Discours de deux marchands fripiers et de deux tailleurs
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Variétés historiques et littéraires, Tome VDiscours de deux marchants Fripiers et de deux maistres tailleurs, estant invités à souper chez un honneste marchant.Avec les propos qu’ils ont tenu touchant leur estat.1614Discours de deux marchants Fripiers et de deux maistrestailleurs, estant invités à souper chez un honneste marchant.Avec les propos qu’ils ont tenu touchant leur estat.M.DC.XIV.1In-8 .2Tout comme à Titius , meschant homme et pervers,Phebus, qui ses rayons estend sur l’univers,Envoya l’oiseau qui, de son cœur renaissant,Iroit de jour en jour iceluy repaissant,Ainsi nous semble-il que ce monstre d’envie,Provenu des enfers, soit mis en cette viePour ronger aux mortels l’esprit, non pas le cœur,Qui jamais ne consomme, ains est tousjours vainqueur :Il attacque les grands, attacque les petits,Attacque les fripiers, vendeurs de vieux habits,Comme on cognoistera par ceste mienne histoireDe deux fripiers remplis de superbe et de gloire.Un honneste marchand, pour la rejouissanceQu’il eut d’avoir d’un filz la seulette naissance,Fit prier de souper deux maistres teinturiers,Et, de ce mesme pas, deux maistres couturiers.3Sa femme, de sa part, prie deux frelampiers ,Qui se disoient tous deux estre marchands fripiers.Ceux-cy donc, fort joyeux d’avoir telle lipée,Pour n’avoir dans le vin la lèvre detrempéeLe long du jour, s’en vont tous deux, se depeschant,Pressez de faim et soif, au logis du marchand.Cestuy, les saluant : Vous arrivez bien ...

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Variétés historiques et littéraires, Tome V Discours de deux marchants Fripiers et de deux maistres tailleurs, estant invités à souper chez un honneste marchant. Avec les propos qu’ils ont tenu touchant leur estat. 1614
Discours de deux marchants Fripiers et de deux maistres tailleurs, estant invités à souper chez un honneste marchant. Avec les propos qu’ils ont tenu touchant leur estat. M.DC.XIV. 1 In-8 .
2 Tout comme à Titius, meschant homme et pervers, Phebus, qui ses rayons estend sur l’univers, Envoya l’oiseau qui, de son cœur renaissant, Iroit de jour en jour iceluy repaissant, Ainsi nous semble-il que ce monstre d’envie, Provenu des enfers, soit mis en cette vie Pour ronger aux mortels l’esprit, non pas le cœur, Qui jamais ne consomme, ains est tousjours vainqueur : Il attacque les grands, attacque les petits, Attacque les fripiers, vendeurs de vieux habits, Comme on cognoistera par ceste mienne histoire De deux fripiers remplis de superbe et de gloire. Un honneste marchand, pour la rejouissance Qu’il eut d’avoir d’un filz la seulette naissance, Fit prier de souper deux maistres teinturiers, Et, de ce mesme pas, deux maistres couturiers. 3 Sa femme, de sa part, prie deux frelampiers, Qui se disoient tous deux estre marchands fripiers. Ceux-cy donc, fort joyeux d’avoir telle lipée, Pour n’avoir dans le vin la lèvre detrempée Le long du jour, s’en vont tous deux, se depeschant, Pressez de faim et soif, au logis du marchand. Cestuy, les saluant : Vous arrivez bien tost ! 4 C’est mon , ce disent-ils, c’est pour soigner au rost. Entrez qu’ils sont dedans pour faire les valets, 5 6 L’un prend la palette, et l’autre les molets L’un soufle le feu, et l’autre le ratise : Voilà le cuisinier qui perd sa chalandise. Un, certes plus friand qu’une chatte d’hermitte, Pour gouster au brouet descouvre la marmitte. Disant : Mets, compagnon, ces viandes à la broche, Car voicy du souper l’heure qui est fort proche ; Mets ce cochon de laict, ce canar et cest oye ; Retiens pour fricasser les polmons et le foye ; Embroche ce chapon et ces deux lapereaux, Et ces deux espaules de petits chevreaux. Sur l’heure du souper, viennent les tainturiers ; Un peu après aussi vindrent les cousturiers, Lesquelz, tout aussi tost qu’on a la porte ouverte, Vont saluer le marchand la teste decouverte. Le soupé preparé : Prenez place à la table, Ce dict-il aux tailleux d’une voix delectable. Il fit après assoir ces maistres teinturiers, Qui vis à-vis s’assirent des maistres couturiers. En après fit assoir ces maistres friponniers Qui, n’estant que frippiers, faisoient les cuisiniers, Les quelz, en murmurant contre les deux tailleurs, Qui leur sont preferez en de si grands honneurs, Sortiroient volontiers s’ilz n’etoient retenuz
De la honte et la gueule, des quelz ils sont pourveuz. C’estoit presque soupé quand voylà la Discorde, Qui, embrasant son feu, les met tous en desordre Par le moyen d’un poux, qui, cherchant son repas, De l’un de ces fripiers couroit dessus le bras, Qu’il avoit attiré en refaisant les plis De quelques vieux habits, qui en estoient remplis. Un tailleur, le monstrant, dict tout bas au fripier : Monsieur, ne vous faschez : c’est le faict du mestier. Le fripier alors, tout ennivré de vin, Commença à jetter son dangereux venin : Car au lieu de remercier le tailleur qui l’avoit Adverti de ce poux qui sur son bras couroit, Assez mal à propos luy dit : Sot, taisez-vous, Car je vous fais certain que je n’ay point de poux. Le tailleur, bien appris, endura cest injure, Replicquant : Je ne suis perfide ny parjure ; Et qu’il ne soit ainsi, Messieurs, regardez tous Au devant du pourpoint, vous y verrez le poux. Le fripier alors, qui crevoit de despit, Pour sauver son honneur luy livra un deffit Lequel des deux mestiers estoit plus honorable. Ce qui fut au tailleur grandement aggreable ; Le maistre du souper arbitre fut esleu Pour porter jugement quand on auroit conclud. Le fripier commença à discourir des mieux, 7 Si bien vous l’eussiez pris pour quelque procureur , Et se mit dans sa chaire en telle posture Que l’eussiez pris diseur de bonnes adventures. « Je ne suis pas si tost sorti de ma couchette Que voicy des marchands qui sonnent ma clochette, 8 Demandant un habit de serge de seigneur; Les autres de velours d’une belle couleur ; Les uns un beau manteau tout bordé de clincant, Pour affin d’esblouir les yeux des regardant. Aux uns de bas estat, aux autres de plus grand, Je baille des habits pour chacun leur argent, Les grands me recherchant, et aussi les petits, Pour tirer de l’argent de quelques vieux habits. À tailler des chausses je ne passe la nuict, Pour les quelles avoir fait, bien souvent il vous cuit ; Mais en n’y pensant point, et presque en me jouant, Je suis tout esbahy qu’il me vient de l’argent. Donc, ô tailleurs d’habits ! vous n’estes qu’artisans, Et nous, qui les vendons, nous sommes les marchands. Or jugez maintenant lequel est plus capable, Ou de celuy qui vend, ou celuy qui travaille ? Après que le fripier eut fini son propos. Le tailleur commença lui respondre aussi tost Je sçay bien que souvent vous estes frequenté, Mais ce sont des chalans de peu d’authorité : Car n’ayant pas d’escus la bource bien garnie, Pour avoir des habits vont à la friperie, Ce sont le plus souvent des coureurs de pavé Qui au soir à six heures n’ont encore disné ; 9 Ce sont tous des chercheurs de franche lipée, Qui n’ont ny pot au feu ny escuelle lavée ; Qui, n’ayant le moyen d’avoir des habits neufs, S’en vont vers vous (fripiers) pour en avoir de vieux. Ceux qui vous font gaigner sont les tireurs de laine Desquelz ceste cité est de tout temps si pleine. Si de vos caves estoyent les soupirails bouchez, 10 Tant de menteaux de nuict n’y seroyent tresbuchez: Car, à ce que je voy, ils sont si bien hantez Que jamais (ô araignes !) vos toilles n’y tendez. Si ces bales estoyent de vos boutiques ostées, Plusieurs pièces d’estoffes ne nous seroyent robées. Tous les habits qu’avez viennent de ces panduz, Ou bien de ceux qui sont sur la roue rompuz, 11 Ou bien de quelque noble qui, pour un coup d’espée, 12 Dessus un eschaffaut a la teste tranchée,
Ou bien d’un verolé qui, se faisant suer, 13 Est mort entre les mains de monsieur le barbier. Vous me faictes bon jeu de dire que les grands Vendent leurs vieux habits pour avoir de l’argent ! Encor pour les petits je prendrois patience, Pour estre à ce contraincts par la folle indigence. Vous passez bien les jours, vous passez les nuitées À refaire les plis des chausses dechirées, D’où les poux affamez, sortant en abondance, Vous mordent bien serré les costez et la pance. Vous resemblez au gay qu’Esope le bossu Produit estant d’un pan des plumes revestu ; Mais ce fut bien le pis, car, estant recogneu, Il fut crié, mocqué et d’un chacun battu. Ainsi vous, Messieurs, soubs ce nom de marchand, Vous vous glorifiez et faictes les galands : Mais, si dedans Paris messieurs les savetiers Estoyent à preferer à tous les cordonniers, Il seroit très juste et plus que raisonnable Que vous fussiez aussi plus que nous honorables. Le tailleur faisant fin, le marchand commença, Et dict ouvertement ce qui luy en sembla : Vous, messieurs les fripiers, n’ayez à contre-cœur Si les tailleurs vous passent en vertu et honneur ; Confessez librement leur estre redevables, Car peut-estre sans eux vous seriez miserables. Iceux sans dire à Dieu se retirent chez soy, Ce qui les aultres mit en un très grand esmoy. Le tailleur, qui n’avoit rien dit de son costé, A de telles paroles le marchand accosté : Monsieur, je suis mary que pour rejouyssance Vous n’avez eu icy que plaintes et mesdisence. Si de ces deux fripiers vous sçavez l’arrogance, Sans doubte vous mettez sur eux toute l’offense. Ils desirent sur tous emporter le dessus, Enfin estre honorez tout ainsi qu’un Phœbus ; Et, encore qu’ils soyent à chacun dommageables, Ils se disoyent pourtant estre à tous profitables. Mais sus ! Je finiray en vous disant à Dieu, Tout praist à vous servir en toute place et lieu, En vous remerciant d’un si bon traictement Et pour avoir porté un si beau jugement. Tout droit à leur logis s’en vont les cousturiers. Aussi après l’adieu s’en vont les teinturiers, Qui n’osèrent parler, de peur de plus grand noise Et de peur de jetter du bois à la fournaise. La femme du marchand, qui bouilloit de cholère, Luy demande soudain qui l’a meu à ce faire, D’abaisser ses parents du costé maternel Pour exalter les siens du costé paternel ; Poussée de courroux, le va charger d’injure, Que pour une, deux fois, jusque à trois, il endure, Mais dict eu se mocquant : Ce vous est de l’honneur D’avoir ces deux parents si curieux de l’honneur. La dame, bien fachée et plus qu’auparavant, Luy dict : Holà ! marchand, ne blasmez mes parents ; Car je vous fais certain qu’ils vallent bien les vostres, Soit en bien et honneur, ou en toute autre chose. Femme, si tes parents et ceux de leur estal Estoyent hors de Paris, nous n’irions qu’à cheval, Et vous, femmes, en carroce tiré de six chevaux, Irions nous promener avec les principaux. La femme, convoyteuse d’un si très grand’honneur, Dict lors à son mary : Je cognois mon erreur ; Dict, demandant pardon : Prenez-moy en pitié, Car je vous veux servir en toute humilité. Or donc, ne vous faschez, Marguerite m’amie, Si je fais qu’un chacun sçache toute leur vie.
1. Nous donnons cette pièce telle que nous l’avons trouvée imprimée, avec toutes ses incorrections et ses vers faux.
2. Le fameux géant Tityus, qu’Apollon et Diane tuèrent à coups de flèches pour le punir d’avoir voulu faire violence à leur mère Latone. Une autre version, suivie ici, nous le représente souffrant doublement le supplice de Prométhée, c’est-à-dire ayant le foie dévoré par deux vautours, en punition du même crime.
3. Pauvres diables, misérables, comme les frères qui sont chargés de préparer les lampes dans les couvents. Telle est du moins l’origine que Fleury de Bellingen donne à ce mot dans son livre de l’Etymologie des proverbes françois. Borel veut quefrelampier se soit pris pour charlatan ; enfin, selon d’autres, il viendroit du motfrelampe, par lequel le peuple désignoit une petite monnoie de billon valant 12 ou 15 deniers.
4. Interjection affirmative très commune alors chez le peuple. Nous l’avonsdéjà rencontrée. On disoit aussice mon,ça mon. Molière l’a employée sous cette dernière forme dansle Bourgeois gentilhomme, act. 3, sc. 3, et dansle Malade imaginaire, act. 1, sc. 2. M. Paulin Paris en a fait l’objet d’une longue note dans son édition de Tallemant des Réaux, t. 4, p. 84.
5. Lapelle.
6. Sorte de petites pincettes dont se servent encore les orfèvres.
7. La désinenteeurse prononçoiteuxdans la plupart des mots. Aujourd’hui encore les chasseurs disentpiqueuxpourpiqueur.
8. Serge fine et luisante dont lesseigneurss’étoient longtemps vêtus. On la fabriquoit à Reims. C’est une de ces étoffes, si recherchées dès le temps de saint Louis, qu’on trouve appelées par les chroniqueursserica Remensia.
9. On appeloit les parasites chercheurs defranches lippées. (Le P. Labbe, Etymologie des mots françois.) La Fontaine, dans sa fable duchien et du loup, a aussi employé ce mot defranches lippéespour repas happés gratis, et Regnier, sat. 10, v. 282–285, parle ainsi des gens qui s’en mettent en quête :
L’un en titre d’office exerçoit un berlan, L’autre estoit dessuivants de madame Lippée Et l’autre chevalier de la petite espée.
10. Dans une pièce de notre t. 1,p. 198, il a déjà été parlé de ces connivences des fripiers avec les voleurs qui infestoient alors Paris, surtout avec la bande des Manteaux-Rouges. De ceux-ci, y est-il dit, on en prit d’une seule raffle vingt-deux « qui estoient à gage et qui jetoient par le soupirail des caves ce qu’ils avoient butiné par la ville. »
11. L’année précédente (1613), à l’occasion du duel entre le baron de Luz et le chevalier de Guise, dans lequel le premier fut tué, il avoit paru une déclaration du roi contre les duels, « avec protestation de n’accorder jamais la grace. » On ne l’avoit pourtant pas encore mise à exécution.
12. Les fripiers garnissoient leurs boutiques avec les défroques des suppliciés, que le bourreau leur vendoit. C’est ce qu’on voit par un passage desVisions du Pelerin du Parnasse, Paris, J. Gesselin, 1635, in-8, p. 121–122, très curieux volume que nous aurions peut-être fait entrer tout entier dans notre recueil, si quelques unes des pièces que nous avons données déjà ne s’y trouvoient à l’état de simples chapitres. Ainsi, l’une de celles qui précèdent,Règlement d’accord sur la préférence desvetiers'savetiers e cordonnierschapitre. Voici le passage (V.p. 41–58), y forme le 19plus haut, relatif aux fripiers : « S’il (le chaland) estoit si faquin de s’aller habiller en ce païs là, il y auroit danger qu’il ne devint héritier des despouilles de quelque pauvre diable qui huit jours auparavant auroit passé par les mains discrètes du subtil Jean Guillaume. » Jean Rozeau, le bourreau de la Ligue, cet habile homme qui, lit-on dans leScaligerana, p. 37, « défaisoit fort bien en laissant seulement tomber l’épée », avoit fait comme fit plus tard son successeur Jean Guillaume. C’est même pour s’être trop hâté de pendre le président Brisson, afin de le dépouiller de son riche manteau de peluche, qu’il fut pendu à son tour sous Henri IV. (V. plus haut, p. 52, et Lettres d’Estienne Pasquier, in-fol., t. 2, p. 485).
13. Barbiers-chirurgiens,carabins de Saint-Côme, ainsi qu’on les appeloit. Ils s’occupoient surtout de la cure de ces maladies.
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