LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS
"Point n'est besoin d'être un seiziémiste patenté pour
savourer la cocasserie de cette fatrasie menée allegro
con brio, avec un clin d'oeil de temps en temps pour
nous rappeler que l'insensé produit du sens."
C'est ainsi que Claude Barousse présente ce
classique des classiques qui, dans la pensée de la
Renaissance, occupa une place fondamentale. La
folie elle-même décline ses différents avatars, décrit
ses manifestations, dit son indignation - en cela servie
par une nouvelle traduction décapante, provocatrice
et résolument vivante.
En 1509, Erasme (1469-1536), après avoir voyagé entre
Venise, Rome et l'Allemagne, rentre à Londres, à cheval. Sur
le trajet il compose son Eloge de la folie, qu'il rédige en
quelques jours, sitôt arrivé.Ce livre vous est proposé par Tari & Lenwë
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Tari & LenwëAVANT-PROPOS
Le titre surnage encore, mais le livre ? Exhumons-le
des oubliettes. Il n'a pas pris une ride : la folie est
indémodable. Et point n'est besoin d'être un seizié-
miste patenté pour savourer la cocasserie de cette
fatrasie menée allegro con brio, avec un clin d'œil
de temps en temps pour nous rappeler que l'insensé
produit du sens.
Nous sommes transportés, certes, un demi-
millénaire en arrière, ou presque : en ce temps-là,
le pape était guerrier, la faune sorbonnicole grouil-
lait de théologiens, les alchimistes se ruinaient dans
leur quête de la quintessence, les instituteurs, famé-
liques et crasseux, manipulaient la férule en vir-
tuoses ; mais on voyait aussi, en ce temps-là, des
contribuables tondus, des astrologues prospères, des
vieillards amoureux, des joueurs décavés, des écri-
vains sans talent sûrs de leur génie, des pédants férus
de jargon et des gogos pour les gober, des fanatiques
du conformisme moral et du formalisme religieux.
Comme aujourd'hui. Il y a des constantes dans les
efflorescences bigarrées de la folie humaine. Autant
dire qu'Erasme, témoin d'une époque déboussolée,
7démarcation entre folie normale et folie patholo-nous tend un miroir où nous pouvons aussi recon-
naître des figures de notre temps. Erasme est des gique ? Parfois, Erasme s'interroge ouvertement sur
cette ondoyante limite (chap. XXXIX). Et c'est l'unenôtres également quand il dénonce les profession-
nels du double langage (chap. VI), quand il s'émer- des questions qui sous-tendent tout le livre.
veille devant le charme énigmatique de l'enfance Le regard sans illusion qu'Erasme porte sur le
(chap. XIII), quand il en appelle à l'amour du vi- branle du monde n'a pas pour ligne d'horizon une
vant pour condamner la bestialité de la chasse culture du doute ou du non-sens. Quand il fait dire
(chap. XXXIX) ou déplorer le sort des animaux cap- à la Folie qu'elle agit en bienfaitrice de l'huma-
tifs (chap. XXXIV), quand il dévoile avec quelle désin- nité, il souligne que les faiblesses de l'esprit humain,
volture, dans les administrations laïques ou cléricales, ces petites folies que nous vivons au quotidien, par
on se repasse d'échelon en échelon le mistigri des exemple dans l'expérience de l'oubli, de l'ignorance,
responsabilités (chap. LX), quand il brocarde les de l'étourderie ou de l'espérance, sont précieuses à
prétentions étroitement nationalistes (chap. XLIII), un double titre : elles rendent la vie plus vivable,
et qu'il montre du doigt, dans le corps social, les moins désespérante, mais aussi elles nous font
mille métastases du cancer provoqué par l'argent : découvrir que le psychique a plus d'extension que
l'écrivain nanti s'achète une critique flatteuse le conscient et que tout ce qui est réel n'est pas
(chap. III), la vieille vermoulue s'offre un gigolo forcément rationnel.. XXXI), l'épouse déçue finance l'empoison- La folie est à la fois un baume ordinaire pour
nement de son mari (chap. XLI), l'hommage aux ici-bas, et un passeport extraordinaire pour l'au-
morts est l'affaire de pleureuses tarifées (chap. XLI), delà. Relevons, en effet, la dynamique ascendante
le marché des œuvres d'art s'affranchit de toute du discours : s'il y a un temps prolongé pour le bur-
logique (chap. XLV), le mercenaire risque tout pour lesque, la caricature, l'humour décapant ou souriant,
faire fortune (chap. XLVIII), la justice va au plus le moment vient, aux alentours du chapitre LXII, où
offrant (chap. XLVIII), le paradis lui-même est à s'opère un saut qualitatif ; la Folie passe du langage
vendre. XL) ! de la critique sociale, morale et politique à celui de
Erasme, toutefois, ne prétend pas dresser le ré- la mystique et de la transcendance. A vrai dire,
pertoire intégral des passagers sur notre "nef des elle a du mal - elle, si diserte à l'accoutumée ! -
fous". Ce serait folie : "leur nombre est infini", pour évoquer avec des mots justes la "folie de la
comme dit l'Ecclésiaste (chap. LXIII). croix". Il semble bien qu'Erasme veuille suggérer
par là que l'expérience mystique est à la fois réelleMais, s'il est normal, pour tout être humain, d'être
et peu communicable. Chemin faisant, nous seronsplus ou moins fou, comment tracer la ligne de
8 9donc passés du bavardage endiablé au recueillement de se décourager devant une énigme, une zone de
extatique. Autant de paradoxes. Autant d'ambiguïtés. pot au noir. Mais, pour prendre un exemple, nous
Mais n'est-ce pas le propre des grands textes de n'avons pas considéré qu'il soit opportun d'em-
rester ambigus ? La Folie caracole sur un chemin bourber dans des informations érudites, au cha-
de crête, où se rejoignent réalité et illusion, naturel pitre LUI, l'énumération des écoles scolastiques :
et surnaturel, préjugés grégaires et convictions per- "Réalistes, nominalistes, thomistes, albertistes,
sonnelles, culture païenne et foi catholique. C'est occamistes, scotistes." Par elle-même, l'accumula-
au lecteur de choisir, s'il y tient, entre tous les visages tion des "-ismes" vaut condamnation. Inutile de
possibles de la Folie érasmienne. s'attarder à de subtils distinguos. Le lecteur aura
En tout cas, dans la présente édition, elle s'avance vite compris ce qui est visé ; le temps présent n'ignore
aussi peu apprêtée que possible. Dans le plus simple pas les chapelles rivales !
appareil. Nous avons choisi de privilégier l'accès Notre traduction vient après beaucoup d'autres
direct au texte, et de limiter au strict nécessaire et ne prétend pas les évincer. Sans rien céder sur la
l'accompagnement des notes explicatives. rigueur, nous avons tenté de limiter les déperditions
Les éditions savantes, indispensables pour l'étude dans ce qui fait le charme de cette prédication paro-
et la spécialisation, voient ces notes proliférer : on dique, pétillante, publiée une veille de carnaval,
en compte jusqu'à sept cents et leur volume excède mais où serpente subrepticement le message de
celui du texte d'Erasme. Cela se conçoit : l'auteur l'évangélisme. Notre objectif serait atteint si l'on
était, pour reprendre une expression de Valéry, un retrouvait un peu, dans cette version, l'état d'esprit
de ces "cerveaux faits d'une pâte grise de livres" dont d'Erasme dans l'instant de l'écriture : alacrité, pugna-
la pensée personnelle vivait en symbiose perma- cité, modernité.
nente avec un trésor de citations. L'Eloge de la Folie Malraux prophétisait qu'Erasme serait "le phi-
est l'ouvrage d'un clerc, truffé de réminiscences losophe du xxie siècle". Le fait est que lire l'Eloge
livresques ou mythologiques, souvent opaques pour de la Folie, cela ressemble à la visite d'un "lieu de
le lycéen, l'étudiant, "l'honnête homme" d'aujour- mémoire" : on y prend appui sur le passé pour mieux
d'hui. Mais, s'agissant d'une "déclamation" très inventer l'avenir. Et qui plus est, en s'amusant :
enlevée, rédigée dans l'euphorie, il nous a semblé Erasme a les vertus d'un antidépresseur.
qu'en interrompre sept cents fois la lecture risquait
CLAUDE BAROUSSEd'en briser l'élan, d'en affadir la séduction. Nos petits
dépannages, soixante-dix environ, concernent des
passages où le lecteur, livré à lui-même, risquait
10ÉLOGE DE LA FOLIEPREFACE
Erasme de Rotterdam
à son cher Thomas More. Salut !
Dernièrement, comme je revenais d'Italie en An-
gleterre, voulant éviter que toutes ces heure