L humanisme dans l oeuvre de Maurice Carême (Souvenirs)
13 pages
Français

L'humanisme dans l'oeuvre de Maurice Carême (Souvenirs)

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
13 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Étude du recueil "Souvenirs" de Maurice Carême paru en 2011

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 11 mai 2016
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

Bulletin Maurice Carême, n° 59, 2016
L’humanisme dans l’œuvre de Maurice Carême « Souvenirs » (2011)
 Des années durant, Maurîce Carême songe à écrîre en prose ses souvenîrs et tout partîcuîèrement ceux en reatîon avec cette enance paradîsîaque qu’î passe à Wavre, sa vîe natae, dans une amîe modeste.
 ors d’un des séjours de créatîon à Orva dans es années soîxante, assîs dans e petît 1 boîs d’épîcéas quî surpombe et a route de Vîers à Orva, et a rîvîère a Marche, et e vîage rançaîs de Margny, î réaîse que a poésîe uî permettra bîen mîeux que a prose d’exprîmer es mîe et un aspects de cette rîchesse d’émotîons qu’î porte en uî.
 C’est îndénîabement dans e recueî posthumeSouvenirsparu en 2011 que se reLètent et ’ébouîssement et aussî a nostagîe des bonheurs vécus enant et adoescent.
Aux enêtres du temps, J’aî regardé e monde. Je me suîs vu, enant, Jouant tout seu dans ’ombre.
Que aîsaîs-je, rîant Dans es herbes proondes ? Aux enêtres du temps S’enuyaîent es coombes.
Je me voyaîs parant Comme ’on pare en songe Dressé sur e cîe sombre Aînsî qu’un rosîer banc 2 Aux enêtres du temps.
 On pourraît croîre que ’œuvre va s’éaborer surtout dans ce Brabant waon où î ne cessera de retourner. ï avoue ne pouvoîr se passer de ces paysages dont î connat es moîndres détaîs. Maîs ses îeux d’înspîratîon sont à ce poînt nombreux que ’on reste étonné à découvrîr eur dîversîté : Orva et ses envîrons (bîen sûr, î y passe quatorze étés consécutîs de 1954 à 1970), a mer du Nord (Coxyde et Heyst de 1966 à 1969), a Meuse et es Ardennes rançaîses (de 1960 à 1970), Tîremont (1970) où jadîs î a aît ses études normaes prîmaîres, es Apes (juîet 1973), a Normandîe (août 1973), a Bretagne (août 1974), es Pyrénées (juîet 1975 et 1976), es vaées du oîng (juîet 1972), du ot et du Céé (juîet 1974), de a Dordogne (août 1975), sans oubîer e ac d’Annecy (août 1976), dernîer îeu d’înspîratîon avant que a maadîe ne ’empêche de voyager. 1. Le bois a été abattu et n’existe donc plus. 2. Poème « Aux fenêtres du temps », inSouvenirs,p. 22. 9
Souvenirsva se construîre entement, patîemment nous projetant tant et tant de détaîs de sa jeunesse que e recueî se révèe une authentîque autobîographîe. Maurîce Carême en a-t-î eu e desseîn ? Certes pas. Souvent î s’étonne des vers qu’î découvre sur sa page comme sî uî-même étaît étranger à cette înspîratîon.
Je naîssaîs. a rue des Fontaînes  Sentaît a marjoaîne. C’étaît en maî, ee sentaît a marjoaîne et e muguet. […] Des hîrondees se posaîent 3 Comme des Leurs sur a enêtre.
a présence de a mèreécaîre bîen des textes :
Où e vîsage de ma mère 4 Mettaît sans In de a umîère.
Je prenaîs a maîn de ma mère Pour a serrer dans es deux mîennes Comme ’on prend une umîère 5 Pour s’écaîrer quand es nuîts vîennent.
Pas étonnant que je te voîe encor  Par-dessus tous es horîzons, Mère quî us pus bee en ta saîson  Que mîe aurores, Pus soeîeuse que mîe moîssons,  Et pus uîsante dans ma nuît 6  Que ’œî proond de mîe puîts.
7  N’a-t-on pas écrît à propos de Maurîce Carême que es poèmes du recueîMère étaîent parmî es pus beaux sur ce sujet jamaîs écrîts depuîs Françoîs Vîon ?
 e père ? Maurîce Carême avoue qu’î ne e verra enant que e dîmanche. ï travaîe tôt et tard et est peîntre en bâtîment. Maîs ces dîmanches seront pour son Is de vérîtabes 8 êtes des pères .
Tu te souvenaîs de ton père Quî, par es journées de beau temps, Peîgnaît des açades austères 9 Dans une vîe dure aux vents.
3. Vers extraits du poème « Je naissais »,op. cit.,p. 10. 4. Fin du poème « C’étaient des pins »,op. cit.,p. 23. re 5strophe du poème « La main de ma mère ». 1 ,op. cit.,p. 33. 6. Poème « Mère qui fut plus belle… »,op. cit.,p. 161. 7. 1935. 8. Poème « Fête des pères »,inÀ cloche-pied,p. 43. e 9strophe du poème « C’était le temps… », in. 2 Souvenirs,p. 9. 10
Sa vîe, a campagne brabançonne avec ses vîages, ses champs, ses boîs, ses rîvîères ne cessent de venîr projeter îeux et paysages. Même orsqu’î est oîn d’eux, îs împosent eur présence dans ’œuvre. eurs noms émaîent es vers et vous entranent où Maurîce Carême se ressource. Vous sont-îs encore étrangers ? On Inît par en douter tant îs vous devîennent amîîers. Mystère de a poésîe, de ses pouvoîrs sur votre înconscîent !
À Grez-Doîceau, ah ! que d’oîseaux ! À Dîon-e-Mont, ah ! que de joncs ! Et quequeoîs, cea me navre  Moî quî suîs né à Wavre.
Non que Wavre n’aît pas d’oîseaux, Non que Wavre n’aît pas de joncs, Maîs ee es traîte de haut  es aîssant dans ses onds.
ï est vraî qu’à Wavre, a Dye A toujours aîssé es ontaînes Chanter dans une rue tranquîe.  N’y suîs-je né moî-même ?
Puîs Wavre, c’est Wavre parbeu ! Ses pavés sont es seus au monde Où mon pas aît tînter de ’ombre 10  Parmî es gens heureux.
a Dye quî gîssaît tout près me murmuraît Sans se asser es sîmpes mots dont je eraîs Ces aîrs quî passeraîent aînsî que des courîs 11 Dans es roseaux jaseurs et tendres de son ît.
 ’enance : e temps sembe à ce poînt aboî que e ecteur se retrouve à son tour enant jouant, rîant, rêvant.
Au temps bénî de mon enance, Je m’endormaîs, tranquîe et sage, Comme un îvre d’îmages
Dont ma mère tournaît es pages. Et es anîmaux, pour me suîvre 12 Dans mes rêves, sortaîent du îvre.
13 Enant des bonheurs sans raîson…
Je m’en aaîs en ce temps-à Avec des bîes d’or en poche,
10. Poème « Wavre »,op. cit.,p. 19. 11. Vers extraits du poème « Le berceau », op. cit.,p. 13. 12. Vers extraits du poème « Au temps béni de mon enfance »,op. cit.,p. 67. 13. Vers extrait du poème du même nom,op. cit.,p. 18. 11
J’aaîs aussî oîn que es coches Résonnent derrîère es boîs.
J’étaîs ’Aga-Khan, ouîs Treîze, Ma tour étaît un peupîer Où je montaîs pour voîr à ’aîse 14 Mon royaume, e monde entîer.
J’en étaîs sûr, es étoîes N’étaîent jetées dans es cîeux Comme une puîe de pétaes 15 Que pour a joîe de mes yeux.
a neîge étaît aors sî bee Que je n’osaîs marcher dedans. Sur tous es toîts, rîaîent es anges. es oîseaux, e ong des sentîers Qu’îs n’avaîent pourtant qu’eleurés, 16 aîssaîent des étoîes étranges.
Maîs en Inîraîs-je jamaîs 17 De reparer de mon enance ?
J’avaîs aors sept ans Et je m’înterrogeaîs souvent… « Jusqu’où vont-îs, ces peupîers, Demandaîs-je à ma mère. 18 Se perdent-îs dans a umîère ? »
Et soudaîn, à a In du poème « a maîson de mon père » ces vers ourds de nostagîe :
Aujourd’huî, je ne suîs pus rîen, Même en a maîson de mon père, Qu’un vîeî homme quî se souvîent 19 D’avoîr, enant, été umîère.
 ’écoe, autre îeu de mîrace quotîdîen pour ’enant que ut Maurîce Carême. ï garde de son înstîtuteur des souvenîrs dont î évoque es tendresses jusqu’à a In de sa vîe. Ceuî-cî récompense ses éèves en eur ofrant un bîscuît « petît beurre » eur permettant de e manger durant a eçon où îs se sont dîstîngués. « C’étaît pour es enants pauvres que nous étîons un uxe. Je e dégustaîs ongtemps à tout petîts morceaux », conIaît-î.
[…] Nous n’avîons jamaîs vu e matre
e e 14strophes du poème « Je m’en allais en ce temps-là »,et 3 . 2 op. cit.,p. 17. 15. Fin du poème « J’étais César »,op. cit.,p. 32. 16. Vers extraits du poème « Était-ce bien la même neige ? »,op. cit.,p. 52. 17. Vers extraits du poème « Monsieur Léon »,op. cit.,p. 75. 18. Extrait du poème « J’avais alors sept ans »,op. cit.,p. 122. 19. Vers extraits du poème « La maison de mon père »,op. cit,p. 176. 12
Que vêtu d’une bouse beue. Sa sîhouette, à a enêtre, Faîsaît pus beu e beu des cîeux.
Nous n’aurîons pas trouvé étrange Qu’un beau matîn, ’oîseau du saue, Ce devaît être une mésange, Vnt se poser sur son épaue.
ï étaît sî tendre avec nous Que, sî par hasard sa maîn banche Nous caressaît un peu a joue, 20 Nous nous sentîons roî dans es branches. […]
J’aaîs à ’écoe en sabots. Que joî bruît sur a chaussée ! J’aaîs à ’écoe en sabots, J’étaîs e rère des nuées.
C’étaît bîen moî que es oîseaux Sauaîent dans es gramînées, C’étaît bîen moî que es oîseaux Suîvaîent tout e ong de ’aée.
orsque a coche m’appeaît, Je rîaîs à a dérobée, orsque a coche m’appeaît, Je a rayaîs de ma pensée.
Ne voyaîs-je pas de a casse Un petît oîseau vert et grîs Courîr et chanter à ma pace 21 Dans ’ombre des pommîers Leurîs ?
22  es sabots ? ï va es évoquer dès es poèmes deMère .« Nous ne portîons des souîers que es dîmanches et es jours de ête. J’aî donc su très tôt que ’argent n’étaît pas e garant 23 du bonheur, puîsque nous étîons pauvres et heureux ».
Je me souvîens de cette écoe Où nous revenîons en septembre. ’ombre y jouaît à pîgeon voe. 24 Nos bancs sentaîent a nouvee encre.
 Septembre ? On songe à René-Guy Cadou et à son poème « Automne ». Maîs on est oîn îcî des «ennuyeuses vacances»évoquées par e poète de ouîsert que Maurîce Carême
20. Extrait du poème « Le maître d’école »,op. cit.,p. 16. 21. Poème « J’allais à l’école en sabots »,op. cit.,p. 27. 22. Poème « Il y avait mes sabots », inMère,p. 20, n°IX. 23. Propos recueillis par la Fondation Maurice Carême. re 24strophe du poème « Je me souviens de cette école »,. 1 op. cit.,p. 147. 13
découvre chez un antîquarîa du îvre en 1950 îttéraement transporté par e recueîLes brancardiers de l’aube. Queques moîs pus tard, a nouvee tombe comme un couperet : René-Guy Cadou vîent de mourîr à 31 ans !
Maîs revenons à ces vacances carémîennes.
Je traversaîs ’été, comme d’autres a France, Sur a barque dorée de mes grandes vacances.
J’avaîs un arc et une Lèche de sureau Et je m’îmagînaîs être charmeur d’oîseaux. […] Un tronc d’arbre évîdé me servaît de château ; 25 Au boîs, une poîgnée de raîses, de gâteau.
 Après des études secondaîres înérîeures, Maurîce Carême obtîent en septembre 1914 à ’Écoe normae de Tîremont une bourse d’études quî va uî permettre d’entreprendre des 26 études normaes prîmaîres. ’enseîgnement n’étant toujours pas obîgatoîre en Begîque , es études secondaîres supérîeures sont payantes et ne sont accessîbes qu’aux casses prîvîégîées. Maurîce écrît depuîs ’âge de quînze ans. Éève brîant, son proesseur de rançaîs, Juîen Kuypers, conscîent d’avoîr dans sa casse un utur poète, va ’encourager et ’amener à mettre ses poèmes au poînt.
 a guerre a commencé e 4 août. ’armée d’occupatîon a réquîsîtîonné tous es moyens de transports. Maurîce Carême se verra contraînt à aîre à pîed, chaque In et début de semaîne, es trente-troîs kîomètres quî séparent Wavre de Tîremont.
Mon sac appesantî de cahîers et de îvres Me meurtrîssaît ’épaue, et pourtant je rîaîs Et peuraîs en pensant à ce paîn d’une îvre 27 Que ma mère avaît aît de roment et de aît.
Quand, après avoîr traversé Maînts vîages, je revenaîs à pîed De ’écoe de Tîremont,  a nuît tombaît sur Bîez.
 Une enêtre, Très oîn, s’aumaît dans une maîson. Et je ne savaîs pas pourquoî Cette vître écaîrée 28 Me rempîssaît d’émoî. […]
Nous étîons quatre compagnons Revenant à pîed de ’écoe.
25. Vers extraits du poème « Je traversais l’été »,op. cit.,p. 141. 26. La loi ne sera votée qu’en 1921. e 27. 2 strophe du poème « Le moulin à vent »,op. cit.,p. 160. 28. Début du poème « Le retour de l’école »,op. cit.,p. 152. 14
Que de paînes à aîre en ong, Que de îeues à semees moes !
ï y avaît Carîer, Chatîn, Abert et moî, e pus antasque. Nous marchîons gaîs comme des masques En aîsant chanter es chemîns. […] Nous étîons quatre compagnons Revenant à pîed de ’écoe. es années ont tourné en rond Et uî tees des grîves oes.
Me voîcî seu sur cette route Dont on a coupé es îas. ’automne sur es champs se couche 29 Et, demaîn, ’hîver sera à.
 a méancoîe sous-tend es mots quî se bouscuent sur a euîe banche. Tout ce passé ressurgît au I des pages. a maîson amîîae que es parents ont acquîse à Wavre orsque Maurîce Carême avaît sept ans en 1906 se era de pus en pus e symboe du bonheur de ’enance et de a jeunesse du poète.
Je tournaîs dans a rue Marschouw, Je rappaîs au cînquante-troîs. J’entendaîs tîrer e verrou, a porte s’ouvraît devant moî.
À cause du soeî de juîn Quî racassaît toute a rue, Je ne voyaîs que es deux maîns De ma mère déjà tendues
Et, derrîère ee, scîntîant Sur a tabe dans un rayon Tombé du carreau, e bo bond Posé près du paîn de roment.
Et, comme sî je pénétraîs Détendu dans un autre monde, J’avançaîs brusquement muet Entre es meubes quî rîaîent 30 Comme des vîsages dans ’ombre.
 Carême retrouve dans de très nombreux poèmes deSouvenirsson domaîne prîvîégîé : a campagne, es prés, es boîs et ce sîence quî, enant, déjà e ascîne, ce sîence quî sera pus tard îé à sa créatîon îttéraîre. Un sîence bîen sûr tout habîté de chants d’oîseaux, du bruît de ’eau quî coue et du vent quî vîrevote dans es arbres… 29. Extraits du poème « Quatre compagnons »,op. cit.,p. 150. 30. Poème « Rue Marschouw »,op. cit.,p. 89.
15
a paîne étaît îmmense Et îmmenses, es boîs. J’y passaîs mes vacances Comme sur un troîs-mâts. Dans a hune des branches, J’abordaîs quequeoîs Au cœur beu du sîence. Et je demeuraîs à Au mîîeu des mésanges Quî retenaîent eur voîx Sans comprendre pourquoî J’étaîs sî mahabîe À îre ’évangîe 31 D’un humbe bout de boîs.
[…] Déjà e brouîard încertaîn Vaporîsaît tous es oîntaîns. Et, noyé dans e banc sîence Annonçant a In des vacances, Tu ne comprenaîs pas pourquoî ï te aaît quîtter es boîs Pour voîr ta vîe, tout en devoîrs, 32 Épîngée sur un tabeau noîr.
es ongs jours de vacances Arrîvaîent pourtant à eur In, Maîs j’étaîs sûr d’attendre en vaîn Que vnt septembre.
Rentreraîs-je jamaîs 33 En casse ? J’airmaîs que non.
C’étaît vers a In des vacances. e soîr ouvraît ses aîes d’ange. Assîs sur e haut du coteau, Je regardaîs mourîr dans ’ombre Dîon-e-Va et son château. 34 C’étaît pour moî e bout du monde.
 a nature est partout trîomphante et se magnîIe en îmages dont e poète deBrabant a depuîs toujours e secret. ïmages ortes, en symbîose paraîte avec e contexte où ees s’întègrent, mîeux se ondent. Est-ce une des raîsons pour aquee sî peu de crîtîques îttéraîres beges en souîgneront a magîe :
31. Poème « Au cœur du silence »,op. cit.,p. 79. 32. Fin du poème « Tu regardais »,op. cit.,p. 82. 33. Vers extraits du poème « Assis au pied d’un hêtre »,op. cit.,p. 131. re 34. 1strophe du poème « La In des vacances »,op. cit.,p. 47. 16
e vent, comme un enant dîstraît, 35 Passaît à travers es jardîns...
[…] Magré e prîntemps quî couaît À arges Laques de musîque 36 Sur es pommîers du moîs de maî.
a vîe, à peîne réveîée, Se avaît es yeux dans a Dye. […] À ’înInî, des peupîers S’en aaîent, e soeî au dos, Comme une bande d’écoîers 37 Montant, aègres, e coteau.
38 e vent rîaît au bras du temps.
Des hauteurs de Chérémont, Quî endaîent comme une étrave 39 a nuît noyant es maîsons…
40 e soîr ouvraît ses aîes d’ange.
Dès qu’à mîdî es écoîers, Comme une bande d’oîseaux ous, 41 S’étaîent brusquement envoés…
’été scîntîe, transparent, Avec ’écat d’un dîamant Qu’un soeî ent, maîs entêté 42 Ne cesse jamaîs de taîer.
 Sî, pour ’enant qu’î est, a vîe déborde de bonheur, de jeux dans une campagne quî ’émerveîe, où a branche se métamorphose en arc, en Lèche, en sabre, en usî, î pressent très tôt que a vîe des adutes est pesante de travaî et de peînes quotîdîennes.
« Mon Dîeu ! que es jours sont courts ! Dîsaît ma mère, et sî ourds ! »
Je ne saîs quee détresse Passaît au ond de ses yeux À voîr es pîgeons sans cesse Monter, îbres, vers es cîeux.
35. Vers extraits du poème « La Ille de notre voisine »,op. cit.,p. 58. 36. Vers extraits du poème « C’était le temps… »,op. cit.,p. 9. 37. Vers extraits du poème « Je devais être jeune encor… »,op. cit.,p. 24. 38. Vers extrait du poème « Ma mère ne pensait à rien »,op. cit.,p. 30. 39. Vers extraits du poème « J’étais César »,op. cit.,p. 32. 40. Vers extrait du poème « La In des vacances »,op. cit.,p.47. 41. Vers extraits du poème « La Ille du concierge »,op. cit.,p. 64. 42. Vers extraits du poème « Comme l’eau passe »,op. cit.,p. 165. 17
Ee s’asseyaît, es bras Ma croîsés sur son corps as.
Et je a regardaîs, trîste De a voîr aînsî sî trîste. Aors, me prenant a maîn, Ee dîsaît sîmpement :
43 « Va jouer mon pîgeon banc. »
Je me souvîens de tant de jours Où ma mère étaît à a peîne, De tant de jours et de semaînes 44 Dont rîen jamaîs ne revîendra.
 Va-t-î oubîer pour autant de projeter des souvenîrs pus tardîs dans sa vîe d’homme 45 et de poète, même s’îs sont vraîment mînorîtaîres. a mer du Nord ne se aîsse pas oubîer. Orva dans un poème quî uî aît transcender ’hîver et a neîge qu’î voît tomber au dehors, assîs à sa tabe, dans sa Maîson banche à Anderecht.
Je songe au soeî qu’î aîsaît aors, Je croyaîs marcher sur e bord des cîeux Tant ’ombre, à ’orée des pîns, sembaît beue. 46 Je n’étaîs pus moî... j’étaîs ’unîvers…
 Et aussî Nemours, où î se rendît ors de son séjour à Moret dans a vaée du oîng. à aussî es souvenîrs uî renvoîent son îmage marchant e sac au dos avec « pour bagage// un sac quî ne pesaît pas ourd ».
Maîs ouî, tu étaîs à Nemours. Sur e oîng, tranaîent des nuages. ïs ne te paraîent que d’amour. […] e cîe écaîraît ton vîsage Aînsî qu’un îmmense abat-jour. es maîsons te crîaîent bonjour. a joîe rîaît dans ton sîage. 47 e temps, pour toî, n’avaît pus cours.
 Magré es joîes, es bonheurs vécus, î saît e temps înexorabe. Sî a mort, pour uî, n’aura jamaîs ce vîsage tragîque que tant d’hommes uî donnent, ee est à présente. Que de oîs dîra-t-î : « a mort, maîs c’est a chose a pus naturee quî soît, orsqu’î y a vîe, î y a mort ».
43. Poème « Que les jours sont courts »,op. cit.,p. 73. 44. Début du poème « Je me souviens de tant de jours »,op. cit.,p. 166. 45. Ibid.,pp.157-158. 46. Vers extraits du poème « J’écoute le pas… »,op. cit.,p. 154. 47. Début et In du poème « Tu étais à Nemours »,op. cit.,p. 153. 18
Et je rîaîs pus ort encor. 48 Que savaîs-je aors de a mort ?
J’habîtaîs près du cîmetîère.
Est-ce pour cea que a mort M’est devenue sî amîîère Que j’en pare aujourd’huî encor Comme un enant pare à sa mère ?
Bîen à ’aîse sur e coteau, Je regardaîs es rangs de croîx Posées comme de grands oîseaux À ’ombre des hauts acacîas.
Mon Dîeu ! de quoî auraîs-je eu peur ? e toît rouge de ma maîson DéIaît sans In es saîsons.
Ma maîn tenaît a maîn du temps, Moî aussî, j’étaîs éterne. Dès que j’ouvraîs es bras au vent,
49 Mes yeux se rempîssaîent de cîe.
ï se pourraît bîen que es morts Cachent au ond de eurs prunees Un petît morceau de soeî Quî es rend éternes. […] Comment sînon apercevraîs-je es yeux tranquîes de ma mère Quî, douces ampes amîîères, 50 uîsent au ond de moî ?
 En 1972, î est nommé e 9 maî 1972 « Prînce en poésîe » à Parîs. e tître uî est remîs au céèbre restaurant e Procope. e 23 juîet, î écrît dans sa modeste chambre d’hôte à Moret avec a racheur d’âme quî est a sîenne :
Prînce ? auraît dît ma mère. Aussîtôt, ee auraît bîen rî. Ee n’avaît sur son ogîs Que e bason de a umîère.
Moî quî buvaîs e aît au ître Et adoraîs ’odeur des sîmpes, Comment auraîs-je aît, sî sîmpe, Pour scîntîer comme une vître ? 48. Vers extraits du poème « Le plat de tartines »,op. cit.,p. 37. 49. Poème « J’habitais près du cimetière »,op. cit.,p. 43. re 50et dernière strophes du poème « Les yeux de ma mère »,. 1 op. cit.,p. 172. 19
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents