Résonances virgiliennes chez André Chénier - article ; n°1 ; vol.53, pg 213-234
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2001 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 213-234
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Millet-Gérard
Résonances virgiliennes chez André Chénier
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2001, N°53. pp. 213-234.
Citer ce document / Cite this document :
Millet-Gérard Dominique. Résonances virgiliennes chez André Chénier. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 2001, N°53. pp. 213-234.
doi : 10.3406/caief.2001.1422
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2001_num_53_1_1422VIRGILIENNES CHEZ RESONANCES
ANDRÉ CHÉNIER
Communication de Mme Dominique MILLET-GÉRARD
(Université de Paris - Sorbonně)
au LIF Congrès de l'Association, le 5 juillet 2000
J'en ferai un quadro. Rendre
cette image et la bien placer..., la
développer. Faire passer cela
dans notre langue (1).
Ce ne sont pas les quelques dizaines de vers latins lais
sés par Chénier qui évoquent le « chaste Virgile » et son
grand art ; il ne suffit pas non plus de relever les réminis
cences textuelles, innombrables, comme l'a fait dans sa
savante édition Louis Becq de Fouquières(2) : elles sont
certes un indice thématique, la preuve d'une imprégnat
ion virgilienne qui peut faire aujourd'hui l'objet de notre
admiration, mais n'était pas à l'époque d'une si grande
rareté ; on peut songer aux vers longtemps dépréciés de
celui que l'on baptisa « l'abbé Virgile », traducteur si
célèbre des Géorgiques que la tradition lui attribua ensuite
(1) Cité par Emile Faguet, André Chénier, Paris, Hachette, 1902, p. 20.
(2) Poésies de André Chénier, édition critique par L. Becq de Fouquières,
Paris, Charpentier, 1862. Réimpression de la seconde édition, corrigée
[1872], en Poésie / Gallimard, 1993. 214 DOMINTQUE MILLET-GÉRARD
celle des Bucoliques qui n'était pas de sa plume (3) ! Mais il
semble que la qualité virgilienne de certains vers de
Chénier soit beaucoup plus subtile et difficile à cerner. Le
paradoxe est qu' « André, le français byzantin »(4), tout
aussi prompt, et peut-être plus, à citer et évoquer les
Grecs que les Latins, crée, dans ses meilleures réussites,
un vers français qui est incontestablement plus latin que
grec, et plus virgilien que catullien ou horatien. Il s'agit là
d'une impression, maintes fois relevée (5), jamais vérit
ablement explicitée, tant elle ressortit à ce qu'il y a de plus
apparemment insaisissable, inexprimable dans le charme
poétique, le carmen précisément tel que l'entendait Virgile.
Nous essaierons donc ici d'empiéter sur le cercle magique,
de faire dire à quelques beaux vers d'André Chénier ce
qu'ils ont de spécifiquement virgilien dans leur tonalité,
leur résonance - autant de métaphores musicales néces
sairement inadéquates que nous tenterons d'affiner. Les
études sur cette question sont peu nombreuses. Dans sa
monographie consacrée à Chénier, Jean Fabre déplorait,
en 1965, « l'indigence presque totale d'études spécialisées
dans le domaine de la langue, du style, de la
versification (6) » ; elles ne sont pas tellement plus
nombreuses sur Virgile (7) ; nous nous pencherons
(3) II s'agit de Г « abbé » Jacques Delille, surnommé « l'abbé Virgile » par ses
contemporains. Voir Delille est-il mort ?, Clermont-Ferrand, 1967, p. 298 et 273.
La célèbre traduction des Géorgiques est parue à Paris en 1769. Celle des Bucoli
ques qui lui est faussement attribuée, publiée en 1806 chez le même éditeur
(Giguet et Michaud), est due à Lespinasse de Langeac, dont le nom n'apparaît
pas - d'où la confusion favorisée par le faux titre : Les Bucoliques, en vers fran
çais, précédées de la vie du poète latin et accompagnées de remarques sur le
texte pour compléter les Oeuvres de Virgile traduites par Delille.
(4) Vers en langues étrangères, III, André Chénier, Œuvres complètes, éd.
G. Walter, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1989 (désormais PI. ), p. 617.
(5) Par exemple par J.-M. de Hérédia, qui parle de « ton virgilien » (A. Chén
ier, Les Bucoliques, éd. de Paris, « Maison du Livre », 1907, p. 63).
(6) Jean Fabre, Chénier, Paris, Hatier, « Connaissance des Lettres », 1965, p. 276.
(7) Citons deux articles de Jean Marouzeau : « Les échos dans la poésie de
Virgile », Humanités, 1931, VIII, p. 130-132, et « Répétitions et hantises verbal
es chez Virgile », Revue des Études latines, 1931, p. 237-257 ; et la belle thèse
de Marie Desport, L'Incantation virgilienne. Virgile et Orphée, Bordeaux,
Imprimerie Delmas, 1952. VIRGILE CHEZ CHÉNIER 215
particulièrement sur les vers du recueil inachevé des
Bucoliques (8), d'abord parce que l'aspect thématique, qui
va de soi, ne risque pas de faire écran dans deux œuvres
de même titre, ensuite parce qu'il y a une sorte de
charisme du genre bucolique, « laboratoire de poésie
totale »(9), lieu privilégié de la lucidité « poïétique »,
enfin, et ces deux derniers points sont évidemment liés,
parce que c'est en recréant, en français, un vers d'authen
tique saveur virgilienne que Chénier, après Gessner, met
fin à la stérile « querelle de la pastorale » : « On sait que
Gessner vint renouveler le genre et la problématique, et
qu'enfin Chénier proposa de vraies solutions »(10).
Gageons que ces « vraies solutions » touchent au plus
profond du langage poétique : choix esthétique du mot,
rythme, plastique syntaxique.
Tout hellénophile qu'il fût (mais Virgile et les « neoteroi »
ne l'étaient-ils pas (11) ?), Chénier avait un sens suffisam
ment sûr de la langue pour ne pas trahir la latinité native
du français ; au contraire, il la retrouve, la réinvente. Écou
tons un latiniste: « C'est la phrase latine avec sa sobriété, sa
netteté de contours, sa lumière et sa plastique, Chénier ne
s'y est pas trompé ; elle tient à exprimer plus qu'à suggérer,
ce qui restreint la vision poétique, mais laisse place aux
nuances et délicatesses du sentiment, et elle rivalise de
finesse avec eux pour les rendre sans les altérer (12) ». Nous
nous pencherons successivement sur les rapports tonaux
des vers de Virgile et de Chénier, puis sur leurs similitudes
plastiques, pour enfin nous interroger sur leur portée
proprement « poïétique » et initiatique.
(8) Que nous citerons d'après l'édition Dimoff : André Chénier, Œuvres
complètes, I, Bucoliques [Delagrave, 1908], cité sur éd. 1946. Pour l'historique
de l'édition des de Chénier, voir notre ouvrage Le Chant initiatique.
Esthétique et spiritualité de la bucolique, Genève, Ad Solem, 2000, p. 47-53.
(9) J.-P. Néraudau, Introduction aux Bucoliques de Virgile, coll. « Classi
ques de poche », Paris, Les Belles Lettres, 1997, p. XXXII.
(10) A. Niderst, « La Querelle de la pastorale », [in] La Pastorale française, de
Rémi Belleau à Victor Hugo, Biblio 17, 1991, p. 107.
(11) Voir à ce sujet Le Chant initiatique, op. cit., p. 108 sq.
(12) D. Paganelli, Introduction aux Élégies de Properce, Paris, Les Belles
Lettres, 1970, p. XII. 216 DOMINIQUE MILLET-GÉRARD
IMAGO VOCIS (13) : ÉCHOS VIRGILIENS CHEZ CHÉNIER
Et l'âme et l'harmonie écla
taient à la fois (14)
Chénier poète était avant tout lecteur et admirateur des
grands poètes de l'Antiquité : tel est le principe d'une
« imitation » bien comprise. Ses fragments en prose qui
sont heureusement parvenus jusqu'à nous témoignent de
ce goût actif qui consiste à élire les plus beaux vers des
Anciens pour ensuite, dans une création vive, s'inspirer de
leurs procédés ; ainsi en va-t-il pour Homère : «... une
comparaison magnifique, renfermée en trois vers, pleins de
vie, de grandeur et d'harmonie imitative »(15), mais aussi
pour Malherbe, dont la lecture est pour Chénier l'occasion
de poser des pierres d'attente pour des vers futurs : ainsi
par exemple lorsqu'il y relève « ce mot de reliques [...] beau
et sonore ; de plus, employé rarement [...], encore presque
tout neuf. C'est pourquoi il ne faut point qu

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