit tour à tour deux manuscrits, dont il ne retrou
va le premier qu'en 1576
(г) Auteur de l'Histoire nouvelle du nouveau monde. 28 JEAN-CLAUDE MORISOT
gens, il lui print envie de voir le monde, et sur tout d'avoir
cognoissance de ces pays de l'Indie nouvellement trouvez
(...) ь (з). Lui aussi avait vingt-deux ans quand, réfugié de
Bourgogne à Genève, et « écolier de théologie », il décida de
se joindre aux missionnaires calvinistes dont l'amiral de
Villegagnon avait demandé le renfort. Nicolas de Ville-
gagnon, chevalier de Malte, venait de fonder en 1555 une
colonie française, dans la baie de Rio de Janeiro, sur une
île qui de nos jours encore porte son nom. Son aumônier,
le cordelier Thevet, avait été du premier contingent de
colons dans cette « France antarctique » ; et c'est le même
Thevet qui en 1575, dans sa Cosmographie universelle,
accuse les missionnaires réformés entourant Villegagnon,
séditieux et cupides, d'avoir causé le désastre de Fort
Coligny, finalement tombé aux mains des Portugais. Il se
peut donc que l'on doive la publication du Voyage de Léry,
avant tout, à cette nouvelle flambée du débat confessionnel
et politique, autour de l'affaire du Brésil. Si le dessein
premier est de « perpétuer icy la souvenance d'un voyage
fait expressément en l'Amérique, pour establir le pur ser
vice de Dieu » (I, 1) *, — et notons au passage que cette
expédition chez les Tupinamba est le premier exemple
d'une mission protestante, — il importe tout autant de
réfuter les « impostures » de Thevet, et de dénoncer les
« deportements » de Villegagnon. Léry, d'autre part, contri
buait à la célébration des martyrs d'Amérique : ceux de
ses compagnons que Villegagnon a fait mettre à mort, et
dont le supplice est évoqué par d'Aubigné, au livre des
Feux :
Dieu poursuivit Satan et lui fit guerre ouverte
Jusques en l'Amérique, où ces peuples nouveaux
Ont esté spectateurs des faits de nos bourreaux.
S'il sait se déchaîner contre Villegagnon, « Caïn d'Amér
ique », la verve de Léry s'excite bien davantage à l'égard
à la (3) * Les page Édition chiffes, de de l'édition entre 161 1, parenthèses chapitre Gaffarel XXIII. (Pans, dans Lemerre, le texte renvoient 1880), qui au reproduit tome et
le texte de 1580. VOYAGE AU BRÉSIL DE JEAN DE LÉRY 2Ç LE
de Thevet, conteur de « fariboles », « cerveau de vent », —
« l'esprit aussi aigu qu'une boule » !, — dont toute la « co
smographie » ne serait que « friperie » et « peinture ». Dans
le cordelier voyageur, devenu Cosmographe du Roi, Léry
voit l'exemple même d'un grand succès mondain bâti sur
le mensonge. Pour sa propre devise il a choisi, à l'inverse :
Plus voir qu'avoir. Et l'on ne saurait dissocier son livre de
la querelle des cosmographes. Pour parvenir en cour,
Thevet avait eu l'art douteux que dénonce Montaigne :
tel peut avoir quelque particulière science ou experience de
la nature d'une riviere ou d'une fontaine, qui ne sçait au
reste que ce que chacun sçait II entreprendra toutesfois,
pour faire courir ce petit lopin, d'escrire toute la physique (4) .
Thevet n'a demeuré « qu'environ dix sepmaines en l'Amé
rique », note Léry ; or,
à l'ouyr discourir au long et au large, vous diriez qu'il a
(.. ) arpenté toutes les contrées de l'Inde occidentale : à quoy
neantmoins, pour beaucoup de raisons, la vie de dix hommes
ne suffiroit pas .(I, 26-27)
Léry, lui, indique toujours les limites de son expérience,
dans l'espace et dans le temps (il a séjourné dix mois au
Brésil). Ne passera dans son livre que ce qu'il a « veu et
expérimenté ». Il ne pose pas au « cosmographe ».
Telle est en cette première étape, de l'édition de 1578 à
celle de 1580, l'unité du dessein de Léry. A la faveur d'un
« beau sujet », — « l'Inde occidentale, terre du Brésil,
quarte partie du monde, et incogneue des anciens » (I, 73),
— il s'agit de fonder une littérature du regard, et le,
Voyage paraît l'un des premiers efforts de la prose descript
ive. De fait, même s'il n'a pu en explorer que quelques
lieues, le Brésil de Léry représente « tout un monde nou
veau », puisque rien de ce qui s'y voit (faune, flore, sociétés
humaines) ne ressemble aux choses d'Europe. Léry, écri
vain, se trouve à cet égard dans une situation-limite, puis-
(4) Montaigne, Essais (Paris, Gallimard, « Bibl. de la Pléiade », 1950),
p. 242. 3O JEAN-CLAUDE MORISOT
qu'il lui faut donner à voir « des choses que nul n'a possible
jamais remarquées » (I, 36), — que ce soit tapir ou tabac,
colibris ou coton, aliments ou parures des Tupinamba.
La description, qui dans les rhétoriques anciennes n'était
jamais qu'un ornement, devient dans les récits de voyages
l'objet même du discours ; et cette prose qui dessine res
tait à fonder. UHistoire de Léry illustre admirablement
cette problématique (5). Au demeurant, Léry dit craindre
le jugement de « nos François, (...) ayant les oreilles tant
délicates et aymans tant les belles fleurs de Rhétorique »
(I, 35). Lui-même se trouve un langage « rude et mal poli ь
(I, 4). Mais prenons garde : il n'avoue ce défaut que pour
afficher ses vertus. Que le « beau langage » n'aille qu'à
farder le mensonge, tous les auteurs « géographiques » se
plaisent alors à ce poncif ; tel Magalhâes de Gandavo,
qui, en préface à sa description du Brésil, se vante de bannir
« l'artifice des mots » (6). Seule convient aux récits de
voyage, répète Léry, la « vérité dite simplement » (I, 36).
Mais cette sobriété de langage, qui est de règle dans la
littérature géographique du xvie s., ne saurait donc dis
tinguer ce Voyage en terre du Brésil. La singularité de
Léry, au contraire, c'est d'avoir su, tout en accomplissant
avec une rare rigueur le projet descriptif, ouvrir à l'e
xpression d'une sensibilité personnelle ce genre jusqu'alors
sèchement documentaire. Dans l'édition de 1580, l'aspect
affectif est encore plus marqué : telle cette « promenade ь
lyrique, où l'évocation des forêts brésiliennes s'achève

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