Fiche de révision BAC Français - Biographie de Flaubert

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Retrouvez la fiche de révision de la biographie de Gustave Flaubert pour préparer votre bac français.
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20 mars 2015

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Français

Biographie de Flaubert
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LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
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Nº : 01048
De 1841 à 1844, Gustave délaisse ses études et mène à Paris une vie de bohême, qu’il consacre à l’écriture. Ce parcours n’a rien e d’original : dans la première moitié du XIX siècle, la bohême est un phénomène culturel fondamental, le véritable creuset du champ littéraire. Elle se caractérise par la marginalité sociale, mais aussi par une certaine centralité, puisqu’il s’agit d’un fait essentiellement parisien. Ces groupes de jeunes artistes partagent un style de vie spécique, antibourgeois, et une culture de la marginalité et de la provocation. En 1842, Gustave écritNovembreinspiré par le mal du siècle, , texte avant d’achever en 1845 la premièreEducation sentimentalequi interroge déjà le romantisme, remettant en question l’engagement dans: il s’agit là d’un roman du désertement, la sphère publique et la posture prophétique qui en sont indissociables. Entre-temps, il a fait à Paris la connaissance de Maxime du Camp, à qui il est rapidement très lié. De plus, sa première crise d’épilepsie, en janvier 1844, lui a permis d’abandonner dénitivement ses études de droit.
Les penchants littéraires de Gustave sont largement reétés par ses premiers écrits qui sont des récits historiques, des contes philosophiques et fantastiques, des drames, inspirés de Balzac, de la vogue pour l’histoire, du romantisme noir deLa Comédie de la mortdesde Théophile Gautier, de l’exotisme Orientales1838 une sorte d’autobiographie romantique, lesde Victor Hugo. Il écrit en Mémoires d’un fouLe livre évoque la rencontre passionnée qu’il t à 15de cinq ans son aîné. , dédiées Alfred le Poittevin, à son ami ans, l’été 1836, à Trouville, d’Elisa Foucault, compagne de l’éditeur de musique Maurice Schlesinger, qu’elle épouse en 1840.Toute sa vie, Flaubert gardera des liens avec le couple. Cette rencontre inspirera la première et la secondeEducation sentimentale1839,. En Gustave compose une nouvelle fantastique,Smarhdes aspects annoncent, dont bien de saint AntoineLa Tentation août 1840,. En Flaubert est bachelier, et il parcourt les Pyrénées et la Corse jusqu’en octobre. Puis, il s’inscrit à la faculté de droit, à Paris, puisqu’il a été décidé qu’il deviendrait avocat.
Flaubert est né le 12 décembre 1821 dans une famille de la bourgeoisie rouennaise. Sa mère Caroline, née Fleurion, est la lle d’un médecin de Pont-l’Evêque ; son père, Achille Flaubert, est chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Rouen. Le frère aîné de Gustave, Achille, suivra les traces de son père et deviendra médecin. Sa soeur cadette, dont il est très proche, Caroline, naît en 1824. Selon les usages, Gustave entre comme interne au collège royal de Rouen, en classe de huitième, en février 1832. Sa scolarité est plutôt brillante, même si le comportement adolescent du jeune Flaubert ne correspond guère aux attentes de ses professeurs. En sixième, il fonde avec son ami Ernest Chevalier un petit journal,Art et Progrès. En est vivement encouragé parcinquième, Gustave son professeur principal, Gourgaud, qui lui prescrit des « narrations à composer » et l’encourage à écrire des textes de son cru. e Dès son enfance, il baigne dans la culture bourgeoise du début du XIX siècle. Celle-ci comporte plusieurs éléments distinctifs, au nombre desquels il faut compter des oeuvres liées à la morale chrétienne mais dont il rejette le contenu proprement mystique et e des oeuvres caractéristiques de la culture bourgeoise : les classiques grecs et latins, les auteurs français du XVImais surtout des e e XVII (Corneille, Molière) et XVIII siècles (Voltaire, Rousseau), des livres d’histoire, des récits de voyage, et quelques classiques anciens et récents de la littérature étrangère (Cervantès, Le Tasse, L’Arioste…). Les auteurs romantiques contemporains semblent moins nombreux dans les bibliothèques bourgeoises. Dans cette perspective, la culture littéraire que se constitue Flaubert dans ses jeunes années est originale : s’il apprend à lire à partir des classiques, comme Rabelais ou Cervantès, il dévore également avec admiration la littérature romantique, celle des Hugo, Dumas, Balzac, Byron...
Le 3 mars 1845, sa soeur Caroline épouse Emile Hamard. Flaubert et ses parents accompagnent le couple en Italie, et traversent la Provence, Gênes, Milan, Genève, Ferney, Besançon. Il est marqué par la découverte à Gênes deLaTentation de saint AntoineBruegel,, de qui lui inspire un texte qu’il retravaillera quelques années plus tard. 1846 est l’année des deuils : Gustave perd successivement son
Les débuts
1. Les débuts 2.Madame Bovary 3.SalammbôetL’Education sentimentale 4. Le dernier Flaubert
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LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
père, le 15 janvier, et sa soeur, le 23 mars. Il se retire à Croisset, la résidence secondaire de la famille, avec sa mère. Son père laissederrière lui une fortune évaluée lors de l’Enregistrement à 500 000 francs. Cet héritage lui permet de s’adonner librement à la carrière d’écrivain : isolé, rentier, Flaubert peut se consacrer à la littérature.
C’est également en 1846 que Flaubert rencontre Louise Colet, qui devient rapidement sa maîtresse, et le reste pendant deux ans. De mai à juillet 1847, Flaubert entreprend en compagnie de Maxime du Camp un voyage qui les mène en Anjou, en Bretagne et en Normandie. Les deux amis consignent leurs impressions dansPar les champs et les grêvesqui ne paraîtra qu’en 1885., texte
La France vit alors une époque troublée. La jeunesse de Flaubert correspond à la n de la Restauration, provoquée par le refus de Charles X de jouer le jeu du régime représentatif. Le 8 août 1829, il renvoie Martignac, un libéral, de la tête du ministère, et le remplace par le prince de Polignac. De nombreux ministres rappellent pareillement l’Ancien Régime, tels Bourmont ou La Bourdonnaye. Selon Metternich, «l’événement a valeur d’une contre-révolution». Soumis à une opposition de plus en plus virulente, le roi dissout la chambre des députés le 16 mai 1830. Les élections, qui se déroulent du 23 juin au 19 juillet, voient le nombre des députés d’opposition passer de 221 à 270. Le 26 juillet, Charles X persistant dans la voie de la monarchie absolue, publie quatre ordonnances par lesquelles il durcit les lois électorales, supprime la liberté de la presse, dissout la chambre et organise de nouvelles élections. C’est l’épreuve de force. Des barricades sont dressées tandis que l’insurrection s’organise. Les 28 et 29 juillet, le peuple de Paris s’empare de la ville. Les parlementaires réagissent alors, et organisent un gouvernement provisoire. Celui-ci envisage un changement de dynastie, prend en compte l’héritage politique de la Révolution, met n aux espoirs des tenants de la monarchie absolutiste sans toutefois proclamer la République : le 30 juillet, le duc d’Orléans est désigné comme lieutenant général du royaume. La chambre des députés, qui ne se sent guère entravée par sa dissolution, entreprend de réviser la constitution : le roi de France devenait roi des Français, la religion catholique cessait d’être religion d’Etat, et la loi électorale était assouplie. Le 9 août, le prince er jure d’observer dèlement la charte, et devient Louis-Philippe I . La révolution de 1830 se voulait universelle, comme celle de 1789, et fut le point de départ de nouvelles révolutions en Europe. Elle incarne les espoirs romantiques : les Trois Glorieuses ont été représentées par exemple par Delacroix avec saLiberté guidant le peuple.
A partir de 1840 et avec l’arrivée au pouvoir de Guizot, le régime de la monarchie de Juillet se ge autour du conservatisme et de l’autoritarisme d’un roi vieillissant et coupé des réalités, qui sous-estime le mécontentement de l’opinion. Une campagne de banquets est engagée pour faire baisser le cens électoral, et le gouvernement commet l’erreur d’interdire le banquet prévu à Paris le 22 février 1848. Le lendemain, l’agitation renaît, des barricades s’élèvent, et la garde nationale fait défection. Guizot est renvoyé, mais alors que des manifestations de joie se déroulent devant son ministère, le service d’ordre perd son sang froid et tire sur la foule. L’émeute se généralise, et les insurgés investissent les Tuileries le 24 février. Le roi abdique en faveur de son petit-ls, le comte de Paris, et s’enfuit en Angleterre. Un gouvernement provisoire est constitué, regroupant Lamartine, Ledru-Rollin, Arago, Garnier-Pagès, Marie, Louis Blanc et le mécanicien Albert. La bourgeoisie parisienne est transportée d’enthousiasme par les événements, et multiplie les manifestations exprimant une mystique humanitaire et démocratique que l’on retrouve dans les premiers actes er du gouvernement : suppression de la peine de mort le 25 février ; proclamation du suffrage universel le 1 mars ; abolition de l’esclavage le 27 avril ; afrmation de la liberté de la presse et de la liberté de réunion. Flaubert a été un témoin privilégié de la révolution de 1848.Alerté par ces manifestations du 22 février 1848, il se rend à Paris avec son ami Louis Bouilhet pour y rejoindre Maxime du Camp.Tous trois assistent en spectateur à la chute de Louis Philippe. DansL’ Education sentimentale,Flaubert décrira à la perfection l’esprit libertaire de 48, qui marque le paroxysme paradoxal des ambitions romantiques.
Marqué par ces événements et par le décès de son ami Alfred Le Poittevin, il décide d’écrirede saint AntoineLa Tentation . Il s’isole à Croisset, relit ses notes, et entame la rédaction «le mercredi 21 mai 1848 à trois heures un quartdernière, menée ». Cette dans le plus grand secret, sera achevée le 12 septembre 1849. Gustave réunit Maxime du Camp et Louis Bouilhet à Croisset pour leur lire son oeuvre in extenso. Les deux amis, perplexes, estiment que l’oeuvre est impubliable, jugement que l’auteur vit comme une catastrophe intime. Il n’a pourtant pas le temps de se morfondre : en octobre 1849, il part pour l’Orient avec Du Camp. Pendant près de vingt mois, les deux amis parcourent l’Egypte, la Palestine, la Syrie, le Liban, l’Asie Mineure, visitent Constantinople et Athènes, puis remontent toute l’Italie de Naples à Venise. Les différentes étapes de ce voyage ont été précisées par Flaubert dans ses lettres et ses carnets de voyage. Ce périple, et en particulier la découverte de l’Egypte lors de la descente du Nil, remodèle l’imaginaire de l’écrivain, marqué avant tout par la beauté monumentale des temples et des nécropoles antiques, la splendeur des paysages éclairés par une lumière incomparable, les charmes de la femme orientale. Il convient de préciser que l’Orient est une e destination à la mode pour les écrivains de la première moitié du XIX siècle : un tel voyage a déjà été accompli et relaté par Chateaubriand, Lamartine ou encore Nerval. Cette attitude culmine dans le philhellénisme, soutien spontané de certains artistes aux révolutionnaires grecs en lutte contre l’occupation ottomane, qui se manifeste surtout entre 1821 et 1822, et entre 1824 et 1826. Les romantiques en particulier suivent les traces de Byron, qui a rejoint la Grèce en 1823 accompagné de la « brigade Byron », pour y mourir au siège de Missolonghi. L’Orient est également un objet de fascination esthétique, et l’orientalisme s’impose comme une tendance majeure dans l’ensemble de la production artistique, ce dont témoignent lesOrientalesde Hugo ou les peintures de Delacroix, commeLes massacres de Scio(1824) ouLa Grèce sur les ruines de Missolonghi(1826).
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Madame Bovary
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De retour d’Orient, Flaubert se rend à Croisset, résolu à se consacrer à une oeuvre romanesque qu’il veut novatrice, et s’attelle à la rédaction deMadame BovaryLouise Colet. Celle-ci est une femme de lettres qui tient salon, liée à . Il renoue contact avec Vigny, Leconte de Lisle, ou encore Marceline Desbordes-Valmore. Dans près de deux cents lettres, Gustave multiplie les condences sur la genèse deMadame Bovarytoutes les étapes. Le scénario du livre est établi en six semaines, et s’inspire de la vie, dont il rapporte d’un ancien élève de son père, Eugène Delamare. Ofcier de santé en Normandie, celui-ci avait épousé en secondes noces Delphine Couturier, laquelle s’était empoisonnée en 1848 après l’avoir trompé. Delamare était mort de chagrin en 1849. La rédaction commence le 19 septembre 1851 et durera cinq ans, pour ne s’achever que le 30 avril 1856. e Au milieu du XIX siècle, les romans étaient généralement publiés dans la presse sous forme de feuilleton, avant d’être publiés en volume.Madame Bovaryle roman est publié sous forme pré originale en six livraisons dans lane fait pas exception : Revue de Paris, er dirigée par Maxime du Camp, entre le 1 octobre et le 15 décembre 1856. Du Camp, qui craint la censure impériale, procède à plusieurs suppressions, qui touchent les passages où Flaubert se joue le plus du bon goût et de la morale. Pourtant, les services de la censure impériale se penchent sur le texte, et font interdire la publication en volume. Des poursuites sont engagées contre l’auteur et son éditeur pour «outrage à la morale publique et religieuse». Le procès se déroule du 31 janvier au 7 février 1857 : attaqué par le procureur impérial Pinard, Flaubert est défendu par l’avocat rouennais Senart. Le procureur dénonce les «tableaux lascifs» du roman et les insultes faites à la religion, « images voluptueuses mêlées aux choses sacrées». Il met surtout en cause le « réalisme » de l’œuvre, considéré comme un principe vulgaire, amoral, matérialiste, choquant et impudique. De telles attaques rappellent la phrase du critique Bazire sur Manet : «L’Empire avait des goûts d’idéal, et détestait qu’on vît les choses telles qu’elles sont.» L’issue du procès est positive : Flaubert fait jouer ses solides appuis et obtient son acquittement et celui des éditeurs de laRevue de Paris. S’il relève les excès du livre, le verdict reconnaît sa valeur pédagogique et sa qualité artistique. En revanche, le 20 août 1857, devant la même cour, attaqués par le même producteur pour des motifs semblables, Baudelaire et son éditeur Poulet-Malassis verront les Fleurs du malàcondamnées. Quant Madame Bovaryscandale lié au procès lui assure une publicité considérable. Le livre paraît, le en avril chez Michel Levy, et les ventes s’envolent rapidement. Les critiques abondent, et sont souvent positives, comme celles de Baudelaire, Sainte-Beuve ou encore Barbey d’Aurevilly.
Madame Bovaryest la première œuvre littéraire majeure d’un nouveau régime politique, leSecond Empiredeuxièmeeffet, la . En République a pris n le 2 décembre 1851. Le coup d’Etat qui se déroule ce jour-là découle directement de l’impossibilité de réviser la constitution. Elu triomphalement président de la République pour quatre ans en décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte n’est en effet pas autorisé à briguer un nouveau mandat en 1852, et l’assemblée législative lui refuse toute possibilité de révision. Le président prépare alors l’épreuve de force : il discrédite l’assemblée, qui avait réduit le suffrage universel par la loi du 31 mai 1850, et inquiète les classes moyennes en évoquant la montée d’un « péril rouge » ; par ailleurs, il nomme des ministres dévoués, épure l’administration et le corps préfectoral, s’assure enn du contrôle de l’armée et de la police. Il suft alors de quelques hommes décidés pour mener à bien le coup d’Etat, à la date symbolique du deux décembre, anniversaire du sacre de Napoléon et de la victoire d’Austerlitz. A l’aube, tandis que les hommes du président se sont rendus maîtres du Palais-Bourbon, des afches sont placardées et annoncent la dissolution de l’assemblée, le rétablissement du suffrage universel et le plébiscite sur le pouvoir accordé e à Louis-Napoléon Bonaparte de rédiger une nouvelle constitution. La résistance parisienne est rapidement brisée. L’histoire de la IIRépublique est celle d’une série d’échecs : échec de la démocratie politique marquée par la mauvaise gestion du suffrage universel, échec de la démocratie sociale marquée par la crise des journées de juin, échec à empêcher le coup d’Etat et la mise en place d’un régime autoritaire. L’esprit de 48 sera par la suite dûment raillé : le coup d’Etat du 2 décembre 1851 entérine l’échec de la génération romantique, la n des espérances démocratiques et de l’idéologie de la fraternité universelle. La rédaction deMadame Bovaryépouse donc les premières années d’un nouveau régime.
e L’échec de la II République, qui est celui d’une tentative démocratique prématurée, a un impact direct sur le travail romanesque de Flaubert et sur son rapport au réel : selon lui, 1848 a permis de démasquer et démystier les aristocraties : 1851 met en évidence la bêtise du nouveau maître politique, le peuple. La volonté d’écrire un roman moderne est étroitement liée à ce constat pessimiste.
Salammbô et L’Education sentimentale
En mai et juin 1856, Flaubert réunit des notes sur le Moyen Age, avec l’ambition d’écrire une Légende de Saint Julien. De même, il remanie le texte de sa Tentation de Saint Antoine de 1849, pour en donner une version beaucoup plus courte. Quelques passages sont publiés dans la revue L’Artiste par Théophile Gautier, en décembre 1854 et en janvier 1857.
Lors du procès, ils sont cités à charge par le procureur impérial. Flaubert, qui craint d’être à nouveau poursuivi devant les tribunaux, choisit d’abandonner provisoirement ces deux projets. Il revient à un projet de 1852, laissé à l’état de scénario, La Spirale, «roman métaphysique fantastique et gueulard». Il cherche surtout à s’éloigner à tout prix du roman contemporain et occidental qui l’a rendu célèbre. Pendant la rédaction deMadame Bovary,il rêvait déjà d’Orient et d’antiquités, écrivant à Louise Colet le 2 janvier 1854 : «des descriptions du vieil Orient fabuleuxdes sièges, des batailles, Je suis entraîné à écrire de grandes choses somptueuses, mars». De à septembre 1857, il effectue des recherches poussées sur l’Afrique du Nord et les réalités carthaginoises dans l’Antiquité; puis
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il entame la rédaction de son projet « Carthage », «roman dont l’action se passera trois siècles avant Jésus-Christ» (qui deviendra Salammbôl’achever en un an. ), pensant pouvoir Il partage son temps entre Croisset et Paris (où il loue un appartement au 42, boulevard du Temple), entre l’écriture et les séjours mondains. Il se heurte rapidement à des difcultés dans la rédaction de son nouveau roman, comprenant qu’il ne pourra la mener à bien avant d’avoir arpenté lui-même les lieux qu’il lui faut décrire. L’écrivain entreprend alors un voyage en Afrique du Nord, pour mieux se documenter. Il quitte Paris le 12 avril 1858 pour un voyage qui durera deux mois, et le mènera de Philippeville aux zones limitrophes de l’Algérie, en passant par Constantine,Tunis, les ruines de Carthage, le littoral tunisien et l’ouest de la Tunisie. Dès son retour à Croisset, le 9 juin, il repasse à l’encre les quelques cent cinquante pages de notes prises au crayon sur son carnet de voyage, dans lesquelles il a multiplié les notations de couleurs et les relevés topographiques. Désormais rassuré quant à l’authenticité possible de la représentation de l’Orient antique, il reprend à zéro la rédaction deSalammbôsouci de précision et de vérité est à resituer dans le contexte culturel plus large du renouveau. Ce de l’histoire. Avec le romantisme, l’histoire se dégage de la philosophie, sans toutefois s’affranchir complètement du mythe : elle est avant tout mémoire des origines.
e Le XIX siècle devient alors le siècle de l’histoire, qui balance entre histoire savante et histoire nationale. Dès les années 1820-1830, l’effervescence éditoriale est manifeste, avec par exemple la publication desMémoires relatifs à l’histoire de France,ou desDocuments inédits de l’histoire de France(1834). Dans les années 1850, une conception nouvelle de l’histoire s’impose : Michelet est le premier historien français important à recourir systématiquement à l’utilisation critique des sources. C’est une période d’intense production d’histoires de la Révolution française : les historiens cherchent à comprendre et construire le présent en l’historicisant.
En situant son roman dans l’Orient antique, Flaubert est bien loin de ces préoccupations. De plus, l’exactitude scientique n’est pas l’objectif premier de son écriture. Le 15 octobre 1858, il écrit à Ernest Feydeau «On ne sait rien de Carthage (mes conjectures sont je crois sensées, et j’en suis même sûr d’après deux ou trois choses que j’ai vues) (…) il faudra que ça réponde à une certaine idée vague». Ses recherches livresques et topographiques sont donc toujours dirigées par une exigence de « vague », qui redénit les relations entre ction et érudition. Le roman, qui compte nalement quinze chapitres, est achevé à la mi-avril 1862, résultat d’un travail quasi ininterrompu. Il est publié par Michel Levy le 24 novembre, après de longues négociations, Flaubert posant pour principe l’acceptation du roman sans lecture préalable et un refus dénitif de toute illustration. La réaction des critiques est virulente, et Sainte-Beuve reproche à l’auteur de s’être laissé aller au « sadisme » sans discernement, tandis que les Goncourt l’accusent d’avoir voulu imiter lesMartyrs de Chateaubriand. Flaubert entretient également un débat houleux avec l’archéologue Froehner qui lui reproche plusieurs inexactitudes ou imprécisions historiques. Seule George Sand publie un article favorable, qui marque le début d’une longue et amicale correspondance entre les deux écrivains. La polémique ne fait qu’amplier le succès du livre qui est considérable : deux mille exemplaires sont vendus en deux jours, le deuxième tirage est épuisé le 13 décembre, le troisième avant la n de janvier 1863. Les scandales sont légion : tandis que les petits périodiques raillent les amours de Mâtho et Salammbô et l’usage fréquent de mots savants, les familles bourgeoises s’offusquent des scènes de zoophilie, de supplices et d’anthropophagie.
Pendant plusieurs semaines, le roman inue sur la vie culturelle parisienne, inspire les activités des salons et de la Cour, envahit les bals costumés. Le 9 février 1863, à l’occasion du bal de la cour, Madame Barbe Rimski-Korsakov fait sensation dans sa robe« Salammbô ». Dans les théâtres parisiens, on joue de multiples parodies du roman de Flaubert, commeFolammbôou lesCocasseries er carthaginoises, opérette créée le 1 de Laurencin et Clairville, mai 1863. Grâce àSalammbô, Flaubert s’impose donc comme un écrivain à la mode, une gure incontournable du champ littéraire français. Il se lie avec de nombreux hommes de lettres : Sainte-Beuve, Baudelaire, Feydeau, les frères Goncourt, Henri Monnier, Paul de Saint -Victor, le marquis de Chennevières ou encore Aurélien Scholl. En avril 1862, Gavarni, Sainte-Beuve et les Goncourt créent « les dîners Magny » : lors de ces repas, qui se déroulent au restaurant Magny (ouvert en 1842 à proximité de la rue Dauphine), des hommes de lettres se réunissent pour discuter de sujets divers. Flaubert y est invité dès le mois suivant, et s’y rendra régulièrement. Il y côtoiera notamment Taine, Renan,Théophile Gautier, M. Berthelot, A. Robin, George Sand à partir de 1866, ou encore Tourgueniev.Au sein de ce que ses fondateurs considèrent comme « le dernier cénacle de la vraie liberté de penser et de parler », Flaubert est en contact avec certains des plus importants acteurs de la culture savante. Il se familiarise avec l’esprit scientiste, la libre-pensée, c’est-à-dire une manière de penser l’Histoire et la société des hommes en se détachant des représentations religieuses, mais en insistant sur un examen minutieux des sources et le strict respect d’une méthode scientique. Cette culture nouvelle à laquelle il participe, Flaubert va chercher à la mettre en oeuvre dans ses romans, radicalisant ses partis pris littéraires. Il rédige d’abord, en collaboration avec ses amis Louis Bouilhet et le comte d’Osmoy, une féerie,Le château des coeurs. Son contrat avec Levy stipule que son prochain livre doit être un « roman moderne parisien ». Flaubert hésite alors entre plusieurs projets, et prépare notamment, sous le titre «Les Deux Cloportesplan de l’histoire de deux copistes qui entreprennent d’enregistrer», le les bêtises de leur temps après les avoir expérimentées, dans lequel on peut reconnaître le futurBouvard et Pécuchet. Il choisit nalement de se consacrer aux expériences d’un jeune homme dans son temps : le projet initial, formulé en 1864, est un roman e d’amour (dont le titre de travail est « Madame Moreau ») qui a pour cadre la n de la monarchie de Juillet et la II République ; Flaubert nit par l’intégrer à une fresque historique d’envergure, qu’il nommeL’ Education sentimentalerédaction du roman. La er commence le 1septembre 1864, pour ne s’achever qu’en 1869.Au cours de ces cinq ans, Flaubert multiplie les séjours à Paris, où il est invité dans tous les salons. Il fréquente en particulier le salon de la princesse Mathilde, nièce de Napoléon III, où, dès 1868, il dîne tous les mercredis lors de ses séjours parisiens. En novembre 1864, l’empereur l’invite à Compiègne, et le fait chevalier de la Légion d’honneur le 15 août 1866.
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Flaubert a donc su jouir des privilèges du Second Empire, qui a représenté pour lui une période plutôt prospère. La « fête impériale » a proté à la culture bourgeoise, qui s’est épanouie, particulièrement au théâtre, avec les opérettes d’Offenbach, les pièces d’Alexandre Dumas-ls ou de Labiche. La « fête impériale » ne fut pourtant pas toujours celle de la pensée : dans la première décennie du nouveau régime, beaucoup d’écrivains et d’artistes sont réduits au silence ou condamnés à l’exil.Les Châtimentsde Hugo, écrivain pourtant reconnu, sont vendus et lus clandestinement. L’époque est cependant fondamentale dans le renouvellement des doctrines philosophiques et scientiques. Le Second Empire apparaît comme une période remplie de contradictions. Il se veut une période de paix, mais la France a participé à trois guerres (Crimée, Italie, Mexique) avant d’être vaincue par la Prusse. La censure ofcielle et l’absence de liberté d’expression s’opposent à une réelle prospérité économique et au développement de liens puissants entre une partie du patronat et les milieux politiques, la prospérité de ces nouveaux riches ayant été largement décrite par Zola dans les « Rougon-Macquart ». Surtout, l’opposition est nette entre l’Empire autoritaire, de 1852 à 1860, et l’Empire libéral, de 1861 à 1870. La première phase du régime voit tout un corpus de lois contre les libertés (et en particulier la liberté de la presse) se mettre en place, tandis que le 27 février 1858, la loi de sûreté générale est le signe certain d’une forte crispation politique : la répression des délits politiques est plus brutale que jamais.A partir de 1861, l’évolution libérale du régime est nette et se traduit par une succession de réformes concernant le fonctionnement des institutions et promouvant le suffrage universel. Ainsi, la période semble toujours hésiter entre archaïsme (la mise en place d’un régime anti-républicain, puisant ses modèles d’exercice du pouvoir dans le passé) et modernité : modernité des entrepreneurs, modernité des nouvelles formes d’art, d’architecture et d’urbanisme (Haussmann), modernité politique avec la pratique d’une forme de démocratie directe, le plébiscite.
Sous-titré « Histoire d’un jeune homme », le roman nourri de ces contradictions paraît à Paris chez Michel Lévy le 17 novembre 1789. La critique se montre unanimement hostile, et particulièrement virulente, à l’exception de Zola, Banville et George Sand. L’œuvre est également un échec auprès du public, et ne connaît qu’un unique tirage de trois mille exemplaires, qui n’est toujours pas épuisé en 1873.
Le canevas deL’Education sentimentaleest délibérément autobiographique, et mêle les souvenirs de ses amours (sa rencontre avec Elisa Schlesinger), de ses études (le collège en particulier), de sa vie parisienne et de son expérience de spectateur de 1848. Pourtant, l’histoire de Frédéric Moreau n’est pas l’histoire de sa vie : ces souvenirs sont transcrits sur un mode impersonnel, employés comme une simple matière documentaire. L’ambition avouée de Flaubert est bien plus vaste : «je veux faire l’histoire morale des hommes de ma génération ; "sentimentale " serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive». De fait, le livre représente l’ensemblede la société parisienne du milieu du siècle (politique, journalisme, arts, révolution). Surtout, il met en scène la jeunesse romantique et ses élans avortés, la lente dégradation de ses espoirs personnels et de ses espérances politiques et sociales. En proclamant nalement qu’il n’y a pas d’« éducation sentimentale » et que la vie n’est que le résultat des hasards malheureux et de l’ironie des choses, Flaubert rend compte avec lucidité des désillusions romantiques.
L’Education sentimentaletransformés tant par uneconstitue une rupture dans l’histoire du roman historique et du roman réaliste, structure déceptive originale que par une poétique novatrice. Flaubert a toujours à coeur de représenter l’Histoire, comme il l’a fait dansSalammbô. Il applique à l’époque qu’il a choisi de traiter les méthodes d’érudition mises au point par les historiens de son temps. Il se consacre à six mois de recherches minutieuses sur la révolution de 1848, et se renseigne sur divers sujets qui lui permettent de donner une image authentique de la société réelle : on peut donner l’exemple de la fabrication et du commerce des faïences, ou des études sur le croup (laryngite pseudo-membraneuse, le plus souvent causée par la diphtérie) faites à l’hôpital Troussier. Le travail préparatoire à la rédaction regroupe quatre carnets d’enquête, et près de cinq mille pages de notes et de brouillons. Le fondement du travail du romancier est bien scientique. Mais Flaubert choisit de se dégager du roman balzacien,refusant queL’Education sentimentaleSon roman est une réponse auen soit une simple forme évolutive. Lys dans la valléeet aux Illusions perduedénissait comme le « secrétaire » de la société ; Flaubert, quant à lui, entend être perçu commefait, Balzac se s. De son adversaire. La société qu’il décrit est composée de ce qu’il n’aime pas, des erreurs faites par sottise et des espérances trahies par l’Histoire. Le perfectionnisme stylistique de l’écrivain doit également être compris dans cette perspective : s’il veut que même les phrases les plus anodines se situent au- dessus des effets moyens dont se contentent les autres écrivains, c’est que son style e est conçu comme une vengeance permanente sur la médiocrité et la laideur qui, pour lui, caractérisent le XIX siècle. La quête désespérée d’une écriture travaillée permet au livre d’échapper à la platitude bourgeoise qui a envahi la société, et de réduire l’angoisse qu’engendre un monde sans transcendance.
Flaubert dénit dans sa correspondance son statut d’écrivain, et veut être perçu comme un « artiste », c’est-à-dire comme un homme qui se livre à un double jeu social. Il écrit par exemple : «soutiens (et ceci pour moi doit être un dogme pratique dans laOui, je vie d’artiste) qu’il faut faire dans sa vie deux parts : vivre en bourgeois et penser en demi-dieuà un héritage confortable,fait, grâce ». De Flaubert vit en bourgeois. Selon lui, pour être pleinement libre, l’écrivain doit assurer son indépendance nancière (les autres artistes étant soumis aux contraintes du système académique ou aux exigences des clients), ce qui est alors une préoccupation courante : comme Flaubert, les Goncourt sont rentiers, tandis que Gautier ou encore Nerval écrivent de la littérature alimentaire pour survivre et que de nombreux jeunes écrivains précaires s’engagent dans le journalisme. Il faut noter que la condition d’écrivain évolue : la génération arrivant à l’âge adulte dans les années 1820 est la première à pouvoir vivre des rentes de ses ouvrages, grâce au développement du monde de l’édition, dont les évolutions sont calquées sur le monde de l’industrie, et à l’élargissement du public (lié aux progrès de l’alphabétisation et de l’enseignement secondaire) : le public tend à se confondre avec la société entière. Ainsi, Flaubert obtient de son éditeur 10 000 francs pour les dix premières années de vente deSalammbô, et 16 000 francs pour
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les dix premières années de vente deL’Education sentimentale. Il ne s’agit pas d’un exemple isolé : en 1845, Lamartine discute avec Béthune un contrat de 350 000 francs pour l’exploitation de ses oeuvres complètes à partir de 1849, et une rente viagère de 8000 francs par an, auquel il faut ajouter le produit de la futureHistoire des Girondins, à Flaubert entre en littératuresavoir 240 000 francs. à une époque où l’écrivain est considéré comme un artiste (et même comme l’artiste par excellence, le champ littéraire jouissant en France d’un prestige inégalé en Europe), et non encore comme un intellectuel : en effet, sa fonction sociale repose toujours (comme au temps du romantisme) sur un «postulat mystiquesuivant lequel son génie lui permet de communiquer» (Christophe Charle), directement avec un au-delà spirituel. Cet au-delà, qui est la Beauté chez Baudelaire et les parnassiens, s’identie chez Flaubert et les Goncourt à la perfection du style. Enn, Flaubert dénit son statut d’écrivain dans une hiérarchie non seulement intellectuelle et esthétique mais aussi sociale. Dans la lettre du 22 septembre 1853, il fait de la solidarité entre les écrivains «un compagnonnage plus étroit que celui de toutes les sociétés clandestines», soulignant «qu’on n’a nul besoin du vulgaire, de l’élément nombreux, des majorités, de l’approbation, de la consécration. 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n’y a plus rien, qu’une tourbe canaille et imbécilecelui qui fait oeuvre de misanthropie universelle et cherche à plierFlaubert, est véritablement écrivain ». Selon la société à ses propres valeurs.
Le dernier Flaubert
Dès la n de la rédaction deL’Education sentimentale, Flaubert reprend ses «vieilles notes de saint Antoine». Il revient ici à «l’oeuvre de toute une viene se servant des textesmais entend reprendre la rédaction à zéro, a travaillée à différentes époques de sa vie, », qu’il déjà écrits que comme fragments. Ce faisant, il respecte un principe d’alternance entre l’Orient antique et l’Occident moderne, comme il l’explique lui-même dans une lettre à George Sand : «Ah ! que je suis las de l’ignoble ouvrier, du stupidede l’inepte bourgeois, paysan et de l’odieux ecclésiastique ! C’est pourquoi je me perds tant que je peux dans l’Antiquité». Les entreconditions de la rédaction, 1870 et 1872, seront très difciles.
Flaubert a pourtant abandonné l’appartement situé boulevard du Temple pour un pied-à-terre plus confortable, près du parc Monceau, au 4, rue Murillo. Mais les deuils se multiplient dans son entourage : il subit une «perte irréparable» avec la mort de son er vieil ami Louis Bouilhet. Sainte-Beuve disparaît en octobre 1869, Jules Duplan le 1 mars 1870, et Jules de Goncourt le 20 juin. Obsédé par ces décès, Flaubert abandonne sa rédaction, et écrit des textes à la mémoire de Louis Bouilhet : il termine la pièce de son ami, Mademoiselle Aïssé, et la fait monter à l’Odéon – la première a lieu le 6 janvier 1872 ; en mai-juin 1870, il rédige une « préface auxDernières Chansonsil remanie enn une seconde pièce de son ami, » de Bouilhet ; LeSexe faible. L’histoire, que Flaubert a pensée et représentée, va à son tour venir interrompre la rédaction desaint Antoine. Le 19 juillet 1870, la guerre éclate avec la Prusse. Flaubert s’implique dans les événements et se fait élire lieutenant de la garde nationale, envisageant de marcher sur Paris pour délivrer la capitale. Mais l’Empire s’écroule en août, suite à la bataille de Sedan. En novembre, les Prussiens occupent Croisset, et Flaubert, après avoir mis ses manuscrits à l’abri et installé sa mère à Rouen, se réfugie chez sa nièce. En mars, il quitte la France en compagnie d’Alexandre Dumas ls pour un voyage en Belgique, où il retrouve la princesse Mathilde exilée, avant de rejoindre Londres. Il ne retourne à Croisset qu’en avril 1871, après le départ des Prussiens. Le moment, là encore, est violemment troublé, et les événements historiques perturbent l’écrivain. La n de l’Empire a précipité la France dans un certain vide politique : Thiers est « chef du pouvoir exécutif de la République française », mais n’est pas à la tête d’une République constitutionnellement dénie. Patriotisme bafoué, revendications sociales, crainte de mesures réactionnaires et même du rétablissement de la monarchie se mêlent pour créer un climat particulièrement tendu. Thiers commet alors une erreur, en tentant de récupérer les canons regroupés sur la butte Montmartre au moment où l’on apprend que la France cède à l’Allemagne l’Alsace et la Lorraine. Cette provocation inutile déclenche la Commune, qui court du 18 mars au 28 mai et s’achève dans une sanglante répression. Les mesures prises par les insurgés sont très limitées : des mesures symboliques, des mesures sociales de détail, une administration nouvelle faisant une large place aux ouvriers et un programme scolaire et culturel démocratique et laïc. Fidèles à leur idéal nouveau de désengagement, rares sont les artistes à s’être engagés dans la Commune : on peut citer Jules Vallès et Gustave Courbet. L’échec de la Commune marque une nouvelle fois l’échec des poussées démocratiques à s’enraciner dans une France qui reste dominée par les notables.
Flaubert reprend alors la rédaction deLa Tentation de saint Antoine,entrecoupée de recherches. De nouveaux deuils le frapperont alors : Maurice Schlesinger meurt en 1871, et Flaubert perd sa mère le 6 juin 1872. Il reste seul à Croisset.LaTentation de saint Antoineer est publiée par Charpentier le 1 avril 1874, et l’œuvre connaît dans un premier temps un relatif succès public : le deuxième tirage paraît avant la n d’avril 1874. Mais la critique est hostile, et les ventes s’effondrent dès l’été. Il faut noter que Flaubert a changé de maison d’édition : Charpentier est l’éditeur de Zola et des jeunes romanciers naturalistes en vogue. L’échec dede saintLa Tentation Antoinece courant se dénit par le culteest à rapporter à cette mode du naturalisme. Inspiré par Renan,Taine et Schopenhauer, de la science et la croyance en un déterminisme absolu. En 1871, Zola entame le cycle des Rougon-Macquart avecLa Fortune des Rougonde la déchéance d’une famille et description de la société du Second Empire., étude
Flaubert se consacre alors déjà à la préparation de son projet de 1863,Bouvard et Pécuchet, qui nécessite d’impressionnantes recherches préliminaires, sur lesquelles il travaille de 1872 à 1875. La rédaction avance lentement, et, pour ses séjours parisiens, l’écrivain quitte la rue Murillo pour un logement plus spacieux sur le boulevard de la Reine Hortense. Soudain, Flaubert connaît une
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véritable débâcle nancière. Le mari de sa nièce Caroline, Ernest Commanville, est acculé à la faillite, et l’écrivain doit intervenir pour sauver le ménage de la ruine : il prête de l’argent à Commanville, tente de racheter ses dettes, et nit par prendre la décision de vendre sa ferme de Deauville, qui représente 200 000 francs-or. Décitaire d’un million, l’affaire des Commanville est pourtant mise en liquidation nancière ; absorbé par les créances de son neveu, le capital de Flaubert est dénitivement perdu. Avec les 10 000 francs de rente de sa propriété disparaissent le confort nancier et l’existence bourgeoise indissociables de sa méthode d’écrivain. Après avoir abandonné la rédaction deBouvard et Pécuchet, Flaubert reprend un vieux projet,La Légende de saint Julien l’HospitalierIl reprend et complète ses notes documentaires de 1856 sur la viede septembre 1875 à février 1876. , qu’il rédige domestique et la vénerie au Moyen Age, consultant d’ailleurs plusieurs traités de vénerie :La Chasse de Gaston Phoebus,Le Livre de chasse du Roi Modus,La Fauconneriede Jean de Franchières et celle de Tardif, y puisant enluminures, termes techniques et vocabulaire médiéval. La structure du texte est inspirée du vitrail de la cathédrale de Rouen, et du relevé dessiné par Langlois. Le récit a de nombreuses autres sources, dont les ouvrages des frères Grimm et de Michelet, les Contes de Perrault, laLégende du beau Pécopin de Victor Hugo, et toutes les hagiographies de Julien.
Convaincu de la réussite de l’oeuvre, Flaubert envisage de composer deux nouveaux récits, pour former un triptyque – moderne, médiéval et antique. Il écritUn coeur simple d’avril à la mi-août 1876, après un mois de recherches et de visites documentaires à Honeur et à Pont-l’Evêque. La rédaction n’est interrompue que par le décès de George Sand, le 8 mars 1876. Après s’être livré à des recherches documentaires d’août à octobre 1876, il rédigeHérodiasnovembre 1876 à février 1877.  de Les trois oeuvres connaissent successivement une prépublication dans la presse,Un coeur simpledansLe Moniteurdes 12-19 avril,Saint Julien l’HospitalierdansLe Bien publicdes 19-22 avril,HérodiasdansLe Moniteurdes 21-27 avril. Les trois récits paraissent chez Charpentier le 24 avril 1877, sous le titreTrois contes. L’ouvrage connaît un certain succès public et est bien accepté par la critique qui, obnubilée par le thème omniprésent de la sainteté, y voit le retour de l’auteur vers des thématiques plus sages.
L’écriture deTrois contesn’est toutefois qu’une parenthèse dans la réalisation du dernier grand projet littéraire de Flaubert,Bouvard et Pécuchet. Ce roman devait intégrer leDictionnaire des idées reçuesPlusdès les années 1840. , que Flaubert envisage de compiler que jamais, Flaubert s’isole à Croisset. Il s’occupe du jeune Maupassant, auquel il apprend le métier d’écrivain, et qui lui apporte une aide précieuse pour ses études, multipliant les lectures et les recherches en bibliothèque. Le livre est conçu comme une vengeance sur l’époque, et Flaubert écrit le 5 octobre 1872 à Madame Roger des Genettes : «Oui,Je médite une chose où j’exhalerai ma colère. je me débarrasserai enIn de ce qui m’étouffe. Je vomirai sur mes contemporains le dégoût qu’ils m’inspirent, dussé-je m’en casser la poitrine. Ce sera large et violent». e L’écrivain est en effet scandalisé par l’évolution politique de la France. La III République est en effet régulièrement contrariée dans son installation progressive, et Thiers doit démissionner le 24 mai 1873. Il est remplacé par le maréchal de Mac-Mahon, légitimiste et catholique, qui devient président de la « République des ducs ». Il entend permettre le «rétablissement de l’ordre moral». Le régime de l’Ordre moral repose sur l’épuration de l’administration, un étroit contrôle de la presse et un regain de cléricalisme. L’ultramontanisme apparaît rapidement comme étant indissociable d’un régime à forte coloration légitimiste. Le 24 juillet 1873, l’édication du Sacré-Coeur sur la butte Montmartre est déclarée d’utilité publique : «la dévotion doit afIrmer dans le ciel de Paris le repentir de la capitaleCette politique conservatrice et cléricalede la Révolution et de la Commune (René Rémond). », coupable inquiète la gauche et choque Flaubert. La bêtise des partis au pouvoir lui inspire une comédie très critique, Le Candidat, qu’il écrit entre septembre et novembre 1873. La pièce, qui n’épargne aucun parti, n’a qu’un public restreint : elle est retirée de l’afche dès la quatrième représentation.
A partir du mois de juillet, Flaubert établit le plan du roman, tout en entamant les recherches préparatoires, qui s’annoncent encyclopédiques. Il y consacre, on l’a vu, les années 1872 et 1873. Il reprend la rédaction en 1877 : après trois mois de recherches, il termine le chapitre II. Il lui faut moins de deux mois et demi pour rédiger le chapitre III sur «l’anatomie, la physiologie, la médecine pratique (y compris le système de Raspail), l’hygiène et la géologie» et le chapitre IV sur l’archéologie, bouffonne du duc d’Angoulême. En décembre 1877, il a écrit le tiers du livre, mais doit aborder les trois chapitres portant sur la littérature, la politique et l’amour, puis le chapitre VIII, censé aller des sports à une histoire intégrale de la philosophie. Pour de tels travaux, une considérable documentation préalable est nécessaire. L’écrivain consacre l’année 1879 aux chapitres VIII et IX, mais rencontre de nombreuses difcultés. Les yeux fatigués, souffrant d’une hépatite virale, il se fracture le péroné le 27 janvier 1879. De plus, il est dépourvu de toute ressource autre que ses maigres droits d’auteur, qu’il espère accroître grâce aux nouvelles éditions corrigées deSalammbô chez Lemerre et deL’Education sentimentalechez Charpentier. Ses amis parisiens (Taine, la princesse Mathilde, Juliette Adam) intriguent pour lui obtenir de nouveaux revenus, et Jules Ferry accepte de lui accorder une indemnité annuelle de 3 000 francs, au titre de son ofce (parfaitement ctif) de « conservateur hors cadre » de la bibliothèque Mazarine. Soulagé mais honteux, Flaubert espère pouvoir un jour rembourser les sommes allouées. Les quatre premiers mois de 1880 sont consacrés à la rédaction du chapitre X et à la préparation duSottisier, deuxième volume deBouvard et Pécuchet, destiné à paraître en même temps que le roman proprement dit, et doit selon l’auteur «rendre fou» le lecteur. La constitution de ce gigantesque dossier nécessitait le travail de six secrétaires à plein temps pendant un bon semestre, pour remplir les tâches de sélection, tri, classement et copie de trois ou quatre cents pages extraites d’un dossier qui en compte cinq mille.
e Ainsi conçu en deux volumes,Bouvard et Pécuchetsiècle, une est une remise en question de la culture du XIX réponse à l’idéologie e du savoir et de la pensée que Flaubert a vu se développer. Le XIX siècle est en effet le siècle de la science triomphante, en France comme dans le reste de l’Europe.La recherche scientique connaît un double mouvement de professionnalisation et de spécialisation. Les découvertes se multiplient, comme en médecine et en chirurgie, transformées par les recherches de Corvisart, Laennec,Velpeau
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ou encore Dupuytren. Elles débouchent sur un savoir neuf qui est autant perçu comme scientique que philosophique : c’est un système d’explication du monde. Dès le début du siècle, les idéologues, puis les saint-simoniens et les fouriéristes lient théorie scientique, science expérimentale et idée de progrès, et envisagent « l’avenir de la science » comme étant celui de l’Humanité elle-même. Ces conceptions n’ont pu être que renforcées par l’enracinement du positivisme. Auguste Comte mène sonCours de philosophie positiveentre 1830 et 1842 : il y annonce l’avènement du gouvernement positif, état où la science succède à la théologie et à la métaphysique, et où, principal outil pour guider la société, elle devient le noyau d’une nouvelle religion. De formation médicale, disciple d’Auguste Comte, Littré représente l’esprit du positivisme. Il publie de nombreux articles dans un certain nombre de revues. Il y développe un plaidoyer matérialiste et une apologie de la science, qu’il déclare incompatible avec la théologie, la métaphysique et l’idée de providence : elle repose sur une loi absolue, la loi d’évolution.A la fois historien, philologue, lexicologue, paléontologue, géologue, physicien, physiologiste, biologiste et sociologue, Littré envisage d’expliquer l’harmonie du cosmos de façon rationnelle, tout en s’inscrivant dans le courant encyclopédiste des Lumières. Ainsi, la méthodologie scientique rigoureuse qui s’est progressivement constituée (Claude Bernard théorise la méthode expérimentale en 1865 avecIntroduction à la médecine expérimentale) tend à s’imposer dans tous les champs du savoir. La connaissance reste conçue comme une quête encyclopédique : les grands dictionnaires se multiplient comme celui de Littré entre 1859 et 1872 et celui de Larousse. La connaissance telle qu’elle a été redénie se caractérise donc par l’application de la méthode expérimentale et l’encyclopédisme.
DansBouvard et Pécuchet, Flaubert s’attaque à ces deux aspects de la connaissance moderne et à leur fondement idéologique, l’idée de progrès. Le mouvement de l’œuvre est simple : anciens copistes mis à l’abri du besoin par un héritage,Bouvard et Pécuchettentent d’appliquer dans la vie la science des livres, mais ne font que se noyer dans la bêtise. Ils découvrent nalement que la sottise est moins en eux que dans les livres eux-mêmes, et, soudainement dotés de la faculté de «voir la bêtise et de ne plus la tolérer», ils reprennent leur travail de copistes et se vengent des erreurs de l’esprit humain en les collectant. Les deux apprentis savants suivent bien dans leurs recherches un modèle expérimental (documentation, expérimentation, recherche) qui ne les empêche pas de multiplier les échecs. De plus, ils sont travaillés par une volonté d’encyclopédisme et abordent diverses disciplines : l’agriculture, la géologie, l’archéologie, l’histoire, la littérature, la politique, l’amour, la gymnastique, le magnétisme, la philosophie, les religions, la pédagogie, la morale. Mais ils ne maîtrisent en fait aucune de ces disciplines qui recèlent toutes leur lot d’incertitudes. Le paradigme qui guide la recherche de Bouvard et de Pécuchet est celui de l’encyclopédiste médiéval et en particulier Panckoucke. Flaubert dénonce la fausseté de ce modèle, son inadéquation aux réalités de la pensée, son incapacité à produire une connaissance vraie. D’ailleurs, il écrit dans leDictionnaire des idées reçues: «Dictionnaire – en dire : n’est fait que pour les ignorants Encyclopédie : en rire de pitié comme étant un ouvrage rococo et même tonner contre».
Le Sottisier est une réponse aux méfaits de l’encyclopédisme, puisqu’il est conçu comme un dictionnaire paradoxal : il devait comporter, pour chaque discipline, un nombre important de fragments textuels classés contradictoirement, de citations idiotes et de contresens trouvés chez les meilleurs auteurs (Flaubert inclus), d’anecdotes rendant compte de la bêtise universelle. Flaubert est sur le point d’achever le premier volume deBouvard et Pécuchetet travaille à la mise en forme du Sottisier,tout en songeant à un nouveau projet de roman antique sur la bataille des Thermopyles, lorsque, pris d’un malaise, il meurt le 8 mai 1880. Il est enterré le 11 mai dans le caveau familial du cimetière monumental de Rouen. Sa nièce, dont il a fait sa légataire universelle, cone à Maupassant le soin d’établir l’édition posthume deBouvard et Pécuchet. Celui-ci échoue à reconstituer la structure duSottisier, er et abandonne au bout de six mois de travail. Le premier volume est alors publié seul, en feuilleton du 15 décembre 1880 au 1mars 1881 dansLa Nouvelle Revuele livre est ignoré par le public.Etrillé par la critique, volume chez Lemerre en mars 1881. , et en Un tel désastre est facilement explicable. Le mépris de la science afché par Flaubert, dont l’oeuvre est pourtant travaillée par le réalisme, l’éloigne considérablement du naturalisme alors triomphant : l’écriture de Zola repose sur une conance absolue dans le déterminisme physiologique de Taine et les théories de l’hérédité de Claude Bernard. Parce que l’ermite de Croisset déployait dans ses oeuvres une perception différente du réel, son époque l’a en partie ignoré.
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