PLACE DE L HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES DANS LA FORMATION
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Description

Niveau: Supérieur

  • exposé

  • étude de texte

  • mémoire


PLACE DE L'HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DU SECONDAIRE Dominique TOURNÈS IUFM de la Réunion 1. Introduction a) La problématique Peut-on enseigner les mathématiques en ignorant leur histoire ? Il est vrai que, en un certain sens et à la différence d'autres disciplines, les mathémati- ques se développent en niant leur histoire. Écoutons Christian Houzel1 : « Le travail des mathématiciens est souvent consacré à reprendre des théo- ries anciennes et à les refondre dans un cadre nouveau, à partir d'un point de vue élargi et plus puissant, qui explique mieux des résultats déjà connus et en fait découvrir de nouveaux. La matière des mathématiques, ce sont des théories, soit déjà mathématiques, soit tirées d'autres sciences ; les refon- tes successives que les mathématiques font subir aux théories gomment l'histoire. » Deux de ces entreprises de refonte, parmi les plus ambitieuses et les plus célèbres, sont les Éléments d'Euclide (300 avant J.-C.) et les Éléments de mathématique de Nicolas Bourbaki (depuis 1939). Et, de même que jusqu'au dix-neuvième siècle, on apprenait la géométrie élémentaire dans le texte d'Euclide, dans la seconde moitié du vingtième siècle, de nombreux mathéma- ticiens actuels ont acquis leurs connaissances de base dans le seul traité de Bourbaki. Il semble effectivement que l'on puisse former de bons mathémati- ciens ignorant tout ou presque de l'histoire de leur discipline2.

  • géométrie élémentaire dans le texte d'euclide

  • mathématique

  • lycée appliqués

  • histoire des mathématiques dans la formation des enseignants


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Langue Français

Extrait

LES LAMBROQUINS À LA RÉUNION
Géométrie du quotidien, géométrie de l’infini
Dominique TOURNÈS
IUFM de la Réunion
ans l’île de la Réunion, chacun est familier des lambrequins, ces
garnitures de bois ajourées qui décorent les varangues créoles. Loca-D lement, on les appelle aussi « lambroquins » (orthographe qui
reçoit ma préférence et que j’utiliserai dans la suite) ou encore, de manière
imagée et savoureuse, « dentelle la case ». À l’origine, en Europe, les lam-
brequins étaient des bandes d’étoffe utilisées pour la décoration d’un casque,
d’une cuirasse, d’une galerie de fenêtre ou d’un ciel de lit. Ce furent ensuite
des ornements découpés, en bois ou en métal, bordant un auvent. Sur les
navires, les lambroquins bordaient le toit qui protège le nid-de-poule, lieu où
le timonier tient la roue du gouvernail (cet endroit était aussi désigné par le
mot marin « varangue »). Tout naturellement, c’est par la mer que les lam-
broquins sont arrivés à la Réunion : les charpentiers de marine qui construisi-
rent les premières maisons de l’île ont adapté aux varangues des cases créoles
la décoration des varangues des navires. Depuis, ces dentelles de bois sont
devenues un élément significatif de l’architecture réunionnaise. Outre leur
fonction décorative, elles remplissent une fonction utilitaire : en piégeant les
eaux de ruissellement s’écoulant du toit et en les faisant dégoutter verticale-
ment en avant de la façade, elles protègent cette dernière de l’humidité.
Deux ouvrages d’importance ont, jusqu’ici, été consacrés aux lambroquins
de la Réunion : une passionnante brochure de Jean-Paul Egon (Les Lambro-
quins à la Réunion, CRDP de la Réunion, 1985) et un inventaire technique
des motifs utilisés (Lambrequins, sous la direction de Tony Manglou,
Commissariat à l’Artisanat, Conseil général de la Réunion, 1985). Dans les
deux cas, l’étude, conduite du point de vue de l’architecte ou de l’artisan, est
centrée sur les aspects fonctionnel, décoratif, artistique et symbolique des
lambroquins. Aucun des deux ouvrages ne prend en compte le fait que ces
dentelles de bois, en tant que dessins à motifs répétitifs, appartiennent d’abord
à la géométrie. Il restait donc à décrire la structure mathématique sous-jacente
à ces objets familiers de notre environnement quotidien. C’est ce que je me
propose de faire ici. Je tenterai d’être accessible au plus grand nombre en260 Dominique Tournès
évitant tout formalisme spécialisé. Je limiterai donc mon commentaire au
minimum indispensable, laissant chacun bâtir sa propre théorie par la
contemplation des figures et des photographies.
L’ornementation, sous son aspect premier, consiste en la répétition de
formes. Dans la plupart des situations courantes, une forme élémentaire,
appelée « motif », est reproduite à l’aide de symétries, de manière à engendrer
un « dessin à motifs répétitifs » (qu’on peut appeler aussi « réseau »). Par le
terme générique de « symétrie », je désigne ici toute transformation qui
conserve la forme et les dimensions du motif de base. Les décorateurs ayant
surtout travaillé sur des réseaux à une ou deux dimensions, on fera donc, dans
ce qui suit, de la géométrie plane. Les principales symétries planes sont bien
connues de tous dans la mesure où elles sont étudiées pendant la dernière
année de l’école élémentaire : ce sont les translations (déplacements d’une
distance donnée dans une direction donnée), les rotations (d’un angle donné
autour d’un centre donné) et les réflexions (appelées aussi symétries
orthogonales par rapport à une droite). Aux trois types précédents, il faut
ajouter les symétries glissées, obtenues en faisant suivre une réflexion par une
translation parallèle à l’axe de la réflexion.
translation rotation
réflexion symétrie glissée
Fig. 1. Les quatre types de symétries planes
On peut classer les dessins à motifs répétitifs à partir du nombre de direc-
tions selon lesquelles le dessin est invariant par translation. Si le dessin n’est
conservé par aucune translation, on parle de « rosace ». On trouve, parLes lambroquins à la Réunion 261
exemple, des rosaces parmi les vitraux des cathédrales. Plus près de nous, les
jours de Cilaos sont aussi des rosaces. Seconde catégorie : un dessin invariant
par translation dans une seule direction est appelé une « frise ». C’est le cas
des galons, des pochoirs, des frises décorant certains monuments antiques
comme le Parthénon… ou encore des lambroquins. Enfin, un dessin invariant
par translation dans deux directions est appelé un « pavage ». Le carrelage
d’une pièce, le dessin d’un papier peint mural sont des exemples familiers de
pavages. On peut remarquer que, dans l’ornementation, une rosace est une
figure finie, tandis que les frises et les pavages sont, par essence, des figures
infinies (même si, concrètement, on ne peut en représenter qu’une partie). En
quelque sorte, les frises et les pavages permettent d’introduire une image de
l’infini au sein de la vie quotidienne.
frise (translation dans une direction)
rosace (pas de translation)
pavage (translations dans deux directions)
Fig. 2. Les trois sortes de dessins à motifs répétitifs
Bien entendu, la conception d’un motif de base est totalement libre et offre
au créateur une infinité de possibilités. Par contre, le nombre de façons
d’engendrer un réseau à partir d’un motif de base est limité par des contraintes
très fortes résultant de la structure mathématique de l’ensemble des symétries
du plan. À la fin du dix-neuvième siècle, grâce à la théorie des groupes issue
des travaux de Galois et Abel, les géomètres ont démontré qu’il n’existait que
sept types possibles de frises et dix-sept types possibles de pavages. Il est
intéressant de noter que tous les types théoriques de réseaux plans décrits par262 Dominique Tournès
les savants avaient été découverts beaucoup plus tôt, de façon empirique, par
les artisans. On trouve déjà tous les pavages possibles dans l’ornementation
égyptienne, ou encore dans l’art islamique : c’est ainsi que des carrelages des
dix-sept types peuvent être contemplés à l’Alhambra de Grenade, lieu mythi-
que que tout mathématicien se doit de visiter au moins une fois dans sa vie.
Mais revenons aux lambroquins, qui sont des frises. Les sept types de fri-
ses sont présentés sur la figure 3, accompagnés d’un algorithme permettant de
déterminer à quel type appartient une frise donnée. La codification utilisée est
celle des cristallographes : f signifie frise, m vient du mot anglais mirror
(miroir, ou réflexion) et g vient de la locution anglaise glide reflection
(symétrie glissée) ; le nombre 1 ou 2 représente l’ordre maximum d’une
rotation conservant la frise (1 lorsqu’il n’y a pas de rotation, 2 lorsqu’il y a
une rotation d’ordre 2, c’est-à-dire un demi-tour). Lorsque la lettre m ou g est
placée après le nombre, il s’agit d’une réflexion ou d’une symétrie glissée par
rapport à l’axe de la frise (axe « horizontal ») ; lorsque la lettre m est placée
avant le nombre, il s’agit d’une réflexion par rapport à un axe perpendiculaire
à celui de la frise (axe « vertical »). Le codage fournit, en fin de compte, une
liste minimale de symétries permettant, à partir du motif de base, d’engendrer
le dessin qui sera ensuite reproduit à l’infini par translation.
non
f 1
symétrie glissée ?
non
oui f 1g
réflexion ?
non nonoui f 1m
demi-tour ? réflexion verticale ?
f m1ouioui
non
réflexion verticale ? f 2
oui non
f m2
réflexion horizontale ?
f 2moui
Fig. 3. Algorithme de classification des frisesLes lambroquins à la Réunion 263
Théoriquement, on devrait pouvoir rencontrer sept types géométriques de
lambroquins. J’ai construit, sur la figure 4, ces à partir d’un motif
de base simplifié, mais conforme à l’esprit des motifs réellement utilisés dans
l’architecture créole.
f 1
f 1g
f 1m
f m1
f 2
f m2
f 2m
Fig. 4. Les sept types théoriques de lambroquins
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA264 Dominique Tournès
Trouve-t-on réellement ces sept types à la Réunion ? Pour le

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