L'argent

Claudio Pazienza

Description

• fiche - matière potentielle : technique du film titre original
• cours - matière potentielle : quelques

L'argent raconté aux enfants et à leurs parents un film de Claudio Pazienza produit par ARTE France, RTBF (Télévision belge), Les Films à Lou (Paris), Kòmplot films (Bruxelles) avec le concours du CNC et de la Procirep.

• temps objectivé
• jubilatoire projet de propriété populaire de la monnaie
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Sujets

• Montage
• Pazienza
• Mastrangelo
• Chable
• Victor Hubinon

Informations

• Publié par: seyn
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• Langue: Français

Extrait

L’argent
raconté aux enfants et à leurs parents
un film de Claudio Pazienza
produit par ARTE France, RTBF (Télévision belge), Les Films à Lou
(Paris),
Kòmplot films (Bruxelles) avec le concours du CNC et de la Procirep.- 2 -
« J’avais tourné en rond…
Ne pouvant dormir, possédé, presque heureux, je
me disais qu’il n’y a rien de moins matériel que
l’argent puisque toute monnaie (disons par exemple
une pièce de vingt centimes) est, rigoureusement,
un répertoire de futures possibilités. L’argent est
abstrait, répétais-je, l’argent est du temps à venir.
Ce peut-être un après-midi dans la banlieue, ce
peuvent être de la musique de Brahms, des cartes,
un jeu d’échec, du café ….
C’est du temps imprévisible, temps de Bergson,
non-temps dur de l’Islam ou du Portique ; une pièce
symbolise notre libre- arbitre ….
Je dormis après de tenaces méditations, mais je
rêvai que j’étais les pièces que gardait un griffon. Le
lendemain je décidai que j’avais été ivre. Je résolus
également de me libérer de la monnaie qui me
tourmentait tant. Je la regardai ; elle n’avait rien de
particulier, sauf des rayures. Le mieux eut été de
l’enterrer dans le jardin ou de la cacher dans un coin
de la bibliothèque, mais je voulais m’éloigner de son
orbite.
Je préférai la perdre ».
J.L. Borges, L’Aleph, p. 136, Gallimard, 1967.
L’argent raconté aux enfants et à leurs parents- 3 -
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Synopsis
L’argent raconté aux enfants et à leurs parents scrute la métallique
maigreur d’une pièce avec pudeur et humour et raconte – par bribes
– l’histoire d’une famille ouvrière incapable de conjuguer besoins
et désirs. De père en fils. Cela inquiète évidemment le fils (l’auteur
du film), bientôt père à son tour.
C’est donc une histoire de cuisine interne à laquelle sont conviés des
monétaristes, des philosophes, un gouverneur de banque centrale et
un utopiste de province - Professeur Giacinto Auriti - auteur d’un
jubilatoire projet de propriété populaire de la monnaie néanmoins
inventeur d’une monnaie alternative ayant eu cours quelques mois
dans une ville moyenne de l’Italie du Centre (Guardiagrele)
De pile en face, L’argent raconté aux enfants et à leurs parents
radiographie des concepts d’économie monétaire et des états d’âme
avec le secret souhait de conjurer les dettes par l’effet cathartique de
la parole ou de l’utopie.
Moralité : la dette, c’est le coût du lien social.
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2 Note du réalisateur.
En famille, on roulait– de manière inexplicable –sur les dettes. Pas
sur l’or.
Nos voisins, aussi ouvriers et modestes que nous, s’en passaient
étaient de bons gestionnaires. De là, un sentiment trouble, un
sentiment de honte. Le sentiment aussi d’une inéluctable
association : argent /dette. Comme si le premier terme ne pouvait se
prononcer sans qu’apparaisse le spectre du deuxième. Comme si
l’argent contenait une dette avant même qu’on dépense le contenu
du porte-monnaie de ma mère.
C’est lors des repas, en cuisine, que ce gênant binôme surgissait de
manière féroce et houleuse car tous nos effort pour échapper au réel
pouvoir d’achat des salaires mensuels se traduisait par de cuisants
L’argent raconté aux enfants et à leurs parents- 5 -
échecs, donc par des cris ou des pleurs, des insultes ou des
insomnies etc. Bref : pour moi, la dette a un « son » et il est calibré
sur les timbres vocaux des miens.
Nous aurions donc pu contredire quotidiennement le concept de
l’argent comme « désir stocké » développé par G. Simmel (1) . Nous
aurions même pu figurer – comme certains polynésiens - dans
l’essai de sur le don et le contre don de Marcel Mauss (2) car nous
avons – à notre insu – pratiqué moult formes d’échanges parallèles et
pré-argentiques.
C’est, au fond, de cette inadéquation chronique entre comptabilité
domestique et désirs qu’est née l’idée de ce film. Film sous la forme
d’une machine à re(penser) la persistance de notre malaise
monétaire au rythme d’un allegro andante.
J’ai donc interrogé mes parents (toujours dans la même cuisine) et ai
convié différents spécialistes pour y voir plus clair. Tout entretien vise
ici à revenir à une enfance du savoir monétaire, à disséquer des
notions complexes par un dispositif ludique et carnavalesque avec le
secret espoir d’échapper – moi - à cet héritage-là.
Economistes, juristes, philosophes et intrépides utopistes apportent –
chacun – un éclairage direct ou indirect sur ce qu’est l’argent. Mais
aucune explication scientifique, aucune initiative folklorique (v. le
1) G. Simmel, Philosophie de l’argent, Quadrige / PUF, 1999.
2) M. Mauss, Sociologie et Anthropologie, Quadrige / PUF, 1999
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SIMEC inventé par le prof. Giacinto Auriti) n’arrive à toucher du bout
des doigts les raisons de nos déséquilibres financiers. « Pourquoi
aimions-nous les dettes ? » est donc la question qui pourrait résumer
l’ensemble de ce voyage. « C’est un moteur » dit mon père. « La
dette, c’est un dispositif sans lequel il n’y a pas de liens. Un dispositif
à partir duquel le plaisir est possible. Pas tout plaisir … » ajoute le
philosophe Jean-Paul Curnier. Nullement consolateurs, ces
constats-là ouvrent sur le désir de manière plus décontractée, voire
insolente.
Entretien :
Prof. Giacinto Auriti, inventeur d’une monnaie appelée SIMEC
(Symbole Econométrique). Oct. 2000. Extraits :

« La différence qui existe entre la monnaie en or et la monnaie
nominale, c’est que celui qui trouve une pépite en or peut se
l’approprier sans pour autant s’endetter envers la mine qui l’a
produite. Aujourd’hui, à la place de la mine, il y a la Banque Centrale,
et à la place de la pépite, il y a un bout de papier. Ce changement a
eu lieu de manière macroscopique avec l’apparition de la livre
Sterling (en Angleterre) et avec les Assignats (en France).
Qu’est-ce au juste ? Quand le citoyen a un assignat en poche, il croit
en être le propriétaire un peu comme quand il avait une pépite dans
cette même poche. Il n’y a pas eu uniquement un changement dans
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l’objet du symbole mais aussi un changement juridique car le citoyen
a été transformé de propriétaire en débiteur de son propre argent.
L’arrivée de la monnaie nominale a donc été une immense
supercherie qui n’a pas été vue comme telle car trop évidente. On ne
voit pas ses propres moustaches bien qu’ elles se trouvent sous
votre nez. (…).
Avec la monnaie nominale, le citoyen est un propriétaire provisoire,
comme le débiteur pendant toute la durée du prêt. Et cette durée est
établie par le gouverneur de la Banque Centrale qui a un crédit
équivalent à toute la monnaie qui est en circulation. Quand la
Banque Centrale émet une monnaie, c’est un peu comme si elle
prêtait des filets à des pêcheurs. Quand le pêcheur rend les filets, il
les rend remplit de poissons. Il rend le symbole monétaire rempli de
valeur induite, donc de valeur monétaire. Ezra Pound puis Nixon à la
1fin des accords de Bretton Woods l’ont souligné : « Ce qui crée la
valeur, c’est la collectivité. Ce n’est pas celui qui prête mais bien celui
qui accepte la monnaie qui crée cette valeur (…) ».
« La monnaie doit être déclarée propriété du citoyen au moment de
son émission. Voilà la grande nouveauté. Quand je dis « propriété
des citoyens », je le dis parce que la monnaie est un bien réel, un
objet de propriété. « La monnaie doit être déclarée propriété du
citoyen au moment de son émission. Voilà la grande nouveauté.
Quand je dis « propriété des citoyens », je le dis parce que la
monnaie est un bien réel, un objet de propriété. Nous avons donc
crée une monnaie sans réserve qui incorpore le temps objectivé,
symbole de la valeur induite et propriété du porteur (…) ».
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L’argent raconté aux enfants et à leurs parents- 8 -
Voici une image claire : Le SIMEC, c’est comme une pépite en or.
Comme la pépite, le SIMEC appartient au porteur. Nous avons compris
que la monnaie est un concept juridique