U n Loup qui commençoit d’avoir petite part Aux Brebis de ſon voiſinage, Crut qu’il faloit s’aider de la peau du Renard, Etfaire un nouveau perſonnage. Il s’habille en Berger, endoſſe un hoqueton, Faitſa houlette d’un baſton ; Sansoublier la Cornemuſe. Pourpouſſer juſqu’au bout la ruſe, Il auroit volontiers écrit ſur ſon chapeau, C’eſt moy qui ſuis Guillot Berger de ce troupeau. Saperſonne eſtant ainſi faite, Et ſes pieds de devant poſez ſur ſa houlette, [1] Guillot le Sycophanteapproche doucement. Guillot le vray Guillot étendu ſur l’herbette, Dormoitalors profondément. Son chien dormoit auſſi, comme auſſi ſa muſette. La pluſpart des Brebis dormoient pareillement. L’hypocriteles laiſſa faire : Et pour pouvoir mener vers ſon fort les Brebis, Il voulut ajoûter la parole aux habits, Choſequ’il croyoit neceſſaire. Maiscela gâta ſon affaire. Il ne pût du Paſteur contrefaire la voix. Le ton dont il parla fit retentir les bois, Etdécouvrit tout le mystere. Chacunſe reveille à ce ſon, LesBrebis, le Chien, le Garçon. Lepauvre Loup dans cet eſclandre, Empêchépar ſon hoqueton, Nepût ny fuïr ny ſe défendre.
III. Le Loup devenu Berger.
Toûjours par quelque endroit fourbes ſe laiſſent prendre. Quiconqueeſt Loup, agiſſe en Loup ; C’eſtle plus certain de beaucoup.
1. ↑Trompeur.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton