Le Romantisme et le mythe d Orphée - article ; n°1 ; vol.10, pg 138-157
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1958 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 138-157
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 165
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Léon Cellier
Le Romantisme et le mythe d'Orphée
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 138-157.
Citer ce document / Cite this document :
Cellier Léon. Le Romantisme et le mythe d'Orphée. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958,
N°10. pp. 138-157.
doi : 10.3406/caief.1958.2128
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1958_num_10_1_2128LE ROMANTISME
ET LE MYTHE D'ORPHÉE
Communication de M. Léon CELLIER
(Université de Grenoble)
au IXe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1957
Le mythe d'Orphée nous mène au cœur du romantisme
poétique et religieux, puisqu'il illustre à la fois le Destin
du Poète et son Devoir. Du xviii" siècle à nos jours, de
Gluck à Cocteau, ce mythe manifeste une étonnante vital
ité. Une étude exhaustive du thème se prête à des déve
loppements infinis, surtout si l'on passe du nom propre
au substantif « orphisme », à l'adjectif « orphique »,
ou encore si l'on joint au poète archétype ses « dou
bles » divers : Amphion, Arion, Homère. Pythagore et
Faust et Dante et, de proche en proche, tous les révéla
teurs, tous les grands initiés. De l'étude générale je ne
retiendrai qu'une conclusion : une étroite parenté unit
Romantisme et Symbolisme en leur message poétique.
La fameuse formule de Mallarmé, « l'explication or
phique de la terre », est purement romantique. Recou
pement remarquable : Lefébure, l'ami de Mallarmé, a
laissé un essai inédit intitulé : l'Or phis me de Victor
Hugo.
Si je m'en tiens ici à Orphée et à l'époque romantique,
c'est en observant toutefois que pour un romantique
Orphée est non seulement le héros d'une légende, mais
aussi l'auteur d'une œuvre poétique dont il subsiste des
fragments précieux. Un romantique accepte avec la même
ferveur la légende et l'œuvre. Bref, c'est l'amant d'Eury
dice qui est l'auteur de l'hymne magnifique, l'hymne à
Jupiter, auquel se réfèrent aussi bien Fabre d'Olivet que CELLIER 139 LÉON
Constant ou Lamennais, et que dans son essai du Chris
tianisme, Leroux cite in extenso, traduit et commente
avec enthousiasme.
C'est en 1828 que Ballanche publia son Orphée, après
dix ans de labeur. Cette œuvre monumentale nous offre
la meilleure base de départ pour rayonner en deçà et
au-delà (1).
Avec plus ou moins d'adresse, le théosophe s'efforce
de distinguer dans le mythe même deux aspects : la
tradition populaire et la tradition ésotérique. Au livre I,
Pallas, fils d'Evandre, est invité à chanter les aventures
d'Orphée. Défilent alors les thèmes les plus fameux de
la légende : Orphée charmant les rochers, les arbres et
les fauves, descendant aux Enfers pour chercher
Eurydice, la condition imposée par « le redoutable roi
des morts », les plaintes du veuf et de l'inconsolé errant
au bord de l'Hèbre, sa fin tragique sous la griffe des
Ménades. Bien que le porte-parole de Ballanche, le poète
aveugle et initié Thamyris, se flatte de retrouver sous
les parures de la fantaisie la vérité originelle, que la
déformation de la vérité soit attribuée par lui au dépla
cement de la légende dans l'espace, à son transfert en
Italie, Thamyris n'en accueille pas moins avec le sou
rire le chant de Pallas. Plus loin, la participation
d'Orphée à l'expédition des Argonautes sera écartée d'une
façon analogue. Il est évident que Ballanche veut oppo
ser à un Orphée scolaire (celui de Virgile et d'Ovide),
qui est aussi l'Orphée du grand public, un autre Orphée,
dont les exploits sont retracés d'après des traditions
moins banales, mais jouissent surtout aux yeux du
théosophe d'un prestige d'un meilleur aloi.
1° Si l'Orphée de Ballanche est un poète, son inspira
tion est divine, car le poète « s'appelle prophète et
devin ». Pour décrire sa découverte du sacré, il a recours
(1) A l'origine de cette communication se trouve la lecture de
l'ouvrage posthume de René Canat, l'Hellénisme des Romantiques.
Le critique oppose en effet une fin de non-recevoir à l'œuvre capi
tale de Ballanche et à la forme d'hellénisme que représente émi
nemment ce poème initiatique. De ce dédain, Canat donne la
raison dans une note péremptoire : « II y a dans l'hellénisme
de Ballanche un mélange d'académisme assez fade et de brouil
lards germaniques ou lyonnais. » Ce parti pris, admissible de la
part d'un polémiste, l'est-il encore de la part d'un historien ? LÉON CELLIER 140
à cette formule saisissante : « J'entendis alors un son,
mais un son intellectuel, et ce son me parut être la
parole de la lumière. »
2° Ses amours sont fatales assurément, mais se carac
térisent par d'extraordinaires variantes. Orphée est uni
à Eurydice par un mariage blanc. Sa lyre, munie des
cordes supplémentaires « qui disent les lois de la so
ciété », reste sans pouvoir sur l'indifférence des hommes,
tant qu'elle ne s'unit pas aux chants virginaux d'Euryd
ice. « L'autorité, déclare Ballanche à son lecteur, vient
non seulement du génie, elle vient aussi de la grâce. »
Eurydice meurt à la fleur de l'âge, mais elle s'éteint
doucement, pour révéler à Orphée les bienfaits de la
douleur et, avant tout, le désir du ciel. La bacchante
Erigone s'éprend alors du malheureux, mais c'est en
vain qu'elle s'efforce de le séduire ou de l'apitoyer : elle
finira par mourir d'amour. Ce dernier épisode frappera
pour des motifs divers Berlioz et Guérin.
3° L'Orphée de Ballanche est un héros plébéien, « un
homme nouveau qui ne peut dire le nom de son père »,
donc un partisan du progrès, et qui sait que la haute
mission des hommes de génie est de devancer les autres
hommes pour leur frayer la route.
Orphée demeure surtout pour l'auteur de la Palingé-
nésie le héros voyageur qui apporte aux hommes la civi
lisation. Il enseigne aux Pélasges à travailler la terre, à
semer le blé, à faire le pain. De ce don du blé procède
toute la civilisation : la propriété, la justice, la morale,
le dogme de l'immortalité ; car, selon Ballanche, « la
culture est une religion ». Les Laboureurs de Jocelyn
ne seront qu'une paraphrase versifiée de ce passage.
Orphée « jamais ne considère la guerre que comme un
moyen de civilisation ». En Thrace, c'est lui qui a créé
ou plutôt qui a fondé la monarchie. II apprend au roi
que le premier moyen de civiliser les hommes est de
placer leur vie dans l'avenir. C'est pourquoi il révèle à
ce peuple la religion. Mais il distingue un culte public,
où Dieu est dispersé dans ses attributs, et un secret,
qui conserve l'insondable unité de Dieu.
4° L'initiation de Thamyris aux mystères d'Isis cons
titue l'essentiel du poème. Mais Thamyris ne fait que
suivre l'exemple d'Orphée, qui a été initié avant lui. Le CELLIER 141 LÉON
disciple cependant ne saurait égaler le maître, car « Or
phée ne fut soumis à aucune épreuve, parce qu'il allait
de lui-même au-devant de la sagesse et de la vérité. 11
avait été illuminé par sa conscience sublime. »
5° Enfin, Orphée, durant les dernières années de sa
vie mortelle, resta complètement ignoré. Thamyris, après
son initiation, se rend en Thessalie, où il rencontre un
mystérieux vieillard rongé par l'ennui et en qui la sol
itude semble avoir aboli tout sentiment social. Mais à
l'approche de la mort ses propos désespérants cèdent
la place à des accents prophétiques, qui annoncent la
loi universelle de la palingénésie, c'est-à-dire de la re
naissance. Dès que le vieillard est mort, miraculeuse
ment surgit un magnifique tombeau, œuvre des Muses,
et portant le nom de l'inconnu, du délaissé : Orphée.
« Si les Muses n'eussent pas voulu honorer sa sépul

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