Yigal Bin-Nun - La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc
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L’histoire des Juifs du Maroc après l’indépendance (1956) est marquée par l’évacuation presque totale d’un quart de million de Juifs en direction d’Israël. Ce transfert de population mit fin à l’histoire d’une des plus importantes et anciennes communautés de la diaspora, qui devint à son arrivée en Israël qui devient à son arrivée en Israël le groupe d’immigrants démographiquement le plus large. À la question cardinale de savoir pourquoi les Juifs ont quitté le Maroc, on peut fournir diverses réponses. Certaines sont substantielles et relèvent de problèmes fondamentaux, d’autres sont circonstancielles et tiennent à la date spécifique de leur départ, au début des années soixante.
יגאל בן-נון, הסכם הפשרה בין ישראל למלך חסן השני לפינוי יהודי מרוקו

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Publié le 05 août 2013
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Langue Français

Extrait

La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc I 1






La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc

Yigal Bin Nun
Université de Paris VIII

La fin du Judaïsme en terres d'Islam, dir. Sh. Trigano, Denoël Médiations, Paris 2009, pp. 303-358.


Les chapitres
Une longue mutation démographique 1
Le bilan du protectorat : progrès et déceptions 2
La politique du jeune état marocain 6
Les atteintes aux droits des Juifs et au statut de la communauté 7
La question de l’émigration et l’octroi des passeports 8
La rupture des relations postales 10
Le dahir de la marocanisation 11
Le poids de l’islam dans la constitution marocaine 11
La conversion forcée des jeunes filles juives 12
Le tournant décisif de l’année 1961 : le naufrage du Pisces 13
« L’accord de compromis » et les pourparlers qui l’ont précédé. 16
L’indemnisation et l’évacuation 24

L’histoire des Juifs du Maroc après l’indépendance (1956) est marquée par l’évacuation
presque totale d’un quart de million de Juifs en direction d’Israël. Ce transfert de population
mit fin à l’histoire d’une des plus importantes et anciennes communautés de la diaspora, qui
devint à son arrivée en Israël qui devient à son arrivée en Israël le groupe d’immigrants
démographiquement le plus large. À la question cardinale de savoir pourquoi les Juifs ont
quitté le Maroc, on peut fournir diverses réponses. Certaines sont substantielles et relèvent de
problèmes fondamentaux, d’autres sont circonstancielles et tiennent à la date spécifique de
leur départ, au début des années soixante.
Une longue mutation démographique
La mobilité démographique à l’intérieur du pays est l’une des nombreuses raisons ont fait
pencher la balance en faveur de ce départ. En effet, l’émigration des Juifs s’est produite au
terme d’un processus démographique naturel, qui débuta longtemps auparavant au sein de la
société marocaine, et plus longtemps encore, dans la communauté juive, en raison de son
e estatut socio-économique spécifique. Ce processus avait débuté aux 18 et 19 siècles et
s’accéléra sous le Protectorat français. La population juive quitta progressivement les
campagnes en direction des petites villes voisines, et celle des petites villes migra vers les
villes plus grandes. Cette urbanisation rapide réduisit la population juive rurale à près de 15% La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc I 2
seulement du total de la communauté en 1957 et se poursuivit avec la croissance
démographique jusqu’à arriver à 8%, au début des années soixante. La nouvelle métropole
économique, Casablanca, devint rapidement le centre de la vie juive. Parallèlement, dans les
grandes villes, le passage de l’ancien « mellah » aux nouveaux quartiers juifs et l’assimilation
individuelle dans les quartiers européens se poursuivirent.
Les mouvements démographiques intérieurs constituaient un signe annonciateur et la
première étape d’un processus qui devait conduire à l’émigration. Le nouvel essor
économique dû à la colonisation ébranla la structure des métiers juifs traditionnels, et porta
1plus particulièrement atteinte au métier de l’orfèvrerie . Avec l’essor économique de
Casablanca, les migrations vers cette ville s’effectuèrent directement depuis les villages
éloignés. En janvier 1960 la population rurale juive ne comptait plus que 8,33% de la
communauté, soient 30 000 personnes sur une population de 250 000 Juifs environ.
Parallèlement à cette migration interne, avant même la fondation de l’État d’Israël, se
développa une émigration, non seulement vers la France et l’Espagne, mais aussi vers le
Brésil et le Venezuela, Gibraltar, l’Angleterre, les États-Unis et le Canada. Le départ du
Maroc pour des pays plus attrayants, qui promettaient à long terme une qualité de vie
meilleure, s’inscrivait dans un processus qui alla en se renforçant. Ces mouvements de
population étaient dus surtout à la nouvelle scolarisation et à la promotion culturelle sous
l’égide de la France. En peu de temps, la communauté assimila avec avidité la civilisation
française, et un fossé se creusa entre elle et son environnement géographique et social arabo-
musulman. Le sous-développement relatif de la société marocaine suscita le départ des Juifs
qui aspiraient améliorer leur condition sociale et s’inquiétaient de l’avenir professionnel et
culturel de leurs enfants. L’ébranlement économique engendré par la migration intérieure, les
relations avec les autorités du Protectorat, la remise en cause de l’équilibre social entre
Musulmans et Juifs et le passage du statut de dhimmi à un semblant d’égalité avec les
2Français ne firent qu’accélérer cette mobilité .
Le bilan du protectorat : progrès et déceptions
Le processus d’occidentalisation accéléré, découlant de la scolarisation dans les écoles de
l’Alliance Israélite Universelle, suscita beaucoup d’espoirs parmi les admirateurs de la
civilisation française. Ils espéraient que tous les Juifs du Maroc bénéficieraient de la
citoyenneté française, selon le précédent du décret Crémieux, qui avait fait des Juifs
d’Algérie des citoyens français. Lorsque la guerre éclata, et avant la capitulation de la France,
quelque 8 000 jeunes Juifs du Maroc demandèrent à s’engager dans l’armée française pour
combattre le nazisme. Les autorités le leur refusèrent, sous prétexte que ceci entraînerait des
demandes de citoyenneté, ce qui déséquilibrerait le tissu social des relations entre Musulmans
et Juifs. Très tôt, les anciens élèves de l’Alliance israélite furent déçus par la France,
déception qui s’accrut avec l’entrée en vigueur des lois discriminatoires de Vichy - adoptées
avec enthousiasme par la Résidence générale française au Maroc - et qui portèrent atteinte au

1. La crise économique de l’année 1929 atteignit aussi durement la communauté, au point que dans la ville
de Fès, 130 électeurs furent retirés du registre des électeurs, parmi les 400 titulaires du droit de vote qui
était accordé en fonction de la fortune personnelle, parce que leurs noms figuraient sur la liste des
bénéficiaires de l’aide sociale des organismes d’entraide communautaire.
2. Le géographe André Adam a analysé les différences entre les migrations intérieures juive et musulmane.
Alors que chez les Musulmans il s’agissait plus d’une migration saisonnière et provisoire, due aux
contraintes économiques et professionnelles, chez les Juifs la migration revêtait un caractère définitif et
incluait tous les membres de la famille. Selon lui, les Juifs rompaient tout lien avec leur village d’origine,
et il n’a constaté chez les Juifs de Casablanca aucune nostalgie pour leur lieu d’origine. André Adam,
Casablanca, CNRS, tome 1, Paris. La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc I 3
statut des Juifs de nationalité française ou étrangère, parmi lesquels une dizaine de milliers de
Juifs d’origine algérienne. Les Juifs d’Europe orientale qui avaient trouvé refuge au Maroc
3furent déportés dans des « camps de séjour » à Bou‘arfa et Agdiz, aux confins du Sahara . Ce
triste épisode se reflète dans les chansons populaires qui faisaient l’éloge du libérateur
américain, après le débarquement allié en Afrique du Nord, et exprimaient leur répugnance
4des Français . Un décret du 22 août 1944 contraignait les Juifs venus habiter la ville
européenne, après septembre 1939, à retourner au mellah. À Fès, 40 Juifs sur 342 furent
soumis à ce décret discriminatoire. À Casablanca, la situation était encore plus dure. Une
dizaine de milliers de Juifs, sur les 50 000 de la ville, habitaient déjà la ville européenne. Le
numerus clausus imposé aux Juifs dans les établissements d’enseignement fran&#

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