Mallarmé et l Antiquité : l Après-midi d un faune - article ; n°1 ; vol.10, pg 158-173
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Mallarmé et l'Antiquité : l'Après-midi d'un faune - article ; n°1 ; vol.10, pg 158-173

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1958 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 158-173
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

Austin Gill
Mallarmé et l'Antiquité : l'Après-midi d'un faune
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1958, N°10. pp. 158-173.
Citer ce document / Cite this document :
Gill Austin. Mallarmé et l'Antiquité : l'Après-midi d'un faune. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1958, N°10. pp. 158-173.
doi : 10.3406/caief.1958.2129
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1958_num_10_1_2129ET L'ANTIQUITÉ : MALLARMÉ
L'APRÈS-MIDI D'UN FAUNE
Communication de M. Austin GILL
(Magdalen College)
au IXe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1957
Mon sujet sera plus limité que mon titre ne l'aura
peut-être fait craindre. Je n'ai pas l'intention d'explorer
l'œuvre de Mallarmé pour reconnaître des réminiscences
d'auteurs anciens. Je voudrais simplement indiquer, en
étudiant quelques passages de l'Après-midi d'un faune,
de quelle importance a pu être pour la pensée et pour
l'œuvre de Mallarmé, la notion de l'antiquité.
Quelques remarques préliminaires sont indispensables
pour préciser le problème, et pour le situer. Il est d'ail
leurs toujours nécessaire, avant d'exprimer une opinion
sur un aspect quelconque de la pensée de Mallarmé, de
dire de quel Mallarmé il s'agit : est-ce de celui de Thi-
baudet ou de celui de M. Kurt Wais, ou de M. Mauron,
de Mme Noulet, de M. Mondor, de M. Michaud, de
Gardner Davis, de Lloyd Austin, ou de Mlle Ayda ?
En bon mallarmiste, je dirai que le Mallarmé qui
m'intéresse est différent de tous ces Mallarmé-là. Il est
différent aussi, et même assez éloigné, de celui que
M. Schérer vient de nous découvrir en éditant le « ma
nuscrit du Livre ». M. Schérer nous avertit que ce
manuscrit « nous oblige à comprendre dans une nouv
elle perspective l'œuvre que Mallarmé a publiée », et
il a sûrement raison. Mais cette nouvelle perspective ne
devient pas pour autant la seule valable. Au contraire,
l'étrangeté même des notions auxquelles le nouveau
document nous initie rend plus que jamais nécessaire GILL 159 AUSTIN
l'étude de la genèse de cette pensée déconcertante et
de la tournure qu'elle prend à l'époque où elle trahit
encore sa parenté avec la pensée de tout le monde.
Je dis bien : de tout le monde. Mallarmé nous rap
pelle lui-même que pour ses idées, de même que pour
ses mots, le poète est redevable à la tribu :
Le génie... se servit de la langue, et des idées en cours,
avant d'y mettre le sceau. (Déplacement avantageux.)
Or, le Mallarmé que je propose à votre attention est
un génie dont les idées sont bien, par certains côtés du
moins, les idées courantes de son temps. Dans l'occur
rence, les conventionnelles sur l'antiquité grecque,
idées que l'on trouve exprimées ou discutées chez beau
coup d'auteurs français : historiens, philosophes, poètes,
romanciers, critiques, pendant le deuxième tiers du
xix* siècle. Ce sont des idées que Mallarmé connaît fort
bien au moment où il cherche, et trouve, sa doctrine
littéraire : mettons, entre la première version du Faune,
qui date de 1865-1866, et la publication de la version
définitive en 1876.
Comme j'aurai souvent l'occasion de rappeler la forme
que ces lieux communs revêtent chez différents écrivains,
je serai obligé de me servir de citations, parfois longues.
Si je m'en excusais, je ne serais pas de très bonne foi.
Car bien que l'objet principal de cette communication
soit de montrer que la préoccupation de l'antiquité a
marqué plus profondément qu'on ne l'aurait cru la
pensée de Mallarmé, je voudrais montrer aussi, par la
même occasion, à quel point cette pensée a été influencée
par les « idées en cours », et combien on peut l'éclairer
en la confrontant avec celle de certains autres auteurs.
Auteurs que Mallarmé a dû ou a pu lire, ou qui tout
simplement étaient les porte-parole de la pensée fran
çaise de son temps.
Le 25 avril 1864, dans une lettre à Cazalis, Mallarmé
donne à cet ami le conseil suivant :
L'art suprême, ici, consiste à laisser voir, par une pos
session impeccable de toutes les facultés, qu'on est en
extase, sans avoir montré comment on s'élevait vers ces
cimes. AUSTIN GILL 160
C'est là un art que Mallarmé a beaucoup pratiqué, et
l'obscurité de ses poèmes n'a guère d'autre cause. Le
critique est en droit, me semble-t-il, d'essayer de déjouer
les ruses de cet art, et de tenter de savoir d'où le poète
est parti pour son ascension, et par quel chemin il est
passé. Sans oublier, bien entendu — car ce serait oublier
l'essentiel — qu'il s'agit d'une ascension vers des cimes
insolites. Notre sujet ne manquera pas de nous le rap
peler, d'ailleurs. Mais il nous rappellera aussi à quel
point la pensée de Mallarmé peut rester fidèle à ses
origines. Si, avec la maturité, elle change de climat et
de style, sa direction générale et même sa structure
essentielle restent les mêmes, fixées par le poète au
moment de la grande inspiration. Voici, à ce propos,
une première confrontation, qui nous aidera à situer
notre sujet. Le rapprochement est sans doute inat
tendu :
Amis, dit le Cinq-Mars de Vigny aux conjurés (pendant
une scène dont le souvenir transparaîtra plus d'une fois,
si je ne me trompe, dans l'œuvre de Mallarmé), amis,
qu'est-ce qu'une grande vie, sinon une pensée de jeu
nesse exécutée par l'âge mûr ? La jeunesse regarde fix
ement l'avenir de son oeil d'aigle, y trace un large plan,
y jette une pierre fondamentale ; et tout ce que peut faire
notre existence entière, c'est d'approcher de ce premier
dessein. Ah ! quand pourraient naître les grands projets,
sinon lorsque le cœur bat fortement dans la poitrine ?
L'esprit n'y suffirait pas, il n'est rien que l'instrument.
Et à De Thou, qui demande, à un moment décisif de
l'action : « Sur quoi comptez-vous ? », le héros répond :
« Sur un coup de dés. »
L'esprit qui exécute une pensée du cœur : telle semble
bien être la conception que Mallarmé fait sienne, si l'on
en juge par sa correspondance ; voilà son devoir de
poète (1). C'est lorsque la pensée a ce caractère de choix
originel qu'elle émet un coup de dés, et l'on sait l'impor
tance de cette idée dans l'œuvre de Mallarmé. « Ma
pensée s'est pensée », écrit-il en 1867, à Cazalis, puis à
Villiers — sans doute que jusque-là elle s'était simple
ment rêvée — et il accepte cette pensée comme un
(1) Cf. sa lettre à Aubanel du 16 juillet 1866. GILL 161 AUSTIN
destin. Comme Cinq-Mars, il comptera sur une union
féconde entre les forces de la jeunesse, ou le cœur, et
celles de la maturité, ou l'esprit (qui, dit Cinq-Mars,
n'est rien que l'instrument). Pendant toute sa vie Mal
larmé sera obsédé par le mirage de cette union. On
pense au sonnet du cygne, à l'article sur Hamlet, à la
conférence sur Villiers, au Coup de dés.
Dans ce dernier poème le jeune homme qui apparaît
à côté du vieillard impuissant est un « être ambigu »,
un héritier spirituel, « son ombre puérile » ; il semble
figurer ce « quelqu'un si ce n'est moi » dont le poète
parle ailleurs. Mais jusqu'à la fin, l'idée que ce serait
peut-être en effet lui, l'élu, a continué de le hanter. Trois
semaines seulement avant sa mort, il répondait à la
question d'un journaliste sur l'idéal qu'il s'était proposé
à l'âge de vingt ans ; et on reconnaît dans sa réponse
la même conception et le même fragile espoir :
Suffisamment, je me fus fidèle, pour que mon humble
vie gardât un sens. Le moyen, je le publie, consiste quo
tidiennement à épousseter, de ma native illumination,
l'apport hasardeux extérieur... Heureuse ou vaine, ma vo
lonté des vingt ans survit intacte.
C'est l'espoir chimérique d'un retour d'autrefois, d

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