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Publié par | ActuaLitteChapitre |
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Extrait
BLAISE
HOFMANN
ESTIVE
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ESTIVE
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DUMÊMEAUTEUR
Billetallersimple,L’Airebleue,2006
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BLAISE HOFMANN
ESTIVE
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Publiéavecl’aideduCantondeVaud
etdelaFondationSuissepourlacultureProHelvetia
Collaboratriceéditoriale :NadineTremblay
©ÉditionsZoé,11ruedesMoraines
CH–1227Carouge-Genève,2007
www.editionszoe.ch
Maquettedecouverture:EvelyneDecroux
ISBN:978-2-88182592-7
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Venezchezmonpeupledebergers.Ici,vous
trouverezbientôtquechaquesociétéest
agréableparmideshommesquiontuncarac-
tère,tandisquetoutcommercedevientinsi-
pideentredesâmessansénergie,oùlanature
sembleéteinte.Arrivez!Iciestlanatureetles
hommessontlibresetgrands.
Charles-VictordeBonstetten(1779)
Pourquoitantdebergerscaressent-ilslabou-
teille?Lasolituderépétée,surtoutlagrande
solitudemoraledeshommesquireçoiventpeu
d’amour.Quelquefoisaussipouroublierla
misèredeleurexistence,fuirlacrasseetl’in-
confortdanslesquelsilsdoiventvivresurcer-
tainsalpages.
PaulHugger(1972)
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GrenierI
Despassurleplancher.Deuxcoupsàlaporte.Eh
mec!C’estl’heure.Aidormicommeunemasse.Pas
besoindepousserlevolet.Ilfaitencorenuit.Ilest
cinqheures.Bonjourleschiens.Robertassisàlatable.
Salut.Unpeud’eausurlevisage.Unetranchede
pain.Yétalequelquechose.Mâchonnesansappétit.
Lecafébout.Ilesttropchaud.Yajouteunegicléede
pomme.FaiscommeRobert.DelaGoldaminede
Zoug.Conséquent.Remplislabesacedecroquettes.
PourMayaetFume,leschiensdeprotectionquine
quittentpasletroupeau.Robertcherchecequipour-
raitluiservirdebâton,s’enallumeuneets’enva.Il
prenddel’avance.Tum’rattrapes!TinaetBrinale
suivent,lui,carc’estmondeuxièmejourd’estive.
LesoleilpointderrièrelaTourduFamelon.Pasun
nuage.Plutôtphotogénique.Lesprofilsdessommets
sontbiendécoupés.Robertprogresselentement.Il
dessinedelargeszigzags.Lespâturageslaissésaux
moutonssontceuxdontlapenteesttropabrupte
pourlesbovins.Surlacarte,ilssesituentlàoùles
lignessontlesplusrapprochées.
Robert,assisdansl’herbe,d’uncôtédutroupeau.
Moi,assisdansl’herbe,del’autre.LuiavecTina.Moi
avecBrina.Uneparole,uneseule.
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—Débutdel’été,lesmoutonsgrimpent.Verslafin,ils
vontverslebas.Ilsvontlàoùl’herbeestbonne.
Toutl’étédevantnouspourfaireconnaissanceetpas
besoind’enrajouter.
Lamatinéedurant,onévitequelesmoutonsemprun-
tentlepassagedelaChaux,desoncôté,oufilentvers
leGrandChalet,dumien.Quanddesbêtesdépassent
lalimitequel’onachoisie,onfaittravaillerleschiens.
—Laisse-lesbrouter,j’tedis.T’esentraindetouttas-
serl’herbeavectescoupsd’chien!
Manifestementcontrarié,Robertmereproched’en-
voyerBrinaparfoistroptôt,parfoistroptard,toujours
tropbrusquement.Non,Robertn’estpasunfinpéda-
gogue.Voilàtroisheuresquejejoueàunjeudont
j’ignorelesrègles.Leplussûrestd’imitercequ’ilfait
desoncôté,maisletroupeaun’obéitpasàune
logiquesymétrique.Bluffernesuffitpas.Demoncôté,
j’aiàfaireaveclavariableparasite,lesVertes,lesbêtes
quiportentunpointvertsurledos,environdeux
centsbrebisélevéesenforêtqui,dèsqu’elleslepeu-
vent,vonts’yréfugier.Autourdesdixheures,lespre-
mièresbêtessontpleines,secouchentetruminent.
D’autresbroutentencore,maispresqueimmobiles.
MêmelesVertessesontregroupéesàl’ombred’un
pierrier.C’estagréable.Robertenrefumeune.J’ouvre
unbouquinquejecroyaisécritsurmesurepourla
profession,unpetitformatquitientdanslapoche,à
peinesoixantepages,onzechapitresdistincts,lesOnze
lettresàPénélope.
«Cettelettre-ci,paresseuxUlysse,c’esttaPénélopequi
tel’envoie.Maisnemerépondspas:viens…»
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—Ehcolinet,vavoirlà-bassicessalopesdeVertesne
foutentpaslecampdanslesbois!
Àpeineletempsdelirel’épigraphe,troisvers
d’Ovide.Lelivretouvert,retournésurlabesace,et
quelquespaspourcontournerletroupeaujusqu’àune
buttequimepermetdevoirqu’ellessonttouteslà.
«Jedevineunreproche,commeunesourdeangoisse
entreteslignesparcequecetteguerreseprolonge.
Maiscen’estpasmafaute!Ladériveaemportéton
hommedanslagrimacedifformedulointainetjene
pourraiterevoirqu’aprèsavoirlacérélachairvivedes
antipodes…»
—Choppevoircelle-là…cellequiboite…non,là…la
charolaise…tuvoispasqu’ellealepiétin!
Robertaraison.L’êtreopaquequigouverneleschiens
contreditlalittératurefragile,nuancéeetsoucieuse
d’allerversl’autre.Leyincontrarieleyang.Fuirl’ins-
tantprésentpours’immergerdanslavied’unautre,
l’époqued’unautre,lestyled’unautre,c’estdutemps
perdu.Àpeinesilespagessontbonnespourallumer
unfeu,fatiguerlesyeuxavantdes’endormir,écrire
danslesmargeslenumérodecellequivientdemettre
bas,lesexeetlacouleurdesesagneaux.
Àpartird’ici,lathéorieserangeaufonddelapoche
ouresteàlacase.Ons’appuiesurlebonsens,formule
fétichedeceuxquiregardentcommentçamarche
avantdecritiquerlemoded’emploi.Ontientcompte
desrésultatsconcrets.Onanticipelesstimuli-
réponses,lesfacteursnaturelsquirégissentlesystème,
carsichaquemoutonestpeureux,passifetgrégaire,
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