Stances sur le retranchement des festes en 1666
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Variétés historiques et littéraires, Tome VIStances sur le retranchement des festes en 1666.1666Stances sur le retranchement des festes1en 1666 .Adieu, mon cher amy, je pars de cette ville.Qu’on me rompe les os si je revois Paris.Quoy ! je demeurerois en ce maudit pays,Où la vertu n’a point d’asile,Et qui ne se trouve fertileQu’en putins, qu’en bigots et qu’en malins esprits !Le sejour m’en seroit funeste,Je m’en vais chercher d’autres gens,De peur qu’avec ces habitans,Le peu de vertu qui me resteNe m’abandonne en peu de temps.Mais enfin où faut-il que j’aille ?Les jesuites sont en tous lieux ;Il n’est plus d’endroits sous les cieuxExemts d’une telle canaille ;Cette hypocrite nation,Sous ombre de devotion,A toujours de secrettes trames,Et ces maîtres archibigots,Feignant de convertir les ames,Attrapent quantité de sots.Auroient-ils esté dans la Chine,Dans le Perou, dans le Japon,S’ils n’avoient pas connu que ce pays est bonPour faire rouler leur cuisine ?Ces illustres marchands de bledN’ont pas l’esprit assez troubléPour demeurer en mauvais giste ;Et, si ces lieux ne payoient pasLeurs sermons et leur eau benite,Ils changeroient bien de climats.Valent-ils mieux dans la Sorbonne ?Non : car on m’a dit qu’en ce lieuLe pape, vicaire de Dieu,N’y peut faire sa cause bonne.Pas un ne veut signer l’infaillibilité,De peur de se faire une affaire ;2Et l’on estime mieux souscrire au formulaireQue les docteurs ont arrestéQue courir risque de ...

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Variétés historiques et littéraires, Tome VI Stances sur le retranchement des festes en 1666. 1666
Stances sur le retranchement des festes 1 en 1666.
Adieu, mon cher amy, je pars de cette ville. Qu’on me rompe les os si je revois Paris. Quoy ! je demeurerois en ce maudit pays, Où la vertu n’a point d’asile, Et qui ne se trouve fertile Qu’en putins, qu’en bigots et qu’en malins esprits ! Le sejour m’en seroit funeste, Je m’en vais chercher d’autres gens, De peur qu’avec ces habitans, Le peu de vertu qui me reste Ne m’abandonne en peu de temps.
Mais enfin où faut-il que j’aille ? Les jesuites sont en tous lieux ; Il n’est plus d’endroits sous les cieux Exemts d’une telle canaille ; Cette hypocrite nation, Sous ombre de devotion, A toujours de secrettes trames, Et ces maîtres archibigots, Feignant de convertir les ames, Attrapent quantité de sots.
Auroient-ils esté dans la Chine, Dans le Perou, dans le Japon, S’ils n’avoient pas connu que ce pays est bon Pour faire rouler leur cuisine ? Ces illustres marchands de bled N’ont pas l’esprit assez troublé Pour demeurer en mauvais giste ; Et, si ces lieux ne payoient pas Leurs sermons et leur eau benite, Ils changeroient bien de climats.
Valent-ils mieux dans la Sorbonne ? Non : car on m’a dit qu’en ce lieu Le pape, vicaire de Dieu, N’y peut faire sa cause bonne. Pas un ne veut signer l’infaillibilité, De peur de se faire une affaire ; 2 Et l’on estime mieux souscrire au formulaire Que les docteurs ont arresté Que courir risque de deplaire À messieurs de la Faculté.
Dedans ce lieu ce n’est que brigue ; Les docteurs sont toujours de differents avis, Et ceux qui sont les plus suivis Sont ceux qui font le plus d’intrigue. Le seul caprice y règle tout ; L’un blâme ce que l’autre absout ; Chacun, suivant son sens, règle le Paradis, Et fait des loix en notre Eglise, Comme le roi fait des edits.
Dans ce maudit tems on retranche La fête de beaucoup de saints, Et c’est justement que je crains Qu’on ne reforme le dimanche. 3 Pourquoy jadis festions-nous saint Thomas, Ou pourquoy maintenant ne le festons-nous pas ? D’où vient ce changement etrange ? En voicy la raison : aujourd’huy le clergé Pretend qu’un apôtre et qu’un ange Ne peuvent rien sans son congé.
Les saints, jaloux les uns des autres, Vont avoir un procès bien grand : Un evangeliste pretend 4 Valoir autant que les apôtres; Saint Marc ne peut souffrir ces abus inouïs, Il veut estre festé comme on feste saint Louis ; Le bon saint Joseph paroît triste Du tort qu’on luy fait aujourd’hui, Et soutient que saint Jean-Baptiste, Dont on feste le jour, ne vaut pas mieux que luy.
5 Eh quoy ! disent les Innocens, Quoy ! souffrirons-nous que l’eglise, Qui nous chôma toujours, aujourd’huy nous meprise ? Ne valons-nous pas bien autant que saint Laurent ? S’il repandit son sang, nous versâmes le nôtre, Nous avons tous souffert autant que pas un autre ; Pourquoy n’aurons-nous plus d’encens ? Ne seroit-ce point que la France, Qui ne vit plus dans l’innocence, Ne peut souffrir les Innocens ?
Tous les patrons de confrerie Ont fait un bon serment entr’eux De n’exaucer jamais nos vœux, Puisque leur feste est abolie. 6 Si saint Roch une fois nous oste son secours , Que de maux croîtront tous les jours ! Et, si sainte Reine se pique, 7 Je prevois que Martot, Gayan et d’Alencé Auront cent fois plus de pratique Qu’ils n’en avoient au temps passé.
Que de galeux, que de teigneux, Que de verole et que de peste ! La reforme des saints nous sera trop funeste Si nous ne faisons pas notre paix avec eux. Si l’on veut retrancher les festes de l’année, Qu’on oste celles-là dont la veille est jeunée, Je consens volontiers à leur retranchement : Qu’on oste saint André, mais non pas sainte Reyne, Car nous avons trop frequemment 8 Besoin de l’eau de sa fontaine.
Pour moy, qui crains trop la colère Des saints irritez contre nous, Je vais chercher une autre terre Pour m’exemter de leur courroux. Adieu, je sors de cette ville. Qu’on me rompe les os si je revois Paris ! Quoy ! je demeurerois en ce maudit pays, Où la vertu n’a point d’asile, Et qui ne se trouve fertile Qu’en putains, qu’en bigots et qu’en malins esprits ! Le sejour m’en seroit funeste ; Je m’en vais chercher d’autres gens, De peur qu’avec ces habitans Le peu de vertu qui me reste 9 Ne m’abandonne en peu de temps.
1. Nous trouvons cette pièce dans leChansonnier Maurepas(t. 3, p. 45), où elle a pour titre :La difformité de la reforme des saints. Elle existe avec celui qu’elle porte ici dans le recueil intitulé :Le tableau de la vie et du gouvernement de messieurs les cardinaux Richelieu et Mazarin et de Monsieur Colbert, représenté en diverses satyres et poésies ingenieuses… (Cologne, P. Marteau, 1694, in-12, p. 214–218). La pièce qui précède celle-là, dans le même recueil, traite aussi de ce sujet. Elle a pour titre :Lettre en vers libres à un amy, en 1666, sur le retranchement des festes par M. Perefixe, archevêque de Paris. Il y est dit à la fin : « L’auteur de ce poème n’est pas M. Le Petit, car il estoit dejà brûlé en ce temps-là. » Et on lit en note, à la page 203 : « C’estoit M. Colbert qui pressoit cette affaire pour faire travailler les gens. » Pareille mesure ne nous étonne pas de la part du laborieux ministre. Louis XIV, pourtant, s’attribue tout l’honneur de celle-ci re dans sesMemoires(Paris, 1806, in-8, 1partie, p. 277–278) : « J’observai, dit-il, que le grand nombre des festes, qui s’etoient de temps en temps augmentées dans l’Eglise, faisoit un prejudice considérable aux ouvriers, non seulement en ce qu’ils ne gagnoient rien ces jours-la, mais en ce qu’ils y despensoient souvent plus qu’ils ne gagnoient dans tous les autres. Car enfin c’étoit une chose manifeste que ces jours, lesquels, suivant l’intention de ceux qui les ont établis, auroient dû être employés en prières et en actions pieuses, ne servoient plus aux gens de cette qualité que d’une occasion de debauche, dans laquelle ils consumoient incessamment tout le fruit de leur travail. C’est pourquoi je crus qu’il etoit ensemble et du bien des particuliers, et de l’avantage du public, et du service de Dieu même, d’en diminuer le nombre autant qu’il se pourroit ; et, faisant entendre ma pensée à l’archevêque de Paris, je l’excitai, comme pasteur de la capitale de mon royaume, à donner en cela l’exemple à ses confrères de ce qu’il croiroit pouvoir être fait, ce qui fut par lui bientôt après executé de la manière que je l’avois jugé raisonnable. »
2. Il datoit de l’année précédente. Voy. t. 5, p. 84.
3. Des stances sur le même sujet, qui se trouvent dans leRecueil de Maurepas(t. 3, p. 17–20), parlent aussi de la suppression de la fête de saint Thomas. Ce patron, dont le nom étoit écrit en rouge sur les almanachs, comme celui de tous les saints dont on chômoit la fête, ne fut plus à l’avenir écrit qu’en noir ; ce qui fait dire :
Dans cette commune disgrace Tout le monde plaint saint Thomas, Et nous le verrons, quoi qu’il fasse, En changer de couleur sur tous les almanachs.
4. Les fêtes d’évangélistes avoient en effet été supprimées. On lit dans lesstancesque je viens de citer :
Saint Luc, fidèle evangeliste, Saint Marc, faisant même metier, Ne se verront plus sur la liste.
5. La fête des Innocents, qui se célébroit le 28 décembre, avoit aussi été retranchée. Nous lisons dans les stances déjà citées, où il est fait allusion à la suppression des auvents de maisons, « qui, avançant trop dans les rues, obscurcissoient le dedans des boutiques et empêchoient, la nuit, la clarté des lanternes », suppression qui fut ordonnée en même temps que le retranchement des fêtes :
Les festes supprimer, retrancher les auvents Est une police nouvelle ; Pour moy, je la tiens criminelle, D’attaquer sans pitié les petits Innocents.
6. Nous lisons dans lesstancescitées tout à l’heure :
Du bienheureux monsieur saint Roch, Qui nous preservoit de la peste, On a pendu la feste au croc, Et, cet esté dernier, il joua de son reste.
7. Célèbres médecins de l’époque. Le dernier eut un fils qui se ruina en expériences de
e physique. C’est ce fils que Boileau nomme dans sa 10satire, v. 433 :
D’un nouveau microscope on doit, en sa présence, Tantôt, chez d’Alenci, faire l’expérience.
Dans leChansonnier Maurepas, au lieu des deux premiers qui sont nommés ici, l’on trouve Coladon et Lelarge.
8. Cette fontaine se trouve dans l’Auxois, au bourg d’Alise, qu’on appelle aussiSainte-Reine, à cause de la sainte qui y fut martyrisée, et aux mérites de laquelle étoit attribuée la vertu de cette eau minérale, très efficace contre toute espèce de galle.
9. Ce retranchement des fêtes fut une mesure qui n’eut pas long-temps son exécution, e ou qui ne diminua pas assez le nombre des chômages. En 1678, quand parut le 8livre de ses fables, La Fontaine pouvoit encore faire dire par le savetier au financier :
. . . . . . . . . Lemal est que toujours (Et sans cela nos gains seroient assez honnêtes), Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes ; L’une fait tort à l’autre, et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
Voltaire, devenu agriculteur, voulut aussi restituer au travail ces jours voués à l’oisiveté et à la débauche sous prétexte de religion. Il en écrivit nettement au pape : « Ma destinée, lit-on dans sa lettre du 21 juin 1661 à d’Argental, est de bafouer Rome et de la faire servir à mes petites volontés… Je fais donc une belle requête au Saint-Père, je demande… une belle bulle pour moi tout seul, portant permission de cultiver la terre les jours de fête sans être damné. Mon évêque est un sot qui n’a pas voulu donner au petit pays de Gex la permission que je demande, et cette abominable coutume de s’enivrer en l’honneur des saints au lieu de labourer subsiste encore dans bien des diocèses. Le roi devroit, je ne dis pas permettre les travaux champêtres ces jours-là, mais les ordonner. C’est un reste de notre ancienne barbarie de laisser cette grande partie de l’économie de l’État entre les mains des prêtres. M. de Courteilles vient de faire une belle action en fesant rendre un arrêt du conseil pour le desséchement des marais. Il devrait bien en rendre un qui ordonnât aux sujets du roi de faire croître du blé le jour de saint Simon et de saint Jude tout comme un autre jour. Nous sommes la fable et la risée des nations étrangères, sur terre et sur mer ; les paysans du canton de Berne, mes voisins, se moquent de moi, qui ne puis labourer mon champ que trois fois, tandis qu’ils labourent quatre fois le leur. Je rougis de m’adresser à un évêque de Rome, et non pas à un ministre de France, pour faire le bien de l’État. »
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