Chapitre L ambiguïté du concept de développement soutenable
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Description

Niveau: Supérieur, Doctorat, Bac+8
379 Chapitre 6 L'ambiguïté du concept de développement soutenable

  • développement soutenable

  • classification par les finalités concrètes du développement durable

  • économie dans l'environnement

  • capital artificiel aux ressources naturelles

  • logique de la reproduction des systèmes vivants

  • première démarche

  • conditions économiques


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Langue Français

Extrait

379









Chapitre 6




L’ambiguïté du concept



de développement soutenable








380








Nous avons déjà noté à plusieurs reprises que le concept de développement
durable ou soutenable se prêtait à des interprétations différentes pour de multiples raisons.
Parce qu’il prétendait rassembler à la fois un projet de réduction de la pauvreté et un projet de
préservation des écosystèmes, les deux n’étant pas a priori nécessairement compatibles
compte tenu de la croissance démographique. Parce qu’il émanait d’origines diverses,
institutionnelle, patronale, associative, théorique. Parce qu’il pouvait rapidement devenir
l’enjeu de rapports de forces entre groupes sociaux, pays ou groupes de pays. Son caractère
multiforme (I) constitue la première ambiguïté fondamentale du concept dont aujourd’hui
tout le monde se réclame sans en mesurer pareillement la portée.
Toutefois, derrière l’apparente dispersion caractérisant les démarches des
théoriciens, des promoteurs ou tout simplement des partisans du développement durable, on
peut discerner un élément autour duquel se fédèrent les principaux clivages et qui conditionne
le sens véritable qui peut être donné à un tel projet: il s’agit des rapports entre développement
durable et croissance économique (II). On verra alors que la façon de concevoir ces rapports
marque la frontière entre, d’une part, l’adhésion en dernière analyse au mythe et à l’idéologie
d’un développement tel qu’il a existé jusqu’ici, et, d’autre part, la recherche d’un mode de vie
formant avec ce développement une alternative.



I- Un concept multiforme.

La distinction que nous avons présentée dans les deux chapitres précédents
a le mérite de poser clairement, pour une première réflexion, l’antinomie entre la démarche de
l’économie de l’environnement et celle de l’intégration de l’économie dans la dynamique de
reproduction des systèmes vivants. Cependant, elle a l’inconvénient de laisser penser qu’à
l’intérieur de chacune des problématiques il existerait une cohérence des outils théoriques et
que les deux ensembles ne se chevaucheraient à aucun moment, gage de leur propre
cohérence interne. En allant plus loin, et compte tenu de la solidité des critiques apportées à la
première démarche, cette simple distinction encourageait à choisir la seconde, plus à même de 381
prendre en compte les questions ne relevant pas de critères marchands. Or, il convient de
montrer maintenant que les ambiguïtés du développement durable tiennent à des difficultés
que la simple distinction ci-dessus ne permet pas de lever. De ces difficultés sont nées des
controverses dont on peut dresser un inventaire provisoire (A). Dans la mesure où ces
controverses peuvent être rapportées à la question de la valeur, elles portent moins sur des
considérations techniques ou méthodologiques qu’éthiques (B).


A- Inventaire des controverses sur le développement
durable.

1 Dans une étude pour la Banque Mondiale, John Pezzey a recensé dans la
littérature de la décennie 1980, de manière non exhaustive précise-t-il, 60 définitions se
rapportant à la soutenabilité provenant de 36 sources différentes. Au sein de ces définitions
rapportées par l’auteur nous en dénombrons 21 concernant strictement la notion de
soutenabilité, 27 faisant référence explicitement au développement durable, 9 à la croissance
durable, et 3 rappelant la différence entre croissance et développement.
Cette multiplicité peut toutefois être réduite si l’on procède à des
recoupements et des rapprochements. Nous présenterons deux méthodes: une classification
par les finalités concrètes du développement durable, une reformulation autour de la
conceptualisation de l’environnement.


1. Classification selon les finalités concrètes du développement
durable.

2 Fabrice Hatem a proposé une classification ordonnée autour des finalités
3du développement durable. En se référant à C. Tisdell , il distingue une conception
écocentrée et une conception anthropocentrée du développement soutenable. La première
privilégie la protection de la vie supposée avoir une valeur en elle-même: alors, les êtres
vivants non humains ont un droit à l’existence pour une raison éthique et non utilitariste. La
seconde privilégie la recherche du bien-être humain: la préservation des autres espèces que
l’homme est justifiée par l’intérêt qu’elles revêtent pour ce dernier. Cependant cette seconde

1. PEZZEY J., Economic analysis of sustainable growth and sustainable development, op. cit., notamment p.
63-71.
2. HATEM F., Le concept de "développement soutenable", op. cit., p. 101-117.
3. TISDELL C., Sustainable development: differing perspectives of ecologists and economists, and redevance
to LDC, World Development, 16, 1988, cité par HATEM F., Le concept de "développement soutenable", op.
cit., p. 103. 382
approche comporte trois variantes qui mettent l’accent soit sur les conditions économiques,
soit sur les conditions écologiques, soit sur les conditions sociales du bien-être humain.
Hatem résume cette classification dans le schéma suivant.

Schéma 6.1


Anthropocentrisme Ecocentrisme
(maintenir le bien-être humain) (protéger la vie)



Approche "économiste": Approche "écologiste": Approche "sociale"
mettre en place préserver la base créer les conditions
les moyens économiques de ressources socio-écologiques
de la soutenabilité naturelles du bien-être

Source: HATEM F., Le concept de " développement soutenable", op. cit., p.102.

Hatem caractérise l’approche économiste par “l’hypothèse d’une forte
1substituabilité entre ressources naturelles et capital artificiel” pour compenser l’épuisement
des premières par l’accumulation du capital et le progrès technique. Elle retient donc la
conception de la soutenabilité faible et c’est celle qui se prête le mieux à l’utilisation des
instruments d’analyse néo-classiques: la dégradation de l’environnement n’est que le signe
d’un dysfonctionnement du marché qu’il s’agit de rétablir en définissant des droits de
propriété et des prix. Globalement cette approche du développement durable correspond à ce
que l’on appelle l’économie de l’environnement.
L’approche écologiste retient plutôt une conception de la soutenabilité forte
parce qu’elle ne pense pas possible de substituer du capital artificiel aux ressources naturelles
dont il faut maintenir le stock comme base. Elle tient compte des phénomènes d’irréversibilité
et d’entropie et récuse le marché comme indicateur d’optimum social.
L’approche sociale, que Hatem appelle aussi radicaliste ou socio-culturelle,
établit la jonction entre, d’une part, une critique traditionnelle du développement, telle que
celle dénonçant l’insatisfaction des besoins fondamentaux ou l’origine socio-politique du
sous-développement, et, d’autre part, l’aspect écologique du développement et du sous-
développement. Nous précisons que, dans cette approche, il n’y a pas de référence à une

1. HATEM F., Le concept de "développement soutenable", op. cit., p. 103. 383
critique du développement lui-même telle que l’expriment par exemple Serge Latouche ou
Wolfgang Sachs: on reste à l’intérieur du paradigme du développement en regrettant
simplement la confusion entre croissance et développement. Disons que la radicalité de cette
approche se résume à une dimension qu’aurait sans doute approuvée un auteur comme
Perroux.
Autant il est facile de rapprocher la première démarche économiste de la
théorie néo-classique, autant la recherche de proximités théoriques est plus délicate en ce qui
1concerne les deux autres. Ainsi, la problématique de la reproduction des systèmes vivants
pe

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