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Publié par | sewyeg |
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Langue | Français |
Exrait
Livre
blanc
en
faveur
du
journalisme
européen
social
et
citoyen
erMercredi
1
décembre
2010
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION ....................................................................................................................... 3
1.
CRÉER
LES
CONDITIONS
D’UNE
INFORMATION
PLURALISTE,
NÉCESSAIRE
À
UN
VÉRITABLE
DÉBAT
EUROPÉEN ........................................................................................ 5
1.1.
Les
limites
des
sources
traditionnelles
de
l’information
européenne
.....................
5
1.2.
Les
inégalités
d’accès
à
l’information
européenne
....................
7
1.3.
L’industrialisation
de
l’information
et
la
mise
au
banc
de
l’information
politique
.
7
1.4.
Le
service
public
pris
dans
une
double
lutte
pour
son
indépendance
économique
et
son
indépendance
institutionnelle
.........................................................................
8
1.5.
Une
reconnaissance
insuffisante
des
médias
associatifs
..........
9
1.6.
Le
manque
de
vision
à
long
terme
des
aides
financières
européennes
au
journalisme
européen
...............................................................................................
10
2.AGIR
À
LA
RACINE
:
FORMER
POUR
MIEUX
INFORMER
ET
S’INFORMER ............... 11
2.1.
La
formation
des
journalistes
:
de
nombreux
efforts
sont
à
réaliser
.....................
11
2.2.
La
formation
du
citoyen
:
les
trois
défis
de
l’enseignement
de
base
......................
12
3.CONCRÉTISER
L’INFORMATION
EUROPÉENNE:
DES
RELATIONS
NOVATRICES
ENTRE
JOURNALISTES
ET
ONG
EUROPÉENNES ........................................................... 15
3.1.
Pourquoi
les
ONG
européennes
?
.............................................
15
3.2.
Le
rôle
politique
croissant
des
ONG
européennes
..................
15
3.3.
De
nouvelles
relations
entre
journalistes
et
ONG
seraient
intéressantes
pour
les
ONG
.............................................................................................................................
16
3.4.
De
nouvelles
relations
entre
journalistes
et
ONG
seraient
intéressantes
pour
les
journalistes
................................................................................................................
17
4.
NOS
PROPOSITIONS .......... 18
4.1.
Pour
mettre
en
débat
une
information
européenne
pluraliste
..............................
18
4.2.
Pour
agir
à
la
racine
:
investir
dans
la
formation
....................................................
20
4.3.
Créer
des
synergies
avec
les
ong,
pour
une
meilleure
information
du
citoyen
.....
21
2
INTRODUCTION
Paradoxe
Depuis
que
les
élections
européennes
ont
été
instituées,
en
1979,
le
taux
de
participation
à
ce
scrutin
n’a
cessé
de
chuter.
Le
record
d’abstention
a
été
une
nouvelle
fois
battu
en
juin
2009,
quand
seuls
43%
des
citoyens
européens,
29%
pour
les
plus
jeunes
(de
18
à
24
ans),
se
sont
rendus
aux
urnes.
Nous
voici
face
à
un
formidable
paradoxe
:
alors
que
les
compétences
des
institutions
européennes
ne
cessent
d’augmenter,
influençant
une
part
essentielle
des
législations
nationales
et
donc
de
la
vie
quotidienne
des
cinq
cents
millions
d’Européens,
ces
derniers
marquent,
lors
des
scrutins
(l’exercice
démocratique
par
excellence),
toujours
plus
de
distance
avec
leurs
représentants
communautaires.
Il
n’y
a
pas
de
fatalité
Cette
distance
traduit‐elle
pour
autant
un
désintérêt
pour
le
projet
européen
?
Rien
n’est
moins
sûr.
Ne
serait‐ce
qu’au
regard
de
la
forte
mobilisation
citoyenne
observée
lors
du
référendum
français
sur
le
Traité
Constitutionnel
Européen,
en
2005,
où
le
taux
de
participation
a
dépassé
les
69
%.
Le
débat
européen
a
alors
largement
investi
l’espace
public.
Ce
fut
le
cas
aussi
aux
Pays‐Bas
(63.3
%
de
votants).
Ces
exemples
le
montrent,
à
tout
le
moins
:
le
désintérêt
pour
l’Europe
n’est
pas
une
fatalité.
Pourquoi,
s’interrogent
certains,
l’implication
pour
l’Europe
décroît
alors
que
les
données
sur
celle‐ci
circulent
mieux,
grâce,
notamment,
à
Internet
?
Ces
données
sont
abondantes.
Mais
elles
consistent
essentiellement
en
de
la
communication
officielle
(cette
communication
est
nécessaire
mais
pas
suffisante).
L’information
européenne
traitée
avec
une
réelle
plus‐value
journalistique
–
le
souci
du
pluralisme,
de
l’indépendance
et
de
l’intelligibilité
–,
elle,
est
plus
rare.
Cette
information
européenne‐là
est
aussi
mal
partagée.
Certaines
catégories
sont
sur‐informées,
tandis
que
d’autres
sont
sous‐informées.
Par
ailleurs,
l’information
européenne
est
souvent
bien
tardive,
intervenant
le
plus
souvent
lorsque
la
décision
est
déjà
prise.
Obtenir
les
informations
pour
connaître
les
directives
et
règlements
européens
est
devenu
aisé.
Bien
plus
difficile
est
d’obtenir
une
information
avant
la
prise
de
décision
européenne,
qui
permette
aux
citoyens
et
aux
associations
de
faire
valoir
leur
point
de
vue,
de
sorte
qu’ils
soient
davantage
pris
en
compte
par
les
élus,
par
les
décideurs.
Mieux
informer
en
«
amont
»
Sans
une
meilleure
information,
«
en
amont
»
des
décisions,
le
risque
est
grand
que
l’Union
européenne
soit
définitivement
confisquée
par
des
experts
et
des
technocrates…
et
que
la
coupure
s’accentue
encore
avec
les
peuples.
Ce
qui,
faute
de
soutien
suffisant,
condamnerait
l’Union
à
l’échec.
Cela
serait
bien
dommage
car,
plus
que
jamais,
nous
avons
besoin
d’une
Union
politique
européenne
efficace,
fondée
sur
l’entente
des
peuples
(et
entre
les
peuples),
pour
répondre
aux
grands
défis
des
prochaines
années
:
assurer
la
prospérité
sociale
et
économique,
protéger
l’environnement,
coopérer
avec
les
populations
du
Sud…
3
Le
rôle
des
journalistes
Comment
amener
plus
de
participation
citoyenne
au
plan
européen?
Les
journalistes,
en
particulier
ceux
qui
travaillent
au
plan
local
et
régional,
qui
sont
donc
les
plus
proches
des
gens,
ont
un
rôle
essentiel
à
jouer.
Aujourd’hui,
force
est
de
le
constater,
l’information
européenne
reste
le
parent
pauvre
de
l’information
produite
par
les
journalistes.
Le
nombre
de
correspondants
européens
à
Bruxelles
est
en
chute
libre.
En
parallèle,
les
journalistes
qui
travaillent
dans
les
pays
de
l’Union
européenne
aux
niveaux
national,
régional
et
local,
traitent
très
peu
des
questions
européennes,
le
plus
généralement
perçues
comme
des
matières
relevant
de
la
«
politique
étrangère
».
Des
expériences
innovantes
existent
heureusement,
ici
et
là
dans
l’Union,
à
travers
lesquelles
des
médias
(presse
écrite,
radios,
télévisions,
Internet…)
misent
résolument
et
avec
succès
sur
le
«
journalisme
européen
de
proximité
».
Mais
elles
demeurent
peu
connues,
assez
isolées.
Nombre
d’entre
elles
sont
de
courte
durée
car
elles
dépendent
de
financements
européens
temporaires.
Toutefois,
ces
expériences
ont
un
grand
mérite
:
elles
montrent
que,
contrairement
à
l’idée
fausse
qui
règne
dans
les
rédactions,
aborder
l’Europe
ne
fait
pas
(nécessairement)
fuir
l’audience.
Au
contraire!
Tout
dépend
de
la
manière
de
faire…
Trois
maîtres
mots
Les
maîtres
mots
d’une
information
européenne
touchant
réellement
les
citoyens
sont
le
«
Concret
»,
pour
révéler
les
liens
entre
décisions
européennes
et
vie
quotidienne
locale,
la
«
Pédagogie
»,
pour
favoriser
la
compréhension
du
système
politique
institutionnel
de
l’Union
européenne,
et
enfin
le
«
Débat
»,
pour
montrer
les
enjeux,
mettre
en
lumière
les
termes
du
problème,
susciter
l’engagement
en
connaissance
de
cause.
Les
trois
premières
parties
de
ce
document
se
consacrent
à
l’analyse
de
la
situation
actuelle
de
l’information
européenne,
au
regard
de
ces
trois
défis.
Une
quatrième
et
dernière
partie
se
fonde
sur
cette
analyse
pour
formuler
des
propositions
concrètes,
principalement
destinées
aux
institutions
et
décideurs
politiques
européens.
4
1. CRÉER
LES
CONDITIONS
D’UNE
INFORMATION
PLURALISTE,
NÉCESSAIRE
À
UN
VÉRITABLE
DÉBAT
EUROPÉEN
1.1.
LES
LIMITES
DES
SOURCES
TRADITIONNELLES
DE
L’INFORMATION
EUROPÉENNE
1.1.1.
LA
COMMUNICATION
INSTITUTIONNELLE
EUROPEENNE
Les
principales
institutions
politiques
européennes
fonctionnent
selon
des
réalités
très
diverses.
Elles
misent
sur
la
quantité
d’informations
produites,
parfois
au
détriment
de
la
qualité
et
de
la
pertinence
des
contenus.
Soulignons
également
qu’elles
font
de
la
communication,
ce
qui
est
bien
légitime
et
absolument
nécessaire.
Mais
cette
communication
ne
saurait
se
confondre
avec
un
travail
d’information
journalistique,
adapté
aux
attentes
des
citoyens,
mené
de
manière
indépendante
et
critique
par
des
journalistes
apportant
leur
plus‐value.
Par
ailleurs,
la
communication
fonctionne
selon
des
modes
et
des
règles
très
différentes
selon
chacune
des
institutions.
Le
Parlement
européen
produit
énormément
d’informations
brutes
(le
moindre
débat
y
fait
l’objet
d’un
rapport
publié
en
plusieurs
langues)
mais
peine
à
les
communiquer.
Les
parlementaires,
qui
pourraient
constituer
des
relais
pertinents
entre
les
échelons
européen
et
local,
se
retrouvent
souvent,
du
fait
de
leur
déterritorialisation,
éloignés
de
leurs
électeurs.
Et
leur
passage
souvent
bref
au
Parlement
européen
ne
facilite
pas
non
plus
la
structuration
d’un
dialogue
à
long
terme
avec
les
citoyens.
La
Commission
européenne,
quant
à
elle,
investit
beaucoup
dans
la
communication
qui
s’est
davantage
professionnalisée
ces
dernières
années.
Mais
cette
communication
est
aussi
de
plus
en
plus
formatée,
cadrée,
encadrée,
via
les
porte‐parole
(ils
sont
une
centaine
!)
et
les
unités
de
communication
dans
chaque
Direction
Générale.
La
précédente
commissaire
européenne
en
charge
de
la
communication,
Margot
Wallström,
avait
tenté
quelques
timides
innovations,
pour
rendre
la
communication
plus
dialoguante,
plus
concrète.
Mais
ses
initiatives
sont,
pour
l’essentiel,
restées
lettre
morte.
Son
successeur,
la
commissaire
Viviane
Reding,
avec
ses
premières
propositions,
semble
refermer
la
porte
entrouverte.
Son
plan
de
communication
va
dans
le
sens
d’un
contrôle
toujours
plus
strict
de
l’expression
des
communicateurs
européens,
comme
des
journalistes
et
des
citoyens
:
des
porte‐parole
soumis
à
un
prompteur,
une
communication
de
crise
par
sms,
la
«
personnalisation
»
des
relations
presse
des
commissaires,
la
surveillance
continue
des
blogs
et
réseaux
sociaux
pour
«
réfutation
instantanée
»
des
propos
des
internautes…
Le
Conseil
de
l’Union
européenne,
l’instance
représentant
les
États
membres
(formé
de
ministres
nationaux),
est
une
institution
à
l’origine
très
opaque,
qui
tend
à
devenir
de
plus
en
plus
transparente.
Mais
cette
transparence
est
toujours
insuffisante
en
particulier
quand
le
Conseil
exerce
sa
fonction
législative.
Certes,
le
Conseil
dispose,
comme
le
Parlement
européen,
d’un
officier
de
presse.
Les
résultats
des
votes
et,
en
cas
de
codécision,
les
délibérations
finales,
sont
rendus
publics.
Toutefois,
les
processus
décisionnels
en
amont
demeurent
totalement
opaques.
Évoquer
le
Conseil
nous
rappelle
que
les
États
ne
sont
pas
impuissants
et
«
déconnectés
»
des
politiques
européennes
mais
qu’ils
jouent
un
rôle
de
premier
plan
dans
le
processus
décisionnel.
5
1.1.2. LES
GOUVERNEMENTS
NATIONAUX,
DE
PIÈTRES
AMBASSADEURS
Lorsqu’une
politique
nationale
rencontre
la
désapprobation
de
l’opinion
publique,
la
tentation
est
forte
pour
les
gouvernements
de
rejeter
la
faute
sur
«
Bruxelles
»,
qui
malmènerait
les
citoyens
contre
leur
volonté.
Cette
vision
–
«
la
faute
à
Bruxelles
»
–
est
fausse
et
démobilisatrice.
Fausse
car
l’appellation
«
Bruxelles
»
tend
à
faire
penser
que
chaque
institution
européenne
(Parlement,
Commission,
Conseil)
joue
la
même
partition,
alors
que
chacune
d’entre
elles
a
sa
propre
fonction
et
défend
ses
propres
positions.
Démobilisatrice
car
elle
tend
à
faire
penser
qu’on
ne
peut,
à
partir
des
Etats,
peser
sur
les
décisions
européennes,
alors
même
que
les
gouvernements
nationaux
sont
au
centre
de
la
machine
décisionnelle
européenne.
Cette
vision
tronquée,
«
la
faute
à
Bruxelles
»,
tend
ainsi
à
éloigner
les
citoyens
des
débats
européens.
Elle
est
a‐démocratique.
1.1.3.
DES
CORRESPONDANTS
DE
MOINS
EN
MOINS
NOMBREUX
Les
journalistes
qui
traitent
l’Union
européenne,
sont
traditionnellement
les
correspondants
à
Bruxelles.
Leur
nombre
est
cependant
en
diminution.
Selon
les
chiffres
de
l’Association
de
la
presse
internationale,
ils
étaient
847
en
février
2010,
contre
1300
en
2005.
On
note
toutefois,
fin
2010,
une
légère
remontée
du
nombre
de
correspondants,
qui
atteint
de
nouveau
le
seuil
des
1000.
Est‐ce
une
remontée
durable
ou
simplement
éphémère,
liée
à
la
crise
financière
qui
traverse
l’Union
européenne.
En
dehors
des
correspondants,
très
peu
de
journalistes
travaillant
aux
niveaux
national
et
local
sont
formés
au
fonctionnement
des
institutions
européennes
et
au
traitement
concret
de
l’information
européenne.
Les
correspondants
réalisent
un
travail
précieux,
leurs
sources
d’information
sont
très
riches.
Ils
manquent
toutefois
de
temps
et
leurs
éditeurs
tendent
à
demander
toujours
plus
de
news
rapides
et
moins
d’articles
de
fond.
Les
correspondants
européens
à
Bruxelles
sont
aussi
soumis
à
des
pressions
croissantes,
voire
excessives,
des
communicateurs,
en
particulier
de
la
Commission
européenne.
Exemple
:
le
«
Midday
Briefing
»,
qui
constitue
un
outil
précieux
et
indispensable,
l’un
des
seuls
lieux
où
les
journalistes
sont
encore
libres
de
poser
les
questions
qu’ils
souhaitent,
sans
limite
de
temps.
Toutefois,
lors
de
ces
briefings
quotidiens,
le
discours
des
porte‐parole
de
la
Commission
est
de
plus
en
plus
formaté
et
contrôlé.
Dans
de
nombreux
cas,
les
correspondants
se
retrouvent
également
isolés
de
leurs
rédactions
nationales
et
régionales
qui
cloisonnent,
compartimentent
l’information
européenne,
sans
perméabilité
suffisante
avec
la
dimension
locale.
L’information
européenne
est
alors
essentiellement
descendante
et
consiste
davantage
à
expliquer
les
décisions
européennes
qu’à
susciter
le
débat.
6
1.2.
LES
INÉGALITÉS
D’ACCÈS
À
L’INFORMATION
EUROPÉENNE
Qu’elle
soit
produite
par
les
journalistes,
ou
simplement
diffusée
par
les
institutions
officielles,
une
grande
masse
d’informations
européennes
circule.
Le
problème
est
que
cette
information
touche
très
inégalement
les
citoyens.
Les
centres
des
grandes
métropoles
européennes
et,
en
leur
sein,
les
classes
sociales
privilégiées,
bénéficient
d’un
accès
plus
large
à
l’information
européenne,
comme
à
l’information
politique
en
général,
laissant
en
marge
les
populations
les
plus
pauvres
et
les
territoires
périphériques.
C’est
le
cas
à
Bruxelles
et
Strasbourg,
autant
qu’ailleurs
:
les
quartiers
populaires
situés
à
quelques
kilomètres
seulement
des
institutions
sont
bien
davantage
coupés
de
l’Union
européenne
que
le
centre
de
Londres
ou
Paris.
Ces
inégalités
d’accès
à
l’information
européenne
«
quotidienne
»
renvoient
également
à
des
inégalités
dans
la
connaissance
de
base
des
institutions
européennes
et
des
droits
liés
à
la
citoyenneté
européenne.
Concernant
ce
dernier
aspect,
le
sondage
d’opinions
“Eurobaromètre
standard”
n°73,
publié
au
mois
d’août
2010,
est
révélateur.
Les
personnes
ayant
fait
peu
d’études,
appartenant
à
une
catégorie
socioprofessionnelle
à
faible
revenu
et
rencontrant
des
difficultés
à
régler
leurs
factures
sont
aussi
celles
qui
ont
le
moins
conscience
de
leurs
droits
en
tant
que
citoyens
européens.
1.3.
L’INDUSTRIALISATION
DE
L’INFORMATION
ET
LA
MISE
AU
BAN
DE
L’INFORMATION
POLITIQUE
1.3.1.
L’ABSENCE
DE
DÉFINITION
CLAIRE
DU
PLURALISME
DES
MÉDIAS
On
distingue
traditionnellement
le
«
pluralisme
externe
»
des
médias,
qui
implique
une
pluralité
des
structures
de
propriété
des
médias,
et
le
«
pluralisme
interne
»,
entendu
comme
pluralisme
de
l’information
délivrée
par
ces
médias.
Le
pluralisme
interne
renvoie,
selon
nous,
à
deux
nécessités:
celle
d’assurer
la
diversité
des
opinions
et
points
de
vue
politiques
dans
les
médias
–
c’est
le
pluralisme
politique
–,
et
celle
de
garantir
dans
ces
mêmes
médias
un
espace
d’expression
aux
différentes
cultures
qui
composent
la
société
–
c’est
le
pluralisme
culturel.
Le
Conseil
de
l’Europe
a
toujours
été
particulièrement
actif
dans
le
domaine
du
pluralisme
des
médias,
toutefois
sans
pouvoir
d’injonction
ou
de
décision.
Dans
le
cadre
de
l’Union
européenne,
les
choses
sont
différentes.
La
nécessité
de
développer
des
groupes
solides
au
niveau
paneuropéen
pour
contrer
le
renforcement
américain
et
japonais
dans
le
secteur
des
médias
a
rendu
plus
difficile
la
pleine
défense
d’un
pluralisme
au
niveau
national.
Ce
sont
donc
les
Etats
eux‐mêmes
qui
ont
légiféré,
avec
de
grandes
disparités.
La
Charte
des
droits
fondamentaux
de
l’Union
européenne
garantit
bien,
dans
son
article
11,
le
pluralisme
des
médias.
Mais
ce
pluralisme
est
avant
tout
conçu
comme
un
pluralisme
externe,
qui
répond
à
l’obsession
d’éviter
les
monopoles
d’État
ou
à
limiter
la
concentration
économique
des
intérêts
privés.
7
Or,
le
pluralisme
externe
ne
suffit
pas
seul
à
garantir
le
pluralisme
interne.
Sur
le
marché
de
la
télévision
généraliste,
par
exemple,
l’expérience
montre
même
que
la
concurrence
engendrée
par
la
pluralité
des
acteurs
a
en
fait
mené
à
une
redondance
des
contenus.
Notons,
en
outre,
qu’aujourd’hui,
les
réglementations
anti‐concentration,
très
différentes
selon
les
Etats
membres,
ne
semblent
pas
à
même
de
garantir
efficacement
cette
pluralité
de
structures
de
propriété.
La
multiplicité
des
titres
et
supports
de
l’information,
comme
la
segmentation
croissante
des
offres
thématiques,
donnent
l’illusion
du
pluralisme.
Mais
la
concentration
de
la
propriété
des
médias
entre
quelques
mains
et
la
rationalisation
du
travail
liée
à
des
objectifs
purement
économiques
conduisent
à
une
homogénéisation
des
contenus
rédactionnels.
Formatés,
stéréotypés,
ceux‐ci
ne
permettent
pas
la
rencontre
de
la
diversité
des
opinions
politiques
et
des
expressions
culturelles.
1.3.2.
LA
CRISE
FINANCIÈRE
NE
CONNAITPAS
D’EXCEPTION
CULTURELLE
La
crise
financière
internationale
a
des
effets
sur
la
manne
publicitaire
en
baisse.
Les
médias
réduisent
leurs
frais,
ce
qui
signifie
souvent
une
réduction
de
personnel.
Les
journalistes
salariés,
de
moins
en
moins
nombreux,
laissent
place
à
des
journalistes
free‐lance
au
statut
précaire.
La
tentation
est
grande
de
céder
au
«
copier‐coller
»
de
dépêches
d’agence,
de
livrer
en
instantané
des
informations
brutes
sans
les
faire
passer
préalablement
au
prisme
de
l’analyse
critique
et
contradictoire,
et
à
la
remise
dans
le
contexte.
Ce
problème
est
encore
accentué
par
la
multipropriété,
amenant
tous
les
journaux
du
groupe
à
diffuser
le
même
article,
titré
autrement.
Les
médias
sont
considérés
comme
une
industrie
comme
une
autre.
Leur
valeur
d’usage
(le
pluralisme
et
la
formation
de
l’opinion)
entre
alors
en
opposition
avec
leur
valeur
d’échange
(fonction
économique),
laquelle
pèse
bien
plus
lourd
dans
le
rapport
de
force.
En
témoignent
les
propos
bien
connus
de
Patrick
Le
Lay,
président
de
la
chaîne
française
TF1,
parus
dans
le
journal
Le
Monde
en
juillet
2004
:
«
Il
y
a
beaucoup
de
façons
de
parler
de
la
télévision.
Mais
dans
une
perspective
de
business,
soyons
réalistes
:
à
la
base,
le
métier
de
TF1,
c’est
d’aider
Coca‐Cola,
par
exemple,
à
vendre
son
produit.
(…)
Ce
que
nous
vendons
à
Coca‐Cola,
c’est
du
temps
de
cerveau
humain
disponible.
»
Dans
un
tel
contexte,
seuls
un
service
public
fort
et
le
développement
de
médias
associatifs
semblent
à
même
de
rectifier
le
tir.
Ce
qui
est
loin
d’être
le
cas.
1.4.
LE
SERVICE
PUBLIC
PRIS
DANS
UNE
DOUBLE
LUTTE
POUR
SON
INDÉPENDANCE
ÉCONOMIQUE
ET
SON
INDÉPENDANCE
INSTITUTIONNELLE
En
matière
de
financement
des
médias
de
service
public,
les
réalités
des
27
États
membres sont
très
différentes.
Le
Protocole
additionnel
du
Traité
européen
d’Amsterdam
légitime
le
financement
public
des
médias,
mais
rappelle
que
les
États
demeurent
seuls
compétents
à
définir
les
missions
de
service
public
et
leur
financement,
dans
le
respect
des
règles
européennes
en
matière
d’aides
d’Etat.
Par‐delà
la
diversité
des
situations
de
chaque
Etat,
on
remarque
qu’aujourd’hui,
partout
en
Europe,
la
redevance
fait
débat,
au
sein
des
gouvernements
comme
dans
la
population.
8
Face
à
une
offre
pléthorique
de
programmes
en
libre
accès
sur
Internet
et
à
une
nouvelle
politique
commerciale
des
médias
privés,
d’abonnement
à
la
carte,
où
l’on
ne
paie
que
ce
que
l’on
consomme,
la
philosophie
de
la
redevance
est
de
plus
en
plus
contestée
par
les
Européens.
Un
arrêt
de
la
Cour
européenne
des
droits
de
l’homme
(affaire
Faccio
c.
Italie
)
est
venue
toutefois
réaffirmer
que
la
redevance
était
une
contribution
de
tous
au
service
public
commun,
et
non
une
rétribution
pour
la
réception
d’un
programme
particulier.
Quoi
qu’il
en
soit,
ces
contributions
demeurent
faibles.
Si
les
médias
de
service
public
les
complètent
traditionnellement
par
des
revenus
issus
des
activités
commerciales
(publicité,
parrainage,
exploitation
commerciale
d’émissions),
ils
bénéficient
de
plus
en
plus
de
sommes
allouées
par
l’Etat,
provenant
de
l’imposition
des
recettes
des
radiodiffuseurs
et
opérateurs
en
télécommunication.
Cette
évolution
est
certes
un
moyen
pour
les
médias
publics
d’assurer
l’indépendance
de
leurs
contenus,
vis‐à‐vis
des
publicitaires
comme
de
la
loi
de
l’audimat.
En
effet,
la
course
à
l’audimat
a
pu
amener
des
médias
de
service
public
à
suivre
les
médias
privés
dans
leur
chute
qualitative.
Ces
derniers
les
ont
alors
souvent
accusés
de
fausser
la
concurrence.
Ce
n’est
pas
totalement
faux
mais
il
faut
relativiser:
parmi
les
20
premières
entreprises
médiatiques
européennes,
on
ne
trouve
que
trois
entreprises
publiques
(la
BBC,
l’ARD
et
la
RAI).
Reste
que
cette
évolution
vers
un
financement
essentiellement
étatique
peut,
à
l’inverse,
légitimement
nous
faire
craindre
une
dépendance
accrue
vis‐à‐vis
des
gouvernements
nationaux,
d’autant
plus
que
pour
nombre
de
ces
Etats,
la
redevance
n’est
déjà
pas
perçue
directement
par
les
radiodiffuseurs
publics
et
que
la
répartition
«
selon
les
besoins
»
de
chaque
radiodiffuseur,
n’est
pas
non
plus
déterminée
par
un
organe
indépendant.
Dans
ce
contexte,
il
devient
donc
indispensable
de
repenser
les
conditions
de
financement
et
le
contrôle
de
l’indépendance
des
médias
de
service
public.
1.5.
UNE
RECONNAISSANCE
INSUFFISANTE
DES
MÉDIAS
ASSOCIATIFS
Une
résolution
non
législative
du
Parlement
européen,
datée
du
25
septembre
2008,
reconnaît
l’importance
du
rôle
des
médias
associatifs
dans
la
sauvegarde
d’un
pluralisme
d’information
au
sein
de
l’Union
européenne.
Leur
ancrage
local,
leur
responsabilité
vis‐à‐vis
de
la
communauté
qu’ils
servent,
leur
apport
social
et
culturel
les
positionnent,
selon
les
parlementaires,
comme
un
secteur
à
part
entière,
qu’il
convient
de
distinguer
des
médias
commerciaux
et
de
protéger.
Nous
partageons
cette
analyse.
Non
seulement
les
médias
associatifs
permettent
l’émergence
de
voix
dissidentes,
nourrissant
le
débat
politique,
mais
ils
permettent
également
la
représentation,
l’expression
de
minorités
qui
n’ont
habituellement
pas
de
place,
sinon
stéréotypée,
dans
les
grands
médias.
On
assiste
progressivement
à
une
professionnalisation
de
ces
médias
qui
mêlent
habilement
participation
structurelle
des
citoyens
aux
médias
et
garantie
d’une
éthique
journalistique
par
le
recours
à
des
professionnels.
Reste
qu’aujourd’hui,
la
reconnaissance
juridique
des
médias
associatifs
varie
fortement
d’un
Etat
membre
à
l’autre.
Ils
n’ont
généralement
qu’un
accès
restreint
aux
fréquences
hertziennes.
9
Leur
financement
demeure
fragile,
ne
couvrant
pas
toujours
le
coût
(même
moindre
par
rapport
à
la
radiodiffusion)
de
leur
développement
sur
Internet.
Ils
demeurent
aussi
largement
sous‐informés
quant
aux
financements
communautaires
auxquels
ils
pourraient
prétendre
(FEDER,
FSE,
apprentissage
tout
au
long
de
la
vie…).
1.6.
LE
MANQUE
DE
VISION
À
LONG
TERME
DES
AIDES
FINANCIÈRES
EUROPÉENNES
AU
JOURNALISME
EUROPÉEN
La
Commission
européenne
développe
des
programmes
d’aide
à
l’exercice
du
journalisme
européen,
en
accordant
des
aides
financières
ponctuelles,
limitées
dans
le
temps,
à
des
productions
ou
émissions
européennes.
C’est
une
goutte
d’eau
dans
l’océan.
Les
procédures
sont
très
lourdes,
les
critères
d’éligibilité
discriminent
les
plus
jeunes
initiatives.
Sans
financement
pérenne,
ces
projets
meurent
aussi
vite
qu’ils
naissent.
De
plus,
ce
mode
d’appui
financier
direct,
ponctuel,
pose
à
nouveau
la
question
de
l’instrumentalisation,
consciente
ou
non,
des
journalistes.
Les
représentations
de
la
Commission
européenne
dans
les
Etats
tentent
de
plus
en
plus,
dans
leurs
actions
de
soutien
financier
à
l’information
européenne,
de
prendre
en
compte
les
médias
de
proximité,
les
journalistes
travaillant
sur
une
base
locale,
régionale.
Mais
quel
est
l’impact
de
ces
actions?
Malheureusement,
aucune
étude
ne
permet
d’évaluer
dans
chaque
État,
et
à
l’échelle
de
la
Commission,
ces
initiatives
plus
décentrées.
Le
réseau
Europe
Direct,
soutenu
à
plus
long
terme
par
la
Commission,
compte
environ
cinq
cents
guichets
d’information
«
tout
public
»
gérés
par
des
organismes
indépendants
de
la
Commission.
Chacun
ayant
ses
réseaux
propres,
cette
organisation
pourrait
diffuser
largement
l’information
européenne.
Cependant,
le
financement
qui
leur
est
alloué
est
minime.
Si
certains
d’entre
eux
mènent
des
actions
pour
les
journalistes
locaux,
celles‐ci
demeurent,
par
manque
de
coordination,
isolées
et
disparates.
Margot
Wallström,
quand
elle
fut
commissaire
européenne
chargée
de
la
communication,
a
tenté
d’impulser
de
nouvelles
approches:
notamment
celle
qui
consiste
à
soutenir
des
réseaux
d’échanges
d’information
européenne
gérés
par
les
opérateurs,
les
médias
eux‐mêmes.
Il
s’agit
de
remplacer
ainsi
les
aides
ponctuelles
accordées
directement
aux
journalistes
pour
traiter
d’Europe
et
de
pallier
le
risque
d’effets
éphémères
et
d’instrumentalisation.
Dans
cet
esprit
a
été
soutenu
Euranet,
le
réseau
européen
des
radios
qui,
aujourd’hui,
connaît
un
succès
encore
limité.
Hélas,
les
orientations
intéressantes
prises
par
Margot
Wallström
n’ont
pas
eu
le
temps
de
trouver
une
réelle
application.
Et
un
problème
persiste
:
la
conviction
au
niveau
européen
que
le
fossé
entre
citoyens
et
institutions
est
dû
essentiellement
à
un
déficit
de
communication
(elle
abonde).
Et
non
à
un
déficit
d’information
(elle
manque).
Or,
pour
être
efficaces,
les
mesures
doivent
se
baser
sur
un
bon
diagnostic
de
départ.
Les
programmes
sur
l’Europe
diffusés
dans
l’audiovisuel
sont
souvent
livrés
clé
en
main
par
l’agence
qui
les
produit
pour
le
compte
des
institutions.
Europarl
TV
est
bien
un
canal
d’information
européenne,
mais
développé
en
circuit
interne
et
sur
Internet
uniquement,
son
audience
ne
couvre
qu’un
public
d’initiés.
10
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