Exégèse des Lieux Communs
383 pages
Français

Exégèse des Lieux Communs

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Description

De quoi s’agit-il sinon d’arracher la langue aux imbéciles, aux redoutables et définitifs idiots de ce siècle, comme saint Jérôme réduisit au silence les Pélagiens de son temps ? Obtenir enfin le mutisme du Bourgeois, quel rêve ! L’entreprise, je le sais bien, doit paraître fort insensée. Cependant je ne désespère pas de la démontrer d’une exécution facile et même agréable. Le vrai Bourgeois, c’est-à-dire, dans un sens moderne et aussi général que possible, l’homme qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou paraît vivre sans avoir sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, est nécessairement borné dans son langage à un très petit nombre de formules. Le répertoire des locutions patrimoniales qui lui suffisent est extrêmement exigu et ne va guère au delà de quelques centaines. Ah ! si on était assez béni pour lui ravir cet humble trésor, un paradisiaque silence tomberait aussitôt sur notre globe consolé ! » ( Léon Bloy)

Informations

Publié par
Publié le 14 janvier 2013
Nombre de lectures 27
EAN13 9782824710617
Licence : En savoir +
Paternité, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

LÉON BLO Y
EX ÉGÈSE DES LI EUX
COMMU NS
BI BEBO O KLÉON BLO Y
EX ÉGÈSE DES LI EUX
COMMU NS
1902
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1061-7
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A REN É MART I N EA U
 ,  , notr e p etite chap elle de Sainte- Anne
et de Saint-René , si humble et si p auv r e , là-bas, près de l’O cé an.R En souv enir de cee chap elle et de l’hospitalité de K er
SaintRo ch, je v ous prie d’accepter la dé dicace de ce liv r e , plus grav e et plus
doulour eux qu’il n’ en a l’air , où j’ai montré , comme il m’a plu, le mal
dont on meurt.
V otr e nom affr onté au mien, dès cee pr emièr e p ag e , v ous condamne
à p artag er mes disgrâces. Ami de l’é crivain mal famé que v ous osâtes
nommer un vivant, comment é chapp eriez-v ous à v otr e destin  ?
Notr e r encontr e fut un miracle app elé p ar la D ouleur et on ne
manquera p as de v ous dir e que la p er sistance de notr e amitié en est un autr e .
Le plus étonnant pr o dig e n’ est-il p as qu’un homme se soit é vadé av e c
enthousiasme des Lieux Communs où l’ o n dîne p our v enir hér oïquement
r ong er av e c moi des crânes d’imbé ciles dans la solitude  ?
Lagny , 31 dé cembr e 1901.
LÉON BLO Y .
n
1    ’, 30 septembr e , sous l’inv o cation de saint
Jérôme , auteur de la V ulg ate , app ariteur de tous les Pr ophètes, in-J v entoriateur plein de gloir e des Lieux Communs éter nels.
Est-ce là manquer de r esp e ct à cet étonnant do cteur que l’Église honor e
du titr e de Maximus , et que le Concile de T r ente a implicitement dé claré
le Notair e de l’Esprit-Saint  ? Je ne le cr ois p as.
D e quoi s’agit-il, en effet, sinon d’ar racher la langue aux imbé ciles,
aux r e doutables et définitifs idiots de ce siè cle , comme saint Jérôme
réduisit au silence les Pélagiens ou Lucifériens de son temps  ?
Obtenir enfin le mutisme du Bour g e ois, quel rê v e  !
L’ entr eprise , je le sais bien, doit p araîtr e fort insensé e . Cep endant je
ne désespèr e p as de la démontr er d’une e x é cution facile et même agré able .
Le v rai Bour g e ois, c’ est-à-dir e , dans un sens mo der ne et aussi g énéral
que p ossible , l’homme qui ne fait aucun usag e de la faculté de p enser et
qui vit ou p araît viv r e sans av oir été sollicité , un seul jour , p ar le b esoin
de compr endr e quoi que ce soit, l’authentique et indiscutable Bour g e ois
est né cessair ement b or né dans son lang ag e à un très-p etit nombr e de
formules.
Le rép ertoir e des lo cutions p atrimoniales qui lui suffisent est e
xtrê2Ex égèse des Lieux Communs Chapitr e
mement e xigu et ne va guèr e au delà de quelques centaines. Ah  ! si on
était assez béni p our lui ravir cet humble trésor , un p aradisiaque silence
tomb erait aussitôt sur notr e glob e consolé  !
and un emplo yé d’administration ou un fabricant de tissus fait
obser v er , p ar e x emple  : « qu’ on ne se r efait p as  ; qu’ on ne p eut p as tout
av oir  ; que les affair es sont les affair es  ; que la mé de cine est un
sacerdo ce  ; que Paris ne s’ est p as bâti en un jour  ; que les enfants ne demandent
p as à v enir au monde  ; etc., etc., etc., » qu’ar riv erait-il si on lui pr ouvait
instantanément que l’un ou l’autr e de ces clichés centenair es cor r esp ond
à quelque Ré alité divine , a le p ouv oir de fair e osciller les mondes et de
dé chaîner des catastr ophes sans mer ci  ?
elle ne serait p as la ter r eur du p atr on de brasserie ou du
quincaillier , de quelles affr es le phar macien et le conducteur des p onts et
chaussé es ne de viendraient-ils p as la pr oie , si, tout à coup , il leur était
é vident qu’ils e xpriment, sans le sav oir , des choses absolument e x
cessiv es  ; que telle p ar ole qu’ils viennent de pr ofér er , après des centaines de
millions d’autr es acéphales, est ré ellement dér obé e à la T oute-Puissance
cré atrice et que , si une certaine heur e était ar rivé e , cee p ar ole p our rait
très-bien fair e jaillir un monde  ?
Il semble , d’ailleur s, qu’un instinct pr ofond les en av ertisse . i n’a
r emar qué la pr udence cauteleuse , la discrétion solennelle , le morituri
sumus de ces brav es g ens, lor squ’ils énoncent les sentences moisies qui leur
fur ent légué es p ar les siè cles et qu’ils transmer ont à leur s enfants  ?
and la sag e-femme pr ononce que « l’ar g ent ne fait p as le b onheur »
et que le mar chand de trip es lui rép ond av e c astuce que , « né anmoins, il y
contribue », ces deux augur es ont le pr essentiment infaillible d’é chang er
ainsi des secrets pré cieux, de se dé v oiler l’un à l’autr e des ar canes de vie
éter nelle , et leur s aitudes cor r esp ondent à l’imp ortance ine xprimable de
ce nég o ce .
Il est tr op facile de dir e ce que p araît êtr e un lieu commun. Mais ce
qu’il est, en ré alité , qui p our ra le dir e  ?
Pour quoi, autr ement, me serais-je r e commandé à saint Jérôme  ? Ce
grand p er sonnag e ne fut p as seulement le consignatair e p our toujour s de
la Par ole qui ne chang e p as, des Lieux Communs pleins de foudr es de la
T rès-Sainte T rinité . Il en fut surtout l’inter prète , le commentateur inspiré .
3Ex égèse des Lieux Communs Chapitr e
A v e c une autorité b e aucoup plus qu’humaine , il enseigna que Dieu a
toujour s p arlé de Lui-même e x clusiv ement, sous les for mes sy mb oliques,
p arab oliques ou similitudinair es de la Ré vélation p ar l’Écritur e , et qu’il a
toujour s dit la même chose de mille manièr es.
J’ espèr e que ce D o cteur sublime daignera fav oriser de son assistance
un p amphlétair e de b onne v olonté qui serait si heur eux de mé contenter ,
une fois de plus, la p opulace de Niniv e , éter nellement « incap able de
distinguer sa dr oite de sa g auche », — et de la mé contenter à un tel p oint que
des colèr es inconnues se dé chaînassent.
Ce résultat serait obtenu, sans doute , si la céleste douceur ne m’était
p as r efusé e d’établir , en l’ir réfutable ar gumentation d’une diale ctique de
br onze , que les plus inanes b our g e ois sont, à leur insu, d’ effrayants pr
ophètes, qu’ils ne p euv ent p as ouv rir la b ouche sans se couer les étoiles,
et que les abîmes de la Lumièr e sont immé diatement inv o qués p ar les
g ouffr es de leur Soise .
n
4CHAP I T RE I
Dieu n’en demande p as tant  !
   un commentair e du Co de civil  ! P
laisanterie tr op facile et qu’il faut laisser charitablement à MM. lesQ jour nalistes ou cler cs d’huissier s. Le cas est grav e .
N’ est-ce p as une o ccasion de stup eur de song er que cee chose est dite ,
plusieur s millions de fois p ar jour , à la face conspué e d’un Dieu qui
« demande » surtout à êtr e mangé  ! Le mar ch

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