Le Parti radical et le Canada : Lord Durham et les Canadiens
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Le Parti radical et le Canada : Lord Durham et lesCanadiensJohn Stuart MillJanvier 1838Traduit de l'anglais par Mathieu Gauthier-Pilote et Olivier Gaiffe en juillet 2009.L'article original paraît en janvier 1838 dans la revue London and WestminsterReview, VI & XXVIII, 502-33. Il est également reproduit dans le volume VI (Essayson England, Ireland, and the Empire) de The Collected Works of John Stuart Mill,disponible en ligne via The Online Library of Liberty. Cette traduction est égalementdisponible sous forme d'un audiolivre via le site Mediatexte.fr et dans une éditionwikifiée via La Bibliothèque indépendantiste.À l'occasion de cet article, nous devions passer en revue et cerner les différentesdivisions du parti radical, dont les membres sont très nombreux, mais trèsdispersés ; ceci, afin de présenter à tous les différents collectifs dont il se compose,ce que font les autres et qui ils sont – autrement dit, ce qu'ils doivent connaître afinde savoir qui ils sont eux-mêmes ; afin qu'ils puissent se considérer sous le jour leplus propre à tempérer les défiances déraisonnables, comme les sympathies tropvives ; pour leur montrer le terrain sur lequel ils peuvent s'entendre et coopérer, lesobjectifs communs dans la réalisation desquels chacun trouverait la réalisation desbuts qui lui sont propres, par voie de conséquence : ce qui devrait être les points deconvergence des efforts de tous, et enfin la structure et la discipline qui donneraientà ces efforts ...

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Le Parti radical et le Canada : Lord Durham et lesCanadiensJohn Stuart MillJanvier 1838LT'raardtiucilte  doer igl'iannagl lapias rapîta re nM ajathniveiue r G1a8u3th8i edr-aPnilso tlea  reetv uOeli vLieorn dGoanif fae ned n Wjueillsettm i2n0s0te9r.oRne vEinegwl,a nVdI , &Ir eXlaXnVdII,I , a5n0d2 t-h3e3 . EIl mepsitr eé) gdalee Tmheen t Creolplreocdteuidt  dWaonrsk lse  ovf oJluomhne  SVtI u(aErst sMaiylls,disponible en ligne via The Online Library of Liberty. Cette traduction est égalementdisponible sous forme d'un audiolivre via le site Mediatexte.fr et dans une éditionwikifiée via La Bibliothèque indépendantiste.À l'occasion de cet article, nous devions passer en revue et cerner les différentesdivisions du parti radical, dont les membres sont très nombreux, mais trèsdispersés ; ceci, afin de présenter à tous les différents collectifs dont il se compose,ce que font les autres et qui ils sont – autrement dit, ce qu'ils doivent connaître afinde savoir qui ils sont eux-mêmes ; afin qu'ils puissent se considérer sous le jour leplus propre à tempérer les défiances déraisonnables, comme les sympathies tropvives ; pour leur montrer le terrain sur lequel ils peuvent s'entendre et coopérer, lesobjectifs communs dans la réalisation desquels chacun trouverait la réalisation desbuts qui lui sont propres, par voie de conséquence : ce qui devrait être les points deconvergence des efforts de tous, et enfin la structure et la discipline qui donneraientà ces efforts le maximum d'impact. Ce faisant, nous avons l'occasion de présenteren même temps aux non-sympathisants qui sont de bonne foi, un aperçu de cequ'est vraiment le radicalisme. Nous avons l'occasion de leur montrer que lesdémons et les spectres qui leur font craindre pour leur bienséance ne relèvent pasdu radicalisme, et n'ont aucun lien naturel avec lui, que ce qui en fait la substanceest non seulement compatible mais apparenté avec tout ce qu'il y eut de vénérableou de digne qu'on s'y attache dans les doctrines et les pratiques qui nous ont ététransmises de ces ancêtres et de ces grands professeurs qu'ils aiment à révérer,que ce sont les prétendus apôtres de ces opinions et de ces institutionstraditionnelles qui les déshonorent, que les vues basses auxquelles ils lesprostituent, et les faibles motifs sur lesquels ils s'appuient pour les défendre,affaiblissent l'emprise que ces vieilles idées ont sur les têtes et sur les cœurs, etqu'ils font sombrer ce qu'elles ont de bon et de noble dans le mépris général, aumême niveau que l'ignoble et le décadent, qu'il n'y a qu'en les interprétant du pointde vue du radicalisme qu'on peut les sauver, que pour qu'elles redeviennent un jourdes objets de vénération au sein de ce Monde Nouveau, il faut voir ces Antiquitéscomme les voient les radicaux, qu'ils doivent se réconcilier avec le radicalisme,qu'ils doivent se pénétrer de son esprit jusqu'à en déborder, que les Conservateursdoivent intégrer le credo des Radicaux au leur, et écarter tout ce qui estintrinsèquement incompatible avec lui, s'ils veulent que ce que le leur a de vrai et deprécieux pour le monde ne soit pas écrasé lors d'un combat inégal, et perdu. Eneffet, le radicalisme est quelque chose qui doit dominer. C'est quelque chose quiest porté tout à la fois par les meilleures comme par les pires influences qui sont àl'œuvre dans une civilisation en progrès ; et cette époque qui est la nôtre a tout auplus le pouvoir de décider quel type de radicalisme règnera le premier. Celadépendra principalement de l'attitude que ces classes, auxquelles la société afourni ses moyens d'instruction et de culture, auront peut-être la sagesse d'adoptervis-à-vis des autres, avant qu'il ne soit trop tard.C'étaient là les sujets auxquels le présent article devait initialement s'attacher ; ilsdevront cependant attendre notre prochaine publication.1 A l'heure actuelle a surgiune question qui laisse en souffrance ces grands principes, qui suspend touteaction unie chez les radicaux, qui met aux prises les amis des institutionspopulaires, et qui, en rivant l'attention sur des évènements urgents et tristementdignes d'intérêt, met un terme provisoire à tous les élans et à tous les débats autourdes objectifs majeurs de la politique intérieure. Il est à peine besoin de préciser quec'est au Canada que nous faisons allusion. Dans le cours de cet article, nous dirons
quelle est notre opinion profonde sur ce sujet des plus graves. Mais comme leCanada ne fera pas tout l'objet du propos, et comme le délai que représente lamission de Lord Durham va laisser à l'esprit du public le temps de revenir à ce quile préoccupait si fort auparavant, nous tenons très fortement à dire tout d'abordquelque chose au sujet des devoirs qui incombent au Parti radical, vu la situation oùil se trouve, du fait des déclarations d'hostilité que Lord John Russell lui aadressées, dès la première séance de nuit [qui a suivi le départ de Lord Durham].2Nous perdrions du temps à débattre ici de ce que les Réformateurs doivent penserde cette déclaration ministérielle, et du sentiment qu'ils doivent avoir à son égard.Le pays s'est fait son idée, sur ce point. Les Ministres ont été compris. L'alliancequ'ils avaient avec les Radicaux a été brisée à tout jamais. Les gens sont aucourant des dernières manifestations grandioses où le sentiment réformateur s'estfait sentir du nord au sud de l'île, ils sont au courant des déclarations – portées pard'immenses majorités jusqu'au sein même de la majeure partie des rencontres pro-ministérielles – qui ont fait part d'un manque de confiance vis-à-vis du ministère. Ilssont au courant de ces faits-là, et ils y sont sensibles, malgré l'éradicationsystématique de toute intelligence que les journaux Whig et Tory mettent en œuvreà un degré qu'on n'a jamais vu auparavant, pour les étouffer – au prix d'un délitcaractérisé de tromperie sur marchandise à l'égard de leurs abonnés. Ces faitsprouvent que le gouvernement a été pris au mot ; que le camp qui est le sien et celuides Radicaux sont à présent deux camps différents ; que les Radicaux sont en trainde se constituer en parti autonome ; que Lord John Russell ne tient plus les rênesde l'esprit de réforme ; et qu'afin de déterminer les méthodes les plus aptes àfavoriser un succès rapide de la cause des institutions populaires, on n'ira plusdésormais prendre conseil auprès de ses ennemis déclarés.L'on peut comprendre l'épouvante ressentie par cette partie des Whigs qui necherchent qu'à conserver leurs places, face à des manifestations qui les mettent simanifestement en péril. Et l'on peut comprendre la consternation des écrivainsradicaux, des chefs de sections ou des chefs locaux du radicalisme qui,connaissant pour la première fois de leur existence ce que c'est que d'être courtisépar un ministère, continueront joyeusement à unir au crédit qu'ils ont à être dans lecamp du peuple, la vanité, et les autres avantages plus substantiels qu'il y a à êtredu coté du pouvoir. Ce qui est plus difficile à comprendre, c'est la raison pourlaquelle des radicaux sincères devraient se comporter comme si la révélation desvéritables objectifs du ministère, qui nous ont été dévoilés, ainsi que laconnaissance, qui en découle, de ce qui est ou non à prévoir venant de sa part,était un mal ; et un mal si grand qu'il légitimerait le ressentiment ; si grand – dis-je –que celui qui nous les a apportées par ses questions "intempestives" à Lord JohnRussell3 devrait être traité comme s'il nous avait infligé une blessure mortelle. M.Wakley a eu le sort habituellement réservé aux porteurs de mauvaises nouvelles. Il asecoué les léthargiques, ouvert les yeux aux endormis, et en récompense, la colèrede se sentir bousculés fut leur première réaction. Si le silence de M. Wakley avaitpu changer quoi que ce soit aux opinions de Lord John Russell, nous aurions étéles premiers à regretter que ce silence ait été brisé. Mais puisque M. Wakley nepouvait rien faire d'autre que de le pousser à dire ce que par ailleurs, de toutefaçon, il faisait, quel réformateur irait souhaiter que cela reste tu? Si l'esprit duministère avait été indécis, si progressivement et insensiblement il s'étaitrapproché de nous, peut-être aurait-il été mauvais d'interrompre ce processus, etde forcer les ministres à déclarer prématurément une opinion qu'ils n'étaient prêts àexprimer qu'à demi ; mais vu qu'ils étaient résolus, et résolus à une opinion qui està l'opposée de ce qui est souhaité, comment pourrait-on en être trop tôt averti ? N'yaurait-il pas là-dedans, confusément, le regret de ne plus pouvoir goûter au plaisird'être trompé, à ce plaisir dont les meilleurs juges de la nature humaine ont pristoute la mesure, et qu'on pourrait définir comme le plaisir qu'on tire de ne se voirréclamer aucune activité, aucune prévoyance, aucune application de notre jugementpropre sur nos devoirs, aucun effort ni au service de nous-mêmes, ni au serviced'autrui ? S'être débarrassé d'une illusion qui nous remplissait de torpeur et delâcheté, et avoir acquis la confiance en soi qui nous rend forts et alertes est unbénéfice qui, dans les circonstances qui sont les nôtres, n'a pas de prix. Et quel quesoit l'homme à qui nous le devons, c'est un bienfait qu'il nous apporte, et non uneblessure qu'il nous inflige, aussi devrions-nous le remercier, au lieu de lui montrerles crocs.La question la plus pressante, dans l'intérêt du moment, est celle qui consiste à sedemander ce que doivent faire les parlementaires radicaux. Et par "radicaux", nousentendons ici : ceux qui ont foi en l'absolue nécessité de ce que Lord John Russellrécuse à tout jamais : le vote à bulletin secret, avec ou sans extension du suffrage.4Sur ce point, on peut se reporter aux opinions et aux sentiments que nous avonsexposés très en détail dans le premier article du dernier numéro.5 Il est à peine
besoin de dire que dans cet article, nous ne faisions montre d'aucune hostilité vis-à-vis du gouvernement, d'aucune mauvaise foi à son égard, d'aucune réticence à luitendre la main. Afin de tomber d'accord, afin d'agir de concert avec lui, noussommes allés aussi loin que possible, nous avons renoncé à tout ce à quoi il étaitpossible de renoncer sans trahir notre cause ou salir notre personne. Nous ne luidemandions qu'une seule chose : qu'il se rende service à lui-même. Tout ce quenous demandons pour qu'ils demeurent en poste, c'est qu'ils consentent à ce qu'onles y maintienne. Tout ce que nous demandons c'est qu'ils proposent le vote àbulletin secret dans ce Parlement où, les derniers, ils pourraient rester ministressans lui. Non pour leurs mesures en elles-mêmes, dont aucune ne peut être menéeà bien sans le consentement des Tories, mais pour l'Irlande – à laquelle lesRadicaux anglais et écossais ont donné la priorité sur les autres intérêts de leurpays, quoiqu'on les accuse d'y être indifférents – ils ont soutenu des ministresjusqu'à ce que le vote à bulletin secret devienne question de vie ou de mort pour lemaintien aux affaires de ces derniers, sur la base des principes qu'ils ont défendusjusqu'à ce jour. Or, c'est précisément ce moment-là que les ministres ont choisipour se déclarer hostiles au vote à bulletin secret, avec un degré d'hostilité qu'ilsn'avaient jamais exprimé jusque là. Aussi, c'est ce même moment qu'il nous fautchoisir pour leur retirer notre soutien. Car ce n'est pas une question de peud'importance ; ce n'est pas sur un point de détail que les ministres sont revenus.C'est l'indice, ou plutôt même l'aveu, d'un véritable changement de politique. Pasd'erreur possible. Les ministres savent aussi bien que nous que pour rester auxaffaires, il leur faut soit soutenir le vote à bulletin secret, soit devenir Tories. Le sensde la déclaration de Lord John Russell, c'est qu'elle apprend au monde quel partices derniers ont pris, au sein de cette alternative. Lord John Russell peut bieninvoquer un engagement pris vis-à-vis de ses camarades de la dernière heure, ilpeut bien invoquer je ne sais quel sens de l'honneur personnel, qui tiendrait à nepas consentir au bien de son pays. Son pays n'y ajoute pas foi. Il avance ce quin'est pas : il ne ressent pas les choses de cette manière, et n'observe pas non plusd'obligation semblable à celle qu'il évoque. Y croire serait une insulte ; ne pas ycroire, non. Si cela était vrai, qu'en est-il de ses déclarations à Stroud6 et dans leDevonshire,7 de ces déclarations innombrables où il affirmait, d'un ton de plus enplus vigoureux, que si l'intimidation et la corruption continuaient d'aller leur train,sans pouvoir être empêchées autrement que par le vote à bulletin secret, il setrouverait dans l'obligation de soutenir cette réforme, quoique ce fût bien malgrélui ? A-t-il dit cela tout en se sachant à jamais dans l'impossibilité de la soutenir, tantau fond de son cœur qu'en tant qu'homme d'honneur ? Et il s'est trouvé des genspour orner cet aveu d'une duplicité systématique ayant duré 3 ans, des épithètes de« franc » et de « viril ». Les Réformateurs ne croient pas que Lord John Russell soitun homme aussi mauvais que ce qu'il donne aujourd'hui à voir, par opportunité. Ilscroient plutôt que c'est auparavant qu'il était sincère, et que l'histoire qu'il nousraconte à présent, d'après laquelle il serait pieds et poings liés, ne lui est venuequ'après-coup. Ils ne croient pas qu'il se sente empêché en quoi que ce soit dans lecours de sa politique, ni que ses opinions politiques aient à aucun moment tant depoids sur lui qu'elles ne puissent être remuées d'une saison sur l'autre. Ils sontconvaincus que cette attitude qui est la sienne est un exemple, non de la ténacitédont (à en juger d'après son comportement durant cette session) il se prévaut, maisde la docilité qui caractérise sa carrière politique. Aujourd'hui comme auparavant, ilse plie aux signes du temps. Seulement, malheureusement pour lui, il les lit àl'envers. Pour un même fait historique, il y a toujours deux lectures contraires quisont possibles. Aux yeux des Réformateurs, la bonne lecture des dernièresélections générales est que si les électeurs ne sont pas placés sous la protectiondu vote à bulletin secret, ou si on ne leur donne rien en vue de quoi ils puissentvouloir se battre, ils cesseront bientôt de consentir aux souffrances et aux sacrificesqu'ils endurent, simplement pour maintenir les ministres au pouvoir, et écarter lesTories. Mais les ministres ont interprété autrement ces mêmes faits. Leur lectureest que ce pays est en train de devenir Conservateur, et qu'ils doivent eux aussi ledevenir : la déclaration de Lord John Russell en est le premier fruit.Pour le moment, nous passerons sous silence ce que nous pensons de ces espritshallucinés qui confondent l'apathie qui émerge des espoirs flétrissants,accompagnée de la répugnance croissante à encourir la ruine et la pénurie sansobjectif national convaincant, avec une réaction de l'esprit public contre cesobjectifs nationaux qui ne lui ont pas même été proposés. Que les ministres tendentvers le conservatisme, qu'ils cherchent désormais le soutien des Conservateurs, etque les leaders Tory soient en train de regarder dans la même direction, préparantconsciencieusement la voie à une coalition, voilà qui suffit amplement au propos. Ilssont en train de jeter les Orangistes par-dessus bord. Ils flattent Lord Mulgrave. Ilsdonnent des signaux de compromis sur la plupart des points de détails, dont on afait des points capitaux au motif que les Whigs s'y étaient impliqués. La sessionparlementaire actuelle sera employée à se débarrasser de ces pierresd'achoppement. Si après cela, nous ne voyons pas Peel et Wellington aux affaires,
d'achoppement. Si après cela, nous ne voyons pas Peel et Wellington aux affaires,ce sera parce qu'ils penseront ménager leur intérêt en n'y venant pas, et en laissantles ministres faire le travail à leur place. Si les choses continuent d'aller ce train,nous devons nous attendre à voir lors d'une session prochaine – si ce ne sont pasSir Robert Peel ou Lord John Russell en personne – du moins leurs partisans, assissur le même banc, et défendant avec enthousiasme le même ministère ; tandis queles bancs de l'opposition seront occupés par le parti Radical, flanqué de 30 ou 40Orangistes fanatiques – la raclure de la Chambre.En prévision d'un tel état de choses, il faut bien dire que c'est M. O'Connell, et nonpas une insensibilité aux intérêts de l'Irlande, qui est cause que les plus courageuxdes Radicaux anglais désapprouvent son allégeance téméraire au ministère, et yrésistent. Nous rejetons avec indignation l'idée que M. O'Connell puisse êtresincère lorsqu'il nous accuse d'être insensibles à l'égard de l'Irlande. En effet, pourlui, quiconque a en parallèle d'autres soucis en tête, ne se soucie pas de l'Irlande.Pourtant, il est indigne du discernement de M. O'Connell de ne pas s'apercevoirque le bien de l'Irlande, aussi bien que celui de l'Angleterre et de l'Ecosse, dépendde la conservation de l'influence populaire au sein de la Chambre des Communes,et que lorsque cette dernière est en péril, il ne faut pas hésiter à encourir desrisques mineurs, y aller avec entrain, plutôt que de perdre du temps à tenir le terrainopportun pour réunir des forces chez nous. Quand vient le moment – et ce momentest à présent arrivé – où il faut sans délai perfectionner le système représentatif –non seulement pour pouvoir progresser, mais encore pour pouvoir conserver nosacquis, y inclus celui d'un gouvernement intègre en Irlande – à partir de ce moment-là, aucune posture ne convient mieux à un Radical que celle d'une oppositionouverte à tout gouvernement quel qu'il soit, qui refuserait d'aller plus loin sur ce plan.Il reste à montrer, au demeurant, comment on peut conduire cette opposition sanstomber aux mains des Tories, et sans exposer nos frères Irlandais à des risquesévitables – non pas celui d'un gouvernement orangiste, nous ne dirons pas cela carnous le tenons pour impossible – mais disons : au risque de perdre legouvernement auquel ils sont attachés.Là, il faut que les Radicaux tiennent par rapport à Lord Melbourne exactement lamême position qu'ils occupaient par rapport à Lord Grey au sein du premierParlement issu de la Réforme. Qu'ils se désolidarisent du ministère, et qu'ils entrentouvertement dans l'opposition. Que leur opposition n'ait rien de factieux ; qu'ilsvotent aux côtés des Whigs comme ils feraient aux côtés des Tories, en faveur detout ce qui mérite d'être défendu dans leurs propositions. Mais si les Toriesdevaient susciter une motion de censure adressée aux ministres, que les Radicauxvotent en sa faveur. Il pourra d'abord sembler que cela doive porter les Tories aupouvoir – ce que nous avons pour but d'éviter. Cependant, même cela pourrait êtrelargement compensé si par là nous parvenons à la seule chose qui pour le momentnous tient à cœur : une opposition radicale soudée et vigoureuse. Mais très peu deréflexion suffit pour faire voir qu'un ministère Tory ne s'ensuivrait pasnécessairement, et même pas du tout. La condition sine qua non pour accéder auministère est d'obtenir une majorité, et les Tories ne sauraient la former à eux seuls.Elle ne peut être formée que de l'alliance des Tories et des Whigs, ou de celle desWhigs et des Radicaux. Ce serait aux Whigs de décider. S'ils choisissaient lesTories, nous pensons bien que la voie qu'ils inclineraient à préparer serait à peuprès évidente, de même que nous verrions de manière claire si nous perdons quoique ce soit à troquer un ministère de Tories refoulés contre un ministère de Toriesdécomplexés. Mais tel ne serait pas leur choix. Ce sont des gens trop respectablespour ne pas au moins, le cas échéant, produire en faveur de l'Irlande des conditionstelles qu'elles protègeraient le gouvernement généreux et libéral de Lord Mulgravecontre toute atteinte ; et les compliments du duc de Wellington, qui sont un véritablesoufflet pour son propre parti, témoignent assez (et à dessein, croyons-nous)qu'aucune difficulté de cette nature ne se trouverait sur la route d'une alliance quipourrait par ailleurs se faire par d'autres voies.8Si les Whigs écartaient la coalition avec les Tories, il ne fait aucun doute qu'ilsseraient amenés à lever une motion de censure contre le ministère Tory : et dans cecas, les Radicaux pourraient (et devraient, à la vérité) se joindre à eux. Grâce àl'efficacité qui est commune chez les Radicaux, ces deux motions aboutiraient ; etdès lors, le seul ministère qui pourrait voir le jour porterait à parts égales la voix desWhigs et celle des Radicaux. Les Radicaux doivent se garder de jeter les Whigsdans les bras des Tories en se brouillant avec ces derniers. Ils devraient secontenter de refaçonner le ministère actuel, en laissant de côté Lord John Russell ettous ceux qui peuvent se déclarer engagés à lutter contre le vote à bulletin secret.Mais les Radicaux auraient alors remporté une victoire. Ils auraient réussi àimposer leur influence en tant que partie de la majorité, et au moins en tant quemoitié de la majorité. Ils deviendraient autre chose qu'une queue de peloton. Ilsauraient redonné des forces aux âmes languissantes et aux espoirs mollissants duparti libéral, partout à travers le pays. Ils auraient appris aux Réformateurs à se
tourner vers eux non pas simplement pour des discours de temps à autres, mais envue d'atteindre des buts concrets et importants. Ils rallieraient autour d'eux laconfiance du public, ainsi qu'autour du ministère auquel ils auraient donnénaissance. L'esprit de ce ministère serait changé, lui aussi, bien plus que ne seraitchangé le personnel qui le compose. Il ne serait pas nécessaire d'exiger qu'ilpropose le vote à bulletin secret, car il serait placé dans une situation telle qu'il nepourrait pas perdurer sans le proposer. Un tel ministère, s'il n'est pas lui-même ceministère de Radicaux modérés dont l'heure doit venir bientôt, préparerait le terrainà un ministère qui aurait pour devise : LE VOTE À BULLETIN SECRET, LAJUSTICE POUR L'IRLANDE, ET POUR LE CANADA.Le nom du CANADA nous rappelle à l'objet le plus immédiat de cet article. C'estvers lui que nous nous tournerons à présent : en espérant (pas en vain croyons-nous) qu'il soit possible d'obtenir une audience impartiale pour entendre la caused'un peuple malheureux qui d'après l'opinion générale a vu son insurrection étoufféeet dont le destin repose maintenant entre nos mains. Nous savons avec quelle forcela marée s'est levée contre lui. Nous sommes douloureusement conscients que desopinions averties et impartiales sur la raison du conflit commencent à peine à êtreacceptées dans l'esprit du public ; et que même chez une bonne part de ceux quiconstituent la force vive du parti populaire, les opinions que nous croyons devoiradmettre et défendre sur ce malheureux conflit, ne rencontreront au départ qu'unesympathie partielle. En dépit du fait que nous ressentions âprement lesdésavantages qu'il y a à défendre cette cause, dont les nobles principes souffrentlorsqu'elle souffre, cette situation ne présente cependant rien qui puisse nousdécourager, car elle n'est ni nouvelle ni inattendue. Les amis des idées libérales nedoivent jamais se flatter que, sur quelque question nouvelle, l'opinion publique leursera acquise dès le départ. Les opinions libérales n'ont jamais remporté de victoirequ'à la suite d'un long combat ; sur aucune question particulière les Anglais ne sontplus sages que l'étaient leurs grands-pères, si ce n'est celles qui ont été discutéesamplement, longuement et correctement. Lorsqu'on se souvient que l'Irlande est ànos portes, que l'Irlande a plus de cent représentants au Parlement britannique etque, malgré ces circonstances favorables, il aura fallu cinquante ans pour obtenirune justice même aussi imparfaite que celle que nous connaissons actuellement,pouvons-nous nous étonner d'apprendre que le Canada, qui ne jouit d'aucun de cesavantages, que le Canada sur lequel l'attention de l'Angleterre n'a jamais jusqu'à cejour été sérieusement attirée, n'obtienne pas justice, et que sa cause n'en soitencore qu'aux premières étapes d'un combat ardu? Il doit en être ainsi ; c'est unedes mille et une mortifications, dans tous les états de société et sous tous lesgouvernements, que ceux qui militent pour des principes, ou invoquent la justice dufort envers le faible, doivent se résigner à endurer. Et c'est une situation bien assezmortifiante lorsqu'au lieu de n'avoir qu'à subir l'échec d'un quelconque progrès et lacontinuation d'un mal déjà existant, ceux-ci sont condamnés à voir leur pays seprécipiter aveuglement vers une erreur et une injustice certaine en suivant desconseils intéressés. Mais aucune génération à laquelle nous pouvons songer n'aencore échappé à un tel mal : nos grands-pères ont été témoins de la guerreaméricaine, nos pères, de la croisade pour le compte du despotisme en France.Nous autres, de la présente génération, devons maintenant prendre notre part de laresponsabilité commune et, considérant avec quelle facilité elle nous a étéattribuée, nous pouvons nous estimer heureux d'y avoir échappé aussi longtemps.En présentant nos observations sur ces tristes événements, nous ne désirons pasnous répandre en récriminations rétrospectives. Un nouvel état de choses existemaintenant au Canada, et le passé n'a plus d'importance que pour nous conseillersur l'avenir. Mais en vue de cet avenir et de ces mesures sur lesquelles devrontdélibérer, d'abord Lord Durham et ensuite le Parlement britannique, une certaineréférence au passé est indispensable.D'abord, débarrassons-nous de ces termes abusifs, que des hommes enflamméspar la passion au point d'y perdre toute perception des distinctions morales les plusadmises ont accumulé sur le compte des insurgés pour les rendre odieux. Ils sontnommés rebelles et traîtres. Ces mots leur sont totalement inappropriés.Considérons la question à partir du témoignage de leurs ennemis les plus fielleux :qu'est-ce que ces ennemis leur imputent? Seulement le fait qu'ils entretiennent unconflit racial ; qu'appartenant à un peuple conquis, ils en ont les sentiments et ontessayé de se défaire de leurs conquérants. Est-ce de la trahison? N'est-ce pas laconduite avec laquelle les Anglais ont été invités à sympathiser, à payer descotisations et à proclamer leur admiration pour les victimes et leur dégoût à l'égarddu conquérant aux quatre coins de la Terre, quand d'autres partis étaientimpliqués? Tels qu'ils sont présentés par leurs ennemis, qu'est-ce que lesCanadiens ont fait d'autre que les Polonais ? Nous ne comparons pas LordDalhousie et Lord Aylmer au grand duc Constantine ou l'administration de notrebureau colonial à celle de Nicholas, bien que, même à propos de Nicholas, nous
devons nous rappeler que nous n'avons pas sa version des faits ; nous neconnaissons que celle des rebelles et des traîtres, tels qu'il les nomme dans sonvocabulaire9. Et y en a-t-il qui pensent que M. Papineau ou M. Morin éprouveraientune quelconque difficulté à plaider leur cause contre nous, à la satisfaction d'unauditoire sympathique chez une nation rivale, sans que nous soyons entendu, ouayons la chance d'opposer une contradiction? Au sujet des dommages infligés parun gouvernement étranger, c'est le peuple qui les subit, non le peuple qui les inflige,qui en est le juge approprié ; et quand un tel peuple se révolte, mêmeincorrectement, contre le joug étranger, sa conduite n'est pas de la trahison ou de larébellion, mais la guerre.De ce point de vue sur la question, point de vue qui s'est imposé à l'entendementvigoureux et simple du duc de Wellington10, à en juger d'après les propos qu'il tient,et qui a été argumenté de façon convaincante dans un des pamphlets Anti-Canadiens11 à la tête de notre article, que nous faut-il conclure? D'abord, que leconflit canadien n'étant pas une rébellion, mais une guerre, les insurgés qui tombententre nos mains ne sont pas des criminels, qui peuvent être jugés par une Cour dejustice, mais des prisonniers de guerre. Ensuite, que non seulement le massacrejudiciaire aveugle, à la perspective duquel le parti dominant dans la colonie sedélecte tant, mais toutes les punitions au-delà des précautions nécessaires pourcontrer un nouveau déclenchement d'hostilités, seraient aussi ignobles, autant àabhorrer par tous ceux qui prétendent à la civilisation ou à l'humanité, que le seraitun tel traitement infligé à n'importe quel captif pris lors d'une guerre honorable. Àmoins qu'il y ait parmi les insurgés des hommes qui, sans justification des lois de laguerre, se soient avérés avoir manqué à pareille retenue envers leurs prisonniers,l'exil hors de la colonie ou l'emprisonnement par mesure de sécurité, et seulementdurant la période de détention requise, doit être la punition la plus sévère infligéemême aux chefs. Verser le sang, n'importe où sauf sur le champ de bataille, dansune querelle semblable, imprimerait une infamie indélébile sur les malfaiteurs ; etrencontrerait sa juste punition dans une autre insurrection, dix fois plus difficile àapaiser que l'insurrection actuelle. Une cause, généralement, n'acquiert pour lapremière fois sa véritable emprise sur les sentiments des masses que lorsqu'elle aproduit des martyrs. Il est nécessaire de peu pour inciter certains hommes à parler,mais pour leur faire prendre leurs mousquets et se battre, il n'y a rien de tel quevenger le sang de ceux qu'ils aiment et honorent.Mais la question ne doit pas en rester là. Si nous devons garder le Canada, et sinous devons le garder par un autre moyen que la tyrannie ; si la mission de lordDurham doit mener à autre chose que l'instauration d'un gouvernement de forcebrutale, que l'on devra maintenir peu importe le prix à payer pour ce pays, jusqu'àce qu'un quelconque embarras dans nos affaires étrangères permette à la majoritéopprimée de se libérer ; si cela ne doit pas être la conclusion de cet épisode, lanature de l'insurrection canadienne doit être parfaitement comprise, et noussommes parfaitement prêts à en discuter. Nous sommes disposés à affirmer, sansrestriction ni condition, la justice et la sainteté de la cause pour laquelle ceshommes ont pris les armes. Nous ne sommes pas prêts à défendre la sagesse deleur conduite. Il y a d'autres choses pour justifier une insurrection, mise à part unecause juste, et la première d'entre elles est une perspective raisonnable de succès.Là où une telle chose est manquante, la témérité de la tentative, de la part deschefs du moins, ne peut être justifiée, mais peut tout au plus être excusée. Mais lavictoire n'est pas nécessaire au succès de la cause. Si leur cause est juste telle quenous l'affirmons, et si les Anglais sont un peuple juste, n'est-ce pas une victoired'avoir autant attiré son attention sur celle-ci, lorsque les plus émouvants appels desvoix les plus patriotiques du Parlement n'ont pas réussi l'an dernier à interrompre cesommeil que le vacarme des armes a enfin brisé? M. Papineau — un homme queM. Edward Ellice, de connaissance personnelle, décrit comme « irréprochabledans son caractère, qui a beaucoup de talent et de mérite »12 — aurait dû, a-t-ondit, suivre l'exemple de M. O'Connell : mais M. Papineau est-il au Parlement, avecsoixante-dix partisans derrière lui, les affaires de son pays au centre de toute lapolitique britannique et avec un ministère existant selon sa volonté? À leurs frères etcompatriotes ruinés, aux familles de ceux qui ont été massacrés, les auteurs decette révolte ont des comptes à rendre, dette dont nous espérons qu'ilss'acquitteront comme il faut. Mais contre nous, ils sont tout à fait dans leur droit. Lepeuple du Canada avait une cause légitime de guerre contre le peuple del'Angleterre. Il a reçu une provocation qui, selon tous les principes du droit public,constitue une rupture des conditions d'allégeance. Ce qui a provoqué la guerre,c'est la violation ouverte de leur constitution, dans la plus fondamentale de sesdispositions, par l'adoption de résolutions au Parlement autorisant le retrait d'unesomme d'argent dans leur trésor public sans leur consentement13.Nous devons approfondir un peu plus cette question ; car il y a quelque chose detrès alarmant selon nous dans cette nonchalance avec laquelle les Anglais traitent
d'une question aussi grave que la violation d'une constitution. Une résolution retirantau Bas-Canada son gouvernement représentatif est adoptée par la Chambre descommunes avec environ cinquante voix dissidentes14, et (à l'exception des bravesWorking Men) on n'entend guère qu'un chuchotement de désapprobation publique.Et il se trouve des libéraux qui considèrent qu'il s'agit d'une question futile, d'unechose contre laquelle l'on peut protester tout doucement, mais qui n'est pas un« grief concret »15 et il se trouve des publicistes, et même des publicistes de talent,qui comparent la chose au prélèvement d'une taxe pour paver et éclairer une villeincorporée lorsque la corporation a refusé de le faire. Nous demandons à cespublicistes si le Parlement a déjà, par une loi formelle, renoncé au droit de taxer lesvilles incorporées ou s'il a déjà, par une autre loi, placé tous les impôts perçus dansl'une d'elles à la disposition absolue du Conseil de ville? Si c'était le cas, lesprécédents d'une municipalité et d'une colonie pourraient être mis en parallèleprimâ facie. Sinon, l'un n'est que l'exercice ordinaire d'un pouvoir légitime, l'autreest une rupture de confiance avec un peuple ; c'est leur retirer le droit qui les faitcitoyens d'un État libre, et dont la violation, dans tous les âges et chez toutes lesnations, forme le casus belli entre un peuple et son gouvernement. C'est lui infligerle mal contre lequel Hampden a résisté, et pour lequel Washington a levé l'étendardde la « trahison et de la rébellion », et sonné le glas du gouvernement aristocratiquesur la surface de la Terre. Car ce n'était pas les vingt shillings de la taxe desnavires* qui préoccupaient Hampden, et les Américains n'ont pas fait leur révolutionpour le penny par livre dans le prix du thé, qui constituait pourtant la question enlitige quand la guerre a commencé. Ils ont combattu pour les garanties d'un bongouvernement, et être disposé à le faire est l'une des ces épreuves qui permettentà une nation de montrer son aptitude à les apprécier.Et sous quel prétexte avons-nous fait ce que même le secrétaire aux colonies16admet être la « violation d'un des grands principes de la constitution canadienne? »C'est parce qu'ils ont refusé les subsides. C'est parce qu'ils ont fait usage d'un droitque nous leur avons donné, mais dont notre intention n'était pas qu'ils s'en servent ;ou alors si nous en avions l'intention, nous avions prévu que ce serait nous, contrequi ils l'ont exercé, qui devions juger s'ils l'avaient exercé correctement. Ce tribunalimpartial a décidé qu'ils en ont fait un mauvais usage, et qu'il doit donc leur êtreretiré. Permettez-nous de demander : depuis quand la morale anglaise a-t-elleadopté cette découverte, à savoir qu'une constitution est un cadeau que celui quidonne peut choisir de reprendre? Que la concession d'une constitution implique lacondition tacite d'après laquelle les pouvoirs qu'elle confère doivent être repris s'ilssont utilisés à l'encontre de ceux qui les donnent, c'est là une doctrine qu'on croyaitlimitée à Charles X et au roi Ernest de Hanovre, sur qui une abondante calomnies'est donc répandue indûment. Que le pouvoir d'un gouvernement despotique, unefois qu'on en est débarrassé, peut être rétabli à loisir : voilà une maxime que nousne pensions pas entendre de la bouche des Anglais. Pas plus que nous nousattendions à les entendre nous dire qu'une fois qu'on a accordé des droitspolitiques à un peuple, ces derniers doivent être exercés d'après le jugement dequelqu'un qui s'avère être plus fort. Une constitution, une fois conférée, devientsacrée. La retirer ou la violer (« une constitution qui est violée est détruite ») est uneinfraction au contrat le plus solennel que l'homme peut faire avec l'homme, ou unpeuple avec un autre peuple, et ne peut être justifiée que par ces situationsd'urgences — lorsque la société est menacée de dissolution — quand l'anarchie oula guerre civile est imminente et que toutes les lois et les institutions, et tous lescontrats pour le maintien de ces lois et de ces institutions, doivent le céder devantce choix terrible.Examinons maintenant quel aurait été le mal encouru, supposant que le Parlementait continué à respecter la constitution canadienne et laissé à l'Assemblée lecontrôle de son propre argent. On a beaucoup employé l'expression « stopper lessubsides »17, et on a essayé d'y attacher les idées qui se rapportent à ce qui estconnu sous le même nom dans notre pays, à savoir, une annihilation complète detout gouvernement. Cependant, il s'avère que les seuls subsides que l'Assembléecontrôle (excepté ceux pour les ponts, les routes, les écoles et la législature elle-même) sont les salaires des juges, du gouverneur et de son Conseil et d'un certainnombre de fonctionnaires. Ces salaires ont été suspendus durant trois ans, et onnous a raconté la plus pitoyable histoire concernant les privations — et nous neremettons pas en cause leur vérité — dont ont souffert certains des fonctionnairesimpayés. Maintenant, supposons que le Parlement, qui professe tant decompassion pour ces personnes, au lieu de violer la constitution canadienne pourles payer, ait résolu de les payer lui-même, qu'en aurait-il coûté au pays? L'arriérépour les trois années est de 127 744 l.18, duquel il faut soustraire environ 23 000 l.tirées des revenus héréditaires de la couronne au Canada non concédés àl'Assemblée, ce qui fait qu'il ne reste que 104 000 l. — à peine davantage que lerevenu annuel d'Adelaïde, la douairière de la Reine. Le Parlement du Canada a
donc, en dernier recours, le pouvoir d'infliger au pays une amende d'environ 35 000l. par année parce qu'il maintient un mauvais gouvernement au Canada ou, ce quiest pire encore, un gouvernement inacceptable à la majorité des Canadiens ; l'arrêtdes rouages du gouvernement, la subversion de la société civilisée, et toute cettemontagne de malheurs dont nous avons tant entendu parler, se réduisent donc,après examen, à l'inconvénient de payer cette somme.Nous osons demander, est-ce un pouvoir trop grand pour le peuple d'une province,envers des dirigeants vivant de l'autre côté du globe qui nomment tous leursofficiers juridiques et administratifs, sanctionnent toutes leurs lois, et sur lesquels ilsn'ont aucune autre emprise, directe ou indirecte, pour se garantir la plus petiteconsidération de leurs intérêts ou de leurs opinions? Le pouvoir de nous faire payer35 000 l. par an, en plus des cinquante millions que nous payons déjà en impôts,alors que nous, qui pouvons contrôler leur gouvernement, contrairement à eux,souffrons de les gouverner d'une manière odieuse à la majorité — n'est-ce pas plusqu'assez pour garantir un peu d'attention aux intérêts des Canadiens, de la part d'unpublic qui a permis qu'une résolution détruisant la constitution canadienne soitadoptée par les deux Chambres avec dans l'ensemble à peine plus d'intérêt oud'étude que n'en produisent bon nombre de projets de loi privés? Le Canada nepeut pas nous envahir ; il ne peut pas interrompre notre commerce ; il ne peut pasréduire notre revenu ; il ne peut toucher à aucun de nos intérêts nationaux. Il n'y aseulement qu'une chose qu'il puisse faire ; il peut nous dire que, s'il n'aime pas leshommes que nous lui avons envoyés afin de le gouverner, nous pouvons les payernous-mêmes ; que si nous choisissions de l'offenser, par notre faute, ou si vouspréférez, pour son malheur, cela devrait nous coûter 35 000 l. C'est dans le but deretirer un tel pouvoir, que l'honneur national a été souillé par l'abus de confiance, etqu'un Parlement anglais a suivi l'exemple de Polignac et du Roi Ernest, en traitantune charte constitutionnelle comme une vulgaire feuille de papier ; c'est pour éviterde payer un tiers du revenu de la Reine Adélaïde, employé afin de rendre lesCanadiens mécontents de leur gouvernement, qu'un brave et généreux peuple a étéentraîné dans l'insurrection, et un nombre inconnu de ses enfants livrés aumassacre et à la misère!On a vu que nous avons discuté de cette question sans référence à la justicepremière ou au caractère raisonnable des réclamations des Canadiens, parce quenous soutenons (malheur le jour où il sera nécessaire de défendre une telleproposition!) que même s'ils étaient dans l'erreur, et que les raisons pour lesquellesils ont refusé les subsides étaient complètement indéfendables, ils étaient dans leurdroit dès le moment où leurs institutions représentatives étaient envahies, et qu'étaitcommis envers eux cet outrage auquel aucun peuple brave ne s'est jamais soumiset ne se soumettra jamais. Mais nous allons beaucoup plus loin. Nous affirmons queleurs demandes étaient justes ; qu'elles étaient justes dans l'ensemble et justesdans la plupart des cas particuliers. Et à l'heure actuelle, c'est la question la plusimportante de toutes. Car c'est suivant que les mesures coercitives sur le pointd'être autorisées par le Parlement seront ou ne seront pas accompagnées dejustes concessions, que le Canada sera réconcilié avec nous ou continuerapendant quelques années de soumission forcée à nous regarder avec un dédainqui, dès qu'il réussira à se débarrasser de nous, se transformera en mépris.À ce sujet, il nous est agréable de songer qu'on ne peut imputer à la négligence denotre revue l'ignorance qui règne universellement au sujet des griefs canadiens.Dès 1827, le Westminster Review exigeait l'attention du public anglais sur les vicesde l'administration du Canada et attribuait expressément ces vices à la constitutionirresponsable du Conseil législatif19. Cet article, de même qu'un autre dans ledeuxième numéro de la London Review20, fut écrit par M. Roebuck ; ce qui peutservir de réponse à deux types d'adversaires : à ceux qui affirment que l'objectionau Conseil législatif est un nouveau grief d'à peine quatre ans, formulé parce qu'ilétait rendu nécessaire, après que tous les vrais griefs eurent été redressés ; et àl'avocat à gage des loyalistes canadiens dans la chronique du Morning Chroniclequi appelle M. Roebuck l'avocat à gage de l'Assemblée21. Comme si M. Roebuck,qui a grandi au Canada sans y être né, et qui y a passé la plus grande partie de sajeunesse, n'avait pas été le champion de ce peuple nombre d'années avant qu'ilpuisse être, ou puisse paraître, son avocat à gage, — et comme si le salaire de M.Roebuck, ou celui de Lord Gosford et de ses subordonnés, n'avait pas étésuspendu par les malheureux différends qu'il est accusé, implicitement, de fomenterpour son propre avantage.Cependant, comme les inébranlables luttes de M. Roebuck pour une cause àlaquelle chaque principe de sa vie politique est associé, et qui n'avait que peud'amis dans ce pays avant que son inlassable activité n'eût imposé la cause desCanadiens à un public inattentif, — comme ces efforts sont appelés « uneillustration merveilleuse d'une opinion publique produite en diffusant la voix de deux
illustration merveilleuse d'une opinion publique produite en diffusant la voix de deuxou trois individus dans tous les sens »22, il est peut-être bon de déclarer que M.Roebuck est entièrement étranger au présent article. Son auteur n'a jamaisauparavant exprimé publiquement d'opinion sur les réclamations des Canadiens etil tire ses informations non pas de M. Roebuck, ou d'un autre partisan del'Assemblée, mais des rapports de Lord Gosford et de deux autres commissairesdu gouvernement23, des hommes qui ont recommandé la violation de la constitutioncanadienne, et des auteurs de la politique de Lord John Russell, des hommes quilui ont dit tout ce qu'il sait de la colonie, qui lui ont donné la connaissance qu'il a dudossier, lequel dossier, cependant, est en contradiction directe avec une grandepartie du discours qu'il a tenu lors de la réunion du Parlement. Si quelque chosepeut excuser le peuple canadien d'avoir pensé que seule l'épée pouvait leur obtenirl'oreille de la mère patrie, c'est l'inattention qu'ont reçue les affirmations contenuesdans ces rapports24. Il n'y a pas une seule imputation faite à propos des objets de lapartie canadienne que ces documents ne réfutent pas. Il n'y a pas une seule desdéformations de la cause populaire qui s'y trouve niée, non pas implicitement oupar inférence, mais positivement en des termes explicites. Les résolutions del'année dernière n'auraient jamais pu être adoptées, ou alors, elles n'auraientjamais pu être suivies, si les membres de la Chambre des Communes avaienteffectué le travail de lire les rapports et avaient pensé que ces rapports seraient luspar leurs constituants.Les rapports portent la marque, ce n'est que justice de le souligner, de la bonnevolonté, et même de la candeur. Les commissaires semblent avoir dévié, LordGosford particulièrement, de l'aversion ordinaire des Whigs par rapport auxopinions fermes venant d'un côté ou de l'autre. Tous les gouverneurs précédentsfurent des partisans aveugles du parti dominant ou, comme il se nomme lui-même,du parti anglais ; nous ne percevons aucune trace de cette influence chez LordGosford, et ce parti le déteste autant qu'il a pu applaudir ses prédécesseurs. Lesrapports qu'il a signés ont donné entièrement tort à ce parti, et généralement raisonau parti populaire. Mais bien que les commissaires n'aient montré aucune intentioninjuste, ils ont montré un sentiment qui, dans le cœur de chaque officiel, sembleindéracinable, à savoir que, devant un quelconque incident qui s'apparente à unequerelle entre des sujets et un gouvernement, peu importe que le gouvernement soitblâmé le premier, peu importe que les demandes des sujets soient justes, qu'ilsdoivent être concédées et n'auraient même jamais dû été refusées ; avant qu'unetelle concession puisse être faite, ils doivent être punis pour la voie deremontrances énergiques par laquelle ils ont cherché à obtenir réparation :« L'autorité du gouvernement doit être affirmée »25. Celle du gouvernement qu'on aadmis avoir été dans l'erreur, contre le peuple qui était dans le vrai. Et parconséquent, il y a dans les rapports des commissaires, ce que la Chambred'assemblée [du Bas-Canada] a noté dans son adresse au Lord Gosford le 25août :une contradiction essentielle et primordiale, qui apparaît danschacune de ses parties et en forme l'essence. C'est que, tandis qu'ilsadmettent la réalité de la plus grande part des abus et des griefs dontnous nous sommes plaints, les commissaires ne recommandent pasleur apaisement26 et la destruction des causes qui les ont produits,mais recommandent un acte d'agression contre cette Chambre quiles a dénoncés, et la destruction absolue du gouvernementreprésentatif dans cette province, par la spoliation illégale et violentedes deniers publics du peuple par les ministres ou par le Parlement27.Lord John Russell, dans le discours28 par lequel il a présenté au Parlement lesmesures qui sont actuellement à l'œuvre, a peint le tableau le plus charmant de lagénérosité du gouvernement britannique envers les Canadiens conquis, et l'imagela plus affreuse de l'ingratitude avec laquelle tant de libéralité a été acquittée, et il adit ce qu'on lui disait au sujet des catholiques d'Irlande, que tout notre gouvernementdu Canada n'avait été qu'une voie de concession. Ce fut une voie de concession, etainsi doit-il en être, Dieu merci, des mauvais gouvernements partout dans le mondeà notre époque. Mais s'il veut dire que même une seule concession a déjà été faitevolontairement, ou après un refus prolongé, ou en conséquence de quoi que ce soitd'autre que de « la violence factieuse », comme on la considérait alors, de laChambre d'assemblée, « exploitant la prudence » ou, si Lord John Russell préfère,les bonnes intentions du gouvernement anglais, alors Lord John Russell dit unechose, et ses commissaires et informateurs disent directement le contraire.Entendons-les :La Chambre d'assemblée ne fut pas lente à saisir l'importance desfonctions que lui avait attribuées la Constitution ; seul legouvernement fut lent à les saisir, ou lorsqu'il le fit, à les reconnaître et
à pourvoir prudemment à leurs conséquences. Au lieu d'accorder sapolitique de façon à gagner la confiance de cette Chambre, il a suivila voie malheureuse de ne s'appuyer que sur le Conseil législatif.L'existence d'une majorité de Canadiens français dans l'Assembléesemble avoir été jugée une raison suffisante pour qu'il y ait unemajorité d'Anglais au Conseil ; car le principe observé dans lespremières nominations, de le composer d'un nombre égal deFrançais et d'Anglais, a bien vite été oublié, et c'est ainsi que leConseil et l'Assemblée furent constitués, presque dès le départ, surdes principes antagonistes.Pendant un certain nombre d'années, le Conseil régna en semaintenant dans une étroite union avec l'Exécutif ; mais au fil dutemps, la force inhérente à une Assemblée populaire s'estdéveloppée, et dans le grand combat qui s'ensuivit sur les questionsd'argent, l'Assemblée est ressortie victorieuse. Durant cette luttefinancière, qui dura plus d'un quart de siècle, il n'était que normal quedes différends collatéraux dussent surgir, et si nous devions examinerces derniers, nous croyons que nous découvririons également que,dans chacun d'entre eux, l'Assemblée a marqué des points. À titred'exemple, nous mentionnerons le droit de la Chambre d'accuser lesofficiers publics et de les amener devant les tribunaux, son droit denommer un agent en Angleterre et son droit de contrôler ses propresdépenses contingentes ; sa demande de retrait des juges des affairespolitiques ou de leurs sièges dans les corps législatifs, ou dans lesconseils exécutifs, et sa demande de restitution des profits sur lesbiens des jésuites. Tous sont des points sur lesquels des disputes onteu lieu entre les deux Chambres et, dans chacune d'entre elles, labranche populaire l'a emporté, et le Conseil fut délogésuccessivement de chaque position qu'il tentait de maintenir.L'Assemblée, en même temps, en dénonçant les abus del'administration et en portant des accusations contre de nombreuxofficiers de l'Exécutif, n'a pas moins réussi à exposer la faiblesse dugouvernement que celle du Conseil. Le Conseil et le gouvernementse sont affaiblis dans beaucoup de luttes dans lesquelles ilsn'auraient jamais dû s'engager et, si l'Assemblée, en conséquence,devint présomptueuse, nous croyons que ce n'est que l'effet normald'un parcours de victoires sans aucun échec.Au cours de ces conflits prolongés, il est aussi arrivé quel'Assemblée, composée presque exclusivement de Canadiensfrançais, apparaisse constamment comme la gardienne des droitspopulaires, comme la défenderesse des institutions libérales, tandisque le Conseil, dans lequel les intérêts anglais dominent, en est venuà paraître comme le défendeur du pouvoir arbitraire et des doctrinespolitiques désuètes. C'est à cela, nous en sommes persuadés, quedoit être attribué le fait que la majorité de colons des États-Unis ontjusqu'ici soutenu le parti français plutôt que le parti anglais. Lesreprésentants des comtés de Stanstead et de Missisquoi n'ont pas étéenvoyés au Parlement pour défendre le système féodal, pour protégerla langue française ou pour s'opposer à un système d'enregistrement[des terres]. Ils ont été élus pour prêter main forte aux défenseurs desdroits populaires et pour s'opposer à un gouvernement qui, à leuravis, a négligé ou a défavorisé les colons des États-Unis. Mêmedurant notre propre séjour dans la province, nous avons vu le Conseilcontinuer d'agir avec le même esprit, en écartant ce qui, selon nous,aurait constitué une mesure des plus salutaires, d'une manière quipeut difficilement être reçue autrement que comme l'indication d'unefroideur certaine envers l'établissement de [nouvelles] coutumesvisant à exercer le jugement du peuple et favoriser son améliorationgénérale. Nous faisons ici allusion à un projet de loi permettant auxparoisses et aux cantons d'élire des officiers locaux, afin de régler lesquestions locales, une mesure qui, bien que non absolument rejetée,fut enterré d'une manière ne montrant aucune sympathie envers leprincipe29.Ce portrait diffère sensiblement du gouvernement paternaliste que lord John avaitdépeint avec tant de charmes. Dans ce portrait, on remarquera que le Conseillégislatif est présenté comme le responsable des griefs et l'Exécutif comme son
législatif est présenté comme le responsable des griefs et l'Exécutif comme soninstrument servile. Nous constatons que chacune des améliorations dont Lord JohnRussell s'attribue le mérite a été extorquée à un Conseil législatif qui s'y opposaitavec persévérance. Nous trouvons les prières du peuple bloquées à une étapeintermédiaire, et le représentant de la couronne de l'Angleterre empêché de lesexaucer, ou à l'abri de la responsabilité de leur refus. Nous trouvons tous les abusdans le gouvernement exécutif, qui n'étaient pas reconnus alors mais qui le sontmaintenant, protégés contre la réforme par le Conseil, on se l'imagine bien, puisquec'était les conseillers et leurs relations qui en profitaient. Nous trouvons le Conseilabsorbant tout le patronage du gouvernement, exerçant, sous le masque dugouverneur, tous ses pouvoirs, et constituant l'appui sur lequel, par reconnaissance,le gouvernement « reposait exclusivement pour se soutenir. » Nous trouvons,d'après les commissaires, que cette « tendance à chercher l'appui plutôt du Conseillégislatif que des représentants du peuple », a duré « avec une constanceinébranlable jusqu'à tout récemment. »30 Nous trouvons ce corps toujours inchangédans sa constitution ; n'étant en effet changé que légèrement dans son personnel,mais presque uniquement par l'introduction de quelques hommes considéréscomme des renégats par le parti populaire, ainsi que de certains autres tropinsignifiants pour être d'un quelconque parti ; et nous le trouvons affichant toujours lemême esprit, rejetant, même pendant l'administration de lord Gosford, un projet deloi pour des institutions municipales,31 que l'auteur généralement éclairé de TheCanadian Controversy [p. 41] croit être précisément la chose dont le Canada a leplus besoin, et que le lord Gosford jugea être « une mesure des plus salutaires. »32Nous voyons tout cela ; et affirmera-t-on, face à tout cela, que le Conseil doit êtreconservé comme représentant de la mère-patrie? S'il représentait la mère-patrie,rejetterait-il d'importantes mesures de réforme, que le véritable représentant de lamère-patrie soutient énergiquement? Ne voyons-nous pas de façon largementévidente, ce qui a toujours été affirmé par les défendeurs des Canadiens, que leConseil ne représente personne ; ni la colonie, car elle est représentée par laChambre d'assemblée ; ni l'aristocratie de la colonie, car il n'existe aucune chosede la sorte ; non plus la mère-patrie, car elle est représentée par le gouverneur et leConseil exécutif? Qu'il est uniquement l'organe des intérêts d'une oligarchie localede négociants ; que la mère-patrie se rend odieuse en soutenant un corps quientretient des maux qu'elle-même serait disposée à réparer, et qu'il n'y aura pas debon gouvernement au Canada tant que les plaintes du peuple ne se rendront pasdirectement au gouverneur, au lieu d'être arrêtées par un corps feignant d'être unepartie du peuple, et empêchées, pour employer les mots de l'Assemblée,« d'atteindre le pied du Trône. »33Mais on ne peut se former, simplement avec l'exemple que mentionne lescommissaires, une idée juste de l'esprit qui domine toujours dans le Conseil. Lelecteur peut consulter à profit la liste descriptive se trouvant dans le troisièmenuméro du Canadian Portfolio, des quarante-deux projets de loi, portant sur unéventail de sujets parmi les plus importants de la gouvernance interne, qui furentenvoyés par l'Assemblée au Conseil dans la seule session de 1835-36, et rejetés,ou abandonnés, ou renvoyés avec des modifications jugées inadmissibles.34 Il estallégué que bon nombre de ces projets de loi ont été envoyés au Conseil trop tarddurant la session ; et cela est vrai d'une certaine proportion qui, cependant, en sefiant aux dates de leur adoption dans l'Assemblée, tel que données dans lePortfolio, ne constitue pas une majorité. Mais nous ne souhaitons pas ici nous fier àl'autorité du parti canadien. Nous nous contenterons d'un seul fait, qui ne seracontesté par aucun parti, et qui donnera une idée tout à fait suffisante de l'esprit duConseil législatif.En vertu de la Loi des jurys du Canada, c'est le shérif qui convoque les jurés ; il estun officier nommé à vie, mais pouvant être destitué au bon plaisir par la couronne.Cet officier, qui, comme tous les autres que nomme le gouverneur, appartientgénéralement à l'oligarchie locale, et jamais à la partie qui s'y oppose, déterminelui-même le mode de sélection des jurés : il a le pouvoir, et, il est allégué par lapartie canadienne, l'exerce sans aucun scrupule, de constituer les jurys de façon àobtenir le verdict qu'il lui plaît. En 1832, cependant, une loi provinciale a étésanctionnée, afin d'appliquer au Canada les principes du Jury Act de sir RobertPeel.35 Cette loi a donné satisfaction au peuple, et mis un terme pendant un certaintemps au pire des abus existants ; malheureusement, la loi a expiré en 1835. LeConseil législatif a refusé de la renouveler. Le vieux système a donc été réintroduit,et est en vigueur en ce moment.36 Les chefs canadiens, s'ils sont jugés pourtrahison ou sédition devant les tribunaux canadiens, seront jugés par les jugesauxquels ils ont refusé les salaires pendant trois ans, et dont l'un d'eux a déclaré, àl'oreille d'un de nos amis, il y a quelques années, que « la pendaison de Papineauréglerait tous les conflits » ; et des jurys constitués par un shérif à qui ils ontégalement refusé le salaire ; et les juges et le shérif appartenant au parti qui dansdeux journaux de Montréal, le Herald et le Courier, réclame une commission
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