X V I I I .La Chate metamorphosée en Femme.Un homme cheriſſoit éperdument ſa Chate ;Il la trouvoit mignonne, & belle, & delicate ;Qui miauloit d’un ton ...
U n homme cheriſſoit éperdument ſa Chate ; Il la trouvoit mignonne, & belle, & delicate ; Qui miauloit d’un ton fort doux. Il eſtoit plus fou que les foux. Cet Homme donc par prieres, par larmes, Parſortileges & par charmes, Faittant qu’il obtient du deſtin, Queſa Chate en un beau matin Devientfemme, & le matin meſme Maiſtreſot en fait ſa moitié. Levoilà fou d’amour extrême, Defou qu’il eſtoit d’amitié. Jamaisla Dame la plus belle Necharma tant ſon Favory, Quefait cette épouſe nouvelle Sonhypocondre de mary. Ill’amadouë, elle le flate, Iln’y trouve plus rien de Chate : Etpouſſant l’erreur juſqu’au bout Lacroit femme en tout & par tout. Lors que quelques Souris qui rongeoient de la natte Troublerent le plaiſir des nouveaux mariez. Auſſitoſt la femme eſt ſur pieds : Ellemanqua ſon avanture. Souris de revenir, femme d’eſtre en poſture. Pour cette fois elle accourut à point ; Carayant changé de figure LesSouris ne la craignoient point. Celuy fut toûjours une amorce, Tantle naturel a de force, Il ſe mocque de tout, certain âge accomply. Le vaſe eſt imbibé, l’étoffe a pris ſon ply. Envain de ſon train ordinaire Onle veut deſaccoûtumer. Quelquechoſe qu’on puiſſe faire, Onne ſçauroit le reformer. Coupsde fourche ny d’étrivieres Neluy font changer de manieres ; Et, fuſſiez-vous embaſtonnez, Jamais vous n’en ſerez les maiſtres. Qu’on luy ferme la porte au nez,
Il reviendra par les feneſtres.
Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry | Georges Couton