COMMENT LES CARDEUX BAILLONNERENT
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LA MALNOUE DOMPTEE LA MALNOUE DOMPTEE PAR LES CARDEUX ! Légende( ?) qui nous conte comment les « cardeux » bâillonnèrent, à l’aide de balles de laine, la Malnoue. (E.P. Larchevêque, 1892, Archives Départementales du Cher ) « Rien ne prouve mieux la puissance du grand torrent caché que le terrible accident advenu à la ferme des Martinets, dans la vallée de la Nère, non loin d’Aubigny. « Par une année de sécheresse, la couvraille des sarrasins, qui se fait la semaine de la St. Jean, se prolongea jusqu'en plein mois de juillet, tant la terre s'était asséchée et durcie. Le travail en était rendu si pénible que l'on avait dû faire marcher l'attelée complète de douze bœufs, taudis qu'habituellement on n'en prend que huit au plus, conservant les autres comme une réserve pour remplacer ceux que le travail a trop fatigués. Enfin, après une journée encore plus chaude et plus laborieuse qu'à l'ordinaire, l'attelage rentrait à la ferme, la dernière pièce de terre labourée. A peine arrivés sous le grand chêne aux boufs, dès que la charrue fut décrochée, et avant que l'on ait eu le temps de les délier du joug, les douze bœufs harassés, dévorés de soif, tourmentés par des essaims de mouches et de taons, se précipitèrent vers l'abreuvoir où ils entrèrent accouplés deux à deux et encore tous les douze reliés par la chaîne de charrue. « Quand on voulut les faire sortir de l'abreuvoir, on ne put y parvenir, car les deux premiers pris dans un sable mouvant ...

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LA MALNOUE DOMPTEEPAR LES CARDEUX ! Légende( ?) qui nous conte comment les « cardeux » bâillonnèrent, à l’aide deballes de laine, la Malnoue.(E.P. Larchevêque, 1892, Archives Départementales du Cher )« Rien ne prouve mieux la puissance du grand torrent caché que le terrible accident advenu à la ferme des Martinets, dans la vallée de la Nère, non loin d’Aubigny. « Par une année de sécheresse, la couvraille des sarrasins, qui se fait la semaine de la St. Jean, se prolongea jusqu'en plein mois de juillet, tant la terre s'était asséchée et durcie. Le travail en était rendu si pénible que l'on avait dû faire marcher l'attelée complète de douze bœufs, taudis qu'habituellement on n'en prend que huit au plus, conservant les autres comme une réserve pour remplacer ceux que le travail a trop fatigués. Enfin, après une journée encore plus chaude et plus laborieuse qu'à l'ordinaire, l'attelage rentrait à la ferme, la dernière pièce de terre labourée. A peine arrivés sous le grand chêne aux boufs, dès que la charrue fut décrochée, et avant que l'on ait eu le temps de les délier du joug, les douze bœufs harassés, dévorés de soif, tourmentés par des essaims demouches et de taons,se précipitèrent vers l'abreuvoir où ils entrèrent accouplés deux à deux et encore tous les douze reliés par la chaîne de charrue. « Quand on voulut les faire sortir de l'abreuvoir, on ne put y parvenir, car les deux premiers pris dans un sable mouvant, malgré tous leurs efforts, ne pouvaient s'en arracher. Ils s'enfoncèrent peu à peu et disparurent malgré les efforts combinés de tout le personnel de la ferme. On ne put même pas sauver les ruelliers qui, moins avancés, se trouvaient près du bord de l'abreuvoir. « La nuit était survenue sur ce triste événement. On ne fut pas peu surpris le lendemain matin de ne plus rien apercevoir dans l'abreuvoir, si ce n'est que le sable blanc et fin du fond, qui était devenu noir par le limon déposé à sa surface avec le temps, avait recouvré sa blancheur à la place où s'était passé l'événement de la veille. On fit en vain des sondages immédiats, qui renouvelés quelques jours après en présence du propriétaire, demeurèrent sans résultats. « ...Bien autrement grave fut la catastrophe qui terrifia AubignysurNère et dont le souvenir, avec la tradition de la légende, s'est transmis jusqu'à nous. « En quittant la petite ville d’Aubigny, par la route de Bourges, à environ un kilomètre sur la gauche, se trouve une ferme appelée la Gariolle.
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A l'extrémité de l'oucheron cette ferme, se voit un taillis de quelques hectares s'inclinant vers l'ouest. Cette inclinaison forme l'un des versants d'un petit vallon appelé la Malnoue, qui remonte vers le sud de quelques centaines de mètres; mais à l'opposé il se prolonge vers Aubigny d'un côté, et de l'autre contournant l'un de ses faubourgs (le faubourg du Cygne)traverse la route de SainteMontaine et va se perdre un peu plus bas dans la vallée de la Nère. « C'est sur l'emplacement de ce vallon, toujours appelé vallon de la Malnoue qu'eut lieu l'irruption soudaine du fleuve souterrain, dont nous allons tenter de retracer les péripéties d'après la légende. Il y avait à la Gariolle un bouaire qui, depuis plusieurs années déjà conduisait l'attelée de bœufs de cette ferme. La moisson avait été pluvieuse et l'herbe, bien qu'abondante, n'avait que peu de propriétés nutritives. Aussi le bouaire voyaitil avec chagrin ses bœufs dépérir et l'époque des couvrailles approchait. en se plaignait à tout le monde, cherchant des conseils. « Un jour qu'il avait parcouru tous les prés et pâtureaux des fermes voisines, il rencontra un homme qu'il ne connaissait pas. A ses plaintes l'inconnu répondit que ses boufs maigrissaient parce qu'ils avaient déjà les dents usées et il lui remit quelques plantes qui devaient leur rendre l'appétit. et lui promit aussi certain pot de certaine graisse qui, frottée sur les courroies des jougs, devait donner un pas alerte à ses bêtes. « Mais tout cela n'était rien à côté d'un aiguillon dont luimême s'était servi dans sa jeunesse, et dont il voulait bien indiquer la fabrication au bouaire qui l'écoutait ravi, bouche bée. « L'aiguillon devait être en aubépine; mais les aubépines assez longues pour être ainsi utilisées sans être trop grosses, ni trop noueuses, sont fort clairsemées. Cette aubépine ne devait être coupée qu'à un certain moment de la lune, entre onze heures et minuit, par sept coups de serpe, dont le dernier seulement devait abattre la tige. Ils devaient être donnés un par nuit, toujours à la même heure, en prononçant des paroles cabalistiques que l'inconnu enseigna au bouaire. « Puis il fallait en prononçant d’autres mots, la faire griller sept fois sur un feu formé d'espèces de bois spéciales et à chaque fois il fallait recouvrir le feu avec une herbe différente dont la septième était la fougère qui devait être cueillie en fleurs, récolte qui ne peut être faite qu'après le feu de la St. Jean, entre onze heures et minuit seul moment de l’année où l’on puisse voir cette plante en floraison. « Ce n'était donc pas facile de mener à bonne fin la confection d'un pareil aiguillon. Mais s'il y parvenait, avec un tel talisman que ne pourraitil faire! Ses bœufs au contact de l’aiguillon, ne sentiraient plus la fatigue, plus ils marcheraient, plus ils seraient frais et dispos. D'ailleurs, tout ce qu'il toucherait serait comme enchanté. Le blé de semailles remué avec
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l'inconnu, avant de s'éloigner, une fois fait, que cet aiguillon ne touche jamais à la terre; sinon crains les plus grands malheurs! « Pendant des semaines, le bouaire chercha, menant ses bœufs partout où il pensait trouver l'aubépine tant désirée. Il ne respectait rien, son troupeau dévastait tout, tandis qu'en proie à son idée fixe, il cherchait, cherchait toujours. Enfin, après bien des déboires, bien des mécomptes, il réussit à fabriquer le merveilleux aiguillon. « Tout changea dans l'attelée: les bœufs allaient, sans repos sans arrêt. Les terres mouillées par des pluies continuelles, défonçaient sous la charrue, les bœufs y enfonçaient jusqu'au ventre.Loin de les dompter, on eût dit que la difficulté les activait encore. Le valet de charrue qui naguère gourmandait le bouaire sur sa paresse,qui allaitjusqu'à lui jeter, à lui un bouaire, l'injure sanglante de vacher, ne savait plus que penser. Bientôt il fut à bout de forces. Les bœufs allaient toujours. Il n'en pouvait mais et le bouaire ne se sentait pas d’aise. « Il ne restait plus que la terre du petit oucheron de la maison à emblaver, si mouillé, si détrempé, qu'on l'avait gardé pour la fin, comptant toujours sur un retour du beau temps, qui n ' était pas venu. Cette terre, qui eût en de bonnes conditions demandées plusieurs journées pour être emblavée, le fut en une seule. A peine si le fermier qui, d'ordinaire, eût peu fournir à semer pour quatre charrues, arrivait à semer pour sa seule attelée de bœufs, bien qu'avec une rapidité qui tenait du prodige, s'épandît la semence de sa main toujours ouverte. « Personne ne comprenait rien à ce train d'enfer. Le bouaire luimême, échauffé à ce jeu, avait au milieu du jour jeté sa veste de côté. Enfin le dernier sillon était tracé. Et tandis que le fermier et le valet se reposaient ahuris d'une telle furie de travail, le bouaire courait ramasser sa veste. Gêné par son aiguillon pour passer son habit, il le fiche en terre, oublieux maintenant des recommandations que naguère lui avait faites son initiateur. Sa veste mise, il saisit son aiguillon, l’arrache pour regagner la ferme, mais il reste pétrifié d' étonnement et bientôt dans le trou laissé par son aiguillon bouillonnait une eau blanche comme du lait. Elle montait, s'élevant de plus en plus, et tout à coup s'élançait dans les airs en une mince veine liquide qui avait des pieds et des pieds de hauteur. Bientôt ce fut une colonne d'eau grosse comme le bras; d'instant en instant elle augmentait, projetant en l'air la terre et les cailloux. Médusé par la peur, le malheureux bouaire restait cloué au sol. Bientôt il disparut avec son aiguillon dans le gouffre qui s'était creusé sous ses pieds. « Cependant l'eau se répandait au loin, et à la nuit, l'oucheron n'était plus qu'un lac à l'extrémité duquel l'on voyait un bouillonnement formidable. « Le fermier terrifié plaça son monde pour surveiller les progrès de l'inondation. Quand la lune fut levée il s'assura de la direction que prenaient les eaux et vit que la plus grande partie se dirigeait sur la vallée de la Nère, qui se trouvait déjà débordée. Il courut à la ville prévenir le bailli des circonstances de la disparition de son domestique ' ''
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son bon sens et le renvoya chez lui, lui répétant que d'ailleurs la ville ne craignait rien, que les tunnels sous lesquels coulait la Nère avaient absorbé des crues autrement considérables que les écoulements de son petit oucheron. « Mais à minuit la population se réveille, effarée, au son du tocsin. La ville était inondée. L'eau avait envahi toutes les maisons, sauf celles qui étaient groupées autour de l'église. La confusion fut inexprimable. La nuit se passa dans les transes au milieu de lamentables déménagements, au bruit des murs et des constructions qui s'effondraient dans les eaux. « Le jour vint montrer toute l'horreur du désastre. On dut s'occuper à sauver les habitants les plus compromis. Le bailli se souvenant un peu tard du fermier de la Gariolle, envoya aux renseignements. L'eau sortait toujours aussi impétueusement de l'oucheron de la Gariolle. « Le lendemain qui se trouvait être le mercredi, on résolut pour barrer la vallée, de démolir trois maisons dans l'endroit le plus bas de la ville. On se prit à pratiquer la brèche, et la violence du courant aidant, elle fut assez largement ouverte « l'oucheron n'était plus qu'un lac » pour permettre aux eaux de baisser de deux pieds. « Mais la ville restait coupée en deux par le torrent qui s'écoulait par la brèche. L'on s'occupa le jeudi de visiter les ponts de la Nère que l'on trouva complètement obstrués par les buissons et les arbres que les eaux de la Gariolle avaient déracinés en creusant la vallée de la Malnoue, telle qu'elle est encore. Les ponts furent débouchés et les eaux en furent abaissées de quatre pieds. On put alors établir une passerelle entre les deux parties de la ville et ayant réquisitionné tous les chevaux, on entreprit de transporter à la Gariolle tous les matériaux que l'on pouvait trouver. On se proposait d'aveugler le gouffre. « Le lendemain fut employé à pousser un pont d'approche pour arriver le plus près possible du bouillon, qui heureusement n'était pas éloigné des bords du nouveau vallon. On réunit en un radeau tout ce que l'on avait pu se procurer et le samedi on le précipita du pont. Mais il ne tarda pas à se disloquer sous la violence de projection des eaux. Les charpentes prirent le fil de l'eau; les pierres coulèrent isolément à fo qu'à déplacer le bouillon, qui se reproduisait aussi fort un peu plus loin. « Le dimanche était arrivé. On pensa alors à invoquer la protection divine. Après la grandmesse, toute la ville se rendit par le chemin de la Procession à la Gariolle, croix en tête, bannières déployées et portant les reliques des saints. Le Saint Sacrement fut exposé pendant deux heures sur le pont de service; mais les eaux ne baissèrent point. Dieu ne voulut pas manifester sa puissance, punissant ainsi le manque de foi et la folle présomption des gens d ' Aubigny, qui s'étaient d'abord fiés à leurspropres forces pour combattre le fléau.
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gens de bon conseil. Chacun aorta son avis. Ce fut celuidu déléguéde lacorporation des cardeurs qui fut adopté, et dès le lendemain on commença à le mettre à exécution. On réunit toutes les laines que l'on put se procurer et qui ne manquaient pas à Aubigny, où les corporations des cardeux, tixiers, drapiers, foulonniers étaient très puissants. On rassembla tout le fer que l'on trouva chez les marchands de fer et les habitants. « Les cordiers furent aussi mis à contribution: tous les cordages du pays furent réquisitionnés. L'on n'en excepta pas plus les cordes de levage pour les meules de moulin que celles des cloches de l'église. « Des laines on forma unegrosse pelote,au milieu de laquelle fut logé tout le fer disponible. Letout futenserré avec des cordes et des câbles. En deux joursl'immense boule fut prête, et le lendemain, du pont rallongéjusqu'au nouveaubouillon, l'énorme balle fut précipitée dansle gouffre, qu'elle couvrit d'un opercule élastique et aveugla sans coupférir. Pour plus de sûreté le bailli fit jeter sur elle les portes de la ville ettoutes sortes de matériaux. « Les eaux, qui depuis dix jours n'avaient pas sensiblement varié à la Gariolle, baissèrent immédiatement. Bientôt on put circuler autour de la balle de laine qui s'enfonçait peu à peu et qui, enfin, étant toute entrée, fut enterrée. « Le seigneur d’Aubigny prévenu, arriva de Paris. Il approuva les mesures prises; et comme on ne put désintéresser les corporations qui avaient abandonné leur laine et les marchands de fer, il les exempta pour l'avenir de tous droits et redevances, faveur dont ils continuèrent à jouir jusqu'à la Révolution. « Depuis lors, pas un bouaire qui ne cherche l'aiguillon d'aubépine. Mais aucune de ces épines ne peut pousser assez vigoureusement partout où atteignent les eaux de la Malnoue. Aussi depuis lors, n'aton revu l'aiguillon enchanté».
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