Alaric, ou Rome vaincue
157 pages
Français

Alaric, ou Rome vaincue

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Description

AlaricouRome vaincueGeorges de ScudéryPoème en dix chants1654Livre premierLivre deuxièmeLivre troisièmeLivre quatrièmeLivre cinquièmeLivre sixièmeLivre septièmeLivre huitièmeLivre neuvièmeLivre dixièmeAlaric, ou Rome vaincue : Livre I Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre,Qui sur le Capitole osa porter la guerre,Et qui sut renverser, par l’effort de ses mains,Le throsne des Cesars, et l’orgueil des Romains.L’invincible Alaric, ce guerrier heroïque ;Qui s’esloignant du Nort, et de la mer Balthique,Fit trembler l’Apennin, au bruit de ses exploits ;Fit gemir sous ses fers, la maistresse des rois ;Vangea de mille affronts les peuples et les princes ;Fit servir à leur tour les tyrans des provinces ;Et qui sur l’Aventin plantant ses estendarts,Triompha glorieux au noble champ de Mars.Toy qui luy fis dompter cette superbe ville,Aussi bien qu’à son bras donne force à mon stile ;Esgale, s’il se peut, autheur de tous les biens,Ma plume à son espée, et mes lauriers aux siens.Que je sçache ses faits, comme ceux qui les virent ;O dieu revele moy, quels peuples le suivirent ;Quels furent les combats, qu’il luy falut donner ;Quelle fut la valeur, que je vay couronner ;Quels assauts soustint Rome, avant qu’elle fust prise ;Enfin tout le progrés, de sa haute entreprise ;Esclaire mon esprit, du feu qui l’eschauffa ;Et fais moy triompher, ainsi qu’il triompha.Et toy belle amazone, à qui les destinéesDevroient avoir soumis cent testes ...

Informations

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Nombre de lectures 81
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Extrait

Alaric
ou
Rome vaincue
Georges de Scudéry
Poème en dix chants
1654
Livre premier
Livre deuxième
Livre troisième
Livre quatrième
Livre cinquième
Livre sixième
Livre septième
Livre huitième
Livre neuvième
Livre dixième
Alaric, ou Rome vaincue : Livre I

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre,
Qui sur le Capitole osa porter la guerre,
Et qui sut renverser, par l’effort de ses mains,
Le throsne des Cesars, et l’orgueil des Romains.
L’invincible Alaric, ce guerrier heroïque ;
Qui s’esloignant du Nort, et de la mer Balthique,
Fit trembler l’Apennin, au bruit de ses exploits ;
Fit gemir sous ses fers, la maistresse des rois ;
Vangea de mille affronts les peuples et les princes ;
Fit servir à leur tour les tyrans des provinces ;
Et qui sur l’Aventin plantant ses estendarts,
Triompha glorieux au noble champ de Mars.
Toy qui luy fis dompter cette superbe ville,
Aussi bien qu’à son bras donne force à mon stile ;
Esgale, s’il se peut, autheur de tous les biens,
Ma plume à son espée, et mes lauriers aux siens.
Que je sçache ses faits, comme ceux qui les virent ;
O dieu revele moy, quels peuples le suivirent ;
Quels furent les combats, qu’il luy falut donner ;
Quelle fut la valeur, que je vay couronner ;
Quels assauts soustint Rome, avant qu’elle fust prise ;
Enfin tout le progrés, de sa haute entreprise ;
Esclaire mon esprit, du feu qui l’eschauffa ;
Et fais moy triompher, ainsi qu’il triompha.
Et toy belle amazone, à qui les destinées
Devroient avoir soumis cent testes couronnées ;
Toy de qui le renom volle de toutes parts,
Aussi haut, aussi loing, que celuy des Cezars ;
Toy nouvelle Minerve, aux arts si bien instruite ;
Toy nouvelle Pallas, qui remis l’aigle en fuite ;
Fille du grand Gustave, et qu’on voit aujourd’huy,Par cent rares vertus, fille digne de luy.
Christine, l’ornement du grand siecle où nous sommes,
Reyne qu’on voit regner au cœur de tous les hommes ;
Princesse incomparable, escoute dans mes vers,
Comment tes devanciers, dompterent l’univers :
Je dis le monde entier ; je dis la terre et l’onde ;
Car vaincre les Romains, c’est vaincre tout le monde :
Puis qu’on leur vit porter leur aigle et leurs combats,
De leur Tibre fameux, jusqu’aux derniers climats.
Vois tirer de l’oubly, cette esclattante histoire :
Mais crois que mes labeurs, ont pour objet ta gloire :
Et qu’en tous mes escrits, comme en tous mes propos,
Je songe à l’heroine, aussi bien qu’au heros.

Rome degenerant de sa grandeur antique,
N’avoit plus la splendeur qu’avoit la republique ;
Ni le solide appuy des armes et des loyx,
Qui la fit redouter lors qu’elle avoit des roys.
Des premiers des Cesars la valeur indomptable,
Estoit mal imitée, ainsi qu’inimitable :
Jule, Auguste, et Trajan, en leurs nobles travaux,
Parmy leurs successeurs n’avoyent plus de rivaux.
Tous ces grands empereurs que l’histoire revere,
Tite, Vespasian, Alexandre Severe,
Le sçavant Marc Aurelle, et le sage Antonin,
Parmy leurs grands tombeaux, gardoient leur grand destin.
Aucun nouveau Phœnix ne sortoit de leur cendre :
Rome au lieu de monter, achevoit de descendre :
L’empire divisé, paroissoit affoibly,
Et perdoit tout l’esclat qui l’avoit ennobly.
Arcade en orient aqueroit peu d’estime ;
Son frere en occident estoit peu magnanime ;
Et ces maistres du monde, accablez sous le faix,
Achetoyent laschement une honteuse paix ;
Devenoyent à leur tour esclaves volontaires,
En payant des tributs, mesme à leurs tributaires ;
Et des bouts de la terre, où l’aigle avoit volé,
On venoit requerir son butin signalé.
Rome, de qui cent roys avoient porté les chaisnes,
A peine commandoit aux provinces prochaines :
Et toute sa puissance, en ses plus grands efforts,
A peine estoit encor l’ombre de ce grand corps.
La molle volupté de la Grece domptée
Surmontoit la valeur qui l’avoit surmontée :
Et regnant à son tour sur ces illustres cœurs,
Les vices des vaincus, triomphoyent des vainqueurs.
L’aigle qui fut long-temps plus craint que le tonnerre,
N’osoit plus s’eslever, et voloit terre à terre :
Et ce superbe oyseau, loing des essors premiers,
Se cachoit tout craintif dessous ses vieux lauriers.
Le foible Honorius confiné dans Ravenne,
N’estoit d’un empereur que la chimere vaine :
Et s’il vouloit agir pour le peuple romain,
Le sceptre trop pesant luy tomboit de la main.
Le senat n’avoit plus de sages ni de braves ;
Il estoit composé d’affranchis et d’esclaves,
Que la fortune aveugle eslevoit en ce rang,
Plutost que la vertu, ni que le noble sang.
La majesté des loix paroissoit mesprisée ;
Par cent divers tyrans Rome estoit maistrisée ;
Les puissans oprimoient le foible impunément ;
Et l’on ne vit jamais un tel desreglement.
Dans ce siecle de fer les muses desolées,
Comme Ovide autrefois se voyoient exilées,
Apres avoir souffert un indigne mespris,
Et l’ignorance crasse offusquoit les esprits.
Chacun s’abandonnoit aux passions brutales ;
La terre eust deub s’ouvrir pour toutes les vestales ;
La vertu recevoit cent outrages mortels,
Et le crime insolent alloit jusqu’aux autels.
La vanité, l’orgueil, la fourbe, l’impudence,Le luxe, les plaisirs, la paix, et l’abondance,
Avoient si fort changé la reyne des citez ;
Avoient si fort changé ses bonnes qualitez ;
Là faisoient à tel poinct toute une autre paroistre,
Qu’on cherchoit Rome en Rome, et sans la reconnoistre :
Et dans ces facheux temps, si honteux aux humains,
On voyoit des Romains, qui n’estoient plus Romains.
Du haut de l’empirée, où Dieu regne en sa gloire ;
Où des faits des mortels il garde la memoire ;
Où de leurs actions il juge en equité ;
Il voit ce grand desordre, et le voit irrité.
« Quoy, dit-il, cette ville en vertus si feconde,
L’arbitre de la terre, et la reyne du monde,
Elle que je comblé de richesse et d’honneur,
Trouve son infortune en son propre bonheur ;
Abuse ingratement de l’excés de mes graces ;
De ses grands fondateurs suit mal les belles traces ;
S’abandonne à tout vice, et tombe en un moment,
Du faiste de la gloire en cét abaissement !
Son aigle perd les yeux dans sa propre lumiere ;
Il ne luy souvient plus de sa grandeur premiere ;
Il ne luy souvient plus que pour elle je fis
Du throsne des Cezars, le throsne de mon fils ;
Que glorieuse en paix, que glorieuse en guerre,
Je la rendis deux fois la reyne de la terre ;
Et que pour l’eslever, j’ay fait voir par deux fois,
A ses superbes pieds les couronnes des rois.
L’ingrate me refuse un tribut legitime ;
Elle prefere à moy, l’idole de son crime ;
Et Rome l’insensée en ses affections,
Se fait autant de dieux qu’elle a de passions.
Mais il la faut payer, et mesme avec usure :
Ma longue patience a comblé la mesure ;
Le temps du chastiment est tout prest d’arriver ;
Et je m’en vay la perdre, afin de la sauver.
Il faut que dans le mal que ma main luy destine,
Elle revienne à soy, l’insolente mutine :
Et que si ma bonté m’a fait perdre son cœur,
Je le retrouve enfin par ma juste rigueur.
Oüy, superbe cité que l’on voit si changée,
Tu vas estre punie, et ma gloire vangée :
J’ay desja pris la foudre, et tu la vas sentir ;
Je le jure, dit-il, et sans m’en repentir. »
A peine a-t-il formé ces terribles paroles,
Que la terre s’esmeut, et tremble sur ses poles ;
Que l’orgueil de la mer s’abaisse en un instant ;
Et que tout l’univers fremit en l’escoutant.
Là, repassant des yeux les celestes phalanges,
L’eternel va choisir dans les neuf chœurs des anges,
L’ange à qui sont commis tous les peuples du Nord,
Et luy parle en ces mots d’un ton encor plus fort.
« Volle, volle, mais tost, sans que rien te retarde,
Vers ces climats glacez, que j’ay mis sous ta garde :
Va trouver Alaric, et dis luy de ma part,
Que la gloire l’apelle, et qu’il songe au départ.
Que c’est aux bords du Tibre où l’attend cette gloire ;
Et que Rome est enfin l’objet de sa victoire :
Qu’il y vange les Goths des outrages souffers ;
Qu’il la fasse gemir, et sous ses propres fers ;
Que de tous ses faux dieux, il renverse les temples ;
Et de l’ire du ciel laissant de grands exemples,
Qu’il renverse à la fois, malgré tous ses efforts,
Les palais des vivants, et les tombeaux des morts.
Qu’il l’accable en un mot, sous ses propres murailles

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