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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 18 |
EAN13 | 9782824710976 |
Langue | Français |
Extrait
P I ERRE LO T I
LE DÉSERT
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LE DÉSERT
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1097-6
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.P RÉF A CE DE L’A U T EU R
frèr es de rê v e , ceux qui jadis ont bien v oulu me suiv r e
aux champs d’aspho dèle du Moghr eb sombr e , aux plaines duO Mar o c ? . . . e ceux-là , mais ceux-là seuls, viennent av e c moi
en Arabie Pétré e , dans le pr ofond désert sonor e .
Et que , p ar avance , ils sachent bien qu’il n’y aura dans ce liv r e ni
terribles av entur es, ni chasses e xtraordinair es, ni dé couv ertes, ni dang er s ;
non, rien que la fantaisie d’une lente pr omenade , au p as des chame aux
b er ceur s, dans l’infini du désert r ose . . .
Puis, au b out de la r oute longue , tr oublé e de mirag es, Jér usalem
app araîtra, ou du moins sa grande ombr e , et alor s p eut-êtr e , ô mes frèr es de
rê v e , de doute et d’ang oisse , nous pr oster ner ons-nous ensemble , là , dans
la p oussièr e , de vant d’ineffables fantômes.
n
1CHAP I T RE I
O asis de Moïse , 22 fé v rier 1894.
de l’humble , de vant la miséricorde de son Dieu
très haut, le séïd Omar , fils d’Edriss, en fav eur de son ami Pier r eC Loti, p our le r e commander aux chefs de toutes les tribus d’
Arabie , à l’ effet d’av oir p our lui des ég ards et de l’aider p endant son v o yag e
au p ay s des Arab es, car il vénèr e l’islamisme et il est animé des meilleur s
sentiments p our notr e r eligion.
Et je serai satisfait de tous ceux qui l’aur ont r esp e cté et assisté , ainsi
qu’il le mérite .
Écrit p ar nous, le 10 Chaban 1311,
OMAR
Fils d’Edriss, El Senoussi El Hosni,
2Le désert Chapitr e I
Sous la tente que j’habite depuis une heur e , au seuil du désert, je r elis
cee ler e qui doit êtr e mon sauf-conduit à trav er s les tribus hostiles. A u
bas de la p ag e , en my stérieux caractèr es, est inscrite la très o cculte inv
ocation divine de la se cte des Senoussi, qui a son fo y er là-bas, au Moghr e d,
et dont le séïd est le r eprésentant p our l’ Arabie orientale .
Les dang er s du v o yag e , il est v rai, je n’y cr ois guèr e , et leur arait
chimérique n’ est p as ce qui m’amène ici ; mais, p our , essay er de v oir encor e ,
sous l’ envahissement des hommes et des choses de ce siè cle sans foi, la
sainte Jér usalem, j’ai v oulu y v enir p ar les vieilles r outes abandonné es et
prép ar er mon esprit dans le long r e cueillement des solitudes.
P lusieur s de ces r outes de sable m’étaient offertes.
D’ab ord la plus facile et la plus courte , celle dite du petit Désert, p ar
El- Arich et les b ords du g olfe ég y ptien ; déjà banalisé e , celle-là , hélas !
suivie tous les ans p ar plusieur s oisifs d’ Angleter r e ou d’ Amérique , av e c
le confort et sous la pr ote ction des ag ences sp é ciales.
Une autr e ensuite , moins fré quenté e , p ar le Sinaï et p ar Nack el.
Enfin, la plus allong é e de toutes, p ar le Sinaï, Ak abahet le désert de
Pétra ; celle que j’ai choisie , p ar ce que les guides me conseillaient de m’ en
détour ner . Moins facile de tout temps, cee der nièr e est considéré e , en
Ég y pte , comme impraticable dans ce moment-ci, depuis la réb ellion des
tribus de Idumé e , et il y a dix ans qu’aucun Eur op é en n’a plus tenté de
la suiv r e . Le cheik de Pétra surtout m’a été r eprésenté comme un dang
er eux gueeur de caravanes, actuellement insoumis à tous les g ouv er
nements régulier s, et sa p er sonne , plus que son p ay s, m’air e là-bas. Il est
d’ailleur s, comme pr esque tous les chefs de l’Idumé e et du He djaz, affilié
à la se cte Senoussite ; auprès de lui seul, sans doute , j’aurai à me ser vir de
la ler e du séïd Omar , qui a tant de grandeur — et qui cadr e si mal av e c
ces Bé douins de mon escorte , domestiqués, ser viles, pr emièr e dé ception
de mon v o yag e .
Le désert, p ar e x emple , n’ est p as dé ce vant, lui, même ici, à ce seuil où il
ne fait que commencer d’app araîtr e . Son immensité prime tout, agrandit
tout, et en sa présence la mesquinerie des êtr es s’ oublie .
Et si br usque a été la prise de p ossession de nous p ar lui ; si subit,
notr e env elopp ement de silence et de solitude !. . . Hier matin encor e ,
c’était le Cair e encombré de touristes, la vie comme dans toutes les stations
3Le désert Chapitr e I
hiv er nales élég antes. Hier au soir , c’était Suez, av e c déjà plus d’isolement,
dans un p etit hôtel primitif, sentant la colonie et le sable . Et aujourd’hui,
après nos adieux aux der nièr es figur es eur op é ennes, un bate au nous a
amenés, p ar grand v ent, de ce côté-ci de la mer Roug e , p our nous dép oser
seuls sur la plag e déserte . P lus p er sonne et plus rien, à la tombé e du soir
désolé . . .
Cep endant on nous gueait là-bas, der rièr e les maigr es p almier s de
l’ o asis de Moïse qui faisaient une lointaine tache sombr e sur l’infini des
sables. Et nous vîmes v enir à nous des chame aux qui se hâtaient, conduits
p ar des Bé douins de mauvais asp e ct.
En s’appr o chant, ils souriaient, les chamelier s, et nous comprîmes
qu’ils faisaient p artie de nos g ens, que leur s bêtes allaient êtr e nos
montur es. Ils étaient ar més de p oignards et de longs coutelas de fer ; leur s
cor ps de momies dessé ché es app araissaient p ar les tr ous des guenilles
sans nom dont ils étaient couv erts, débris de p e aux de biques ou débris
de bur nous ; ils étaient gr eloants sous ce v ent triste du soir , et leur s
sourir es montraient des dents longues.
En une demi-heur e , ils nous menèr ent à l’ o asis de la Fontaine de Moïse,
qui est le p oint initial des r outes du désert et où nos tentes, p arties du
Cair e deux jour s avant nous, étaient dr essé es p ar mi les p almier s grêles.
Notr e inter prète et nos domestiques, tous Arab es de Sy rie , nous
aendaient là , et, autour du camp , nos vingt chamelier s, nos vingt chame aux
faisaient un amas de misèr es et de laideur s sauvag es, bêtes et g ens
couchés ensemble , sur le sable où se mêlaient leur s fientes et leur s souillur es.
D ans notr e v oisinag e , une autr e caravane plus nombr euse que la
nôtr e , mais plus humble aussi, gisait p ar ter r e en une confusion
semblable : des pèlerins de Russie , p op es, p ay sans, vieilles femmes e xténué es
de fatigue , tous g ens de foi ardente , qui r e v enaient du Sinaï, après tant de
jour s de soleil et tant de nuits de plein air glacé , le visag e défait et la toux
cr euse .
Et tout de suite , autour de nous, c’était l’infini vide , le désert au
crépuscule , balayé p ar un grand v ent fr oid ; le désert d’une teinte neutr e et
morte , se dér oulant sous un ciel plus sombr e que lui, qui, aux confins de
l’horizon cir culair e , semblait le r ejoindr e et l’é craser .
Alor s, à r eg arder cela, nous prit une sorte d’iv r esse et de frisson de
4Le désert Chapitr e I
la solitude ; un b esoin de nous enfoncer là de dans davantag e , un b esoin
ir réflé chi, un désir phy sique de courir dans le v ent jusqu’à une élé vation
pr o chaine , p our v o