Cinéma et littérature. Quelques aspects du réalisme. Flaubert et les néo-réalistes - article ; n°1 ; vol.20, pg 207-219
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1968 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 207-219
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 41
Langue Français

Extrait

Monsieur S. I. Lockerbie
Cinéma et littérature. Quelques aspects du réalisme. Flaubert et
les néo-réalistes
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1968, N°20. pp. 207-219.
Citer ce document / Cite this document :
Lockerbie S. I. Cinéma et littérature. Quelques aspects du réalisme. Flaubert et les néo-réalistes. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1968, N°20. pp. 207-219.
doi : 10.3406/caief.1968.910
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1968_num_20_1_910CINÉMA ET LITTÉRATURE
QUELQUES ASPECTS DU RÉALISME
FLAUBERT ET LES NÉO-RÉALISTES
Communication de M. S. I. LOCKERBIE
(Aberdeen)
au XIXe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1967.
En voulant traiter la question assez vaste du réalisme au
cinéma et dans la littérature, on se trouve d'abord devant un
problème de sélection. Disons tout de suite que le réalisme
cinématographique dont nous voulons parler est le néo
réalisme italien d'après la seconde guerre mondiale, et que le
mouvement littéraire que nous voudrions lui comparer est le
réalisme du xixe siècle, plus particulièrement l'œuvre de
Flaubert. Quand il s'agit de deux arts ayant chacun leurs lois
propres, et d'artistes séparés par près d'un siècle, toute comp
araison pose de nombreux problèmes. Pour faciliter quelque
peu la tâche, nous nous contenterons d'examiner une seule
œuvre de Flaubert, Un Cœur simple, sa dernière œuvre réa
liste — œuvre moins ambitieuse, évidemment, que ses
deux grands romans réalistes, mais où certaines de ses inten
tions sont peut-être plus claires.
Le néo-réalisme n'est pas, bien entendu, le premier ou le
seul mouvement réaliste dans l'histoire du cinéma ; mais, de
plus en plus, il semble en avoir été le plus important. On le
croyait d'abord le produit immédiat des années de l'après- S. I. LOCKERBIE 2O8
guerre, reflétant simplement les problèmes économiques et
sociaux de cette période difficile en Italie. Avec le recul, nous
voyons au contraire qu'il a su aller plus loin, nous livrant
dans les meilleurs de ses films une vision de l'homme dans
sa réalité quotidienne qui est valable pour toutes les époques.
Cette « vision » a été interprétée de diverses manières, et
notamment dans un sens marxiste. Mais l'interprétation la
plus saisissante — celle qui soulève les questions les plus
intéressantes sur la nature du réalisme en général — est peut-
être celle de deux critiques français, Amédée Ayfre et André
Bazin, qui, pour décrire la manière et le style particuliers de
l'école italienne, ont proposé le terme de réalisme phénomén
ologique (i). Allusion évidente à la méthode philosophique,
parce que, pour Bazin et Ayfre, le néo-réalisme aborde la
réalité avec le même souci que cette méthode d'éviter tout
point de vue a priori. Loin de vouloir démontrer quoi que ce
soit, le néo-réalisme, selon eux, refuse toute explication cau
sale, toute analyse rationnelle des phénomènes sur lesquels il
se penche : il se contente de saisir ces comme des
fragments de réalité brute. C'est ainsi que Bazin écrit de
Vittorio de Sica que le grand mérite dont ce metteur en scène
fait preuve, « c'est de ne pas trahir l'essence des choses, de
les laisser d'abord exister pour elles-mêmes librement, de les
aimer dans leur singularité particulière » (2). Ayfre, de son
côté, affirme que « cet effort d'art pour conserver au réel ses
apparences en refusant toute analyse intellectuelle ou plas
tique préalable, toute explication psychologique ou sociolo
gique intérieure au film, constitue bien le fondement du néo
réalisme et son invention la plus originale... » Ce n'est pas que
l'auteur néo-réaliste disparaisse totalement de son œuvre ou
se soumette inconditionnellement au réel, mais il cherche à
engager avec les apparences un dialogue aussi « ouvert et re
spectueux » que possible, convaincu que la vérité des êtres et
(1) A. Bazin, Qu'est-ce que le Cinéma, vol. IV, Une Esthétique de la
réalité : le Néo-réahsme, éditions du Cerf, collection « 7e Art », 1962.
A. Ayfre, Néo-réahsme et phénoménologie, Cahiers du Cinema, n° 17 ;
Du premier au second néo-réalisme, m Le Néo-réahsme italien : Bilan de la
Critique, Études cinématographiques, nOs 32-35, 1964.
(2) Bazin, op. cit., p. 81. CINÉMA ET LITTÉRATURE : QUELQUES ASPECTS DU RÉALISME 209
des choses est à trouver « non au-dessus ou au-dessous de
l'apparaître, mais en lui » (3).
Interprétation séduisante et qui sent, si on peut dire, son
xxe siècle... Pour ces critiques, en effet, l'attitude des néor
éalistes devant la réalité est une attitude tout à fait nouv
elle. Bazin estime que, dans tous les mouvements réalistes
précédents, et notamment le naturalisme du xixe siècle,
l'analyse psychologique et les conceptions morales de l'au
teur avaient joué un rôle trop important pour qu'on puisse
les rapprocher du mouvement italien. S'il lui arrive de cher
cher un parallèle littéraire à l'effort néo-réaliste, il ne le trouve
guère ailleurs que dans le roman américain contemporain (4).
Or, s'il est certain que la part de l'analyse, de l'explication
et de la classification est grande dans le réalisme du XIXe siècle,
nous croyons qu'on aurait tort de voir dans ces tendances
l'essentiel de son esthétique. A côté des qualités analytiques
citées par Bazin, on sait qu'on y retrouve une ambition non
moins sensible de faire de la littérature narrative une repré
sentation parfaitement exacte de la réalité, et donc d'aborder
le réel dans un mouvement de sympathie qui mérite d'être
comparé à celui du néo-réalisme.
C'est chez Flaubert que cette ambition atteint son plus
haut point, toute son œuvre étant fondée sur un effort pour
faire de ses livres le reflet parfaitement limpide de la réalité.
Non moins que les néo-réalistes, semble-t-il, il voulait re
trouver dans ses œuvres un réel perçu directement et dans
toute sa libre plénitude. Dans son excellente Leçon de Flau-
bert, Mme Geneviève Bollème nous semble avoir saisi exacte
ment cette attitude du romancier face au réel et dans des
termes qui ne peuvent que souligner la modernité de sa dé
marche. « La vie des choses, écrit-elle en interprétant son
entreprise, .... c'est par le regard que nous devons la saisir,
par cet échange direct, sans intermédiaire, que nous avons
avec elles dans l'immédiateté d'une rencontre. Il faut que
nous apprenions à voir, sans interposer entre la chose vue et l'opacité rationnelle du discours. » Et plus loin : « Voici
(3) Ayfre, Du premier au second néo-réalisme, p. 63 et 67»
(4) Bazin, op. cit., p. 34-36 et 154-5. 2IO S. I. LOCKERBIE
ce que veut entreprendre Flaubert, retourner à l'objet et
avec des mots nous présenter un monde animé tel qu'il nous
apparaît parfois quand nous savons le voir vraiment, c'est-à-
dire gratuitement, pour rien (5). »
Voilà au départ le désir commun à Flaubert et aux néor
éalistes : embrasser dans l'œuvre une réalité libérée des
interprétations rationnelles, retourner à l'objet, aux appa
rences immédiates. C'est pour cette raison qu'on peut relever
certaines tendances communes dans leur conception du récit
et dans la structure de leurs œuvres. Voulant renoncer à un
récit analytique en faveur d'une narration saisissant direct
ement les apparences, ils partagent la même méfiance vis-à-
vis d'une intrigue dramatique ou romanesque. Il ne s'agit
plus de montrer dans telle action l'enchaînement de certaines
causes à certains effets, mais bien de mettre le lecteur ou le
spectateur devant des phénomènes dont toute l'importance
est en eux-mêmes. Ils adoptent donc une structure où tous
les événements pèseront le même poids et ne seront subor
donnés à aucun ordre qui les priverait de leur importance de
faits.
C'est ainsi que Bazin souligne à propos de n

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