Exégèse des Lieux Communs (nouvelle série)
276 pages
Français

Exégèse des Lieux Communs (nouvelle série)

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Description

De quoi s’agit-il sinon d’arracher la langue aux imbéciles, aux redoutables et définitifs idiots de ce siècle, comme saint Jérôme réduisit au silence les Pélagiens de son temps ? Obtenir enfin le mutisme du Bourgeois, quel rêve ! L’entreprise, je le sais bien, doit paraître fort insensée. Cependant je ne désespère pas de la démontrer d’une exécution facile et même agréable. Le vrai Bourgeois, c’est-à-dire, dans un sens moderne et aussi général que possible, l’homme qui ne fait aucun usage de la faculté de penser et qui vit ou paraît vivre sans avoir sollicité, un seul jour, par le besoin de comprendre quoi que ce soit, est nécessairement borné dans son langage à un très petit nombre de formules. Le répertoire des locutions patrimoniales qui lui suffisent est extrêmement exigu et ne va guère au delà de quelques centaines. Ah ! si on était assez béni pour lui ravir cet humble trésor, un paradisiaque silence tomberait aussitôt sur notre globe consolé ! » ( Léon Bloy)

Informations

Publié par
Publié le 14 janvier 2013
Nombre de lectures 29
EAN13 9782824710594
Licence : En savoir +
Paternité, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

LÉON BLO Y
EX ÉGÈSE DES LI EUX
COMMU NS
nouv elle série
BI BEBO O KLÉON BLO Y
EX ÉGÈSE DES LI EUX
COMMU NS
nouv elle série
1913
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1059-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MA CH ÈRE P ET I T E AMI E
ELISABET H JOLY
   er rait au cimetièr e s’avisa de frapp er à la p orte d’un
tomb e au. Cee p orte s’ ouv rit aussitôt et ce fut son âme quiU lui app ar ut, son âme qu’il n’avait jamais r eg ardé e , mais qu’il
r e c onnut à certaines souillur es affr euses. Il se souvint alor s de l’av oir
abandonné e là , un jour , p our e xplor er inutilement des sépulcr es vides.
La v o yant si triste , si pr ofondément triste et si b elle , il la prit p ar la main
très tendr ement et la ramena tout en pleur s à la Maison du Pèr e des
vivants dont elle lui montra le chemin.
LÉON BLO Y .
n
1P RÉLU DE
Il faut se mer e à la p orté e de tout le monde
   m’ est demandé . On me tr ouv e tr op e xtraordinair e ,
tr op inaccessible . Je suis ég alement incompris du notair e , deV la dé v ote et du fabricant de supp ositoir es. Les r udimentair es
affir mations, les incontestables axiomes et jusqu’aux lap alissades les plus
vérifié es pr ennent av e c moi comme un asp e ct de my stèr e dont le sens
commun est outrag é . J’ai donc dé cidé de me mer e à la p orté e de tout le
monde .
Mais j’ignor e la manièr e . Je suis même for cé d’av ouer que je ne sais
p as ce que ces mots v eulent dir e . D ois-je entendr e qu’ on est à la p orté e
de tout le monde quand on est situé de façon à r e ce v oir de p artout des
gifles ou des coups de b oes, situation, je l’av oue , très p eu confor me à
mes habitudes et à mes instincts  ? Combien de fois, au contrair e , et av e c
quelle for ce de conv oitise , ai-je désiré , dans le même sens, que tout le
monde fût à ma p orté e  !
Il est v rai que ce désir était absurde , puisque tout le monde est une e
xpr ession inintelligible p our désigner une chose indiscer nable . and on
2Ex égèse des Lieux Communs (nouv elle série ) Chapitr e
me p arle des g ens du monde , des hommes ou des femmes du monde , ma
p ensé e va sur-le-champ à cee p opulace élég ante et stupide , mar qué e du
sce au du Prince des démons, p our laquelle Jésus a dit qu’il ne priait p as. Je
compr ends tout de suite , et même je suis tenté de courir au plus pr o chain
cimetièr e p our y contempler , une fois de plus, l’ép ouvantable misèr e de
ces dalles or gueilleuses que la sainte de Dülmen v o yait couv ertes de
ténèbr es et qui s’ enfoncent quelquefois — je l’ai r emar qué — au-dessous du
niveau du sol , p eu de temps après la sépultur e .
Mais il y a la multitude infinie des autr es g ens, de tous ceux qui ne
p euv ent p as êtr e dits du monde et qui, p ourtant, sont implicitement
désignés chaque fois qu’ on dit  : tout le monde. D ans cee multitude il y a
surtout les p auv r es g ens. Ici ma raison défaille et je ne v ois plus du tout
comment je p our rais, en même temps, me mer e à la p orté e des sépulcr es
noir s et des vivantes hosties lumineuses  !
Me mer e à la p orté e de tout le monde , encor e une fois  ! V o y ons  !
ô ma p auv r e âme , est-ce p ossible  ? Rép onds-moi, puisque mon
intellig ence est silencieuse . T u étais, ce matin, à l’église , essayant de t’unir , de
t’identifier à Jésus qui s’ est donné à tous les hommes. T u as prié , sans
doute , aussi bien que tu le p ouvais, p our les vivants et p our les défunts.
A u risque de me donner la nausé e , tu t’ es même souv enue
miséricordieusement, je le supp ose , de ceux-là  ! qui ne sont ni des vivants ni des morts,
qui subsistent, on ne sait p our quoi, dans les ordur es, et qu’ on nomme les
Bour g e ois. Est-ce là se mer e à la p orté e de tout le monde  ? Il me semble ,
au contrair e , qu’ en un tel moment, le monde n’était plus tangible p our toi
et que tu lui étais de v enue toi-même absolument intangible . . . T u ne me
dis rien, toi non plus, et je r este sur ma question comme sur un p al.
Me v oici donc incap able d e fair e ce qu’ on me demande . J’ essaierai
cep endant, étant habitué aux b esognes imp ossibles. i sait  ? le monde
n’ est p eut-êtr e p as aussi vaste qu’ on l’imagine . and une p auv r e
ménagèr e crible son fo y er , elle s’étonne de la quantité des cendr es et du p eu de
combustible qui lui r este p our cuir e son r ep as et p our chauffer sa maison.
Il se p our rait qu’après la cuisine de ma pré cé dente Exégèse , je ne tr ouvasse
que p eu de chose à r emer e dans mon four ne au et que T out le Monde se
ré duisît à quelques unités pr ofitables. Cee p ensé e me ranime .
3Ex égèse des Lieux Communs (nouv elle série ) Chapitr e
n
4CHAP I T RE I
A la fortune du p ot ou and il
y en a p our deux, il y en a p our
tr ois
   serait étonnante si elle p artait d’un thé
ologien. Mais elle est tr op variable p our qu’il soit p ossible de s’yL ar rêter . A utant dir e que quand il y en a p our sept, il y en a p our
neuf et même p our vingt-quatr e . Il suffit d’étendr e suffisamment. . .
L’infini est au fond du couloir et la clef est sur la p orte . . . Mais ce n’ est p as
l’infini que demande le Bour g e ois. and il v oit ar riv er un conviv e
impré v u, on p eut êtr e sûr que celui-ci aura le suif du gig ot ou la r elav ur e
du p otag e et que même il n’y en aura que p our lui. C’ est ce que ré alise
l’application de cee frater nelle maxime .
ant à la fortune du p ot, c’ est autr e chose . La Fortune , dit Homèr e ,
est fille de l’O cé an, ce qui donne déjà une vaste idé e du b ouillon que
5Ex égèse des Lieux Communs (nouv elle série ) Chapitr e I
p eut offrir la bienv eillance du Bour g e ois. D’autr es p oètes la r eprésentent
chauv e , av eugle et deb out av e c des ailes, un pie d sur un glob e en
mouv ement et l’autr e en l’air . Chez les A ché ens elle était p einte ou
sculpté e , tenant à la main une cor ne d’ab ondance et l’ on v o yait l’ Amour à ses
pie ds. L’antiquité lui érig e a plusieur s temples où elle était adoré e sous
div er s noms, p ar mi lesquels ceux de Virile , de Vier g e et même d’Equestr e .
Mais chez les b our g e ois on ne ré vèr e que la Fortune du Pot, le quel p ot,
r emar quons-le , semble av oir r emplacé la cor ne d’ab ondance . Pour ce qui
est de l’inv o cation d’équestre , malheur eusement tombé e en désuétude ,
elle p our rait signifier ici tout au plus qu’ on est à che val sur les conv
enances et qu’ en même temps, il est à pr op os d’ encourag er l’hipp ophagie
quand on a du monde .
J’ai b e aucoup dit que les Lieux Communs sont de véritables trépie ds
p our ceux qui en font usag e et qui pr oèr ent alor s, à leur insu, des oracles
fort à craindr e . and on m’invite à la Fortune du Pot, mon imagination
saturé e de réminiscences mythologiques é v o que aussitôt Mé dé e et son
effr o yable chaudr on, sans que je p ar vienne 

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