[Transcriber's note: Mme Cottin (Sophie Cottin née Sophie Ristaud 1773-1807),Claire d'Albe(1799), édition de 1824. L'orthographe de l'édition de 1824 a été respectée.]
Title: Claire d'Albe Author: Sophie Cottin Release Date: October 7, 2008 [EBook #26811] Language: French
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— opinion de l'auteur anonyme de laNotice historique sur la vie et les écrits de Madame Cottin(1824) "(…) Ce roman fut publié en 1798; et, malgré que les esprits fussent encore tout agités des inquiétudes révolutionnaires, tout le monde applaudit à la simplicité de l'action, tellement dégagée d'événemens accessoires et de personnages épisodiques, qu'un auteur ordinaire y aurait à peine trouvé le sujet d'une nouvelle. Elle ne s'est attachée à peindre, dans cet ouvrage, que la naissance et les progrès involontaires d'une passion funeste et criminelle dans deux jeunes coeurs qui semblaient nés pour la vertu; mais elle a su tirer d'une combinaison qui paraissait d'abord si peu féconde, un parti qui atteste toute l'étendue de son rare talent à peindre les affections de l'âme. L'action est bien conduite, les situations se lient entre elles sans gêne et sans effort, elles sont habilement graduées; mais la partie essentielle, la partie la plus estimable de l'ouvrage, est le tableau des progrès successifs de cette passion qui s'empare des deux amans, qui les subjugue, et qui finit par les perdre tous les deux: tableau tracé de main de maître, et d'une effrayante vérité. On a prétendu que ce roman avait été écrit en quinze jours. Mais il faut observer que cet ouvrage n'était qu'un cadre dans lequel elle avait fait entrer le développement de scènes, d'idées et de sentimens sur lesquels elle avait beaucoup réfléchi d'avance. les masses principales, les détails même existaient dans sa tête, il ne s'agissait plus que de les adapter à un plan donné. (…)"
— opinion duGrand Dictionnaire universel du XIXe siècle[Larousse]: "(…) Tel est le fond de ce drame intime, dont la couleur sombre est tempérée par une noble et féminine délicatesse, une faiblesse gracieuse et pleine de charme. Claire d'Albe est une soeur de Werther par les sentiments, et, malgré le but moral de l'auteur, il a peint avec tant de vivacité sa passion coupable qu'il y a presque du danger à voir représenter sous des couleurs si séduisantes les égarements de la passion. Mais Mme Cottin a déployé un art infini dans la composition de son roman et a réussi, jusqu'à un certain point, à racheter, par la combinaison des moyens, l'inconvenance inhérente au fond du sujet. Ainsi l'intérêt n'est pas excité par la faute de Claire; on la plaint, mais on la condamne. Subjuguée par degrés et sans s'en apercevoir, elle lutte courageusement contre elle-même, et son plus grand tort est son imprudente confiance en l'inflexibilité de sa vertu. L'imprudence, qui semble le défaut de tous les personnages, est bien moins excusable chez son mari, qui, malgré l'expérience de l'âge, favorise comme à plaisir l'intimité de sa femme et de Frédéric. Une seconde faute, qui diminue de beaucoup l'intérêt pour son caractère, présenté d'abord sous des dehors si généreux, c'est le mensonge auquel il a recours pour arracher du coeur de Claire l'image de Frédéric. Ce procédé de mari de comédie est indigne de M. d'Albe. On pardonne plus aisément à Frédéric son crime commis dans un transport aveugla et si chèrement expié. Ce roman est écrit sous forme de lettres, procédé qui d'ordinaire jette une certaine froideur dans les événements, un récit ne pouvant jamais reproduire l'animation des faits qui se passent sous les yeux. Aussi le meilleur morceau est-il celui de la mort de Claire, à laquelle le lecteur assiste. 'On se sent, dit M. Sainte-Beuve, profondément ému du pathétique de la situation, de l'élévation des sentiments et de la sincérité du repentir de l'infortunée Claire.' On verse des larmes à son lit de mort et on oublie le tableau un peu trop expressif du moment où elle devient coupable. Sa faute est, du reste, naturellement amenée par le jeu des caractères et des événements et par les situations supérieurement développées. Que de scènes attendrissantes, de détails enchanteurs, quelle variété dans le ton et les couleurs, quelle flexibilité de pinceau! C'est le caractère distinctif du style de Mme Cottin: de la chaleur, et surtout de la variété avec une élégance soutenue, qualités qui rendent le lecteur charmé indulgent pour les exagérations de sentiment. (…)"
Le dégoût, le danger ou l'effroi du monde ayant fait naître en moi le besoin de me retirer dans un monde idéal, déjà j'embrassais un vaste plan qui devait m'y retenir long-temps, lorsqu'une circonstance imprévue m'arrachant à ma solitude et à mes nouveaux amis, me transporta sur les bords de la Seine, aux environs de Rouen, dans une superbe campagne, au milieu d'une société nombreuse. Ce n'est pas là où je pouvais travailler: je le savais; aussi avais-je laissé derrière moi tous mes essais. Cependant la beauté de l'habitation, le charme puissant des bois et des eaux, éveillèrent mon imagination et remuèrent mon coeur; il ne me fallait qu'un mot pour tracer un nouveau plan: ce mot me fut dit par une personne de la société, et qui a joué elle-même un rôle assez important dans cette histoire. Je lui demandai la permission d'écrire son récit: elle me l'accorda; j'obtins celle de l'imprimer, et je me hâte d'en profiter. Je me hâte, c'est le mot; car ayant écrit tout d'un trait, et en moins de quinze jours, l'ouvrage qu'on va lire, je ne me suis donné ni le temps ni la peine de le retoucher. Je sais bien que, pour le public, le temps ne fait rien à l'affaire: aussi il fera bien de dire du mal de mon ouvrage s'il l'ennuie; mais s'il m'ennuyait encore plus de le corriger, j'ai bien fait de le laisser tel qu'il est. Quant à moi, je sens si bien tout ce qui lui manque, que je ne m'attends pas que mon âge, ni mon sexe me mettent à l'abri des critiques, et mon amour-propre serait assez mal à son aise s'il n'avait une sorte de pressentiment que l'histoire que je médite le dédommagera peut-être de l'anecdote qui vient de m'échapper.