Fiche de révision BAC Français - Fiche de lecture : La Chartreuse de Parme de Stendhal
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Description

Retrouvez la fiche de révision des études d’œuvres de Stendhal pour préparer votre Bac de Français.
Plan de la fiche
1. Un roman du sublime
2. Nature et élévation
3. Les personnages
4. La quête de soi
"Un roman du sublime
Dans l’œuvre de Stendhal, on se plaît souvent à distinguer La Chartreuse de Parme des autres romans. Ainsi, Maurice Bardèche fait de La Chartreuse de Parme un miracle, un événement qui ne s’est produit qu’une seule fois dans la carrière du romancier. Gilbert Durand lui aussi, dans Le Décor mythique de La Chartreuse de Parme fait de ce roman le couronnement de l’œuvre de Stendhal. Et, en effet, comment nier que le dernier grand roman de Stendhal soit un des sommets de l’art de l’auteur,et même de la littérature en général ?"

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Publié le 24 mars 2015
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Nº : 91033
Plan de la iche
1. Un roman du sublime 2. Nature et élévation 3. Les personnages 4. La quête de soi
Un roman du sublime
Fiche Cours
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Etude d’œuvre : La Chartreuse de Parme de Stendhal
LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
Dans l’œuvre de Stendhal, on se plaît souvent à distinguerLa Chartreuse de ParmeAinsi, Maurice Bardèche faitdes autres romans. deLa Chartreuse de ParmeGilbertun événement qui ne s’est produit qu’une seule fois dans la carrière du romancier. un miracle, Durand lui aussi, dansLe Décor mythique de La Chartreuse de ParmeEt, enfait de ce roman le couronnement de l’œuvre de Stendhal. effet, comment nier que le dernier grand roman de Stendhal soit un des sommets de l’art de l’auteur, et même de la littérature en général ? Stendhal l’écrit d’une traite pendant les derniers mois de 1838 : il rédige, dicte, corrige, enfermé dans son appartement du 8 rue Caumartin, ne laissant entrer personne chez lui an de n’être pas distrait. Il réussit le miracle deLa Chartreuse de Parme, «texte clos, fermé, parfait, qui se sufït à lui-mêmeBéatrice Didier, et cependant «», selon essentiellement ouvert et [qui] semble, pour la durée de la lecture, délivrer le lecteur de la pesanteur du temps et du destin». Comment, sinon expliquer, du moins comprendre une telle réussite ?La Chartreuse de Parmeréunit une écriture à la fois maîtrisée et libre, un sens de la composition et du rythme inégalés ainsi qu’une bonne partie des thèmes chers à Stendhal. On retrouve ainsi la gure du jeune héros, Fabrice del Dongo, qui prend naturellement place aux côtés de Julien Sorel ou Lucien Leuwen dans le « panthéon » stendhalien ; le schéma du « roman d’initiation », les lieux stendhaliens, comme l’Italie, la prison, l’eau paisible des lacs, mais aussi les gures du père substitutif, des deux amantes « rivales », et même la politique. La Chartreusese situe donc dans la continuité de l’œuvre stendhalienne, et la notion qui résume le mieux les différents aspects de cette continuité est celle du sublime. Le mot en lui-même se retrouve sans cesse sous la plume de Stendhal, et dansLa Chartreuseplus que jamais. Balzac, dans le grand article qu’il a consacré àLa Chartreusene s’y est pas trompé puisqu’il introduit son propos par ces mots : «M. Beyle a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitreaussi, à ». Il note que le livre n’a pasla n de son article, «le caractère de perfection, le cachet d’irréprochable beauté» qui dénissent selon lui les livres de Chateaubriand et de De Maistre ; ce trait est plus remarquable qu’il n’y paraît. Le sublime stendhalien est en effet presque contradictoire avec la rigueur et la beauté « classique » des livres que Balzac cite en exemple.
Qu’est-ce que le sublime ? Que désigne exactement le terme « sublime » ? Il sert d’abord à qualier des lieux, des paysages, des sites ou des phénomènes naturels aussi bien que des productions de l’homme (des bâtiments, des œuvres d’art). Mais il sert aussi à qualier un état d’esprit particulier, une « grande âme » (mots que Stendhal applique volontiers à ses personnages), voire un mouvement de l’esprit particulièrement remarquable. Enn, le substantif « sublime » désigne d’une part ce qui est le plus haut dans la hiérarchie des valeurs ou par le mérite (c’est la dénition duPetit Robert) et, d’autre part, ce qui relève du « sentiment du sublime ». Le sublime apparaît comme une forme d’idéal entre le ni et l’inni, qui trouverait sa concrétisation dans la gure mathématique de l’asymptote, puisque le sublime est une tension vers un « autre », vers un « au-delà ». Grâce à lui, l’homme est « plus que l’homme », ou plutôt cherche à être plus que l’homme quand «[…] s’abîme elle-même, et se[son] imagination atteint son maximum et dans l’effort pour le dépasser, faisant est plongée dans une satisfaction émouvante».
Le sublime chez Stendhal Les préromantiques, dont Madame de Staël, se sont emparés de cette notion en la transformant, mais c’est surtout Stendhal qui reprend le terme et le détourne quelque peu de son sens originel. Lui-même est d’ailleurs devenu une source pour des auteurs qui récupèrent la notion de sublime, parmi lesquels on peut citer Giono (avec notammentLe Hussard sur le toit,Angelo,Le Bonheur founotion véhiculée par le regard et les actions d’un ou de plusieurs individus. Le personnage romanesque est ainsi le). C’est une vecteur idéal pour ressentir le sublime. Le sublime stendhalien est à la fois un idéal vers lequel les personnages doivent tendre, une
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façon de ressentir les beautés du monde – et en particulier de la nature – ainsi qu’un acquis pour ainsi dire héréditaire. Mais il est encore, au sens plus classique, ce qui est « plus que beau » ou « plus fort que le beau » dans la nature. Seul l’individu singulier peut percevoir le sublime, car, comme le dit E. Cassirer, «le beau unit, le sublime isole». C’est pourquoi seule une âme sensible à ce qui est extraordinaire est à même de comprendre la spécicité et l’éclat de ce qui est sublime. Michel Crouzet, dansLa Poétique de Stendhal«la citation de Cassirer en ces termes : , commente Le sublime est bien la prise de conscience de soi par l’anéantissement de soi, devant les puissances inexpiables, devant une Vérité qui, bafouant toutes les prises humaines et toute la puissance de la pensée est en fait impensable et indiciblesublime est en outre «». Pour Stendhal, le le synonyme de simple, de naturel, de naïf», ce qui est frappant dans le roman qu’on étudie. Lorsque Fabrice ne calcule pas, lorsque Clélia s’abandonne à ce qu’elle ressent vraiment, quand Mosca se laisse aller à un mouvement vrai ou quand Gina se dévoile telle qu’elle est – une femme amoureuse qui souffre – le lecteur voit se déployer le sublime lié au dévoilement de soi.
Nature et élévation
La tradition veut – aussi bien en philosophie qu’en littérature – que le sublime ait partie liée à la nature. Kant ou Burke notent déjà la force de phénomènes naturels comme les orages, les tempêtes ou, simplement, le retentissement sur l’âme de paysages ou de perspectives ouvrant à l’inni. La première représentation du sublime trouve donc sa source dans la nature, ce que les premiers romantiques (et avant eux les préromantiques) n’ont pas manqué de relever : la nature leur apparaît à la fois comme une «caisse de résonance» du sublime et comme un «archet qui joue sur le violon de l’âme». Qu’est-ce qui est sublime dans la nature ? Selon Kant, «la nature est (…) sublime dans ceux de ses phénomènes dont l’intuition suscite l’idée de son inïnité. Cela ne peut se produire d’aucune manière, si ce n’est par l’impuissance même de l’effort le plus grand de l’imagination dans l’évaluation de la grandeur d’un objet». C’est dire encore une fois que l’absence de limite est un des caractères fondamentaux du sublime ; l’imagination humaine ne peut saisir un objet, et est confrontée à un décalage entre ce qu’elle veut savoir, et ce qu’elle peut simplement concevoir. Et c’est de ce décalage même que naît le sentiment du sublime face aux objets de la nature. Cependant, l’illimitation n’est pas le seul trait du sublime dans la nature ; Kant ajoute que «lorsque la nature doit être considérée comme sublime par nous (…) elle doit être représentée comme suscitant la peursentiment provoqué est donc un sentiment très». Le différent de celui que procure la contemplation de la simple beauté. Un objet sublime va entraîner une réaction forte de l’homme qui le contemple, une réaction où se mêlent l’admiration et la crainte, ainsi qu’une exaltation teintée d’incompréhension.
L’eau dans La Chartreuse de Parme Une fois qu’on a ainsi déni le sublime, il s’agit d’étudier commentLa Chartreuseprésente un sublime de la nature.  nous Chez Stendhal abondent les « lieux » du sublime, sortes de passages obligés où l’âme se plonge dans une satisfaction émouvante. Le premier de ces lieux du sublime – sans conteste le plus évident – est l’eau. La méditation devant un lac entraîne le plus souvent une rêverie mélancolique qui a des résonances rousseauistes (on peut penser par exemple à certains épisodes desRêveries du promeneur solitaireméditation de l’eau est à classer dans ce que Kant appelle le «). Cette sublime noblecôté d’une «», du tranquille admiration» qui dispose idéalement l’âme à une rêverie mélancolique. Dès le début deLa Chartreuse de Parmeà la page 26, il est fait référence au, cette méditation de l’eau a toute son importance puisque, détour d’une phrase au «lac sublimeLe terme employé pour qualier le lac est rapidement» que surplombe le château de Grianta. répété lorsque la future duchesse est «transportée d’aise à l’idée de pouvoir s’installer près de ce lac sublime où elle est née» (p. 41). En réalité, dès qu’un événement important survient dans la vie des personnages – au début du roman du moins – il est fait référence à ce lac sublime.Ainsi, à la page 115, la rencontre de Gina avec Mosca fait qu’elle reprend goût à la vie et, naturellement, les «sublimes beautés du lac de Côme recommençaient à la charmerse fait dans les deux sens : d’un côté le lac par sa beauté et sa». L’échange merveilleuse situation dispose l’âme des personnages à une douce rêverie, mais, d’un autre côté, le personnage doit apporter une émotion personnelle pour être à même de proter de ce qui émane de ce site sublime. C’est cependant avec Fabrice que la thématique du lac va prendre sa plus grande importance dans le roman.Fabrice est profondément affecté à la vue du lac lors de son escapade à Grianta pour voir l’abbé Blanès. Ce moment est très important dans la maturation du personnage qui prend une consistance et une épaisseur dramatique, faites d’inquiétude et de doutes, notamment grâce aux présages de Blanès, trop elliptiques pour être clairs, assez obscurs pourtant pour être suggestifs. Le lac sur lequel s’arrête Fabrice n’est plus le lac de Côme mais le lac Majeur (peut-être ce nom souligne-t-il son importance dans l’histoire personnelle du héros). Un premier effet du lac, combiné il est vrai à la perspective lointaine des montagnes, est de modier en profondeur la disposition d’esprit de Fabrice : «l’aspect majestueux et tranquille de ce lac superbe quiL’air des montagnes, lui rappelait celui près duquel il avait passé son enfance, tout contribuait à changer en douce mélancolie le chagrin de Fabrice voisin de la colèreCependant cet effet apaisant n’est que le nécessaire préliminaire à l’envahissement de l’âme du jeune héros par le» (p. 160). sentiment du sublime. Cette irruption du sublime dans l’esprit de Fabrice plein de mélancolie se fait à la faveur de la nuit : «Il était minuit (…) Les arbres des bouquets de bois que le petit chemin traversait à chaque instant dessinaient le noir contour de leur feuillage sur un ciel étoilé, mais voilé par une brume légère. Les eaux et le ciel étaient d’une tranquillité profonde» (p. 160-161). qui suit le rythmeCette splendide évocation,
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tranquille du cheval conduisant la sediola, où les sonorités se répondent comme naturellement (le [a] de «arbres» et «bois» trouvant son écho dans «noirs» et «feuillage[é] se retrouvant dans «», le étoilé» et «voilétermine sur une paix absolue,»), se que la «brume légère» ne fait que renforcer (l’ouverture du [è] dans la deuxième syllabe de l’adjectif «légère» qui renforce le climat apaisé de la scène). Une telle conjonction de beautés naturelles (au sens propre et guré), dans une description qui prend son temps (ce qui chez Stendhal est assez rare pour être noté), appelle bien entendu une réaction du personnage, qui ne se fait pas attendre : «L’âme de Fabrice ne put résister à cette beauté sublime» (p. 162). Plus loin, Stendhal note encore : «…l’aspect seul de la beauté sublime le portait à l’attendrissement, et ôtait à ses chagrins leur pointe âpre et dure«». Là, Fabrice trouva, à peu de frais, les moments les plus heureux qu’il eût goûtés depuis longtemps» (p. 162). La mélancolie est ainsi dépassée au prot d’un bonheur de contemplation et de participation, où le personnage se retrouve hors du monde, transporté dans le bonheur. Cette scène trouve son exact répondant dix pages plus loin lorsque les regards de Fabrice plongent «sur les deux branches du lac à une distance de plusieurs lieues«». Alors cette vue sublime lui f[ait] bientôt oublier toutes les autres ; elle réveill[e] chez lui les sentiments les plus élevés» (p. 170). Stendhal ne peut s’empêcher d’insister à nouveau sur l’effet du lac sur Fabrice ; ce lac restera comme souvenir gravé dans l’âme du héros qui formule le désir de «[revenir] souvent sur ce lac sublimeEn réalité, c’est seulement» (p. 172). à la n du roman qu’il retrouvera un site aussi majestueux, une nature aussi émouvante, lorsqu’il s’échappe de sa prison et habite à Belgirate avec la duchesse. Mais ses dispositions d’esprit ont changé et ses émotions ont mûri en même temps que son esprit ; seul son amour pour Clélia peut maintenant contenter son besoin de sublime, de sorte que Fabrice et la duchesse, à présent, peuvent «faire souvent quatre ou cinq lieues sur ce lac sublime sans se dire une parole». Stendhal résume le changement radical et irréversible qui s’est opéré en Fabrice en une courte proposition : «Son âme était ailleurs» (p. 387). L’eau est donc une thématique privilégiée dansLa Chartreuse de ParmeLa « méditationoù s’investit à plein le sublime de la nature. sur l’eau » et la rêverie qui en découle mettent l’âme dans une disposition particulière, entre un attendrissement mélancolique et une plénitude émouvante.
Les lieux élevés Une seconde thématique importante reliée à la nature est celle des lieux élevés, qu’on retrouve d’ailleurs dans tous les romans de Stendhal. Elle se rattache à une dénition qu’on peut donner au mot « sublime », si l’on se réfère à son étymologie : « sublime » est un dérivé du latinsublimisqui signie « élevé dans les airs, haut », provenant de deux mots distincts :sub(mouvement de bas en haut) etlimuson peut associer la fascination qu’a Stendhal pour les lieux élevés, qu’ils se trouvent(oblique).A cette étymologie, dans la nature ou qu’ils soient liés à un monument fabriqué de la main de l’homme. Si l’étendue plane et apaisée des lacs de Côme et Majeur ont une telle force, une telle résonance chez Fabrice, c’est aussi parce qu’ils sont bordés de part et d’autre par des montagnes dont les sommets se découpent sur l’horizon.Alors seulement le paysage peut «accroître la volupté présente» (p. 41-42) et retentir sur l’imagination. A la page 41, ces sommets sont d’abord de simples clochers dont l’architecture charmante s’élève au-dessus des grands arbres, ou des collines aux formes admirables, ou encore le «hardi promontoire qui sépare les deux branches du lacsont ensuite «». Mais ce toutes les branches de ces montagnes sublimes» (p. 162) qui donnent à Fabrice une perspective, un point de fuite qui paraît inaccessible, laissant présager des aventures merveilleuses, des beautés inconnues. Cette perspective du sublime est si importante qu’elle calme instantanément l’âme de Fabrice lorsqu’il est fait prisonnier dans la Tour Farnèse. Là, de sa minuscule cellule, «son œil nu apercevait distinctement chacun des sommets de l’immense mur que les Alpes forment au nord de l’ItalieStendhal dédouble l’émerveillement de son héros puisque le même» (p. 304).A nouveau, paysage provoque la même émotion deux pages plus loin : «Fabrice courut aux fenêtres ; la vue qu’on avait de ces fenêtres grillées était sublime.» C’est tout le dernier paragraphe de cette page 306 qu’il faudrait citer, où le «brillant crépuscule rouge» sur le mont Viso et les autres pics des Alpes fait que Fabrice est transporté vers un ailleurs, «admirant cet horizon qui parlait à son âme», de sorte qu’il se «laisse charmer par les douceurs de la prison». Cette perspective entraîne chez le personnage un désir d’élévation, désir de s’abstraire de tout ce qui fait de la vie une «morne plaine», de refuser tout le «terre à terre» qu’il a pu rencontrer aussi bien à la cour de Parme qu’à l’Archevêché ou même chez la Sanseverina. Fabrice a un idéal, et c’est par cet idéal que peut se dénir le sublime : atteindre les hauteurs, s’élever pour justier son être, pour ne pas se donner uniquement la «peine de naître». L’importance de cette visée se lie d’ailleurs dansLa Chartreuse de Parme avec une volonté des personnages d’être toujours en hauteur, au-dessus des autres hommes. Cette volonté, jointe à un destin qui la favorise sans cesse, amène presque naturellement les personnages à privilégier les monuments élevés, en particulier les « tours ». La première occurrence de ce thème se situe dans le passage déjà cité où Fabrice retrouve l’abbé Blanès. Immédiatement, notre héros se dirige vers le clocher de l’Église, auquel lorsqu’il était enfant déjà, lui seul avait le droit de monter : «c’était une grande faveur et que l’abbé BlanèsPuis il montait au clocher : n’avait jamais accordée à personneil revient à Grianta, la vue du clocher est en elle-même la source d’émotions» (p. 35). Quand pour Fabrice qui, faisant le sifement convenu depuis longtemps entre le prêtre et lui, «ému jusqu’ause précipit[e] dans l’escalier, transportclocher que Blanès lui révèle ce qu’il croit avoir lu dans les étoiles sur son avenir ; de ce même clocher». Et c’est dans ce ensuite, Fabrice pourra «voir sans être vu170), heureux, de » (p. sorte que «cette journée passée en prison dans un clocher fut peut-être l’une des plus heureuses de sa vie».Au passage, on remarque d’une part l’inexion « rousseauiste » de la prose de Stendhal avec l’utilisation de l’hyperbole ; d’autre part la métaphore de la prison pour désigner le clocher, destinée à avoir une importance de plus en plus grande au l du roman et qui a une si grande fortune dans toute l’œuvre de Stendhal. Le deuxième grand monument qui se caractérise par sa hauteur est la tour Farnèse, que Stendhal décrit au début du roman :
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LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
«Fort élevée, cent quatre-vingts pieds dit-on, on l’aperçoit de fort loin au milieu de cette plaine immensetour elle-même109). La » (p. domine donc tout le paysage, mais, si elle est déjà « reine » à ce stade du roman, c’est uniquement «de par la peur qu’elle suscite». Elle est encore décrite – selon le même principe de la double description – plus avant dans le récit, avec la minutie habituelle de Stendhal qui indique que «la grosse tour a cent quatre-vingts pieds de haut». On retrouve cet édice plus loin dans le roman quand Fabrice y est emprisonné ; il est alors décrit selon le regard de Fabrice, ce qui n’empêche pas Stendhal de continuer à accumuler les précisions sur la hauteur de chaque étage, la largeur de la tour… Or, c’est de cette position élevée que Fabrice va pouvoir se détacher de ce qu’il était, se sentir à «mille lieues des petitesses et des méchancetés qui occupent [les hommes] là-bas308-309). Désormais, il » (p. y aura un « ici » connoté positivement et un « là-bas », au ras de terre, connoté négativement. C’est pourquoi Fabrice, de lui-même, se dirige vers la citadelle lorsqu’il doit retourner en captivité à Parme pour y être jugé. Lors de son exil avec la duchesse, ce sont des images de la tour Farnèse qu’il afche dans sa chambre, images de ce seul lieu où il peut être affranchi des hommes, libre avec lui-même, satisfait de ce qu’il est. La hauteur et l’élévation, tant spirituelles que matérielles, ont une grande importance dans les romans stendhaliens. Les situations élevées participent du sublime en tant qu’elles placent les personnages au-dessus des autres hommes ; l’homme qui est dans un lieu élevé se doit d’avoir une conduite élevée, de suivre une visée admirable qui le fasse monter toujours plus haut dans sa propre estime, dans l’estime des autres personnages ainsi que dans celle du lecteur. Si la véritable sagesse est d’être heureux dans la vie, c’est seulement à ce prix que nos personnages principaux pourront connaître le bonheur. À l’appui de cette afrmation, on doit noter le rôle important que jouent les oiseaux dansLa Chartreuse de Parme. Fabrice, comme Julien avant lui dansLe Rouge et le Noir, voit passer au-dessus de lui un aigle, auquel il ne manque pas de s’identier ; cet aigle en effet, c’est Napoléon, mais c’est aussi Fabrice qui décide alors immédiatement de «traverser la Suisse avec la rapidité de l’aigle45) et de rejoindre les armées de» (p. Napoléon. Il n’y a pas, jusqu’au pPrince de Parme, Ranuce-Ernest IV, qui ne dise de Fabrice après leur première entrevue : «Quel sacre !relevé ne serait pas complet si l’on ne mentionnait les oiseaux quesacre étant un oiseau de proie. Enn, ce » (p. 142), le Clélia nourrit, que Fabrice ne cesse d’admirer et qui sont, en quelque sorte, le premier moyen de communication entre les deux jeunes gens.
Les personnages
Le sublime stendhalien a partie liée avec la nature : le sublime, ce sont d’abord des lieux sublimes, en particulier les lacs, les lieux élevés. Cependant, les passages ne sont pas nombreux qui décrivent précisément ces lieux. Le texte contient plutôt de longs passages sur l’effet de ces paysages ou monuments sur l’âme de celui qui les contemple. La nature ne saurait en effet être sublime sans un jugement, une sensibilité ou une capacité à être ému et à trouver du sens. Le sublime apparaît donc comme une disposition de l’esprit amenée par la nature, qui prolonge un état de mélancolie, mais aussi une dynamique qui, sans cesse, pousse le personnage vers le haut, par une sorte de loi de l’asymptote. Reste cependant à dénir exactement la place du personnage pour comprendre mieux ce qu’est le sublime dansLa Chartreuse de Parmeécrit Kant dans la Critique de la faculté de juger, «. Car, comme le sublime ne doit pas être cherché dans les choses de la nature, mais seulement en nos idées».
Fabrice entre France et Italie
En premier lieu, il s’agit d’étudier la place de l’Italie chez le personnage stendhalien et son lien avec le sublime. On connaît l’attirance de Stendhal pour l’Italie, marquée dans le titre de quelques-uns de ses écrits (Chroniques italiennes;Rome, Naples, Florence). Stendhal a toujours considéré l’Italie comme une patrie idéale, pays des arts, mais aussi et surtout de la transparence. Pour le consul de Civitavecchia, si la France est la patrie de la vanité, où tout peut être sacrié au plaisir d’un bon mot et où se faire valoir compte plus qu’être sincère, l’Italie est au contraire le lieu où le naturel peut s’exprimer, où les passions se montrent sous un jour véritable : «les Italiens sont sincères, Les cœurs de ce pays là [l’Italie] diffèrent assez des cœurs français : bonnes gens, et non effarouchés, disent ce qu’ils pensent ; ce n’est que par accès qu’ils ont de la vanité ; alors elle devient passion et prend le nom depuntiglio » (p. 19-20). On voit bien que ni Fabrice, ni Clélia, ni même la Sanseverina ou Mosca ne pouvaient vivre autre part qu’en Italie, où toute affaire, si minime soit-elle, prend souvent des proportions fabuleuses, sans que jamais la vanité ne s’y vienne mêler durablement. D’autre part, l’Italie que construit Stendhal, comme le «cœur italien162) qu’il construit à travers Fabrice, est largement» (p. imaginaire et n’a de sens que dans la ction. C’est ainsi que Stendhal avouait à Balzac, dans un projet de réponse à son article, qu’il avait créé la Cour de Parme sur le modèle de celle du roi de France Charles X. De même, Stendhal, grand lecteur de Saint-Simon, s’inspire à maintes reprises des mémoires du duc pour composer son roman. Et cependant, de cette Italie, de cette Parme, de ce cœur italien que le romancier évoquent à son lecteur, tout se tient ; c’est que, dansLa Chartreuse de Parme, l’imagination est plus forte que la réalité. Stendhal lui-même se sent italien dans l’âme, et partage avec le peuple de Dante et de l’Arioste cette « force d’imagination » qui le caractérise. L’Italie est, selon l’expression de Gilbert Durand, un «décor mythique», qui permet à l’auteur de décrire, de mettre en forme et en situation ce qu’il aime, cette sincérité, cette transparence aussi, ou encore cette noirceur grandiose qui transparaît à plusieurs reprises dansLa Chartreuse de Parmeet qui fait toute la matière desChroniques italiennes. Le sublime tel que le conçoit Stendhal ne pouvait se déployer que dans un cœur italien, fait de naïveté et d’exagération, d’exaltation et de mélancolie, d’outrance et de simplicité. Et pourtant, en un sens, Fabrice est tellement Stendhal qu’il ne peut être complètement
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italien ; en effet, il est le fruit de l’union d’un Français (mais un Français sublime, un soldat de Napoléon et un soldat de la liberté), le lieutenant Robert, et d’une noble italienne, la marquise Valserra del Dongo. Encore une fois, cette dualité, ici à l’intérieur du personnage, doit être reliée au sentiment du sublime : affrontement entre la vanité et le naturel, entre le goût de la simplicité et l’attrait pour la parure. Étudier le caractère de Fabrice, c’est donc voir en quoi il est le lieu d’un affrontement entre plusieurs tendances, à commencer par cette simple dichotomie entre l’Italie et la France. En quoi le personnage de Fabrice, et le personnage de Clélia peut-être, sont-ils des personnages du sublime ?
Les héros stendhaliens sont dévorés par deux exigences presque contradictoires : d’une part ils mettent en avant une façade, une apparence, un masque ou un « paraître » qui les constituent comme gures romanesques, mais qui risquent aussi de les montrer comme des êtres superciels. D’autre part, et c’est le second point que nous étudierons, le personnage se nourrit d’introspections et exige sans cesse plus de lui-même pour tendre vers l’idéal, alternant entre doute et résolution, phases de régression, de malaise, et moments d’exaltation. Tout le dé sera de faire coïncider l’apparence et le fond, de réussir à ne pas nier ce qu’on est profondément, arriver à une transparence rousseauiste.
Noblesse et apparence Étudier la gure romanesque de Fabrice, c’est comprendre qu’un souci de l’apparence gouverne une part des actions et de la destinée du héros. Fabrice est d’abord déni comme un noble (même si on doit tempérer cette afrmation par sa bâtardise). C’est en tout cas ce que Stendhal afrme dès le début du roman, ne laissant pas d’insister sur les titres de la marquise del Dongo, de la comtesse Pietranera, ou présentant Fabrice comme «que Fabrice Valserra, marchesinoce personnage essentiel [qui] n’est autre, en effet, del Dongo, comme on dit à Milancontinue dans le même sens en parlant de la magnique généalogie latine de la39). L’auteur » (p. famille del Dongo, avec laquelle Fabrice apprend à lire et qui fait remonter la famille del Dongo à des temps reculés. Fabrice va en quelque sorte « intérioriser » cette prestigieuse naissance et l’arborer tel un blason, comme pour se rassurer lui-même ; ainsi, lorsqu’il se trouve à Waterloo, il se dit : «Moi ïer ! moi Fabrice qui consens à porter le nom d’un Valserra marchesino del Dongo, Vasi, marchand de baromètres !» (p. 74). A ce point du récit, cette apparence de noblesse n’est encore corroborée par aucun fait ; ce qui apparaît seulement, c’est la fatuité de Fabrice qui, alors, ne comprend rien à rien et se rassure en arguant pour lui-même d’une prestigieuse naissance. Fabrice va cependant se détacher de cette noblesse de façade pour prendre une fermeté et une assurance nouvelles, sa naissance apparaissant alors seulement comme le révélateur d’un caractère noble et élevé en soi.Aussi, lorsqu’il dit au geôlier qui le brutalise en l’emmenant en prison : «suis prélat de la sainte Église romaine (…) et grand vicaire de ce diocèse ; Je ma naissance seule me donne droit aux égards» (p. 262), la naissance est à ce moment la marque d’un caractère fort et assuré, d’un courage qui se montre comme tel, sans se cacher. De plus en plus, c’est le fond de sa personnalité qui prend le devant chez Fabrice, au détriment de sa haute naissance qui n’est plus sufsante.Tout se passe comme si Fabrice, au l du roman, se justiait d’être ce qu’il est, se donnait les moyens d’être au-dessus des hommes, non pas seulement en se plaçanta prioriau-dessus uniquement parce qu’il se serait donné «la peine de naître» (p. 29), mais plutôt en mettant le fond de ce qu’il est en accord avec ce qui transparaît de lui pour les autres hommes. Hormis Fabrice, un autre personnage conrme que la naissance ou le titre héréditaire ne comptent pas vraiment, mais plutôt l’estime de soi, l’honnêteté vis-à-vis des autres et surtout de soi-même. C’est le comte Mosca qui fait en effet la proposition suivante à la Sanseverina : «ajouta-t-il en riant, de changer le titre sublime de duchesse contreMais me ferez-vous le sacriïce immense, un autre bien inférieur ?est dans le passage du sublime du paraître – ce qu’est un titre – à un sublime461). L’important ici » (p. plus essentiel, celui de l’amour exalté que porte Mosca à la duchesse. On a affaire ici à une véritable conversion du sublime (de l’apparence vers le fond, du paraître vers l’être), d’autant plus marquée qu’elle se fait par la voix de Mosca, celui-là même qui (selon Rassi), «très ïer de sa naissance, n’estimait que la noblesse prouvée par les titres avant l’an mille quatre cent». Chez Fabrice, cette conversion du sublime sera au moins aussi spectaculaire : le héros troque son habit de futur archevêque, qu’on imagine fastueux et sophistiqué, contre un habit beaucoup plus dépouillé, d’abord celui d’un «ouvrier fort pauvre» (p. 445), puis celui qu’il garde jusqu’à la n du roman, «un petit habit noir et râpé de simple prêtre453). Il refuse également d’assister aux» (p. nombreuses fêtes organisées à la Cour et, nalement, se retire, solitaire, dansLa Chartreuse de Parme, pour y mourir en paix avec lui-même et avec les hommes.
La Igure de Clélia Le héros, à la n du roman, accède ainsi à une certaine transparence ; il se dépouille de tout ce qui constituait un obstacle au déploiement de son être pour ne plus se consacrer qu’à sa seule passion vraie, son amour pour Clélia. Celle-ci va d’ailleurs être un précieux auxiliaire de la conversion du sublime chez Fabrice, de sorte que l’on peut nalement afrmer qu’elle est dans La Chartreuse de Parmetype le plus abouti du sublime. , le elle estEn effet, Clélia ne se préoccupe que très peu de l’apparence ; l’incarnation même du naturel, de la simplicité. C’est ainsi que chaque mouvement qu’elle entreprend touche le lecteur par sa vérité : Clélia ne joue pas à être, ne met pas en avant un paraître ; elle est, et ne peut pas faire autrement qu’être ce qu’elle est. Par exemple, la décision qui la pousse à aider Fabrice alors en danger de mort est une décision irrééchie, ou plutôt instinctive : Clélia sait qu’elle ne peut vivre si Fabrice n’est plus ; en le sauvant, elle se sauve. Mais elle est prise au piège entre son respect lial et son amour passionné pour Fabrice. Dès lors, elle n’aura de cesse d’alterner les mouvements vrais en faveur de l’une ou l’autre partie,
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se punissant souvent elle-même de privilégier son amour pour le héros du roman. C’est pourquoi elle fait ce voeu à la Madone de ne plus jamais voir son amant à la lumière du jour, voeu qu’elle tiendra avec une résolution émouvante. Si Clélia est un personnage sublime, c’est que s’expriment en elle une liberté, une absence de tout calcul, une spontanéité qui lui sont consubstantielles. Son sublime, c’est de réussir à être quand les obstacles sont si grands, c’est de réussir à conserver une transparence là où un mur semble devoir séparer profondément ce qu’elle est de ce qu’elle doit paraître. À l’appui de cette dernière afrmation, il suft de citer ce passage extraordinaire où Clélia et Fabrice, transparents l’un pour l’autre, transparents tous les deux pour le lecteur, échangent des regards qui portent tout ce qu’ils sont : «Le fauteuil (…) était occupé par la marquise Crescenzi, dont les yeux remplis de larmes rencontrèrent en plein ceux de Fabrice qui n’étaient guère en meilleur état. La marquise baissa la tête. Fabrice continua à la regarder quelques secondes : il faisait connaissance avec cette tête chargée de diamants ; mais son regard exprimait la colère et le dédainscène peut-elle se clore sur ces deux sentiments de haine ? La réponse est négative puisque Stendhal nous456). La » (p. apprend allusivement que les larmes de Fabrice redoublent : «Voici mon incommodité qui me prend plus fort que jamais.» Une scène d’une telle intensité montre bien que nos personnages ne peuvent se cacher l’un à l’autre ou au lecteur ; la dissimulation n’est pas de mise, de sorte que, quelques pages plus loin, Clélia et Fabrice vont se réafrmer leur amour. Leur besoin de communiquer est plus fort que les obstacles, et le message qui passe est d’autant plus intense qu’il est obscur ou difcile à transmettre.
La quête de soi
Fabrice est un personnage romanesque qui évolue, qui se dépouille de ce qui ne lui est pas naturel et qui, au fur et à mesure de l’avancée du récit, n’a même plus besoin du support de la nature pour être dèle au sentiment du sublime ancré en lui. Reste à voir plus précisément les moyens que se donne le personnage romanesque pour être soi, dèle à ce qu’il est en profondeur. Car c’est seulement en trouvant sa voie que le personnage voit légitimer son regard vers le haut, son désir constant d’ascension. On peut ainsi afrmer que le sublime est inséparable d’une quête de soi : il est un idéal asymptotique que le personnage tente d’approcher sans y arriver complètement dans la durée. Mais les moments de plénitude existent qui légitiment la quête de soi et donnent un sens au sublime sans quoi il ne serait qu’une image, une illusion généreuse mais improductive.
Ferrante Palla
Quelles sont les voies employées par le personnage romanesque pour se trouver ? On l’a dit, cela passe par une complète sincérité. Mais cette sincérité elle-même ne se trouve qu’en référence à des modèles. C’est peut-être une des fonctions de Ferrante Palla que d’offrir un modèle « paroxystique » du sublime. Stendhal nous présente, avec ce personnage, un homme qui n’a plus besoin d’être en quête de soi ; il s’est trouvé, par l’art (la poésie), l’amour (de la duchesse) et la politique (renverser le tyran). La première rencontre de la Sanseverina avec Ferrante Palla nous présente d’ailleurs un véritable «homme de la nature», dans cet «homme fort mal vêtu qui la suivait de loin à travers le bois» (p. 359).Tout de suite la duchesse remarque ses yeux «tellement beaux et remplis d’une exaltation si tendre». Ensuite, elle «ne peut s’empêcher de le rappeler par ces mots : Ferrante ! s’écrie-t-elle ; homme sublime !» et les deux personnages à l’âme ardente tombent dans les bras l’un de l’autre. Ferrante (qui, notons-le au passage, porte la même initiale que Fabrice, rapprochement encore suggéré par la duchesse) est d’autre part un grand poète qui fait, selon la duchesse, des sonnets «ég[aux] ou supérieur[s] à tout ce qu’on fait de plus beau depuis deux siècles» (p. 363), ou encore et plus simplement des «sonnet[s] sublime[s]» (p. 393) et, en cela, il accède au sublime le plus élevé, celui de la création.
Fabrice et ses modèles Fabrice suit le même chemin que le médecin-poète, tout en connaissant la nécessité de se dépouiller de nombre d’« artices » propres à son rang et à sa naissance. Lui-même va nir par créer, et trouver ainsi une sorte de premier aboutissement à sa quête existentielle, lorsqu’il prononce ses sermons en chaîne, provoquant une émotion inouïe dans l’assistance : «Il se livrait à des moments d’inspiration passionnée, et tout l’auditoire fondait en larmesaccéder à ce stade du sublime, Fabrice a dûMais, avant de pouvoir » p. 469. passer par l’imitation, par la référence à des modèles du sublime ; il ne pouvait, comme Ferrante Palla, se dévoiler immédiatement, sans apprentissage à partir de ces modèles, et sans désapprentissage de ce qu’il a connu (tout ce qui dans la vie est « mondain »). Ses modèles sont bien sûr aussi ceux de Stendhal, notamment deux romanciers et un poète : l’Arioste, le Tasse et Dante. Une des premières références à l’épopée de Ludovic Arioste,Roland Furieux, est faite par la cantinière qui donne comme conseil à Fabrice de ne donner pour un cheval «jamais plus de vingt francs, quand se serait le cheval des quatre ïls Aymoncheval, c’est ». Ce évidemment Bayard, et ce monde dans lequel vit Fabrice, c’est celui de l’épopée, celui de la ction. Fabrice choisit encore à ce stade du roman de «Tasse et de l’Ariostegarder toutes les illusions du Waterloo entre lui et ses camarades soldatsde sorte qu’il voit pendant » (p. 41), «Tasse et de l’Ariostecette noble amitié des héros du premier va démystier les illusions de Fabrice, 64). C’est Mosca qui le » (p. en afrmant par exemple : «De tout temps les vils Sancho Pança l’emporteront à la longue sur les sublimes don Quichotte» (p. 182). Et Fabrice va en effet prendre peu à peu conscience de son « donquichottisme » jusqu’à ce que «les écailles tombent de [ses] yeux» (p. 243). Dès lors, le romanesque et le chevaleresque de Fabrice vont perdre de leur importance ; ces modèles vont être évacués au prot d’un chemin plus personnel.
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Amour et idéal Peu à peu, c’est l’idéal qui prend la place des illusions de Fabrice, mais un idéal maîtrisé où le personnage n’a pas besoin de se « montrer », ou de garder toutes les illusions romanesques pour rester dèle à ce qu’il doit être. Ainsi, Fabrice évite les pièges du sublime. Clélia, quant à elle, n’a pas besoin d’éviter ces pièges puisqu’elle est, dès qu’on la rencontre, dépouillée de toute vanité, personnage du naturel, chez qui la passion guide un esprit élevé. L’amour que va porter le jeune héros à la lle du général Fabio Conti est dans l’ordre des choses : il aide à la conversion du sublime et magnie nos deux personnages en leur donnant un statut presque équivalent à celui des deux amants deVérone par exemple (Stendhal était admirateur deRoméo et Julietteet de Shakespeare en général). Enn, Fabrice trouve ce qu’il cherche depuis le début du roman, un sens à sa vie, l’adéquation avec lui-même qu’il atteint en aimant Clélia.Avec elle, il peut trouver «dans son cœur le courage de parler avec cette sincérité sublime qui lui semblait si facile la nuit qu’il passa aux rives du lac de Cômedont il était incapable avec la duchesse.Avec Clélia, il n’a pas besoin de «125), ce » (p. moments d’exaltation» pour être pleinement lui-même (p. 185). Enn, il peut «connaître la partie noble et intellectuelle de l’amour» (p. 240). Cependant, si c’est par l’amour que le sublime de la plénitude survient, dans une douceur et une quiétude apparemment sans égales, il s’agit de nuancer en insistant sur l’aspect inaccompli du sublime amoureux dansLa Chartreuse de Parme. Jamais Fabrice et Clélia ne réussissent en effet à s’aimer simplement ; jamais ne disparaît la tension qui rapproche et éloigne les deux amants. Ils réussissent à vivre « malgré tout », sans jamais que le tragique ou le bonheur prennent le dessus. Fabrice et Clélia vont alors mourir, dans ce climat de clair-obscur, comme si la n de leur histoire restait voilée d’une brume légère, analogue à celle tombant sur le lac Majeur quand Fabrice y promène sa mélancolie. Est-ce parce que le récit deLa Chartreuse de Parmeest inachevé ? Peut-être est-ce simplement parce que le sublime ne peut se résoudre, ni l’idéal compris dans le sublime se trouver, autrement que dans quelques « moments privilégiés », plus ou moins étirés dans la durée.
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