L’humanisme dans l’œuvre de Maurice Carême « Souvenirs » (2011)
Des années durant, Maurîce Carême songe à écrîre en prose ses souvenîrs et tout partîcuîèrement ceux en reatîon avec cette enance paradîsîaque qu’î passe à Wavre, sa vîe natae, dans une amîe modeste.
ors d’un des séjours de créatîon à Orva dans es années soîxante, assîs dans e petît 1 boîs d’épîcéas quî surpombe et a route de Vîers à Orva, et a rîvîère a Marche, et e vîage rançaîs de Margny, î réaîse que a poésîe uî permettra bîen mîeux que a prose d’exprîmer es mîe et un aspects de cette rîchesse d’émotîons qu’î porte en uî.
C’est îndénîabement dans e recueî posthumeSouvenirsparu en 2011 que se reLètent et ’ébouîssement et aussî a nostagîe des bonheurs vécus enant et adoescent.
Aux enêtres du temps, J’aî regardé e monde. Je me suîs vu, enant, Jouant tout seu dans ’ombre.
Que aîsaîs-je, rîant Dans es herbes proondes ? Aux enêtres du temps S’enuyaîent es coombes.
Je me voyaîs parant Comme ’on pare en songe Dressé sur e cîe sombre Aînsî qu’un rosîer banc 2 Aux enêtres du temps.
On pourraît croîre que ’œuvre va s’éaborer surtout dans ce Brabant waon où î ne cessera de retourner. ï avoue ne pouvoîr se passer de ces paysages dont î connat es moîndres détaîs. Maîs ses îeux d’înspîratîon sont à ce poînt nombreux que ’on reste étonné à découvrîr eur dîversîté : Orva et ses envîrons (bîen sûr, î y passe quatorze étés consécutîs de 1954 à 1970), a mer du Nord (Coxyde et Heyst de 1966 à 1969), a Meuse et es Ardennes rançaîses (de 1960 à 1970), Tîremont (1970) où jadîs î a aît ses études normaes prîmaîres, es Apes (juîet 1973), a Normandîe (août 1973), a Bretagne (août 1974), es Pyrénées (juîet 1975 et 1976), es vaées du oîng (juîet 1972), du ot et du Céé (juîet 1974), de a Dordogne (août 1975), sans oubîer e ac d’Annecy (août 1976), dernîer îeu d’înspîratîon avant que a maadîe ne ’empêche de voyager. 1. Le bois a été abattu et n’existe donc plus. 2. Poème « Aux fenêtres du temps », inSouvenirs,p. 22. 9
Souvenirsva se construîre entement, patîemment nous projetant tant et tant de détaîs de sa jeunesse que e recueî se révèe une authentîque autobîographîe. Maurîce Carême en a-t-î eu e desseîn ? Certes pas. Souvent î s’étonne des vers qu’î découvre sur sa page comme sî uî-même étaît étranger à cette înspîratîon.
Je naîssaîs. a rue des Fontaînes Sentaît a marjoaîne. C’étaît en maî, ee sentaît a marjoaîne et e muguet. […] Des hîrondees se posaîent 3 Comme des Leurs sur a enêtre.
a présence de a mèreécaîre bîen des textes :
Où e vîsage de ma mère 4 Mettaît sans In de a umîère.
Je prenaîs a maîn de ma mère Pour a serrer dans es deux mîennes Comme ’on prend une umîère 5 Pour s’écaîrer quand es nuîts vîennent.
Pas étonnant que je te voîe encor Par-dessus tous es horîzons, Mère quî us pus bee en ta saîson Que mîe aurores, Pus soeîeuse que mîe moîssons, Et pus uîsante dans ma nuît 6 Que ’œî proond de mîe puîts.
7 N’a-t-on pas écrît à propos de Maurîce Carême que es poèmes du recueîMère étaîent parmî es pus beaux sur ce sujet jamaîs écrîts depuîs Françoîs Vîon ?
e père ? Maurîce Carême avoue qu’î ne e verra enant que e dîmanche. ï travaîe tôt et tard et est peîntre en bâtîment. Maîs ces dîmanches seront pour son Is de vérîtabes 8 êtes des pères .
Tu te souvenaîs de ton père Quî, par es journées de beau temps, Peîgnaît des açades austères 9 Dans une vîe dure aux vents.
3. Vers extraits du poème « Je naissais »,op. cit.,p. 10. 4. Fin du poème « C’étaient des pins »,op. cit.,p. 23. re 5strophe du poème « La main de ma mère ». 1 ,op. cit.,p. 33. 6. Poème « Mère qui fut plus belle… »,op. cit.,p. 161. 7. 1935. 8. Poème « Fête des pères »,inÀ cloche-pied,p. 43. e 9strophe du poème « C’était le temps… », in. 2 Souvenirs,p. 9. 10
Sa vîe, a campagne brabançonne avec ses vîages, ses champs, ses boîs, ses rîvîères ne cessent de venîr projeter îeux et paysages. Même orsqu’î est oîn d’eux, îs împosent eur présence dans ’œuvre. eurs noms émaîent es vers et vous entranent où Maurîce Carême se ressource. Vous sont-îs encore étrangers ? On Inît par en douter tant îs vous devîennent amîîers. Mystère de a poésîe, de ses pouvoîrs sur votre înconscîent !
À Grez-Doîceau, ah ! que d’oîseaux ! À Dîon-e-Mont, ah ! que de joncs ! Et quequeoîs, cea me navre Moî quî suîs né à Wavre.
Non que Wavre n’aît pas d’oîseaux, Non que Wavre n’aît pas de joncs, Maîs ee es traîte de haut es aîssant dans ses onds.
ï est vraî qu’à Wavre, a Dye A toujours aîssé es ontaînes Chanter dans une rue tranquîe. N’y suîs-je né moî-même ?
Puîs Wavre, c’est Wavre parbeu ! Ses pavés sont es seus au monde Où mon pas aît tînter de ’ombre 10 Parmî es gens heureux.
a Dye quî gîssaît tout près me murmuraît Sans se asser es sîmpes mots dont je eraîs Ces aîrs quî passeraîent aînsî que des courîs 11 Dans es roseaux jaseurs et tendres de son ît.
’enance : e temps sembe à ce poînt aboî que e ecteur se retrouve à son tour enant jouant, rîant, rêvant.
Au temps bénî de mon enance, Je m’endormaîs, tranquîe et sage, Comme un îvre d’îmages
Dont ma mère tournaît es pages. Et es anîmaux, pour me suîvre 12 Dans mes rêves, sortaîent du îvre.
13 Enant des bonheurs sans raîson…
Je m’en aaîs en ce temps-à Avec des bîes d’or en poche,
10. Poème « Wavre »,op. cit.,p. 19. 11. Vers extraits du poème « Le berceau », op. cit.,p. 13. 12. Vers extraits du poème « Au temps béni de mon enfance »,op. cit.,p. 67. 13. Vers extrait du poème du même nom,op. cit.,p. 18. 11
J’aaîs aussî oîn que es coches Résonnent derrîère es boîs.
J’étaîs ’Aga-Khan, ouîs Treîze, Ma tour étaît un peupîer Où je montaîs pour voîr à ’aîse 14 Mon royaume, e monde entîer.
J’en étaîs sûr, es étoîes N’étaîent jetées dans es cîeux Comme une puîe de pétaes 15 Que pour a joîe de mes yeux.
a neîge étaît aors sî bee Que je n’osaîs marcher dedans. Sur tous es toîts, rîaîent es anges. es oîseaux, e ong des sentîers Qu’îs n’avaîent pourtant qu’eleurés, 16 aîssaîent des étoîes étranges.
Maîs en Inîraîs-je jamaîs 17 De reparer de mon enance ?
J’avaîs aors sept ans Et je m’înterrogeaîs souvent… « Jusqu’où vont-îs, ces peupîers, Demandaîs-je à ma mère. 18 Se perdent-îs dans a umîère ? »
Et soudaîn, à a In du poème « a maîson de mon père » ces vers ourds de nostagîe :
Aujourd’huî, je ne suîs pus rîen, Même en a maîson de mon père, Qu’un vîeî homme quî se souvîent 19 D’avoîr, enant, été umîère.
’écoe, autre îeu de mîrace quotîdîen pour ’enant que ut Maurîce Carême. ï garde de son înstîtuteur des souvenîrs dont î évoque es tendresses jusqu’à a In de sa vîe. Ceuî-cî récompense ses éèves en eur ofrant un bîscuît « petît beurre » eur permettant de e manger durant a eçon où îs se sont dîstîngués. « C’étaît pour es enants pauvres que nous étîons un uxe. Je e dégustaîs ongtemps à tout petîts morceaux », conIaît-î.
[…] Nous n’avîons jamaîs vu e matre
e e 14strophes du poème « Je m’en allais en ce temps-là »,et 3 . 2 op. cit.,p. 17. 15. Fin du poème « J’étais César »,op. cit.,p. 32. 16. Vers extraits du poème « Était-ce bien la même neige ? »,op. cit.,p. 52. 17. Vers extraits du poème « Monsieur Léon »,op. cit.,p. 75. 18. Extrait du poème « J’avais alors sept ans »,op. cit.,p. 122. 19. Vers extraits du poème « La maison de mon père »,op. cit,p. 176. 12
Que vêtu d’une bouse beue. Sa sîhouette, à a enêtre, Faîsaît pus beu e beu des cîeux.
Nous n’aurîons pas trouvé étrange Qu’un beau matîn, ’oîseau du saue, Ce devaît être une mésange, Vnt se poser sur son épaue.
ï étaît sî tendre avec nous Que, sî par hasard sa maîn banche Nous caressaît un peu a joue, 20 Nous nous sentîons roî dans es branches. […]
J’aaîs à ’écoe en sabots. Que joî bruît sur a chaussée ! J’aaîs à ’écoe en sabots, J’étaîs e rère des nuées.
C’étaît bîen moî que es oîseaux Sauaîent dans es gramînées, C’étaît bîen moî que es oîseaux Suîvaîent tout e ong de ’aée.
orsque a coche m’appeaît, Je rîaîs à a dérobée, orsque a coche m’appeaît, Je a rayaîs de ma pensée.
Ne voyaîs-je pas de a casse Un petît oîseau vert et grîs Courîr et chanter à ma pace 21 Dans ’ombre des pommîers Leurîs ?
22 es sabots ? ï va es évoquer dès es poèmes deMère .« Nous ne portîons des souîers que es dîmanches et es jours de ête. J’aî donc su très tôt que ’argent n’étaît pas e garant 23 du bonheur, puîsque nous étîons pauvres et heureux ».
Je me souvîens de cette écoe Où nous revenîons en septembre. ’ombre y jouaît à pîgeon voe. 24 Nos bancs sentaîent a nouvee encre.
Septembre ? On songe à René-Guy Cadou et à son poème « Automne ». Maîs on est oîn îcî des «ennuyeuses vacances»évoquées par e poète de ouîsert que Maurîce Carême
20. Extrait du poème « Le maître d’école »,op. cit.,p. 16. 21. Poème « J’allais à l’école en sabots »,op. cit.,p. 27. 22. Poème « Il y avait mes sabots », inMère,p. 20, n°IX. 23. Propos recueillis par la Fondation Maurice Carême. re 24strophe du poème « Je me souviens de cette école »,. 1 op. cit.,p. 147. 13
découvre chez un antîquarîa du îvre en 1950 îttéraement transporté par e recueîLes brancardiers de l’aube. Queques moîs pus tard, a nouvee tombe comme un couperet : René-Guy Cadou vîent de mourîr à 31 ans !
Maîs revenons à ces vacances carémîennes.
Je traversaîs ’été, comme d’autres a France, Sur a barque dorée de mes grandes vacances.
J’avaîs un arc et une Lèche de sureau Et je m’îmagînaîs être charmeur d’oîseaux. […] Un tronc d’arbre évîdé me servaît de château ; 25 Au boîs, une poîgnée de raîses, de gâteau.
Après des études secondaîres înérîeures, Maurîce Carême obtîent en septembre 1914 à ’Écoe normae de Tîremont une bourse d’études quî va uî permettre d’entreprendre des 26 études normaes prîmaîres. ’enseîgnement n’étant toujours pas obîgatoîre en Begîque , es études secondaîres supérîeures sont payantes et ne sont accessîbes qu’aux casses prîvîégîées. Maurîce écrît depuîs ’âge de quînze ans. Éève brîant, son proesseur de rançaîs, Juîen Kuypers, conscîent d’avoîr dans sa casse un utur poète, va ’encourager et ’amener à mettre ses poèmes au poînt.
a guerre a commencé e 4 août. ’armée d’occupatîon a réquîsîtîonné tous es moyens de transports. Maurîce Carême se verra contraînt à aîre à pîed, chaque In et début de semaîne, es trente-troîs kîomètres quî séparent Wavre de Tîremont.
Mon sac appesantî de cahîers et de îvres Me meurtrîssaît ’épaue, et pourtant je rîaîs Et peuraîs en pensant à ce paîn d’une îvre 27 Que ma mère avaît aît de roment et de aît.
Quand, après avoîr traversé Maînts vîages, je revenaîs à pîed De ’écoe de Tîremont, a nuît tombaît sur Bîez.
Une enêtre, Très oîn, s’aumaît dans une maîson. Et je ne savaîs pas pourquoî Cette vître écaîrée 28 Me rempîssaît d’émoî. […]
Nous étîons quatre compagnons Revenant à pîed de ’écoe.
25. Vers extraits du poème « Je traversais l’été »,op. cit.,p. 141. 26. La loi ne sera votée qu’en 1921. e 27. 2 strophe du poème « Le moulin à vent »,op. cit.,p. 160. 28. Début du poème « Le retour de l’école »,op. cit.,p. 152. 14
Que de paînes à aîre en ong, Que de îeues à semees moes !
ï y avaît Carîer, Chatîn, Abert et moî, e pus antasque. Nous marchîons gaîs comme des masques En aîsant chanter es chemîns. […] Nous étîons quatre compagnons Revenant à pîed de ’écoe. es années ont tourné en rond Et uî tees des grîves oes.
Me voîcî seu sur cette route Dont on a coupé es îas. ’automne sur es champs se couche 29 Et, demaîn, ’hîver sera à.
a méancoîe sous-tend es mots quî se bouscuent sur a euîe banche. Tout ce passé ressurgît au I des pages. a maîson amîîae que es parents ont acquîse à Wavre orsque Maurîce Carême avaît sept ans en 1906 se era de pus en pus e symboe du bonheur de ’enance et de a jeunesse du poète.
Je tournaîs dans a rue Marschouw, Je rappaîs au cînquante-troîs. J’entendaîs tîrer e verrou, a porte s’ouvraît devant moî.
À cause du soeî de juîn Quî racassaît toute a rue, Je ne voyaîs que es deux maîns De ma mère déjà tendues
Et, derrîère ee, scîntîant Sur a tabe dans un rayon Tombé du carreau, e bo bond Posé près du paîn de roment.
Et, comme sî je pénétraîs Détendu dans un autre monde, J’avançaîs brusquement muet Entre es meubes quî rîaîent 30 Comme des vîsages dans ’ombre.
Carême retrouve dans de très nombreux poèmes deSouvenirsson domaîne prîvîégîé : a campagne, es prés, es boîs et ce sîence quî, enant, déjà e ascîne, ce sîence quî sera pus tard îé à sa créatîon îttéraîre. Un sîence bîen sûr tout habîté de chants d’oîseaux, du bruît de ’eau quî coue et du vent quî vîrevote dans es arbres… 29. Extraits du poème « Quatre compagnons »,op. cit.,p. 150. 30. Poème « Rue Marschouw »,op. cit.,p. 89.
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a paîne étaît îmmense Et îmmenses, es boîs. J’y passaîs mes vacances Comme sur un troîs-mâts. Dans a hune des branches, J’abordaîs quequeoîs Au cœur beu du sîence. Et je demeuraîs à Au mîîeu des mésanges Quî retenaîent eur voîx Sans comprendre pourquoî J’étaîs sî mahabîe À îre ’évangîe 31 D’un humbe bout de boîs.
[…] Déjà e brouîard încertaîn Vaporîsaît tous es oîntaîns. Et, noyé dans e banc sîence Annonçant a In des vacances, Tu ne comprenaîs pas pourquoî ï te aaît quîtter es boîs Pour voîr ta vîe, tout en devoîrs, 32 Épîngée sur un tabeau noîr.
es ongs jours de vacances Arrîvaîent pourtant à eur In, Maîs j’étaîs sûr d’attendre en vaîn Que vnt septembre.
Rentreraîs-je jamaîs 33 En casse ? J’airmaîs que non.
C’étaît vers a In des vacances. e soîr ouvraît ses aîes d’ange. Assîs sur e haut du coteau, Je regardaîs mourîr dans ’ombre Dîon-e-Va et son château. 34 C’étaît pour moî e bout du monde.
a nature est partout trîomphante et se magnîIe en îmages dont e poète deBrabant a depuîs toujours e secret. ïmages ortes, en symbîose paraîte avec e contexte où ees s’întègrent, mîeux se ondent. Est-ce une des raîsons pour aquee sî peu de crîtîques îttéraîres beges en souîgneront a magîe :
31. Poème « Au cœur du silence »,op. cit.,p. 79. 32. Fin du poème « Tu regardais »,op. cit.,p. 82. 33. Vers extraits du poème « Assis au pied d’un hêtre »,op. cit.,p. 131. re 34. 1strophe du poème « La In des vacances »,op. cit.,p. 47. 16
e vent, comme un enant dîstraît, 35 Passaît à travers es jardîns...
[…] Magré e prîntemps quî couaît À arges Laques de musîque 36 Sur es pommîers du moîs de maî.
a vîe, à peîne réveîée, Se avaît es yeux dans a Dye. […] À ’înInî, des peupîers S’en aaîent, e soeî au dos, Comme une bande d’écoîers 37 Montant, aègres, e coteau.
38 e vent rîaît au bras du temps.
Des hauteurs de Chérémont, Quî endaîent comme une étrave 39 a nuît noyant es maîsons…
40 e soîr ouvraît ses aîes d’ange.
Dès qu’à mîdî es écoîers, Comme une bande d’oîseaux ous, 41 S’étaîent brusquement envoés…
’été scîntîe, transparent, Avec ’écat d’un dîamant Qu’un soeî ent, maîs entêté 42 Ne cesse jamaîs de taîer.
Sî, pour ’enant qu’î est, a vîe déborde de bonheur, de jeux dans une campagne quî ’émerveîe, où a branche se métamorphose en arc, en Lèche, en sabre, en usî, î pressent très tôt que a vîe des adutes est pesante de travaî et de peînes quotîdîennes.
« Mon Dîeu ! que es jours sont courts ! Dîsaît ma mère, et sî ourds ! »
Je ne saîs quee détresse Passaît au ond de ses yeux À voîr es pîgeons sans cesse Monter, îbres, vers es cîeux.
35. Vers extraits du poème « La Ille de notre voisine »,op. cit.,p. 58. 36. Vers extraits du poème « C’était le temps… »,op. cit.,p. 9. 37. Vers extraits du poème « Je devais être jeune encor… »,op. cit.,p. 24. 38. Vers extrait du poème « Ma mère ne pensait à rien »,op. cit.,p. 30. 39. Vers extraits du poème « J’étais César »,op. cit.,p. 32. 40. Vers extrait du poème « La In des vacances »,op. cit.,p.47. 41. Vers extraits du poème « La Ille du concierge »,op. cit.,p. 64. 42. Vers extraits du poème « Comme l’eau passe »,op. cit.,p. 165. 17
Ee s’asseyaît, es bras Ma croîsés sur son corps as.
Et je a regardaîs, trîste De a voîr aînsî sî trîste. Aors, me prenant a maîn, Ee dîsaît sîmpement :
43 « Va jouer mon pîgeon banc. »
Je me souvîens de tant de jours Où ma mère étaît à a peîne, De tant de jours et de semaînes 44 Dont rîen jamaîs ne revîendra.
Va-t-î oubîer pour autant de projeter des souvenîrs pus tardîs dans sa vîe d’homme 45 et de poète, même s’îs sont vraîment mînorîtaîres. a mer du Nord ne se aîsse pas oubîer. Orva dans un poème quî uî aît transcender ’hîver et a neîge qu’î voît tomber au dehors, assîs à sa tabe, dans sa Maîson banche à Anderecht.
Je songe au soeî qu’î aîsaît aors, Je croyaîs marcher sur e bord des cîeux Tant ’ombre, à ’orée des pîns, sembaît beue. 46 Je n’étaîs pus moî... j’étaîs ’unîvers…
Et aussî Nemours, où î se rendît ors de son séjour à Moret dans a vaée du oîng. à aussî es souvenîrs uî renvoîent son îmage marchant e sac au dos avec « pour bagage// un sac quî ne pesaît pas ourd ».
Maîs ouî, tu étaîs à Nemours. Sur e oîng, tranaîent des nuages. ïs ne te paraîent que d’amour. […] e cîe écaîraît ton vîsage Aînsî qu’un îmmense abat-jour. es maîsons te crîaîent bonjour. a joîe rîaît dans ton sîage. 47 e temps, pour toî, n’avaît pus cours.
Magré es joîes, es bonheurs vécus, î saît e temps înexorabe. Sî a mort, pour uî, n’aura jamaîs ce vîsage tragîque que tant d’hommes uî donnent, ee est à présente. Que de oîs dîra-t-î : « a mort, maîs c’est a chose a pus naturee quî soît, orsqu’î y a vîe, î y a mort ».
43. Poème « Que les jours sont courts »,op. cit.,p. 73. 44. Début du poème « Je me souviens de tant de jours »,op. cit.,p. 166. 45. Ibid.,pp.157-158. 46. Vers extraits du poème « J’écoute le pas… »,op. cit.,p. 154. 47. Début et In du poème « Tu étais à Nemours »,op. cit.,p. 153. 18
Et je rîaîs pus ort encor. 48 Que savaîs-je aors de a mort ?
J’habîtaîs près du cîmetîère.
Est-ce pour cea que a mort M’est devenue sî amîîère Que j’en pare aujourd’huî encor Comme un enant pare à sa mère ?
Bîen à ’aîse sur e coteau, Je regardaîs es rangs de croîx Posées comme de grands oîseaux À ’ombre des hauts acacîas.
Mon Dîeu ! de quoî auraîs-je eu peur ? e toît rouge de ma maîson DéIaît sans In es saîsons.
Ma maîn tenaît a maîn du temps, Moî aussî, j’étaîs éterne. Dès que j’ouvraîs es bras au vent,
49 Mes yeux se rempîssaîent de cîe.
ï se pourraît bîen que es morts Cachent au ond de eurs prunees Un petît morceau de soeî Quî es rend éternes. […] Comment sînon apercevraîs-je es yeux tranquîes de ma mère Quî, douces ampes amîîères, 50 uîsent au ond de moî ?
En 1972, î est nommé e 9 maî 1972 « Prînce en poésîe » à Parîs. e tître uî est remîs au céèbre restaurant e Procope. e 23 juîet, î écrît dans sa modeste chambre d’hôte à Moret avec a racheur d’âme quî est a sîenne :
Prînce ? auraît dît ma mère. Aussîtôt, ee auraît bîen rî. Ee n’avaît sur son ogîs Que e bason de a umîère.
Moî quî buvaîs e aît au ître Et adoraîs ’odeur des sîmpes, Comment auraîs-je aît, sî sîmpe, Pour scîntîer comme une vître ? 48. Vers extraits du poème « Le plat de tartines »,op. cit.,p. 37. 49. Poème « J’habitais près du cimetière »,op. cit.,p. 43. re 50et dernière strophes du poème « Les yeux de ma mère »,. 1 op. cit.,p. 172. 19