Le réquisitionnaire
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La Comédie humaine - Études philosophiques - Tome II. Quinzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Âgée d’environ trente-huit ans, elle conservait encore, non cette beauté fraîche et nourrie qui distingue les filles de la Basse-Normandie, mais une beauté grêle et pour ainsi dire aristocratique. Ses traits étaient fins et délicats 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782824710150
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LE RÉQU ISI T ION NAI RE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE RÉQU ISI T ION NAI RE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1015-0
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE RÉQU ISI T ION NAI RE
«  T antôt ils lui v o yaient, p ar un phénomène de vision ou de
lo comotion, ab olir l’ esp ace dans ses deux mo des de T emps et
de Distance , dont l’un est intelle ctuel et l’autr e phy sique . »
Hist. intell. de LOU IS LAMBERT .
A MON CH ER ALBERT MARCHAN D DE LA RI BELLERI E.
T our s, 1836.
   du mois de no v embr e 1793, les princip aux p er
sonnag es de Car entan se tr ouvaient dans le salon de madame deP D e y , chez laquelle l’ assemblée se tenait tous les jour s. elques
cir constances qui n’ eussent p oint airé l’aention d’une grande ville ,
mais qui de vaient fortement en pré o ccup er une p etite , prêtaient à ce
r endez-v ous habituel un intérêt inaccoutumé . La sur v eille , madame de
D e y avait fer mé sa p orte à sa so ciété , qu’ elle s’était encor e disp ensé e de
r e ce v oir la v eille , en préte xtant d’une indisp osition. En temps ordinair e ,
ces deux é vénements eussent fait à Car entan le même effet que pr o duit à
Paris un relâche à tous les théâtr es. Ces jour s-là , l’ e xistence est en quelque
1Le ré quisitionnair e Chapitr e
sorte incomplète . Mais, en 1793, la conduite de madame de D e y p ouvait
av oir les plus funestes résultats. La moindr e démar che hasardé e de v
enait alor s pr esque toujour s p our les nobles une question de vie ou de
mort. Pour bien compr endr e la curiosité viv e et les étr oites finesses qui
animèr ent p endant cee soiré e les phy sionomies nor mandes de tous ces
p er sonnag es, mais surtout p our p artag er les p er ple xités se crètes de
madame de D e y , il est né cessair e d’ e xpliquer le rôle qu’ elle jouait à Car entan.
La p osition critique dans laquelle elle se tr ouvait en ce moment ayant été
sans doute celle de bien des g ens p endant la Ré v olution, les sy mp athies
de plus d’un le cteur achè v er ont de color er ce ré cit.
Madame de D e y , v euv e d’un lieutenant g énéral, che valier des ordr es,
avait quié la cour au commencement de l’émigration. Possé dant des
biens considérables aux envir ons de Car entan, elle s’y était réfugié e , en
esp érant que l’influence de la ter r eur s’y ferait p eu sentir . Ce calcul, fondé
sur une connaissance e x acte du p ay s, était juste . La Ré v olution e x er ça p eu
de ravag es en Basse-Nor mandie . oique madame de D e y ne vît jadis que
les familles nobles du p ay s quand elle y v enait visiter ses pr opriétés, elle
avait, p ar p olitique , ouv ert sa maison aux princip aux b our g e ois de la ville
et aux nouv elles autorités, en s’ effor çant de les r endr e fier s de sa conquête ,
sans ré v eiller chez eux ni haine ni jalousie . Gracieuse et b onne , doué e de
cee ine xprimable douceur qui sait plair e sans r e courir à l’abaissement
ou à la prièr e , elle avait réussi à se concilier l’ estime g énérale p ar un tact
e x quis dont les sag es av ertissements lui p er meaient de se tenir sur la
ligne délicate où elle p ouvait satisfair e aux e xig ences de cee so ciété
mêlé e , sans humilier le rétif amour-pr opr e des p ar v enus, ni cho quer celui de
ses anciens amis.
Âg é e d’ envir on tr ente-huit ans, elle conser vait encor e , non cee
b e auté fraîche et nour rie qui distingue les filles de la Basse-Nor mandie ,
mais une b e auté grêle et p our ainsi dir e aristo cratique . Ses traits étaient
fins et délicats  ; sa taille était souple et délié e . and elle p arlait, son
pâle visag e p araissait s’é clair er et pr endr e de la vie . Ses grands y eux noir s
étaient pleins d’affabilité , mais leur e xpr ession calme et r eligieuse
semblait annoncer que le princip e de son e xistence n’était plus en elle .
Marié e à la fleur de l’âg e av e c un militair e vieux et jaloux, la fausseté de sa
p osition au milieu d’une cour g alante contribua b e aucoup sans doute à
2Le ré quisitionnair e Chapitr e
rép andr e un v oile de grav e mélancolie sur une figur e où les char mes et la
vivacité de l’amour avaient dû briller autr efois. Oblig é e de réprimer sans
cesse les mouv ements naïfs, les émotions de la femme alor s qu’ elle sent
encor e au lieu de réflé chir , la p assion était r esté e vier g e au fond de s on
cœur . A ussi, son princip al arait v enait-il de cee intime jeunesse que ,
p ar moments, trahissait sa phy sionomie , et qui donnait à ses idé es une
inno cente e xpr ession de désir . Son asp e ct commandait la r etenue , mais il
y avait toujour s dans son maintien, dans sa v oix, des élans v er s un av enir
inconnu, comme chez une jeune fille  ; bientôt l’homme le plus insensible
se tr ouvait amour eux d’ elle , et conser vait né anmoins une sorte de crainte
r esp e ctueuse , inspiré e p ar ses manièr es p olies qui imp osaient. Son âme ,
nativ ement grande , mais fortifié e p ar des lues cr uelles, semblait placé e
tr op loin du v ulg air e , et les hommes se faisaient justice . A cee âme , il
fallait né cessair ement une haute p assion. A ussi les affe ctions de madame de
D e y s’étaient-elles concentré es dans un seul sentiment, celui de la
maternité . Le b onheur et les plaisir s dont avait été privé e sa vie de femme , elle
les r etr ouvait dans l’amour e xtrême qu’ elle p ortait à son fils. Elle ne
l’aimait p as seulement av e c le pur et pr ofond dé v ouement d’une mèr e , mais
av e c la co queerie d’une maîtr esse , av e c la jalousie d’une ép ouse . Elle
était malheur euse loin de lui, inquiète p endant ses absences, ne le v o yait
jamais assez, ne vivait que p ar lui et p our lui. Afin de fair e compr endr e
aux hommes la for ce de ce sentiment, il suffira d’ajouter que ce fils était
non-seulement l’unique enfant de madame de D e y , mais son der nier p
ar ent, le seul êtr e auquel elle pût raacher les craintes, les esp érances et
les joies de sa vie . Le feu comte de D e y fut le der nier r ejeton de sa
famille , comme elle se tr ouva seule héritièr e de la sienne . Les calculs et les
intérêts humains s’étaient donc accordés av e c les plus nobles b esoins de
l’âme p our e x alter dans le cœur de la comtesse un sentiment déjà si fort
chez les femmes. Elle n’avait éle vé son fils qu’av e c des p eines infinies, qui
le lui avaient r endu plus cher encor e  ; vingt fois les mé de cins lui en
présagèr ent la p erte  ; mais, confiante en ses pr essentiments, en ses esp érances,
elle eut la joie ine xprimable de lui v oir heur eusement trav er ser les p érils
de l’ enfance , d’admir er les pr ogrès de sa constitution, en dépit des ar rêts
de la Faculté .
Grâce à des soins constants, ce fils avait grandi, et s’était si
gracieu3Le ré quisitionnair e Chapitr e
sement dé v elopp é , qu’à vingt ans, il p assait p our un des cavalier s les plus
accomplis de V er sailles. Enfin, p ar un b onheur qui ne cour onne p as les
efforts de toutes les mèr es, elle était adoré e de son fils  ; leur s âmes s’
entendaient p ar de frater nelles sy mp athies. S’ils n’ eussent p as été liés déjà
p ar le v

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