L allégorie dans les poèmes de style élevé de Ronsard - article ; n°1 ; vol.28, pg 65-80
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 65-80
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 132
Langue Français

Extrait

Yvonne Bellenger
L'allégorie dans les poèmes de style élevé de Ronsard
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 65-80.
Citer ce document / Cite this document :
Bellenger Yvonne. L'allégorie dans les poèmes de style élevé de Ronsard. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1976, N°28. pp. 65-80.
doi : 10.3406/caief.1976.1107
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1107L'ALLÉGORIE DANS LES POÈMES
DE STYLE ÉLEVÉ DE RONSARD
Communication de Mme Yvonne BELLENGER
{Paris)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1975.
Je ne parlerai de l'allégorie que dans quelques-uns des
poèmes de style élevé de Ronsard, et non pas dans tous.
Autrement, il me faudrait considérer les Odes, les Amours,
les Hymnes, les Discours, La Franciade, la plupart des
poèmes d'éloge, un grand nombre de poèmes de circons
tances . . .
Il ne sera question ici que de quelques sonnets des
Amours de 1552 (les Amours de Cassandre), de quelques
vers des Discours de 1562 et 1563, et des hymnes contemp
orains des et parés du titre ravissant Les Quatre
Saisons de l'an. Je sais bien qu'il serait intéressant d'essayer
de différencier mythologie et allégorie dans certaines des
odes, par exemple, de chercher à définir la limite entre
allégorie et abstraction personnifiée d'une part, et d'autre
part entre et abstraction sans
personnification à propos de textes comme les Hymnes de
l'Éternité ou de la Philosophie, de la Justice ou de la Mort,
pour ne citer que ceux-là. Mais, faute de temps, je suis
obligée de me limiter.
D'autre part, il est courant, du moins en France, de
considérer l'allégorie littéraire comme une habitude méd
iévale, supplantée au xvie siècle par la vogue de la mythol
ogie. Tout n'est pas faux dans cette façon de voir, et il
est certain que le caractère énigmatique de plusieurs
poèmes de Ronsard est imputable à la complication des
5 66 YVONNE BELLENGER
allusions mythologiques plutôt qu'à la recherche allégo
rique. Cependant, les choses ne sont pas si simples. Que
dire, en effet, du mode de présentation et de l'interpré
tation choisis par Ronsard pour conter la fable d'Hercule
dans l'hymne intitulé Hercule chrestien ? Nous sommes
là en pleine « allégorie », au sens herméneutique du terme,
et dans la plus pure tradition médiévale. Pourtant, je
laisserai aussi ce poème de côté malgré son intérêt, et cela
pour deux raisons : la première, c'est qu'Hercule chrestien
a déjà été étudié, et fort bien, par Marc-René Jung dans
son livre sur Hercule dans la littérature française du XVIe
siècle (i) ; la seconde, c'est que ces « moralisations » de la
fable antique me paraissent rares chez Ronsard, qui pra
tique plus volontiers, me semble-t-il, le syncrétisme rel
igieux que l'herméneutique allégorique (2).
Je m'en tiendrai donc à l'examen de quelques traits
formels, c'est-à-dire que je ne m'occuperai d'allégorie
qu'au sens stylistique ou rhétorique du mot, à l'exclusion
du sens large (3).
Je commencerai par l'allégorie qui me paraît la plus
inattendue, la plus frappante peut-être, dans l'œuvre du
Vendômois : celle du sonnet 136 des Amours de 1552 (dans
la numérotation de Laumonier). Le souvenir du Roman de
la Rose y est si évident qu'on est d'abord tenté de n'y voir
qu'un pastiche, ou à tout le moins une citation. A moins
qu'on ne préfère parler d'hommage ? Rappelons ces vers :
(1) Genève, Droz, 1966. En particulier, pp. 105 et suiv.
(2) Cf. ces vers de l'Hymne de la Justice :
. . . Car Jupiter, Pallas, Apollon, sont les noms
Que le seul Dieu reçoit en memtes nations
Pour ses divers effectz que l'on ne peut comprendre,
Si par mille surnoms on ne les fait entendre.
(VIII, p. 69, v. 47З-476)
(Toutes les citations sont faites dans l'édition Laumonier, S.T.F.M.).
(3) Le mot allégorie ne figure nulle part chez Ronsard qui n'emploie
Zu'une seule fois allégorique, mais au sens que nous venons d'écarter,
'est au début de l'Abbregê de l'Art poétique françois, dans la phrase :
« Car la Po sie n'estoit au premier aage qu'une Theologie allegoricque »
(XIV, p. 4). En revanche, on trouve le mot allégorie, employé pour dési
gner une figure de style, dans La Def fence et illustration de la langue fran-
çoyse de du Bellay (I, v ; éd. Chamard de 194S, p. 35). L'ALLÉGORIE CHEZ RONSARD 67
Hà, Belacueil, que ta doulce parolle
Vint traistrement ma jeunesse offenser
Quand au premier tu l'amenas dancer
Dans le verger, l'amoureuse carolle.
Amour adonq me mit à son escolle,
Ayant pour maistre un peu sage penser
Qui des le jour me mena commencer
Le chapelet de la danse plus folle.
Depuis cinq ans dedans ce beau verger,
Je voys balant avecque faulx danger. . .
On le sait, les inexactitudes abondent et ont dûment été
relevées par les spécialistes (4) : dans le Roman de la Rose,
ce n'est pas Faux Danger — lequel, d'ailleurs, n'existe
pas — qui mène le bal, mais Déduit ; l'Amant n'est pas
invité par Bel Accueil, par Courtoisie, et Danger ne
participe pas aux danses. Il n'en est pas moins intéressant
de voir ici Ronsard reprendre la vieille imagerie allégorique,
en guise de variation parmi d'autres procédés lyriques,
pour suggérer les affres de l'amour insatisfait.
Mais le sonnet n'est pas terminé et le dernier tercet
allegorise le détail de ce bal allégorique :
Le tabourin se nommoit fol plaisir,
La fluste erreur, le rebec vain désir,
Et les cinq pas la perte de mon ame.
On surprend ici le poète de la Renaissance, émule du mod
èle médiéval, qui, le temps d'un poème, restitue le charme
et la délicatesse d'un monde où les apparences décrivent
l'univers intérieur : le de la poésie allégorique.
La réussite est remarquable, mais elle est aussi rare que
l'imitation directe du Moyen Age français dans l'œuvre
de Ronsard. Plus courante, en revanche, l'imitation de
Pétrarque, et les réussites dans la manière pétrarquiste —
Pétrarque : autre modèle médiéval, soit dit en passant. Si
bien que le procédé de l'allégorie, tout compte fait, appar
aît comme un trait assez fréquent dans ces Amours de
1552 qu'on nous dépeint plus souvent comme encombrées,
voire gâtées, par les excès de la mythologie à la mode.
(4) Voir A. Pauphilet, « Ronsard, à la manière du Roman de la Rose »,
in Mélanges Huguet, pp. 194 et suiv. 68 YVONNE BELLENGER
Ainsi, dans le second quatrain du sonnet 89, cette allé
gorie de la chasse, contaminée par le souvenir de la légende
mythologique d'Actéon — à moins que ce ne soit le
contraire :
J'ay pour ma lesse un cordeau de malheur, limier un trop ardent courage,
J'ay pour mes chiens, et le soing, et la rage,
La cruaulté, la peine, et la douleur.
Lesquels chiens, on Га compris, vont dévorer leur maître !
De même, dans le sonnet 35, un cruel « penser », comparé
à un « Lion affamé », dévore le cœur de l'amant. Ou bien,
dans le sonnet 140, c'est le même « fol penser », amoureux
et malheureux, qui se voit personnifié, doué d'une vie
propre, et assimilé à l'image du vol téméraire d'Icare en
même temps que métamorphosé — et métaphorisé par
la même occasion — en un oiseau. En outre, la richesse
des implications allégoriques dans ce poème est encore
élargie par une rapide allusion au vieux thème de la psy-
chomachie, en l'occurrence au combat impuissant de la
Raison contre le Penser amoureux :
Ce fol penser pour s'en voler plus hault,
Apres le bien que haultain je desire,
S'est emplumé d'aillés joinctes de cire,
Propres à fondre aux raiz du premier chault.
Luy fait oyseau, dispost de sault en sault,
Poursuit en vain l'object de son martire,
Et toy, qui peux, et luy doys contredire,
Tu le vois bien, Raison, et ne t'en chault.
Ailleurs, dans le sonnet 81, c'est à un tigre qu'est com
paré le « soing meurtrier », au demeurant c

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