François de Malherbe — C h a n s o n s Pour M. le duc de Bellegarde « C’est assez, mes désirs, qu’un aveugle penser » C’est assez, mes désirs, qu’un aveugle penser Trop peu ...
Pour M. le duc de Bellegarde « C’est assez, mes désirs, qu’un aveugle penser »
C’est assez, mes désirs, qu’un aveugle penser Trop peu discrètement vous ait fait adresser Auplus haut objet de la terre ; Quittez cette poursuite, et vous ressouvenez Qu’onne voit jamais le tonnerre Pardonner au dessein que vous entreprenez.
Quelque flatteur espoir qui vous tienne enchantés, Ne connaissez-vous pas qu’en ce que vous tentez Touteraison vous désavoue, Et que vous m’allez faire un second Ixion, Clouélà-bas sur une roue, Pour avoir trop permis à son affection ?
Bornez-vous, croyez-moi, dans un juste compas, Et fuyez une mer qui ne s’irrite pas Quele succès n’en soit funeste. Le calme jusqu’ici vous a trop assurés ; Siquelque sagesse vous reste, Connaissez le péril, et vous en retirez.
Mais, ô conseil infâme ! ô profanes discours, Tenus indignement des plus dignes amours Dontjamais âme fut blessée ! Quel excès de frayeur m’a su faire goûter Cetteabominable pensée, Que ce que je poursuis me peut assez coûter ?
D’où s’est coulée en moi cette lâche poison, D’oser impudemment faire comparaison Demes épines à mes roses ; Moi de qui la fortune est si proche des cieux, Queje vois sous moi toutes choses, Et tout ce que je vois n’est qu’un point à mes yeux ?
Non, non, servons Chrysante ; et sans penser à moi, Pensons à l’adorer d’une aussi ferme foi Queson empire est légitime. Exposons-nous pour elle aux injures du sort ; Ets’il faut être sa victime, En un si beau danger moquons-nous de la mort.
Ceux que l’opinion fait plaire aux vanités Font dessus leurs tombeaux graver des qualités Dontà peine un dieu serait digne ; Moi, pour un monument et plus grand et plus beau, Jene veux rien que cette ligne : L'EXEMPLE DES AMANTS EST CLOS DANS CE TOMBEAU.