Lettre d Elen Debost (adjointe au maire du Mans) au parti EELV
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Bonjour à toutes et à tous Ce matin vous aurez peut-être été réveillé-es en entendant parler de EELV, de ses militantes et d'un élu d'une manière qui vous aura surpris-es. Je tiens à de vous donner quelques explications. Le 11 mars dernier je découvrais une photo où 8 députés masculins, paradaient, barbouillés de rouge à lèvre en soit disant soutien, à la journée internationale des droits des femmes. Parmi ces 8 hommes, figurait le député Denis Baupin, prise de nausée j'ai vomi. Pourquoi cette nausée? Automne 2011, un peu en amont des désignationsinternes des candidat-es aux législatives sur les circonscriptions "réservées", Monsieur Baupin m'appelle pour me demander de le soutenir lors du vote interne de notre motion pour la désignation des candidat-es.J'accepte, flattée... S'en ai suivi plusieurs mois de harcèlement sexuel, par SMS. Des messages à caractères sexuels, des avances, des propos obscènes. L'image de cet homme barbouillé de rouge à lèvre est comme un crachat, une provocation à toutes ses victimes, un "regardez bien comme je vous emmerde". Cette image provoque la nausée, elle démontre le sentiment d'impunité et de toute puissance qui est le sien. Pourquoi parler après 5 ans de silence ? Comme une bouteille lancée à la mer, le 11 mars, j'ai relayé la photo sur Facebook avec le post suivant: /"Quel honteux foutage de gueule, Denis Baupin avec du rouge à lèvre en mode "je soutien les femmes" ça me donne envie de hurler et de vomir en même temps.

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Publié le 09 mai 2016
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Langue Français

Extrait

Bonjour à toutes et à tous Ce matin vous aurez peut-être été réveillé-es en entendant parler de EELV, de ses militantes et d'un élu d'une manière qui vous aura surpris-es. Je tiens à de vous donner quelques explications. Le 11 mars dernier je découvrais une photo où 8 députés masculins, paradaient, barbouillés de rouge à lèvre en soit disant soutien, à la journée internationale des droits des femmes. Parmi ces 8 hommes, figurait le député Denis Baupin, prise de nausée j'ai vomi. Pourquoi cette nausée? Automne 2011, un peu en amont des désignations internes des candidat-es aux législatives sur les circonscriptions "réservées", Monsieur Baupin m'appelle pour me demander de le soutenir lors du vote interne de notre motion pour la désignation des candidat-es. J'accepte, flattée... S'en ai suivi plusieurs mois de harcèlement sexuel, par SMS. Des messages à caractères sexuels, des avances, des propos obscènes.
L'image de cet homme barbouillé de rouge à lèvre est comme un crachat, une provocation à toutes ses victimes, un "regardez bien comme je vous emmerde". Cette image provoque la nausée, elle démontre le sentiment d'impunité et de toute puissance qui est le sien.
Pourquoi parler après 5 ans de silence ? Comme une bouteille lancée à la mer, le 11 mars, j'ai relayé la photo sur Facebook avec le post suivant: /"Quel honteux foutage de gueule, Denis Baupin avec du rouge à lèvre en mode "je soutien les femmes" ça me donne envie de hurler et de vomir en même temps. N'y a t il aucune limite à l'indécence?" /; 36 "J'aime", et de nombreux commentaires, montrent que le sujet est connu, qu'il faudrait faire quelque chose, que ce quelque chose devrait être collectif et trans-partis.
Le jour ou j'ai découvert cette photo, on apprenait dans la presse que le député Baupin s'était vu confier par Jean-Vincent Placé, une mission inter-ministérielle. Il allait avoir accès à un nouveau "terrain de chasse", à un nouveau réseau de femmes que personne ne préviendrait, avec des pouvoirs renforcés qui aggraveraient sa capacité de nuisance.
Je réalise alors que mon silence, notre silence à toutes, victimes de cet homme depuis des années, lui offre une impunité totale et lui confère le pouvoir d'effrayer et d'humilier de nouvelles femmes. Ma bouteille à la "mer facebook" a été découverte par un journaliste. En préparant un livre sur le mandat de F. Hollande ce dernier fût en quelques jours plusieurs fois confronté au "cas Baupin"dont les les instances socialistes sont visiblement informées. Ce journaliste décide de creuser et ses recherches l'amènent à une autre journaliste qui enquête elle aussi et depuis plus d'un an sur ce sujet, à l'initiative de la tribune des femmes journalistes qui dénonçaient en mai 2015 l'attitude de certains hommes politiques à leur égard. Ils m'ont contacté, m'ont demandé si j’accepterai de parler de ce qui me donne "envie de hurler et vomir à la fois", après réflexion j'ai accepté. Consciente que si j'étais la seule à parler je me ferais "démonter", grâce à quelques soutiens, j'ai recherché celles qui auraient pu subir les mêmes assauts. 4 femmes d'EELV acceptent de témoigner en leurs noms elles aussi courageusement. Beaucoup d’autres nous ont aidé, soutenues, encouragées, des femmes et des hommes. C'est pour nous toutes le début d'un voyage en eaux troubles, un travail collectif, qui va au delà des victimes. La découverte de l'ampleur du phénomène, de sa durée, du nombre des « proies », des transactions financières pour décourager celles qui ont tenté de parler etc. Nous prenons ensemble la mesure du poids de l'omerta et du silence, notre responsabilité et de l'urgence à parler.
Deux mois, c'est très long et très court... Les deux mois d'attente depuis la sortie du silence et jusqu'à ce jour furent d'une longueur infinie, 2 mois, à imaginer le pire, comment nos vies, nos familles, nos carrières politiques seront épluchées, démolies, salies, souillées pour discréditer nos paroles, remettre "les poussières sous le tapis" et protéger celles et ceux qui savaient, ont couvert et continué ainsi à donner à cet homme du pouvoir et la capacité d'humilier et d'agresser des femmes... Ce fût aussi l'occasion de constater que beaucoup de femmes et d'hommes souhaitaient aussi parler et sortir de ce silence. Il y avait déjà eu une tentative lors de la sortie de la tribune des femmes journalistes en mai 2015, la commission féministe d'EELV révélait à la tribune du CF que notre parti était aussi concerné, et en BE la semaine suivante 3 femmes relayaient la proposition de création d'une adresse mail pour signaler des agressions. Nous avons été soutenues pendant ces deux mois par un nombre étonnant et croissant de femmes et d'hommes à l’intérieur et à l’extérieur d ‘EELV. Nous avons appris que le silence collectif pouvait se transformer en courage collectif; que le sujet des violences sexuelles en politique est bien réel, qu'il reflète une "maladie" de notre société et du monde politique où les femmes doivent se battre et endosser une posture d'impossible victime quoiqu'il leurs arrive, gommer souvent leur féminité pour être respectées. La seule façon de lutter contre cette gangrène qui trouve ses origines dans les inégalités encore profondes entre hommes et femmes, la culture de domination, la fabrique des garçons etc... c'est de parler, d'agir, de cesser de croire en la fatalité et l'aspect immuable et normal de ces pratiques. Que changer notre société, ça passe aussi par là. L'affaire est maintenant publique, les noms et les histoires des quelques femmes qui ont accepté de parler seront révélées, les dés seront jetés. Au delà et plus fort que nos peurs, il y a la certitude de faire quelque chose de nécessaire et d'important pour notre avenir, celui de nos filles et de nos garçons, l'espoir que le silence levé ouvrira une ère nouvelle pour les femmes en politique et ailleurs, mais aussi pour les hommes.Qu'en parlant nous protégeons d'autre femmes. Voici une tribune que vous pouvez signer pour soutenir la sortie du silence, elle sera publier dans quelques jours. L'ouvrir pour ne plus avoir à chuchoter Ces phrases, elles se passent entre femmes. Elles circulent discrètement, se chuchotent même. "Si Untel te propose de dîner au restaurant, dis non", "Surtout ne prends pas l'ascenseur seule avec Machin", "Sois prudente si tu restes le soir seule au bureau avec Truc". Sois prudente, fais attention, ferme la porte... mais ne parle pas. Ces phrases disent tout. Elles disent d'abord que le changement de comportement, la modification des habitudes est à la charge des femmes. Elles disent aussi que l'on sait, que beaucoup savent mais que cela reste tabou. Elles disent surtout que ces Untel, Machin et Truc continueront puisque que ce n’est jamais à eux que l’on s’adresse mais aux femmes qui doivent supporter, éviter ou faire avec. Pourquoi les femmes ne parlent-elles pas ? Pourquoi ne portent-elles pas plainte pour harcèlement sexuel ?
Des centaines d'ouvrages décrivent les mécanismes qui conduisent les femmes à "s’adapter" à la situation plutôt qu'à la dénoncer. Mais s'il est un exemple qui illustre à quel point il est logique
qu’elles ne parlent pas, c'est sans doute cette tribune des femmes journalistes parue dans Libération le 5 mai 2015. Ces femmes ne citaient pas de noms mais disaient les choses. Elles ont mis, courageusement, dans le débat public, cette question des rapports hommes-femmes, du sexisme en politique, et de ces quelques cas d'hommes politiques qui ont tant de mal à "maîtriser leurs pulsions". Il y eût moult articles et commentaires sur cette tribune, nombreux ont été les éditorialistes et les commentateurs de tous poils qui s’y sont collés et puis… rien. Ou si peu.
Cette tribune disait : « /Ils sont issus de toutes les familles politiques sans exception, naviguent à tous les niveaux du pouvoir et n’ont droit à aucune impunité/. » Normalement. Dans la réalité pourtant c'est l'impunité qui prime. Quelles suites ont été données par les partis politiques à cette tribune ? Quelles mesures ont été prises ?
Quels contacts ont été noués pour tenter de connaître l'identité des personnes ciblées et de remédier à ces comportements ? La réponse est aucune ou pratiquement; des frémissements bien insuffisants.
Le silence des politiques révèle avec force l'impunité, l'absence trop souvent, de mesures internes dans les partis, et au-delà, la difficulté même de reconnaître que cela existe - même si mezzo vocce c'est connu de tous. Alors nous voudrions juste dire ici merci. Merci à celles qui ont eu le courage de briser la loi du silence et de mettre, avec encore plus de force dans le débat public, la réalité de ces comportements. Parce qu'il n'y a manifestement qu'en dénonçant publiquement les personnes que les choses sont susceptibles d'avancer. Rares en effet sont les plaintes déposées. Et lorsqu'elles le sont, elles donnent rarement suite à des poursuites judiciaires. Les "transactions financières" sont souvent la voie privilégiée de gestion de l'agression en lieu et place d'un véritable procès. Quand il ne s'agit "que" de harcèlement l'omerta se construit collectivement, d'un "ah oui, encore ! Il est coutumier du fait ", au "mais il est tellement bon sur tel ou tel sujet", ou encore "mais si tu parles tu seras discréditée et tu donneras une mauvaise image du parti". La difficulté des femmes à parler de ce type de violences est générale, mais sans doute amplifiée dans le microcosme politique, où elles doivent plus qu'ailleurs ne jamais paraitre faibles, incarner une posture inverse à celle d'une victime. Derrière ces silences, il y a toujours la peur d'être celle par qui les problèmes arrivent, jugée, mise au ban et finalement politiquement discréditée. Pour que ce soit le comportement des hommes qui change et non celui des femmes qui s'adapte, pour que les choses bougent enfin et que l'impunité cesse, pour que la culpabilité change de camp, il faut parler. Cette parole, ces paroles doivent enfin devenir un sujet politique et sortir de l’interpersonnel, car c'est profondément de cela dont il s'agit. Pour toutes ces raisons, nous soutenons, remercions et encourageons, les femmes qui ont parlé : elles ont rendu un grand service à notre démocratie. Et pour que cela ne reste pas une fois de plus lettre morte, il va falloir que les partis politiques osent prendre ce sujet à bras le corps. sincèrement Elen DEBOST
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