VIII. Le Cheval & le Loup. Un certain Loup, dans la ſaiſon Que les tiedes Zephirs ont l’herbe rajeunie, Et que les animaux quittent tous la maiſon, ...
Un certain Loup, dans la ſaiſon Que les tiedes Zephirs ont l’herbe rajeunie, Et que les animaux quittent tous la maiſon,
Pours’en aller chercher leur vie. Un Loup, dis-je, au ſortir des rigueurs de l’Hyver, Apperceut un Cheval qu’on avoit mis au vert. Jelaiſſe à penſer quelle joye. Bonne chaſſe, dit-il, qui l’auroit à ſon croc. Eh ! que n’es-tu Mouton ? car tu me ſerois hoc : Au lieu qu’il faut ruſer pour avoir cette proye. Ruſons donc. Ainſi dit, il vient à pas comptez, Sedit Ecolier d’Hippocrate ; Qu’il connoist les vertus & les proprietez Detous les Simples de ces prez : Qu’ilſçait guerir, ſans qu’il ſe flatte,
Toutes ſortes de maux. Si Dom Courſier vouloit Nepoint celer ſa maladie, LuiLoup gratis le gueriroit. Carle voir en cette prairie Paiſtreainſi ſans eſtre lié, Témoignoit quelque mal, ſelon la Medecine. J’ay,dit la Beſte chevaline, Uneapoſtume ſous le pied. Mon fils, dit le Docteur, il n’eſt point de partie Suſceptiblede tant de maux. J’ay l’honneur de ſervir Noſſeigneurs les Chevaux, Etfais auſſi la Chirurgie. Mon galand ne ſongeoit qu’à bien prendre ſon temps, Afinde haper ſon malade.
L’autre qui s’en doutoit, luy lâche une ruade, Quivous luy met en marmelade Lesmendibules & les dents. C’est bien fait, dit le Loup en ſoy-meſme fort triſte ; Chacun à ſon métier doit toûjours s’attacher. Tuveux faire icy l’Arboriſte, Etne fus jamais que Boucher.
VIII. Le Cheval & le Loup.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton