HOMERE.ILIADE XXIV, COURS
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AVERTISSEMENT CE TEXTE EST UN POLYCOPIÉ DESTINÉ À ACCOMPAGNER UN COURS D’AGRÉGATION (2000-2001) : SON CONTENU N’A QU’UNE VALEUR CIRCONSTANCIELLE, A PU ÊTRE CORRIGÉ A L’OCCASION DU COURS, ET N’ENGAGE DONC PAS SCIENTIFIQUEMENT SON AUTEUR. Il DOIT NÉANMOINS POUVOIR RENDRE QUELQUES SERVICES. L'Iliade 1.1. Histoire de la composition des poèmes homériques. On consultera J. de Romilly, Homère (Que sais-je?) , 3-38, et l’introduction de J. Métayer et le dossier qu’il a réuni avec J.-Cl. Riedinger dans la récente édition de l’Iliade (Paris, 2000, Garnier Flammarion) dont la traduction d’E. Lasserre propose une intéressante alternative à la traduction canonique de P. Mazon. 1.1.1. L'importance des poèmes. L'Iliadeet l'Odyssée racontent des évènements en rapport avec la guerre légendaire contre Troie. C'est la première œuvre écrite de la Grèce, et la base de la culture grecque. Les Grecs ont, tout au long de leur histoire, étudié l'Iliadeet l'Odyssée plus qu'aucun autre texte. Tout petit Grec y apprenait à lire et à écrire, les gens cultivés les connaissaient à peu près par cœur. Leurs héros étaient les modèles auxquels on se référait, d'Alexandre à César ; des villes considéraient certains comme leur héros fondateur et leur rendait un culte. Les poètes tragiques y ont trouvé les sujets de la plupart de leurs pièces, les peintres en représentaient les scènes dans leur tableau. Les maximes tirées de l'Iliadeet de l'Odyssée étaient sujets de ...

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AVERTISSEMENT CE TEXTE EST UN POLYCOPIÉ DESTINÉ À ACCOMPAGNER UN COURS D’AGRÉGATION (2000-2001) : SON CONTENU N’A QU’UNE VALEUR CIRCONSTANCIELLE, A PU ÊTRE CORRIGÉ A L’OCCASION DU COURS, ET N’ENGAGE DONC PAS SCIENTIFIQUEMENT SON AUTEUR. Il DOIT NÉANMOINS POUVOIR RENDRE QUELQUES SERVICES. L'Iliade 1.1. Histoire de la composition des poèmes homériques. On consultera J. de Romilly,Homère (l’introduction de J.Que sais-je?) , 3-38, et Métayer et le dossier qu’il a réuni avec J.-Cl. Riedinger dans la récente édition de l’Iliade (Paris, 2000, Garnier Flammarion) dont la traduction d’E. Lasserre propose une intéressante alternative à la traduction canonique de P. Mazon.  1.1.1. L'importance des poèmes. L'Iliadeet l'Odyssée racontent des évènements en rapport avec la guerre légendaire contre Troie. C'est la première œuvre écrite de la Grèce, et la base de la culture grecque. Les Grecs ont, tout au long de leur histoire, étudié l'Iliadeet l'Odysséeplus qu'aucun autre texte. Tout petit Grec y apprenait à lire et à écrire, les gens cultivés les connaissaient à peu près par cœur. Leurs héros étaient les modèles auxquels on se référait, d'Alexandre à César ; des villes considéraient certains comme leur héros fondateur et leur rendait un culte. Les poètes tragiques y ont trouvé les sujets de la plupart de leurs pièces, les peintres en représentaient les scènes dans leur tableau. Les maximes tirées de l'Iliadeet de l'Odysséeétaient sujets de dissertation dans les écoles et dans les universités. De génération en génération, les lectures et les points de vue ont changé, mais c'est toujours Homère qui constituait la base commune de réflexion : Ulysse et les philosophes, Ulysse et la géographie, Archimède et les vaches du soleil, les allégories d'Homère. On a pu définir l'idéal de la vie grecque à travers l'une des phrases de l'Iliade,6.208,αἰὲνἀριστεύεινκαὶὑπείροχονἔμμεναιἄλλων, "être le meilleur partout, surpasser tous les autres", idéal agonistique, présent aussi bien dans les concours athlétiques (dont le chant 23 de l'Iliadefournissait un modèle) , que dans la vie politique. Cette influence a continué de s'exercer jusqu'à nos jours (Racine, Joyce) .  1.1.2. Homère. — Les Anciens attribuaient ces œuvres à Homère. La tradition en faisait un poète aveugle, un Grec d'Ionie, qui aurait vécu au 8° siècle av. J. -C. Mais c'est tout ce qu'on savait de lui, et sa patrie même était incertaine (Chios, Smyrne?) . De la même façon, le texte en était scrupuleusement transcrit, mais on en reconnaissait ses incohérences, sachant que certains passages avaient dû y être ajoutés (chant 10 de l'Iliade) , et l'une des tâches des savants de la Bibliothèque d'Alexandrie, au 3° siècle av. J. -C. a été de reconstituer le "meilleur texte possible", à partir des innombrables variantes que présentaient les innombrables manuscrits en circulation. — C'est en fait au 19° siècle surtout que les critiques se sont acharnés à découper le texte en fragments, pour tenter de retrouver, derrière le texte dont nous disposons, un texte qui aurait été "l'œuvre homérique originale". Ce type d'approche, celle des "analystes", a eu le mérite de trouver dans l'Iliadeet l'Odysséebon nombre d'épisodes qu'elle a pu parfois rattacher à d'autres textes, d'autres légendes ou d'autres cultures (Protée et Proeti ; Ulysse et Gilgamesch) . Mais elle a buté sur son incompréhension
de la façon dont les textes s'étaient constitués. L'édition de l'Odysséede V. Bérard en porte les traces : le texte a été désossé à partir d'a priori d'historiques. — Depuis, les recherches faites par l'ethnologue anglais Milmann Parry en Yougoslavie, à partir de 1933, sur les aèdes serbes nommés "guzlaris", ont montré que la "question homérique" devait être posée différemment : l'étude des textes grecs montre à quel point la notion d'auteur propriétaire est vague pour un Grec jusque vers le 3° siècle av. JC. , au moins : comment serait-on le propriétaire de textes qui vous sont dictés par les Muses?. 1.1.3. Naissance des poèmes homériques. — Les poèmes homériques sont l'aboutissement d'une longue tradition de poèmes oraux, transmis tout au long des Siècles Obscurs, poèmes peut-être élaborés dès l'époque mycénienne, et fixés sous la forme que nous connaissons – l'Iliadeet l'Odyssée – aux alentours du 8° siècle par un poète que la tradition a retenu sous le nom d'Homère. — Pendant la période qui a précédé leur fixation, on sait que les poèmes épiques étaient composés et dits par des poètes que les Grecs appelaient aèdes comme Démodocos au chant 8 de l'Odyssée:Le héraut reparut, menant le brave aède à qui la Muse aimante avait donné sa part de bien et de maux, car, privé de la vue, il avait reçu d'elle le chant mélodieux… ;quand on eut satisfait la soif et l'appétit, l'aède, que la Muse inspirait, se leva. Il choisit dans la geste humaine, un épisode dont le renom montait alors jusques aux cieux : la querelle d'Ulysse et du fils de Pelée, leur dispute… On retiendra 1/qu'il existait des poètes spécialisés ; 2/que Démodocos est présenté comme "choisissant dans la geste humaine" le poème qu'il va raconter : ce qu'il dit n'est pas sa parole, mais celle de la Muse. On trouve l'écho de cette croyance au début de l'Iliade, "Chante, déesse, la colère d'Achille, le fils de Pelée, détestable colère qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre" ; et au début de l'Odyssée : "C'est l'homme aux mille tours, Muse, qu'il faut me dire… " — Le contexte historique : la cour de roitelets grecs d'Ionie (langue) , auxquels les aèdes racontent des poèmes dans lesquels ils retrouvent la gloire de leurs ancêtres réels ou imaginaires. Un ensemble de cycles, de récits et de légendes, à caractère généalogique et légendaire se constitue ainsi, qu'il faut sans doute lier à l'apparition d'un culte des héros familiaux et à la recherche d'une légitimité historique par ces familles aristocratiques dont le pouvoir s'accroît au long des siècles obscurs. Parmi ces légendes diverses (Argonautes ; récits de Nestor dans l'Iliade), un certain nombre étaient regroupées autour de la prise –plus ou moins légendaire – de Troie : on peut imaginer que les récits concernant tel ou tel chef étaient développés en fonction de la présence dans l'auditoire de tel ou tel "descendant" de l'un ou l'autre héros. On peut se faire une idée de ces légendes à travers les textes non-homériques de la littérature grecque qui nous sont parvenus : allusions dans les poèmes anciens, poèmes épiques tardifs (Quintus de Smyrne) , et surtout les tragédies. On y trouvera les légendes qui racontent ce qui s'est passé avant la guerre de Troie ; la prise de Troie ; l'histoire des retours, lenostoschaque chef, et des épreuves qu'il a connues : les errances de de Ménélas en Egypte (Od., 4) , celles de Diomède en Espagne ou en Illyrie, la mort d'Agamemnon, l'histoire de Néoptolème-Pyrrhus et d'Andromaque et, naturellement, l'histoire d'Ulysse. — Comment ces poèmes étaient-ils composés?Les recherches faites par l'ethnologue anglais Milmann Parry en Yougoslavie, à partir de 1933, sur les aèdes serbes nommés "guzlaris", ont permis de se faire une idée plus précise de, la façon dont ils pouvaient procéder. Les guzlaris étaient des poètes errants, qui, jusqu'au début du siècle, parcouraient la Serbie, s'arrêtant dans les cafés et les auberges, où ils distrayaient
l'auditoire en lui racontant des poèmes épiques de plus de 10 000 vers. Ces poèmes racontaient pour l'essentiel des légendes nées de la résistance des Serbes à l'empire ottoman. Parry a montré que ces poèmes n'étaient pas récités, mais recomposés à chaque fois Les guzlaris disposaient d'un stock d'histoires, et d'une langue adaptée à leur récit : un vers pour rythmer la parole, et aider la mémoire ; une langue adaptée au vers ; une rhétorique… Ils devaient tenir compte, tout comme les aèdes, du contexte de leur prestation : celui d'une communication orale, avec des contraintes qui s'exercent non seulement sur le poète mais aussi sur son auditoire : déroulement en continu dans le temps (pas de retour en arrière ; effort de mémoire et dépendance) ; difficulté d'identifier a priori les locuteurs (pas théâtre ; pas de typographie) . — Tous ces éléments se retrouvent dans la poésie homérique, par exempleIliade, I : l'hexamètre dactylique, auquel sa longueur permet de faire un tout logique (comme l'alexandrin) , (vers 1) est aussi d'une grande souplesse métrique (vers 1 à 3) . La langue est formulaire : "le fils de Pelée ; le divin Achille, Achille pareil aux dieux". Le poète dispose ainsi d'un stock d'épithètes adaptés à la personnalité de son personnage et aux circonstances, et qui lui donnent de surcroît un stock de chevilles métriques (Divin Achille/Achille fils de Pelée) . Une accumulation d'épithètes peut s'étendre sur plusieurs vers : Calchas, 68-72 ; Nestor : 247-253 ; Invocation à Phoibos, 35-40. De façon similaire, l'aède dispose de scènes stéréotypées et interchangeables – comme le duel ou la poursuite de train dans les western (1, 456-480) susceptibles de développement. Cf. 2, 420 s. Les comparaisons abondent (début du chant 3) . Insistance sur les articulations, au moment des prises de parole (68, 84, 92, etc. ) et des articulations logiques : 22/25. Le niveau le plus poussé est la composition de type "cyclique" (début du chant 2, chant 6) . La psychologie : les héros manifestent violemment leurs sentiments, en paroles et en gestes, seuls moyens dont dispose le poète pour leur donner une profondeur (cf. la colère d'Achille, v. 149) . Les interventions des dieux peuvent devenir des artifices poétiques (Athéna et Achille) .  —1.1.4. La place du mythe dans les sociétés orales. — Dans les sociétés orales, la mémoire collective n'a pas d'archives autres que la mémoire de spécialistes : aèdes, en Grèce, bardes celtes, griots africains, guzlaris, ashiks. Ils sont la mémoire du peuple et leur mode d'expression privilégié est les récits et les mythes qu'ils racontent donnent du monde une image globale qui n'est pas la propriété de quiconque, mais le savoir et la mémoire collective : le poème n'est pas le discours du poète, mais celui de la Muse : il est de l'ordre du mythe et non de l'histoire. — Cl. Lévy-Strauss,Le cru et le cuit,Paris : Plon, 1964, p. 347 : "La structure feuilletée du mythe permet de voir en lui une matrice de significations rangées en lignes et en colonnes, mais où, de quelque façon qu'on le lise, chaque plan renvoie toujours à un autre plan. De la même façon, chaque matrice de signification renvoie à une autre matrice, chaque mythe à d'autres mythes. Et si l'on demande à quel ultime signifié renvoient ces significations qui se signifient l'une l'autre, mais dont il faut bien qu'en fin de compte et toutes ensemble, elles se rapportent à quelque chose, l'unique réponse que suggère ce livre est que le mythe signifie l'esprit, qui les élabore au moyen du monde dont il fait lui-même partie. Ainsi peuvent être simultanément engendrés, les mythes eux-mêmes par l'esprit qui les cause, et par les mythes une image du monde déjà inscrite dans l'architecture de l'esprit. " 1.2. La composition de l'Iliade, unité et disparité.  — 1.2.1. Généralités.
— Entre l'Iliadeet l'Odyssée, il n'y pas de différence de moyens : L'Iliadeet l'Odyssée sont toutes deux des poèmes épiques, qui respectent tous deux les règles du genre : par exemple la métrique (hexamètres dactyliques) et les règles de composition cyclique, les indications de prise de parole, le jeu des épithètes, l'interpénétration du monde des hommes et des dieux. — Cf. Aristote,Poétique,8 : "la fable n'est pas une, comme certains le pensent, du fait qu'il n'y a qu'un héros, car la vie d'un même homme comprend un grand nombre, une infinité d'évènements qui ne forment pas une unité. Et pareillement un même homme accomplit beaucoup d'actions qui ne constituent pas une action unique. Aussi semblent-ils s'être trompés tous les poètes qui ont composé une Héracléide, une Théséide… Mais Homère, supérieur dans tout le reste, paraît bien sur ce point aussi avoir vu juste. : en composant l'Odyssée,il n'a pas raconté tous les évènements de la vie d'Ulysse… Il faut donc que… puisque … [la fable] est l'imitation d'une action, cette action soit une et entière, et que les parties en soient assemblées de telle sorte que si on transpose ou retranche l'une d'elles, le tout soit ébranlé et bouleversé… " — L'œuvre artistique est une structure, dans laquelle tous les éléments sont liés comme les pièces du jeu d'échec, et tous contribuent à créer une illusion, une représentation (mimèsis) du monde, d'une action, d'un être.  — 1.2.2. Disparité de l'Iliade. — Composition : Les poèmes épiques antérieurs ont laissé des traces dans le texte, au niveau des détails, et même de parties entières : (Romilly, 16-17) . Détails : Pylémène meurt deux fois en 5, 576 et 13, 658. Répétitions d'épisodes : Achille attend l'ambassade, en 11 et 16 ; le mur apparaît aux chants 7 et 12, et pas ailleurs (pourquoi les Achéens ont-ils attendu 9 ans avant de le bâtir?) ; combat singulier redoublé : 3, Ménélas et Pâris, 7, Ajax et Hector. Épisodes sans rapport direct avec l'action : les aristées : 5, exploits de Diomède ; 11, exploits d'Agamemnon ; 17, exploits de Ménélas ; la Dolonie (le chant 10 tout entier) . Ces contradictions permettent de "faire exister le monde " où se situe l'action. Et l'on doit toujours se demander ce qu'elles apportent à l'action en général. Mais elles sont aussi à mettre sur le compte du mode de composition, morceaux de bravoure que l'aède n'a pas accepté d'éliminer. — Personnages : L'unité n'est pas dans le personnage d'Achille. Certes, la réapparition d'Achille marque le sommet de l'œuvre : le sort d'Achille est à l'image de celui des autres hommes, est même le symbole de la condition humaine par excellence, parce qu'il en est l'expression ultime : héros, courageux, le plus redoutable des guerriers à la tête d'une armée nombreuse, finalement général de l'armée achéenne, il devrait être un symbole de triomphe heureux. Or tout indique qu'il est, comme les autres, un héros vaincu même dans son triomphe, puisqu'il a perdu l'ami qu'il aimait, et qu'il sait que ses derniers moments seront solitaires. Mais la réapparition d'Achille n'intervient que tardivement, et si elle complète le tableau, elle n'en est qu'une partie. L'absence d'Achille laisse la place libre aux autres héros ; on doit même admettre qu'elle est le moyen trouvé par l'auteur pour ce faire.  1.2.3. Unité del'Iliade. — (Cf. J. de Romilly, 39-47) . L'unité de l'Iliadene se trouve donc pas dans la circonstance, dans la guerre de Troie que l'Iliadene raconte pas, mais dans le sujet annoncé dès les premiers vers du poème : "Chante, déesse, la colère d'Achille, le fils de Pelée, détestable colère qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre" : le monde de la paix (cf. l'Odyssée) n'est présent que dans le souvenir, ou dans le bouclier d'Achille et l'unité de l'Iliadeest peut-être à rechercher dans l'uniformité des souffrances des hommes : guerre, maladie mort (catalogue des différentes façons de mourir) , solitude et souffrance physique et morale. Mais surtout elle est dans l'idéal
qui anime tous les personnages, l'idéal de latimè, qui consiste pour chacun à occuper dignement le rang qui lui revient. J. REDFIELD,La tragédie d'Hector : Nature et culture dans l'Iliade, Flammarion,Idées et recherches, Paris, 1984 (Chicago, 1975) : p. 44 : "Dans l'Iliade… les individus ne sont pas des êtres indépendants qui forgent eux-mêmes leur destin, affrontant une société dont ils seraient libres d'accepter ou de rejeter la structure et les valeurs. Les personnages d'Homère sont insérés dans un édifice social : leurs actes et leur conscience sont l'incarnation de pressions qui s'exercent sur eux… L'homme homérique n'a d'autre point de repère que la collectivité par rapport à laquelle il se définit… Il ne s'intéresse pas à l'au-delà mais s'accomplit pleinement dans cette vie-ci avec ses joies et ses peines. En dépit des maux qui l'accablent, lorsqu'il est confronté à la cruelle nécessité, il accepte ce que l'existence lui réserve, mort comprise… De cette lecture, ressort un être à la fois émotif et intelligent, impulsif et réfléchi. Le paradoxe n'est possible que parce que ses passions sont objectives, tournées non vers le dedans, mais vers le dehors -vers des objets clairement perceptibles… Eminément objectif, l'homme homérique n'a pas d'intériorité. Il s'exprime totalement par des paroles et des actes et est ainsi parfaitement transparent à ses semblables… Il dit et fait ce qu'il est… Achille ne regarde pas en arrière. Il ne fait allusion à son expérience passée qu'incidemment pour constater, sans commentaires, que ses sentiments ont varié. Il ne revendique jamais la responsabilité de ses actes. " 1.3. Les dieux et les hommes dans l'Iliade. L'action se déroule à plusieurs niveaux et dans plusieurs lieux (au chant 1 : le camp, le rivage, la tente d'Achille, en mer, Chrysè, l'Olympe. A travers ces scènes multiples, il y a une opposition fondamentale, celle du monde des hommes et du monde des dieux, Troie et l'Olympe. Dans le chant 1, on peut dénombrer d'une part les interventions des dieux dans le monde humain, comme celles d'Apollon ou de Thétis, qui se rendent à l'appel direct respectivement de Chrysès (le prêtre de l'un) et d'Achille (la mère de l'autre) , d'autre part les scènes qui se déroulent entre dieux, dans leur monde propre. Ces éléments constituent donc deux mondes séparés, liés par des interventions ponctuelles des dieux sur les hommes.  1.3.1. Les dieux. — Les poèmes homériques ne sont pas une cosmogonie, ni une théologie : les dieux ne sont pas plus présentés individuellement que les héros ; supposés connus des auditeurs, ils sont intégrés à l'action. On est bien loin du panthéon classique des douze dieux aux attributions bien définies. Les dieux ont moins des attributions propres que des goûts personnels (Arès aime la guerre, il n'en est pas le dieu) . Ils constituent une famille réelle, unoikos, au même titre que n'importe quelle famille humaine. L'univers est réparti entre les trois frères issus de Cronos et Rhéa : Zeus, qui réside sur l'Olympe, est le maître du ciel ; Poséidon, celui des mers ; Hadès celui des Enfers (15, 187-193) . Autour de Zeus se trouve sa famille : sa femme, Héra (qui est aussi sa sœur) , ses enfants légitimes, Arès ou Héphaïstos, et illégitimes : Aphrodite, Phoibos, Artémis, Hermès, Athéna. Leurs relations sont celles d'une famille humaine… et même d'une famille peu exemplaire : Héra est une épouse acariâtre capable de toutes les ruses arriver à ses fins ; Zeus essaie d'avoir la paix, mais est volage ; la famille connaît jalousies et adultères (Arès et Aphrodite,Od. , 8) . Leurs motivations n'ont rien de spécifiquement divin (cf. au chant 1, les réactions de Thétis, de Phoibos, d'Héra et Athéna, de Zeus) . Leurs liens sont de dette et d'obligation, de famille, de vassalité. Ils préservent leurtimè. Leur seule particularité est leur immortalité et leur pouvoir sur le monde physique. Ces dieux manquent si
terriblement de dignité que certains philosophes de l'Antiquité -dont Platon-considéraient que l'œuvre d'Homère devait être bannie de la cité idéale.  1.3.2. Les hommes. E. R. Dodds,Les Grecs et l'irrationnel, Flammarion (Champs) , I, "les excuses d'Agamemnon" : La notion de "moi" n'a pas réellement de sens dans le monde homérique. L'individu est une sorte de "champ de forces ", et il est décrit en des termes qui s'appliquent d'ailleurs indifféremment à l'homme, aux animaux ou aux phénomènes naturels. La personnalité est réduite au souffle vital, lapsyché,dont la seule fonction est "d'y être" : après la mort elle s'évanouit pour n'être plus qu'une fumée impalpable (Patrocle et Achille ; Ulysse et Anticlée) . Il n'y a pas d'âme immortelle : cf. Achille dans laNékuia,Od. , 11. Lethumos,localisé dans le diaphragme, "signifie qu'il doit boire ou manger ou tuer un ennemi, il conseille et met les mots dans la bouche ; chacun peut converser avec lui, ou avec son cœur, ou avec son ventre [Ulysse]. Il peut agir contre lethumos… lethumosne fait pas partie, c'est une instance indépendante ". Le savoir,noos,est compréhension : ne pas comprendre, c'est justement faire la faute : "Les Troyens se souvinrent de la fuite et oublièrent toute résistance". Lemenos(cf.Il., 5, 125, ou Télémaque, Ulysse) est l'énergie vitale, dont l'excès met dans un état anormal qui permet de faire des choses normalement impossibles, comme de combattre les dieux (Diomède) . — Ces manifestations sont celles d'undaimon,idée brillante ou stupide, reconnaissance de personnage, compréhension d'un éclair, d'un présage. Tout ce qui est incompréhensible, idée, évènement vient d'un daimôn : cf. Teucer et la corde de son arc,Il. , 15, 461. C'est donc la façon favorite qu'ont les dieux d'agir sur les hommes, par exemple l'atè :cf.Il. , 19, 86 et 270 s. est un état d'âme, un obscurcissement momentané de la conscience morale. C'est en fait une folie passagère et partielle, et, comme toute folie, elle est attribuée à un agent démonique, par exemple provoquée parle vin. Elle n'est pas une punition, mais cause et non résultat (cf. La témérité de Patrocle) . Elle est envoyée par les dieux, par l'intermédiaire de l'Erinys, pour l'accomplissement de lamoira, la portion de destin qui est celle de chacun. Les dieux peuvent aveugler l'entendement d'un homme même pendant un certain temps : cf. Hélène et Pâris, Il. , 6, 357 ; Glaucos et Diomède, 6, 234. Absence de l'idée de libre choix. L'homme est donc livré au pouvoir des impulsions des dieux, et n'a pas même l'espoir d'un avenir au-delà de la mort. Le souvenir qu'il laisse derrière lui, dans la mémoire des hommes ou dans sa postérité, est le seul moyen de se survivre (Cf. voir ce que dit Achille dans laNékuia, Od. , 11)  1.3.2. Le système des valeurs. — Aidos, le respect de l'opinion publique, et latimè,la part d'honneur qui revient à chacun, la réputation, lekléos, l'arété,reconnaissance de la valeur par l'opinion publique, que l'on respecte (aidos), par crainte de laNémésis :c'est ce qui pousse Achille à rendre le corps d'Hector,Il., 24. Beauté du corps en armes, civilisation de la honte : dans une société sans transcendance, tout est affaire de position dans la hiérarchie sociale, et dans les réseaux entrecroisés des familles et des vassalités. L'homme qui a perdu la face, l'homme seul, sont perdus. — H. Lloyd-Jones,The Justice of Zeus,Berkeley, L. A. , London : University of California Press, 1971 : Zeus est-il concerné par la justice? Quel type de justice? Les hommes sont d'une nature profondément différente des dieux, sont, dans le meilleur des cas, livrés à une fortune mixte [les jarres], leur vie chez Hadès n'est guère qu'une survie [Ulysse et Achille]. Zeus n'est le père des dieux et des hommes que dans le sens où il les gouverne : les hommes ne sont pas ses enfants (comme dans le monde judéo-chrétien) , mais ils sont nés des pierres jetées par Deucalion, et leur protecteur n'est
pas Zeus, mais Prométhée [mythe du feu volé et punition]. En fait, les dieux punissent les hommes au moindre manquement, comme les nobles traitent leurs paysans : tout n'est question que detimèet de respect des hiérarchies. D'un point de vue moderne, de tels dieux peuvent paraître injustes. Mais du point de vue d'Homère ou d'Eschyle (Apollon et Cassandre) , ils sont parfaitement dans leur droit. Le concept grec d'ordre exigeait que chaque dieu et chaque homme reçoive latimèlui revenait. Et qui diké, que l'on traduit ordinairement par justice, veut dire respect de l'ordre établi. Toutefois, Zeus occupe une place à part par rapport à la justice : il a la même position que les rois pour les hommes. Il exerce un vague contrôle général sur les évènements, et dans la mesure où sa pensée est identique avec les évènements à venir, le futur est connu de lui et de quiconque connaît sa pensée. Lamoira, la part de chacun est en dernier ressort, identique à la volonté de Zeus. Lorsque Héra lui parle de Sarpédon, elle ne fait que lui parler de la cohérence de sa politique générale. Zeus a trois fonctions particulières : protecteur des serments, des étrangers et des suppliants. L'Iliade, chant par chant. Ce document doit beaucoup à l'édition de V. Magnien,Iliade,Paris, Hachette, 1928, dont on a utilisé les résumés qui figurent en tête de chaque chant. Chant 1 : Colère d'Achille Sujet :Achille, irrité contre Agamemnon, décide d'abandonner les Achéens dans leur lutte contre les Troyens. Zeus, prenant le parti d'Achille, promet de donner la victoire aux Troyens. Résumé : -Invocation. Sujet du poème (1-11) . Chrysès prêtre d'Apollon, venu au camp des Achéens pour racheter sa fille, captive d'Agamemnon, est repoussé et outragé (12-32) . Chrysès demande vengeance à Apollon, qui envoie la peste aux Achéens (33-53) . Après 9 jours, Achille convoque l'assemblée. Calchas, encouragé par Achille, annonce qu'Apollon veut venger son prêtre (54-100) . Agamemnon accepte de renvoyer Chryséis, mais réclame une compensation immédiate. Achille reproche à Agamemnon son avidité, et menace de quitter l'armée. Agamemnon déclare qu'il prendra Briséis (101-187) . Achille, prêt à tuer Agamemnon, est arrêté par Athéna (188-222) . Achille jure que les Achéens le regretteront (223-244) . Nestor essaie de les calmer, mais en vain (245-303) . Ulysse emmène Chryséis ; l'armée se purifie ; Agamemnon envoie chercher Briséis (304-348) . Achille appelle sa mère, la supplie d'aller trouver Zeus ; Thétis accepte (349-427) . Chryséis est rendue à son père, qui apaise Apollon ; sacrifices aux dieux ; Ulysse revient à l'armée ; Achille reste désormais inactif (428-492) . Thétis, dans l'Olympe, adresse sa demande à Zeus : celui-ci promet de donner la victoire aux Troyens (493-530) . Héra soupçonne ce qui s'est passé et fait des reproches à Zeus, qui répond par des menaces (531-567) . L'assemblée des dieux est émue ; Héphaïstos conseille à sa mère de se soumettre, rappelle comment lui-même il fut puni. Héra se soumet ; les dieux rient, banquettent joyeusement puis vont se coucher (568-611) . Commentaire : -Action : sujet du poème (la colère d'Achille et ses effets : la suprématie provisoire des Troyens) ; début inmedias res (les évènement précédents, la personnalité des héros, les lieux où se situe l'action, sont évoqués dans le cours du poème) . -Temps : action répartie sur 21 jours ; 2/3 de discours qui permettent de prendre connaissance des personnages et des décisions qui sont prises.
-Lieu : la scène se déroule dans plusieurs lieux. Parmi ces scènes multiples, il y a une opposition fondamentale entre le monde des hommes et le monde des dieux, Troie et l'Olympe. Chant 2 : Le songe. Catalogue des Vaisseaux. Sujet: Achéens et Troyens vont engager la bataille : le poète dénombre les forces en présence. Résumé : Zeus, pour tenir sa promesse, envoie à Agamemnon un songe trompeur, qui lui promet la victoire et l'engage à rassembler l'armée (1-52) . Conseil des Anciens. On décide d'un plan : Agamemnon feindra de conseiller le retour, les Anciens feront décider la bataille (53-86) . Aux Achéens réunis, Agamemnon propose de renoncer à la guerre : ils courent vers leurs vaisseaux (87-154) , et seule l'intervention d'Ulysse, poussé par Athéna, réussit à les retenir (155-210) . Interventions de Thersite (211-277) , d'Ulysse (278-335) , de Nestor (336-368) , d'Agamemnon (369-393) . Préparatifs de bataille (411-483) , le poète invoque les Muses. Catalogue des forces achéennes (484-779) . Les deux armées marchent à la rencontre l'une de l'autre (780-815) . Le poète énumère les chefs des Troyens et de leurs alliés (816-877) . Commentaire : -Les évènements ne prennent qu'une partie de la première journée de bataille. Accumulation de détails sur les faits et les êtres. -Le Songe : si les actes des dieux nous sont expliqués, ceux des humains nous sont présentés sans autre explication que celles qu'ils se donnent les uns aux autres, et c'est au lecteur d'en comprendre les raisons : l'inquiétude générale et le mécontentement devant la défection d'Achille et les querelles des chefs. Les "manipulations" s'enchaînent (Zeus, Agamemnon, Athéna, Ulysse) avec des moyens propres à chacun : songe menteur, apparition, éloquence, violence. -Le Catalogue : Enumération des chefs et de leur origine, aperçus sur les cycles épiques antérieurs ; énumération des contingents, géographie du monde homérique. -Les deux armées sont présentées en mouvement : rôles des comparaisons. Chant 3 : Les Serments. Sujet :Ménélas et Pâris se battent en combat singulier pour mettre fin à la guerre ; mais Pâris est vaincu est sauvé par Aphrodite. Résumé : Troyens et Achéens vont à la bataille (1-14) . Pâris provoque les chefs achéens, mais a peur en voyant Ménélas (15-37) . Hector l'oblige à accepter un combat dont l'enjeu sera Hélène et ses trésors (38-75) . Hector propose le duel aux Achéens qui l'acceptent, mais veulent que Priam lui-même vienne conclure le traité (76-120) . Iris annonce le combat à Hélène et lui inspire le désir de revoir son ancien époux (121-145) . Les vieillards troyens admirent sa beauté, mais souhaitent qu'elle retourne en son pays (146-160) . Priam questionne Hélène sur les chefs achéens aperçus dans la plaine (161-244) . Priam arrive sur le champ de bataille : sacrifice et serments (245-313) . Hector et Ulysse mesurent le terrain, Pâris s'arme (314-339) . Pâris a le dessous, et Aphrodite le délivre et l'emporte (340-382) . Aphrodite, sous les traits d'une servante vient chercher Hélène sur les remparts : Hélène résiste, puis obéit, et va retrouver Pâris auquel elle reproche sa lâcheté, mais à qui elle cède (421-448) . Ménélas cherche en vain Pâris, et Agamemnon proclame la victoire de Ménélas et demande l'exécution du traité (446-461) . Commentaire :
1/-La guerre pourrait s'arrêter là, car tout le monde s'attend à la mort de Pâris, et tous souhaitent la paix. Mais Zeus ne le veut pas (60) . Le décalage entre le désir de paix des hommes et la vindicte des dieux est une nouvelle fois mis en valeur. -Le chant fait connaître les personnages : Pâris et Hélène, héros des deux camps. Il montre les états d'âme des Troyens, de Priam, d'Hélène. Il rappelle le passé. -La scène se déroule en plusieurs endroits en même temps, et le poète prend et abandonne des personnages qu'il retrouve ensuite à un autre moment de leurs actions : il donne ainsi l'impression d'un monde en mouvement où il se déplace en témoin invisible. -On a trouvé curieux que le duel entre Ménélas et Pâris ne se produise qu'après neuf ans de siège. Mais c'est la première fois que les deux armées se retrouvent face à face dans la plaine, et que la partie est égale en raison de l'absence d'Achille. 2/ Résumé de cours : 1 :L'aspect des armées de l'Iliaden'a rien à voir avec celui d'armées organisées, mais d'un conglomérat de bandes rassemblées autour d'un chef de guerre, avec un dispositif d'assemblées successives (chant 2) . Au combat, chaque troupe se déplace avec son chef, qui décide à l'occasion de rester "près des tentes".2-9 : La comparaison des Troyens aux grues : La comparaison fait référence à une image connue de l'auditeur, pour lui faire ressentir quelque chose d'un monde qu'il ne peut connaître. L'étude des correspondances en éclaire le sens : Troyens= animaux dangereux pour des hommes "mesurant une coudée", mais aussi proie des chasseurs ; poussant des cris inarticulés (barbares) . La valeur de la comparaison est renforcée par les vers 8/9 : silence, fureur, et solidarité ; la comparaison aux grues reçoit donc son sens a posteriori, et a contrario de l'opposition entre les grues/Troyens, rassemblement d'individus sans projet commun, et le serment qui unit les Achéens et vient d'être rappelé au début du chant 2.10-14 :Autre comparaison. Système de composition de l'Iliade, par unités autonomes, fermées sur elles-mêmes. Ici, tableau en soi, juxtaposé au précédent : pourrait être utilisé dans un autre contexte (composition orale) . Mais cohérence de l'image : mouvement de la brume (brume de montagne, vent du sud et rapidité) , pour arriver à l'obscurité. L'image ramène l'auditeur d'une vision lointaine, à celle de quelqu'un placé au cœur de la mêlée.16-37 :La rencontre entre Pâris Alexandre et Ménélas. -Scène close sur elle-même, élément de la spirale/ fonction : Alexandre sort des lignes et provoque (action habituelle) , un adversaire se présente/il recule. Néanmoins, l'action a avancé, puisqu'elle entraîne le duel qui est à l'origine du parjure des Troyens. -Jeux de symétrie et d'asymétrie : Ménélas le voit, comparaison, action // Pâris voit Ménélas, comparaison action = fermeture de la scène qui répond à l'ouverture (16-20) . Contrastes et renversement : à l'attitude de bravache de Pâris répond celle de Ménélas, et la peur de Pâris. Renforcement par les comparaisons : la première exprime le point de vue du lion (joie, faim, courage) , l'autre celui de l'homme (frisson, retraite, pâleur) . Le lion et le serpent, qui représentent tous deux Ménélas, traduisent les deux points de vue. Oppositions à un niveau moins évident, entre l'éphèbe et le guerrier fait. Ironie d'Homère? "Alexandre semblable aux dieux"? Le personnage le moins sympathique de l'Iliade, détesté à la fois par les Achéens et les Troyens (le premier Troyen que l'on voit agir : emblématique!) .38-75 :L'échange entre Hector et Pâris : la première fois que l'on voit les adversaires discuter de la guerre. Les Troyens ont la parole, ce qui est important : d'abord les guerriers, avec les deux principaux ; puis les femmes, dont Hélène, et les vieillards : on a donc une vision d'ensemble du camp adverse.
Problème en marge : pourquoi les Troyens ont-ils accepté l'acte de Pâris? La psychologie des héros homériques : -L'Iliadedécrit une société guerrière et la dette d'honneur comme mécanisme : Priam entraîne songenos, qui entraîne Troie, qui entraîne les alliés. Le serment des Achéens, et leur dette (chant 2 : ne pas réduire l'Iliadeà une guerre impérialiste) . La parole donnée comme lien entre les gens, et le sentiment de l'honneur comme sentiment de l'individu. La point de vue sur les gens ne change rien : Hector pense du mal de son frère, mais il est fidèle au lien du sang. Si Pâris n'est pas mort, c'est que " les Troyens sont trop timides". Pâris se voit reprocher le contraste entre son allure et ce qu'il est. Pâris répond en rendant hommage au courage de son frère et prétendant qu'il est que ce qu'il est par la volonté des dieux, une vérité acceptée par tous : les personnages d'Homère se voient comme la proie de manifestations diverses à l'origine desquelles il y a d'une part un tempérament et des dons naturels (le cœur d'Hector, la beauté de Pâris) , et d'autre part des interventions divines (Hélène, un peu plus tard) . Le sentiment de leur honneur est la seule valeur à laquelle les héros puissent se rattacher. La composition du passage est caractéristique de la composition homérique, et de sa rhétorique : Hector insulte Pâris sur sa couardise ; parle des Achéens ; rappelle sa responsabilité ; propose d'affronter Ménélas ; se moque de sa beauté, et des dons d'Aphrodite ; menace de la réaction des Troyens. Pâris répond en vantant le courage de son frère, mais en mettant en avant le rôle des dieux (début et fin) et accepte la proposition du combat avec Ménélas en précisant le contrat. Lorsque Hector va négocier avec les Achéens, il reprend les termes mêmes de Pâris, élément caractéristique de la composition orale : chaque élément annoncé est obligatoirement refermé, pour éviter la perte. La répétition rappelle la question et la réponse. Tous ces éléments sont à la fois traditionnels (refrains, chansons à tiroir) , et normaux. Et tout cela contient le théâtre classique en germe. Chant 4 : Violation des serments. Revue des troupes par Agamemnon. Sujet : Le traité est rompu : Agamemnon exhorte les Achéens ; la bataille commence. Résumé : L'assemblée des dieux décide que le traité sera rompu et que la guerre va reprendre, puisque Troie doit périr (1-67) . A la requête de Zeus, Athéna descend sur le champ de bataille, et pousse Pandaros à tirer une flèche sur Ménélas : celui-ci n'est que blessé (68-219) . Les Troyens s'avancent, et Agamemnon exhorte ses troupes et leurs chefs au combat (220-421) . La bataille s'engage (517-544) . Commentaire : -La scène divine initiale, et l'intervention d'Athéna à sa suite rappellent opportunément le rôle des dieux dans la perte de Troie. Zeus, qui a besoin du combat pour tenir sa promesse, mais manifeste son indifférence à l'égard de la destruction de Troie, obtient un engagement symétrique d'Héra pour l'avenir : il est donc le véritable vainqueur. -Les Troyens ont rompu le pacte, et ainsi scellé leur sort à longue échéance. Bien que manipulés, ils sont responsables de n'avoir pas reconnu le piège. -Agamemnon passe en revue les troupes pour les exalter au combat : le discours est différent pour chaque chef, faisant appel à son honneur, ou fouaillant son apparente couardise. C'est une façon aussi de présenter une fois encore les héros du combat qui suit, et de fixer leur image pour l'auditeur. -Le combat qui commence est une scène de bataille comparable aux autres : elles sont relativement stéréotypées, caractérisées par les personnages en présence, les coups frappés de part et d'autre (nature de l'arme, échec ou résultat du coup : point
d'impact, description de la blessure, et éventuellement de la mort, conséquences sur le combat : lutte autour du corps, vengeance du camp adverse) . On notera que le plus souvent, l'enchaînement des combats est présenté comme une suite de réactions individuelles à la mort d'un compagnon, et la bataille comme une suite de combats singuliers sur lesquels l'auteur porte successivement son regard. Analyse des v. 1-67.-Tableau des dieux sur le parvis de l'Olympe, banquetant en contemplant Troie. -La provocation de Zeus : il ne s'agit que d'une plaisanterie, mais elle rappelle cruellement à Héra l'origine de la querelle, en mettant en valeur la puissance d'Aphrodite. Héra et Athéna ont pu considérer que Ménélas devait l'emporter : Aphrodite a une nouvelle fois "truqué" le jeu. Mais elle ne pouvait faire autrement : Pâris est son protégé, et elle doit le sauver pour ne pas perdre la face. Pour les mêmes raisons, Héra et Athéna ne peuvent accepter que les Troyens échappent à leur sort : tout le monde est prêt à rendre Hélène, sauf Pâris, mais Héra et Athéna ne peuvent pas se déjuger, pas plus qu'Aphrodite. Plusieurs volontés concurrentes s'exercent chacune pour son propre compte et aboutissent finalement à la perte de Troie. Quant à Zeus, Homère ne dit pas qu'il le fait exprès, mais on peut remarquer que si la paix était signée, il ne tiendrait pas sa promesse à Thétis. Il est donc forcé d'intervenir. La ruse de Zeus est d'amener Héra à agir et négocier son intervention en lui faisant des concessions. Il abandonne Troie, bien qu'il soit choyé dans la ville, en négociant sa perte contre celle d'autres cités. Peut-être ce chant annonce-t-il la destruction de Mycènes. -L'attitude d'Athéna est conforme à sa nature : elle est raisonnable, chérie de son père, et respectueuse. C'est un modèle de fille, comme Héra est un "modèle" d'épouse. L'attitude de celle-ci est différente, et elle prétend représenter les intérêts des dieux, en accord avec son statut : elle est la sœur et l'épouse de Zeus, elle a le même rang que Zeus. La seule chose qui fasse la différence, c'est la force de Zeus (parfois comparé à un Hercule de foire! cf. 46, 50, 164, 177, 179, 296, 304) . Mais Héra dit des choses sensées, qui peuvent inquiéter Zeus (voir plus loin la mort de Sarpédon) . 337 : Négociation, promesse, hiérarchie (les autres dieux suivront) . Zeus a néanmoins réussi à imposer son idée (la fin de Troie est décidée, mais rien n'et dit sur les modalités de cette fin) . L'idée fait que les Troyens se mettent en tort : piège de la divinité. Chant 5 : Exploits de Diomède. SujetLes Achéens, grâce à Diomède aidé d'Athéna, luttant contre les Troyens : conduits par Hector et favorisés par Arès et Apollon, connaissent une alternance de succès et de revers. Résumé: Diomède, illuminé par Athéna, épouvante les Troyens. Athéna écarte Arès (1-36) . Bataille générale (37-83) . Blessure de Diomède, meurtre de Pandaros, Enée est sauvé par Aphrodite, qui est blessée par Diomède (84-327) . Aphrodite blessée se réfugie sur l'Olympe où Héra et Athéna se moquent d'elle et Zeus la console. Diomède repoussé par Apollon (328-453) . Apollon excite Arès qui exhorte les Troyens, recul des Achéens (628-710) . Héra et Athéna viennent à la rescousse, avec l'autorisation de Zeus. Diomède et Athéna blessent Arès (711-909) . Commentaire : -Ce chant est l'aristéeDiomède dont les premiers éléments ont été donnés au de chant précédent et qui se terminera au chant suivant. On peut y voir la trace de parties
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