The Project Gutenberg EBook of Le roi Lear, by William ShakespeareThis eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.orgTitle: Le roi LearAuthor: William ShakespeareTranslator: Fran ois Pierre Guillaume Guizot �Release Date: May 4, 2006 [EBook #18312]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE ROI LEAR ***Produced by Paul Murray, R nald L vesque and the Online� �Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (Thisfile was produced from images generously made availableby the Biblioth que nationale de France (BnF/Gallica)) �Note du transcripteur. =========================================================== Ce document est tir de: � OEUVRES COMPL T�ES DE SHAKSPEARE TRADUCTION DE M. GUIZOT NOUVELLE D�ITION ENTI R�EMENT REVUE AVEC UNE T�UDE SUR SHAKSPEARE DES NOTICES SUR CHAQUE PI C�E ET DES NOTES Volume 5 Le roi Lear. Cymbeline.--La m chante femme mise la raison. � � Peines d'amour perdues.--P ricl s. � � PARIS A LA LIBRAIRIE ACAD�MIQUE DIDIER ET Cie, LIBRAIRES- D�ITEURS 35, QUAI DES AUGUSTINS 1862 ========================================================== LE ROI LEAR TRAG�DIE ...
The Project Gutenberg EBook of Le roi Lear, by William Shakespeare
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org
Title: Le roi Lear
Author: William Shakespeare
Translator: Fran�ois Pierre Guillaume Guizot
Release Date: May 4, 2006 [EBook #18312]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE ROI LEAR ***
Produced by Paul Murray, R�nald L�vesque and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Biblioth�que nationale de France (BnF/Gallica))
Note du transcripteur.
=========================================================== Ce document est tir�de:
OEUVRES COMPL�TES DE SHAKSPEARE
TRADUCTION DE M. GUIZOT
NOUVELLE�DITION ENTI�REMENT REVUE AVEC UNE�TUDE SUR SHAKSPEARE DES NOTICES SUR CHAQUE PI�CE ET DES NOTES
Volume 5
Le roi Lear. Cymbeline.--La m�chante femme mise�la raison. Peines d'amour perdues.--P�ricl�s.
PARIS A LA LIBRAIRIE ACAD�MIQUE DIDIER ET Cie, LIBRAIRES-�DITEURS 35, QUAI DES AUGUSTINS 1862
En l'an du monde 3105, disent les chroniques, pendant que Joas r�gnait �J�rusalem, monta sur le tr�ne de la Bretagne Leir, fils de Baldud, prince sage et puissant, qui maintint son pays et ses sujets dans une grande prosp�rit�, et fonda la ville de Caeirler, maintenant Leicester. Il eut trois filles, Gonerille, R�gane et Cord�lia, de beaucoup la plus jeune des trois et la plus aim�e de son p�re. Parvenu�une grande vieillesse, et l'�ge ayant affaibli sa raison, Leir voulut s'enqu�rir de l'affection de ses filles, dans l'intention de laisser son royaume� celle qui m�riterait le mieux la sienne.�Sur quoi il demanda d'abord �Gonerille, l'a�n�e, comment bien elle l'aimait; laquelle appelant ses dieux en t�moignage, protesta qu'elle l'aimait plus que sa propre vie, qui, par droit et raison, lui devait�tre tr�s-ch�re; de laquelle r�ponse le p�re,�tant bien satisfait, se tourna�la seconde, et s'informa d'elle combien elle l'aimait; laquelle r�pondit (confirmant ses dires avec de grands serments) qu'elle l'aimait plus que la langue ne pouvait l'exprimer, et bien loin au-dessus de toutes les autres cr�atures du monde.�Lorsqu'il fit la m�me question�Cord�lia, celle-ci r�pondit:�Connaissant le grand amour et les soins paternels que vous avez toujours port�s en mon endroit (pour laquelle raison je ne puis vous r�pondre autrement que je ne pense et que ma conscience me conduit), je proteste par-devant vous que je vous ai toujours aim�et continuerai, tant que je vivrai,�vous aimer comme mon p�re par nature; et si vous voulez mieux conna�tre l'amour que je vous porte, assurez-vous qu'autant vous avez en vous, autant vous m�ritez, autant je vous aime, et pas davantage.�Le p�re, m�content de cette r�ponse, maria ses deux filles a�n�es, l'une�Henninus, duc de Cornouailles, et l'autre�Magtanus, duc d'Albanie, les faisant h�riti�res de ses�tats, apr�s sa mort, et leur en remettant d�s lors la moiti�entre les mains. Il ne r�serva rien pour Cord�lia. Mais il arriva qu'Aganippus, un des douze rois qui gouvernaient alors la Gaule, ayant entendu parler de la beaut�et du m�rite de cette princesse, la demanda en mariage;�quoi l'on r�pondit qu'elle�tait sans dot, tout ayant�t�assur��ses deux soeurs; Aganippus insista, obtint Cord�lia et l'emmena dans ses�tats.
Cependant les deux gendres de Leir, commen�ant�trouver qu'il r�gnait trop longtemps, s'empar�rent�main arm�e de ce qu'il s'�tait r�serv�, lui assignant seulement un revenu pour vivre et soutenir son rang; ce revenu fut encore graduellement diminu�, et ce qui causa�Leir le plus de douleur, cela se fit avec une extr�me duret�de la part de ses filles, qui semblaient penser que tout�ce qu'avait leur p�re�tait de trop, si petit que cela f�t jamais; si bien qu'allant de l'une� l'autre, Leir arriva�cette mis�re qu'elles lui accordaient�peine un serviteur pour�tre�ses ordres.�Le vieux roi, d�sesp�r�, s'enfuit du pays et se r�fugia dans la Gaule, o�Cord�lia et son mari le re�urent avec de grands honneurs; ils lev�rent une arm�e et�quip�rent une flotte pour le reconduire dans ses�tats, dont il promit la succession �Cord�lia, qui accompagnait son p�re et son mari dans cette exp�dition. Les deux ducs ayant�t�tu�s et leurs arm�es d�faites dans une bataille que leur livra Aganippus, Leir remonta sur le tr�ne et mourut au bout de deux ans, quarante ans apr�s son premier av�nement. Cord�lia lui succ�da et r�gna cinq ans; mais dans l'intervalle, son mari�tant mort, les
fils de ses soeurs, Margan et Cunedag, se soulev�rent contre elle, la vainquirent et l'enferm�rent dans une prison, o�,�comme c'�tait une femme d'un courage m�le,�d�sesp�rant de recouvrer sa libert�, elle prit le parti de se tuer[1].
_ _ [Note 1: Chroniques de Hollinshed, Hist. of England , liv. II, ch. V, t. I, p. 12.]
Ce r�cit de Hollinshed est emprunt��Geoffroi de Monmouth, qui a probablement b�ti l'histoire de Leir sur une anecdote d'Ina, roi des Saxons, et sur la r�ponse de la plus�jeune et de la plus sage des filles�de ce roi, qui, dans une situation pareille�celle de Cord�lia, r�pond de m�me�son p�re que, bien qu'elle l'aime, l'honore et r�v�re autant que le demandent au plus haut degr�la nature et le devoir filial, cependant elle pense qu'il pourra lui arriver un jour d'aimer encore plus ardemment son mari, avec qui, par les commandements de Dieu, elle ne doit faire qu'une m�me chair, et pour qui elle doit quitter p�re, m�re, etc. Il ne para�t pas qu'Ina ait d�sapprouv�le�sage dire� de sa fille; et la suite de l'histoire de Cord�lia est probablement un d�veloppement que l'imagination des chroniqueurs aura fond�sur cette premi�re donn�e. Quoi qu'il en soit, la col�re et les malheurs du roi Lear avaient, avant Shakspeare, trouv�place dans plusieurs po�mes, et fait le sujet d'une pi�ce de th��tre et de plusieurs ballades. Dans une _ de ces ballades, rapport�e par Johnson sous le titre de: A lamentable _ song of the death of king Leir and his three daughters , Lear, comme dans la trag�die, devient fou, et Cord�lia ayant�t�tu�e dans la bataille, que gagnent cependant les troupes du roi de France, son p�re meurt de douleur sur son corps, et ses soeurs sont condamn�es�mort par le jugement�des lords et nobles du royaume.�Soit que la ballade ait pr�c�d�ou non la trag�die de Shakspeare, il est tr�s-probable que l'auteur de la ballade et le po�te dramatique ont puis�dans une source commune, et que ce n'est pas sans quelque autorit�que Shakspeare, dans son d�no�ment, s'est�cart�des chroniques qui donnent la victoire� Cord�lia. Ce d�no�ment a�t�chang�par Tatel, et Cord�lia r�tablie dans ses droits. La pi�ce est demeur�e au th��tre sous cette seconde forme, �la grande satisfaction de Johnson, et, dit M. Steevens,�des derni�res galeries� (upper gallery) . Addison s'est prononc�contre ce _ _ changement.
Quant�l'�pisode du comte de Glocester, Shakspeare l'a imit�de _ _ l'aventure d'un roi de Paphlagonie, racont� dee dans l' Arcadia Sidney; seulement, dans le r�cit original, c'est le b�tard lui-m�me qui fait arracher les yeux�son p�re, et le r�duit�une condition semblable� celle de Lear. L�onatus, le fils l�gitime, qui, condamn��mort, avait �t�forc�de chercher du service dans une arm�e�trang�re, apprenant les malheurs de son p�re, abandonne tout au moment o�ses services allaient lui procurer un grade�lev�, pour venir, au risque de sa vie, partager et secourir la mis�re du vieux roi. Celui-ci, remis sur son tr�ne par le secours de ses amis, meurt de joie en couronnant son fils L�onatus; et Plexirtus, le b�tard, par un hypocrite repentir, parvient�d�sarmer la col�re de son fr�re.
Il est�vident que la situation du roi Lear et celle du roi de Paphlagonie, tous deux pers�cut�s par les enfants qu'ils ont pr�f�r�s, et secourus par celui qu'ils ont rejet�, ont frapp�Shakspeare comme devant entrer dans un m�me sujet, parce qu'elles appartenaient�une m�me id�e. Ceux qui lui ont reproch�d'avoir ainsi alt�r�la simplicit� de son action ont prononc�d'apr�s leur syst�me, sans prendre la peine d'examiner celui de l'auteur qu'ils critiquaient. On pourrait leur r�pondre, m�me en parlant des r�gles qu'ils veulent imposer, que l'amour des deux femmes pour Edmond qui sert�amener leur punition, et l'intervention d'Edgar dans cette portion du d�no�ment, suffisent pour absoudre la pi�ce du reproche de duplicit�d'action; car, pourvu que tout vienne se r�unir dans un m�me noeud facile�saisir, la simplicit�
de la marche d'une action d�pend beaucoup moins du nombre des int�r�ts et des personnages qui y concourent que du jeu naturel et clair des ressorts qui la font mouvoir. Mais, de plus, il ne faut jamais oublier que l'unit�, pour Shakspeare, consiste dans une id�e dominante qui, se reproduisant sous diverses formes, ram�ne, continue, redouble sans cesse _ _ la m�me impression. Ainsi comme, dans , le po Macbeth�te montre l'homme _ _ aux prises avec les passions du crime, de m� le Roi Lear , il leme dans fait voir aux prises avec le malheur, dont l'action se modifie selon les divers caract�res des individus qui le subissent. Le premier spectacle qu'il nous offre, c'est dans Cord�lia, Kent, Edgar, le malheur de la vertu ou de l'innocence pers�cut�e. Vient ensuite le malheur de ceux qui, par leur passion ou leur aveuglement, se sont rendus les instruments de l'injustice, Lear et Glocester; et c'est sur eux que porte l'effort de la piti�. Quant aux sc�l�rats, on ne doit point les voir souffrir; le spectacle de leur malheur serait troubl�par le souvenir de leur crime: ils ne peuvent avoir de punition que par la mort.
De ces cinq personnages soumis�l'action du malheur, Cord�lia, figure c�leste, plane presque invisible et�demi voil�e sur la composition qu'elle remplit de sa pr�sence, bien qu'elle en soit presque toujours absente. Elle souffre, et ne se plaint ni ne se d�fend jamais; elle agit, mais son action ne se montre que par les r�sultats; tranquille sur son propre sort, r�serv�e et contenue dans ses sentiments les plus l�gitimes, elle passe et dispara�t comme l'habitant d'un monde meilleur, qui a travers�notre monde sans subir le mouvement terrestre.
Kent et Edgar ont chacun une physionomie tr�s-prononc�e: le premier est, ainsi que Cord�lia, victime de son devoir: le second n'int�resse d'abord que par son innocence; entr�dans le malheur en m�me temps, pour ainsi dire, que dans la vie,�galement neuf�l'un et�l'autre, Edgar s'y d�ploie graduellement, les apprend�la fois, et d�couvre en lui-m�me, selon le besoin, les qualit�s dont il est dou�;�mesure qu'il avance, s'augmentent et ses devoirs, et ses difficult�s, et son importance: il grandit et devient un homme; mais en m�me temps, il apprend combien il en co�te; et il reconna�t�la fin, en le soutenant avec noblesse et courage, tout le poids du fardeau qu'il avait port�d'abord presque avec gaiet�. Kent, au contraire, vieillard sage et ferme, a, d�s le premier moment, tout su, tout pr�vu; d�s qu'il entre en action, sa marche est arr�t�e, son but fix�. Ce n'est point, comme Edgar, la n�cessit�qui le pousse, le hasard qui vient�sa rencontre; c'est sa volont�qui le d�termine; rien ne la change ni ne la trouble; et le spectacle du malheur auquel il se d�voue lui arrache�peine une exclamation de douleur.
Lear et Glocester, dans une situation analogue, en re�oivent une impression qui correspond�leurs divers caract�res. Lear, imp�tueux, irritable, g�t�par le pouvoir, par l'habitude et le besoin de l'admiration, se r�volte et contre sa situation et contre sa propre conviction; il ne peut croire�ce qu'il sait; sa raison n'y r�siste pas: il devient fou. Glocester, naturellement faible, succombe�la mis�re, et ne r�siste pas davantage�la joie: il meurt en reconnaissant Edgar. Si Cord�lia vivait, Lear retrouverait encore la force de vivre; il se brise par l'effort de sa douleur.
A travers la confusion des incidents et la brutalit�des moeurs, l'int�r�t et le path�tique n'ont peut-�tre jamais�t�port�s plus loin que dans cette trag�die. Le temps o�Shakspeare a pris son action semble l'avoir affranchi de toute forme convenue; et de m�me qu'il ne s'est point inqui�t�de placer, huit cents ans avant J�sus-Christ, un roi de France, un duc d'Albanie, un duc de Cornouailles, etc., il ne s'est pas pr�occup�de la n�cessit�de rapporter le langage et les personnages �une�poque d�termin�e; la seule trace d'une intention qu'on puisse remarquer dans la couleur g�n�rale du style de la pi�ce, c'est le
vague et l'incertitude des constructions grammaticales, qui semblent appartenir�une langue encore tout�fait dans l'enfance; en m�me temps un assez grand nombre d'expressions rapproch�es du fran�ais indiquent une�poque, sinon correspondante�celle o�est suppos�exister le roi Lear, du moins fort ant�rieure�celle o��crivait Shakspeare.
Le roi Lear de Shakspeare fut jou�pour la premi�re fois en 1606, au moment de No�l. La premi�re�dition est de 1608, et porte ce titre: �V�ritable Chronique et Histoire de la Vie et de la Mort du Roi Lear et de ses Trois Filles, par M. William Shakspeare. Avec la Vie infortun�e d'Edgar, Fils et H�ritier du Comte de Glocester, et son D�guisement sous le nom de Tom de Bedlam:--Comme elle a�t�jou�e devant la Majest�du Roi,�White Hall, le soir de Saint-�tienne, pendant les F�tes de No�l, par les Acteurs de Sa Majest�, jouant ordinairement au Globe, pr�s de la Banque.�
PERSONNAGES
LEAR, roi de la Grande-Bretagne. LE ROI DE FRANCE. LE DUC DE BOURGOGNE. LE DUC DE CORNOUAILLES. LE DUC D'ALBANIE. LE COMTE DE GLOCESTER. LE COMTE DE KENT. EDGAR, fils de Glocester. EDMOND, fils b�tard de Glocester. CURAN, courtisan. UN VIEILLARD, vassal de Glocester. UN M�DECIN. LE FOU du roi Lear. OSWALD, intendant de Gonerille. UN OFFICIER employ�par Edmond. UN GENTILHOMME attach��Cord�lia. UN H�RAUT. SERVITEURS du duc de Cornouailles. GON�RILLE, R�GANE, CORD�LIA, filles du roi Lear. CHEVALIERS DE LA SUITE DU ROI LEAR, OFFICIERS, MESSAGERS, SOLDATS ET SERVITEURS.
La sc�ne est dans la Grande-Bretagne.
ACTE PREMIER
SC�NE I
Salle d'apparat dans le palais du roi Lear.
Entrent KENT, GLOCESTER, EDMOND. _ _
KENT.--J'avais toujours cru au roi plus d'affection pour le duc d'Albanie que pour le duc de Cornouailles.
GLOCESTER.--C'est ce qui nous avait toujours paru; mais aujourd'hui,
dans le partage de son royaume, rien n'indique quel est celui des deux ducs qu'il pr�f�re: l'�galit�y est si exactement observ�e, qu'avec toute l'attention possible on ne pourrait faire un choix entre les deux parts.
KENT.--N'est-ce pas l�votre fils, milord?
GLOCESTER.--Son�ducation, seigneur, a�t��ma charge; et j'ai tant de fois rougi de le reconna�tre, qu'�la fin je m'y suis endurci.
KENT.--Je ne saurais concevoir...
GLOCESTER.--C'est ce qu'a tr�s-bien su faire, seigneur, la m�re de ce jeune homme: aussi son ventre en a-t-il grossi, et elle s'est trouv�e avoir un fils dans son berceau avant d'avoir un mari dans son lit. Maintenant entrevoyez-vous la faute?
KENT --Je ne voudrais pas que cette faute n'e�t pas�t�commise, puisque . l'issue en a si bien tourn�.
GLOCESTER.--Mais c'est que j'ai aussi, seigneur, un fils l�gitime qui est l'a�n�de celui-ci de quelques ann�es, et qui cependant ne m'est pas plus cher. Le petit dr�le est arriv�,�la v�rit�, un peu insolemment dans ce monde avant qu'on l'y appel�t; mais sa m�re�tait belle; j'ai eu ma foi du plaisir�le faire, et il faut bien le reconna�tre, le coquin[2]!--Edmond, connaissez-vous ce noble gentilhomme?
_ _ [Note 2: The whoreson .]
EDMOND.--Non, milord.
GLOCESTER.--C'est le lord de Kent.--Souvenez-vous-en comme d'un de mes plus honorables amis.
EDMOND.--Je prie Votre Seigneurie de me croire�son service.
KENT.--Je vous aimerai certainement et chercherai�faire avec vous plus ample connaissance.
EDMOND.--Seigneur, je mettrai mes soins�m�riter votre estime.
GLOCESTER.--Il a�t�neuf ans hors du pays, et il faudra qu'il s'absente encore. (Trompettes au dehors.) --Voici le roi qui arrive. _ _
(Entrent Lear, le duc de Cornouailles, le duc d'Albanie, Gonerille, R�gane, Cord�lia; suite.)
LEAR.--Glocester, vous accompagnerez le roi de France et le duc de Bourgogne.
GLOCESTER.--Je vais m'y rendre, mon souverain.
(Il sort.)
LEAR.--Nous cependant, nous allons manifester ici nos plus secr�tes r�solutions. Qu'on place la carte sous mes yeux. Sachez que nous avons divis�notre royaume en trois parts,�tant fermement r�solu de soulager notre vieillesse de tout souci et affaire pour en charger de plus jeunes forces, et nous tra�ner vers la mort d�livr�de tout fardeau.--Notre fils de Cornouailles, et vous qui ne nous�tes pas moins attach�, notre fils d'Albanie, nous sommes d�termin�s�r�gler publiquement, d�s cet instant, la dot de chacune de nos filles, afin de pr�venir par l�tous d�bats dans l'avenir. L'amour retient depuis longtemps dans notre cour le roi de France et le duc de Bourgogne, rivaux illustres pour
l'amour de notre plus jeune fille: je vais ici r�pondre�leur demande.--Dites-moi, mes filles (puisque nous voulons maintenant nous d�pouiller tout�la fois de l'autorit�, des soins de l'�tat et de tout int�r�t de propri�t�), quelle est celle de vous dont nous pourrons nous dire le plus aim�, afin que notre lib�ralit�s'exerce avec plus d'�tendue l�o�elle sera sollicit�e par des m�rites plus grands?--Vous, Gonerille, notre a�n�e, parlez la premi�re.
GON�RILLE.--Je vous aime, seigneur, de plus d'amour que n'en peuvent exprimer les paroles; plus ch�rement que la vue, l'espace et la libert�; au del�de tout ce qui existe de pr�cieux, de riche ou de rare. Je vous aime�l'�gal de la vie accompagn�e de bonheur, de sant�, de beaut�, de grandeur. Je vous aime autant qu'un enfant ait jamais aim�, qu'un p�re l'ait jamais�t�. Trouvez un amour que l'haleine ne puisse suffire, et les paroles parvenir�exprimer; eh bien! je vous aime encore davantage.
CORD�LIA,� part .--Que pourra faire Cord�lia? Aimer et se taire. _ _
LEAR.--Depuis cette ligne�loign�e jusqu'�celle-ci, toute cette enceinte riche d'ombrageuses for�ts, de campagnes et de rivi�res abondantes, de champs aux vastes limites, nous t'en faisons ma�tresse, qu'elle soit�jamais assur�e�votre prosp�rit�,�toi et au duc d'Albanie.--Que r�pond notre seconde fille, notre bien-aim�e R�gane, l'�pouse de Cornouailles? Parle.
R�GANE.--Je suis faite du m�me m�tal que ma soeur, et je m'estime� sa valeur. Dans la sinc�rit�de mon coeur, je trouve qu'elle a d�fini pr�cis�ment l'amour que je ressens: seulement elle n'a pas�t�assez loin; car moi, je me d�clare ennemie de toutes les autres joies contenues dans le domaine des sentiments les plus pr�cieux, et ne puis trouver de f�licit�que dans l'affection de Votre ch�re Majest�.
CORD�LIA,�part .--Ah! pauvre Cord�lia! Mais non, cependant, puisque _ _ je suis s�re que mon amour est plus riche que ma langue.
LEAR,�R�gane .--Toi et les tiens vous poss�derez h�r�ditairement ce _ _ grand tiers de notre beau royaume, portion�gale en�tendue, en valeur, en agr�ment,�celle que j'ai assur�e�Gonerille.--Et vous maintenant, qui pour avoir�t�ma derni�re joie n'en f�tes pas la moins ch�re, vous dont les vignobles de la France et le lait de la Bourgogne sollicitent� l'envi les jeunes amours, qu'avez-vous�dire qui puisse vous attirer un troisi�me lot, plus riche encore que celui de vos soeurs? Parlez.
CORD�LIA.--Rien, seigneur.
LEAR.--Rien?
CORD�LIA.--Rien.
LEAR.--Rien ne peut venir de rien, parlez donc.
CORD�LIA.--Malheureuse que je suis, je ne puis�lever mon coeur jusque sur mes l�vres. J'aime Votre Majest�comme je le dois, ni plus ni moins.
LEAR.--Comment, comment, Cord�lia? Corrigez un peu votre r�ponse, de peur qu'elle ne ruine votre fortune.
CORD�LIA.--Mon bon seigneur, vous m'avez donn�le jour, vous m'avez �lev�e, vous m'avez aim�e: je vous rends en retour tous les devoirs qui me sont justement impos�s; je vous ob�is, je vous aime et vous r�v�re autant qu'il est possible. Mais pourquoi mes soeurs ont-elles des maris, si elles disent n'aimer au monde que vous? Il peut arriver, quand je me marierai, que l'�poux dont la main recevra ma foi emporte la moiti�de ma tendresse, la moiti�de mes soins et de mes devoirs. S�rement je ne
me marierai jamais comme mes soeurs, pour n'aimer au monde que mon p�re.
LEAR.--Mais dis-tu ceci du fond du coeur?
CORD�LIA.--Oui, mon bon seigneur.
LEAR.--Si jeune et si peu tendre!
CORD�LIA.--Si jeune et si vraie, mon seigneur.
LEAR. A la bonne heure. Que ta v�racit�soit donc ta dot; car, par les --rayons sacr�s du soleil, par les myst�res d'H�cate et de la Nuit, par les influences de ces globes c�lestes par lesquels nous existons et nous mourons, j'abjure ici tous mes sentiments paternels, tous les liens, tous les droits du sang, et je te tiens de ce moment et�jamais pour �trang�re�mon coeur et�moi. Le Scythe barbare, et celui qui fait de ses enfants l'aliment dont il assouvit sa faim, seront aussi proches de mon coeur, de ma piti�et de mes secours, que toi qui as�t�ma fille.
KENT.--Mon bon ma�tre...
LEAR.--Taisez-vous, Kent; ne vous mettez point entre le dragon et sa col�re. Je l'ai aim�e plus que personne, et je voulais confier mon repos aux soins de sa tendresse.--Sors d'ici, et ne te pr�sente pas�ma vue.--Puiss�-je trouver la paix dans le tombeau, comme je lui retire ici le coeur de son p�re!--Qu'on fasse venir le roi de France.--M'ob�it-on?--Appelez le duc de Bourgogne.--Cornouailles, Albanie, avec la dot de mes filles acceptez encore ce tiers. Que cet orgueil qu'elle appelle franchise serve�la marier. Je vous investis en commun de ma puissance, de mon rang, et de ces vastes pr�rogatives qui accompagnent la majest�royale. Nous et cent chevaliers que nous nous r�servons, entretenus�vos frais, nous vivrons alternativement durant un mois chez chacun de vous, retenant seulement le nom de roi et les titres qui s'y rattachent. Nous vous abandonnons, fils ch�ris, _ _ l'autorit�, les revenus et le soin de r� reste, et, pourgler tout le le prouver, partagez entre vous cette couronne. (Il leur donne sa _ couronne .) _
KENT.--Royal Lear, vous que j'ai toujours honor�comme mon roi, aim� comme mon p�re, suivi comme mon ma�tre, et rappel�dans mes pri�res comme mon puissant patron...
LEAR.--L'arc est band�et tir�;�vite le trait.
KENT.--Qu'il tombe sur moi, d�t le fer p�n�trer dans la r�gion de mon coeur! Kent peut manquer au respect quand Lear devient insens�.--Que me feras-tu, vieillard?--Penses-tu que le devoir puisse craindre de parler quand le devoir fl�chit devant la flatterie? L'honneur est tenu�la franchise, quand la majest�souveraine s'abaisse�la d�mence. R�tracte ton arr�t; r�pare, par une plus m�re d�lib�ration, ta monstrueuse pr�cipitation. Que ma vie r�ponde ici de mon jugement: ta plus jeune fille n'est pas celle qui t'aime le moins; ce ne sont pas des coeurs vides, ceux dont le son peu�lev�ne retentit point d'un bruit creux.
LEAR.--Kent, sur ta vie, pas un mot de plus.
KENT.--Je n'ai jamais regard�ma vie que comme un pion[3]�hasarder contre tes ennemis; je ne crains pas de la perdre, si c'est pour te sauver.
_ _ LEAR, en col�re .--Ote-toi de ma vue.
KENT.--Regardes-y mieux, Lear, et laisse-moi demeurer devant tes yeux comme leur fid�le point de vue[4].
_ _ [Note 3: Pawn , pion, allusion aux pi�ces de l'�chiquier.]
_ [Note 4: See better, Lear, and let me here remain the true blank _ of thine eye . Il y a lieu de soup�onner ici un jeu de mots sur le mot _ _ _ _ blank , blanc des yeux, ou blank , but. Il ne pouvait�tre rendu dans une traduction litt�rale.]
LEAR.--Cette fois, par Apollon!...
KENT.--Cette fois, par Apollon,�roi, tu prends le nom de tes dieux en vain.
_ _ LEAR, mettant la main sur son�p� me --Vassal!�cr�ant! .
ALBANIE ET CORNOUAILLES.--Cher seigneur, arr�tez.
KENT.--Continue, tue ton m�decin, et donne le salaire�ta funeste maladie. R�voque tes dons, ou, tant que mes cris pourront s'�chapper de ma poitrine, je te dirai que tu fais mal.
LEAR.--�coute-moi, faux tra�tre, sur ton all�geance,�coute-moi: comme tu as tent�de nous faire violer notre serment, ce que nous n'avons encore jamais os�, et que les efforts de ton orgueil ont voulu se placer entre notre arr�t et notre pouvoir, ce que notre caract�re ni notre rang ne nous permettent pas d'endurer, notre pouvoir ayant son plein effet, tu vas recevoir la r�compense qui t'est due. Nous t'accordons cinq jours pour arranger tes affaires de mani�re�te mettre�couvert des d�tresses de ce monde; le sixi�me, tourne�notre royaume ton dos d�test�; si, le dixi�me de ceux qui suivront, ton corps proscrit est trouv�dans l'�tendue de notre domination, ce moment sera celui de ta mort. Va-t'en; par Jupiter! cet arr�t ne sera pas r�voqu�.
KENT.--Adieu, roi. Puisque c'est ainsi que tu te montres, la libert� _ _ vit loin d'ici, et l'exil est ici. (A Cord�lia .)--Jeune fille, que les dieux te prennent sous leur puissante protection, toi qui penses juste et qui as parl�avec tant de sagesse!-- (A R�gane et Gonerille .) Vous, _ _ puissent vos actions justifier vos magnifiques discours, afin que de ces paroles d'affection puissent na�tre des effets salutaires!--C'est ainsi, princes, que Kent vous fait�tous ses adieux. Il va continuer son ancienne conduite dans un pays nouveau.
(Il sort.)
(Rentre Glocester, avec le roi de France, le duc de Bourgogne, et leur suite.)
GLOCESTER.--Voici, mon noble ma�tre, le roi de France et le duc de Bourgogne.
LEAR.--Mon seigneur de Bourgogne, c'est�vous que nous adresserons le premier la parole, vous qui vous�tes d�clar�le rival du roi dans la recherche de notre fille: quel est le moins que vous me demandiez actuellement pour sa dot, si je ne veux voir cesser vos poursuites amoureuses?
LE DUC DE BOURGOGNE.--Royale Majest�, je ne demande rien de plus que ce que m'a offert Votre Grandeur, et vous ne voudrez pas m'offrir moins.
LEAR.--Tr�s-noble duc de Bourgogne, tant qu'elle nous fut ch�re, nous l'avions estim�e�cette valeur; mais aujourd'hui elle est d�chue de son prix.--Seigneur, la voil�devant vous: si quelque chose dans cette petite personne trompeuse, ou sa personne enti�re avec notre d�plaisir par-dessus le march�, et rien de plus, para�t suffisamment agr�able�
Votre Seigneurie, la voil�, elle est�vous.
LE DUC DE BOURGOGNE.--Je ne sais que r�pondre.
LEAR.--Telle qu'elle est avec ses d�fauts, sans amis, tout r�cemment adopt�e par ma haine, dot�e de ma mal�diction, et tenue pour�trang�re par mon serment, voulez-vous, seigneur, la prendre ou la laisser?
LE DUC DE BOURGOGNE.--Pardonnez, seigneur roi; mais un choix ne se d�termine pas sur de pareilles conditions.
LEAR.--Laissez-la donc, seigneur; car, par le ma�tre qui m'a fait, je _ _ vous ai dit toute sa fortune.-- (Au roi de France.) Pour vous, grand roi, je ne voudrais pas abuser de votre amour au point de vous unir�ce que je hais: ainsi, je vous en conjure, tournez votre inclination vers quelque autre objet qui en soit plus digne qu'une malheureuse que la nature a presque honte d'avouer pour sienne.
LE ROI DE FRANCE.--C'est quelque chose de bien�trange, que celle qui�tait, il n'y a qu'un moment encore, le premier objet de votre affection, le sujet de vos louanges, le baume de votre vieillesse, ce que vous aviez de meilleur et de plus cher, ait pu, dans l'espace d'un clin d'oeil, commettre une action assez monstrueuse pour�tre d�pouill�e de tous les replis de votre faveur! Sans doute il faut que son offense blesse la nature�tel point qu'elle en devienne un monstre; ou bien l'affection que vous lui aviez t�moign�e devient une tache pour Votre Majest�, ce que ma raison ne saurait m'obliger de croire sans le secours d'un miracle.
CORD�LIA,�son p� Votre Majestre.--Je supplie�, bien que je manque _ _ de cet art onctueux et poli de parler sans avoir dessein d'accomplir, puisque je veux ex�cuter mes bonnes intentions avant d'en parler, de vouloir bien d�clarer que ce n'est point une tache de vice, un meurtre ou une souillure, ni une action contre la chastet�, ni une d�marche d�shonorante, qui m'a priv�e de votre faveur et de vos bonnes gr�ces, mais que c'est pour n'avoir pas poss�d�, et c'est l�ma richesse, cet oeil qui sollicite toujours, et cette langue que je me f�licite de ne pas avoir, quoique pour ne l'avoir pas j'aie perdu votre tendresse.
LEAR.--Il vaudrait mieux pour toi n'�tre jamais n�e que de n'avoir pas su me plaire davantage.
LE ROI DE FRANCE.--N'est-ce que cela? une lenteur naturelle qui souvent n�glige de raconter l'histoire de ce qu'elle va faire?--Monseigneur de Bourgogne, que dites-vous�cette dame? L'amour n'est point l'amour d�s qu'il s'y m�le des consid�rations�trang�res�son v�ritable objet. La voulez-vous? elle est une dot en elle-m�me.
LE DUC DE BOURGOGNE,� Lear .--Royal Lear, donnez-moi seulement la part _ _ que vous aviez d'abord offerte de vous-m�me; et ici,�l'instant m�me, je prends la main de Cord�lia comme duchesse de Bourgogne.
LEAR.--Rien; je l'ai jur�: je suis in�branlable.
LE DUC DE BOURGOGNE,� Cord�lia .--Je suis vraiment f�ch�que vous ayez _ _ perdu votre p�re�tel point qu'il vous faille aussi perdre un�poux.
CORD�LIA.--La paix soit avec le duc de Bourgogne. Puisque ces consid�rations de fortune faisaient tout son amour, je ne serai point sa femme.
LE ROI DE FRANCE.--Belle Cord�lia, toi qui n'en es que plus riche parce que tu es pauvre, plus pr�cieuse parce que tu es d�laiss�e, plus aim�e parce qu'on te m�prise, je m'empare de toi et de tes vertus: que le
droit ne m'en soit pas refus�; je prends ce qu'on rejette.--Dieux, dieux! n'est-il pas�trange que leur froid d�dain ait donn��mon amour l'ardeur d'une br�lante adoration?--Roi, ta fille sans dot, et jet�e au hasard de mon choix, sera reine de nous, des n�tres, et de notre belle France. Tous les ducs de l'humide Bourgogne ne rach�teraient pas de moi cette fille si pr�cieuse et si peu appr�ci�e.--Cord�lia, fais-leur tes adieux malgr�leur duret�. Tu perds ce que tu poss�dais ici pour retrouver mieux ailleurs.
LEAR.--Elle est�toi, roi de France; qu'elle t'appartienne; cette fille n'est pas�moi, je ne reverrai jamais son visage: ainsi, va-t'en sans notre faveur, sans notre affection, sans notre b�n�diction. -Venez, -noble duc de Bourgogne.
(Fanfares.--Sortent Lear, les ducs de Bourgogne, de Cornouailles, d'Albanie, Glocester et suite.)
LE ROI DE FRANCE.--Faites vos adieux�vos soeurs.
CORD�LIA.--Vous, les joyaux de notre p�re, Cord�lia vous quitte les yeux baign�s de larmes. Je vous connais pour ce que vous�tes, et, comme votre soeur, je n'en ai que plus de r�pugnance�appeler vos d�fauts par leurs noms. Soignez bien notre p�re; je le confie�vos coeurs qui ont profess�tant d'amour. Mais, h�las! si j'�tais encore dans ses bonnes gr�ces, je voudrais lui donner un meilleur asile. Adieu�toutes les deux.
R�GANE.--Ne nous prescrivez pas notre devoir.
GONERILLE.--�tudiez-vous�contenter votre�poux, qui vous a prise quand vous�tiez�la charit�de la fortune. Vous avez�t�avare de votre ob�issance, et ce qui en a manqu�m�ritait bien ce qui vous a manqu�.
CORD�LIA.--Le temps d�veloppera les replis o�se cache l'artifice: la honte vient enfin insulter�ceux qui ont des fautes�cacher. Puissiez-vous prosp�rer!
LE ROI DE FRANCE.--Venez, ma belle Cord�lia.
(Le roi de France et Cord�lia sortent.)
GONERILLE.--Ma soeur, je n'ai pas peu de chose�vous dire sur ce qui nous touche de si pr�s toutes les deux. Je crois que mon p�re doit partir d'ici ce soir.
R�GANE.--Rien n'est plus certain; il va chez vous: le mois prochain ce sera notre tour.
GONERILLE.--Vous voyez combien sa vieillesse est pleine d'inconstance, et nous venons d'en avoir sous les yeux une assez belle preuve. Il avait toujours aim�surtout notre soeur: la pauvret�de sa t�te se montre trop visiblement dans la mani�re dont il vient de la chasser.
R�GANE.--C'est la faiblesse de l'�ge. Cependant il n'a jamais su que tr�s-m�diocrement ce qu'il faisait.
GONERILLE.--Dans son meilleur temps, et dans la plus grande force de son jugement, il a toujours�t�tr�s-inconsid�r�. Il faut donc nous attendre qu'aux d�fauts inv�t�r�s de son caract�re naturel l'�ge va joindre encore les humeurs capricieuses qu'am�ne avec elle l'infirme et col�re vieillesse.
R�GANE.--Il y a toute apparence que nous aurons�essuyer de lui, par moments, des boutades pareilles�celle qui lui a fait bannir Kent.