LE TRANSPYRENEENNE
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Description

Cette histoire vécue est écrite plus de vingt ans après les faits.
Bouleversante à lire....
Vingt ans après : tout cela est resté occulté mais vivant, jusqu'à aujourd'hui.
...comment la vie peut ressembler parfois à un immense gâchis...

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Publié par
Publié le 19 mars 2013
Nombre de lectures 95
Langue Français

Extrait

LA TRANSPYRENEENNE Dans cette histoire, je l’appellerai Marie, avant de lui adresser une dernière pensée et de lui restituer son identité propre pour l’éternité.Dans cette histoire, je veux faire preuve de retenue et de pudeur. Comme elle fut vécue en son temps, elle est restée sagement enfouie au fond de mes souvenirs de jeunesse : il est temps aujourd’hui de l’exhumer. Une histoire comme celle là ne peut rester emmurée dans quelques souvenirs anciens,dans la nuit d’une mémoire à peine altérée. . * C’était le siècle dernier, c’était hier.J’avais un ami Belge, de son prénom Georges. Un grand gaillard fort en thème et fort en tout d’ailleurs. Il animait une section de scoutisme
inspirée directement parl’école de Baden-Powell: c’était un passionné.Il m’expliquait quece mouvement était en quelque sorte une initiation pour l’adolescent aux fins de développer son civisme et son caractère par la formation. Pour Baden-Powell, cet apprentissage passait par le développement de la santé physique et morale, de l’intelligence concrète, de l’habileté manuelle, du caractère personnel et de la dimension spirituelle de chacun. Les conditions nécessaires au partage d’une vie marquée par un humanisme sans fard. Pour réaliser concrètement cette formation, Baden-Powell s’appuyait sur le jeuet l’action.Le système des patrouilles, le principe d’entraide à autrui en toutes circonstances et sans calcul. Par ces principes, il souhaitait éveiller une évolution progressive des jeunes à l’auto-éducation. La prise de responsabilités comme vocation se réalisait en plein air et dans la nature. Cette école perdure toujours, principalement dans les pays Anglo-saxons.
Georges était un garçon passionnantdoté d’un charisme sans pareil. Il avait mis de longs mois pour préparer un projetd’exception: il m’en parlait de temps à autre, il me demandait mon avis. C’était un jolidéfi.Il s’agissait d’effectuer la transpyrénéenne à pieds par les sommets depuis la ville d’Hendaye dans lePays Basque jusqu’à la ville de Banyuls dans les Pyrénées orientales. Il avait constitué une petite équipe d’une dizaine de marcheurs partageant tous la même philosophie de la vie. Une organisation sans faille avait été montée de toute pièce par Georges. Il disposait d’une collection de cartes I.G.N du secteur Pyrénéen et de ses grands massifs montagneux. Les numéros des secours en haute montagne figuraient déjà dans son répertoire. Avec ces outils de base, il avait reconstitué un itinéraire. Cet itinéraire reliaitsans discontinuer l’océan à la mer. En aucune circonstance, mis à part
maladie, accident ou abandon, les marcheurs ne devaient redescendre dans les vallées. Le slogan était très simple : marcher pour avancer ! Belle leçon d’abnégation et de modestie.Les efforts et les fatigues inutiles devaient être économisés afin d’atteindre cet objectif un peu fou sans trop de casse. Les organismes allaient être rudoyés. Dans des conditions aussi exigeantes, la logistique jouait un rôle majeur. D’une logistique bien organisée dépendait cet exploit sportif. Deux jeunes femmes étaient déterminées à mener cette responsabilité à bien. Deux filles de confiances mais aussi très sportives. L’effort devait s’étaler globalement sur deux mois selon les prévisionsde Georges. Il n’était donc pas question de cueillir les fleurs de montagne durant les longues journées de marche aux dénivelés intransigeants. Il était pourtant tentant de se laisser enivrer par ces senteurs printanières. Mais la poésie qui
était dans le rêve de l’homme,consistait à se surpasser. Les deux femmes, sur les épaules desquelles dépendait la réussite de la petite entreprise étaient Rose, la femme de Georges et leur grande amie Marie. Responsables de la logistique, initiées à la lecture des cartes, à tous moments informées de la météo, responsables du ravitaillement en barres chocolatées et boissons énergisantes, elles étaient les mains et la tête pour ces sportifs de haut vol. Rien ne pouvait se soustraire à leur vigilance. Elles étaient tenues à la veille de chaque course d’en informer les secoursde haute montagne. Elles se chargeaient de récupérer les clés des refuges vides, en mairie, de les restituer après le séjour de la petite patrouille, et bien d’autres missions obscures. Elles étaient parfaitement conscientes des responsabilités qui leur étaient dévolues. Elles offraient en prime aux hirsutes marcheurs leur candeur et leur sourire permanents. Je vous
épargnerai les détails des lessives quotidiennes dans les torrents d’eau glacée.Durant le montage de ce projet, j’avais été l’invité d’honneur de Georges. En effet, il m’avait demandé de me joindre à lui pour participer à cet exploit, avec toute son équipée descendue de Belgique. Les dates étant déjà fixées, je ne pouvais pas trouver de solution, à mon grand regret, pour me dégager de mes obligations pendant une si longue période. Mais je ne rechignais pas à les retrouver et passer un moment avec eux dans les montagnes. Je posais des congés auprès de mon employeur de l’époque. Je connaissais tellement ces montagnes. J’avais gravi nombre de leurs sommets. J’avais fait le tour des lacs innombrables perdus et oubliés dans les hauteurs olympiques terrestres. Les poètes les appellent - dernier refuge avant le ciel. Cette image a longtemps hanté mes fantasmes.
De nombreuses courses là-haut m’avaientvalu des frissons inoubliables. Des souvenirs d’engelures, des souvenirs de piège qui se referme sur le marcheur que j’étais, par l’effet des puissants capricesd’un ciel trop vite changeant dans ces hauteurs inaltérables. J’avais récoltéla rançon de l’effort, l’oxygène qui se raréfie et les tempes qui battent la chamade, les maux de tête violents, les muscles tétanisés, la bouche brûlante et les gencives qui scandent une douleur lancinante. J’avais ressenti cette vague nausée.J’avais ressenti tellementd’ivresses aussi. J’étais seulement - juste à ma place - là où l’insignifiance de la vie humaine était offerte en appât aux forces violentes de la nature terrestre, aux forces telluriques, aux lois de la pesanteur, et à la condition humaine qui a tant besoin d’air pour respirer et faire battre ce cœur si gourmand en oxygène. J’avais réussi à prendre huit jours de congés pour rejoindre cette équipée sympathique.
L’occasionm’avait été donnée de faire connaissance avec tout ce joli monde, lorsque descendant de Belgique, ils devaient faire une halte à la maison, afin de couper leur long voyage en deux parties, et laisser reposer les chauffeurs. Nous étions convenus de cela avec Georges quelques semaines auparavant. Je lui avais annoncé alors mon opportunité de me joindre à eux durant quelques jours. Sa joie n’était pas feinte.Vers la mi-mai, je rejoignis le groupe : je me souviens bien. C’était dans le massif de la Maladeta, la porte de l’Aneto: point culminant des Pyrénées: le mythique massif de l’Aneto.Autour se trouvent le Maldito, non loin le Monte Perdido. Ces noms évocateurs m’émeuvent toujours.Cette équipe était belle et joyeuse. Ils s’extrayaient juste des grands glaciers lorsque un beau matin,je partis d’un pas patent avec eux pour ma première course. Que de souvenirs : je retrouvais des sensations
extraordinaires. Mais la violence de l’effort était trop rude: je n’avais pas l’entrainement nécessaire. Je n’ai fait que trois sorties durant la semaine (au lieu des cinq prévues). Il existait dans cette équipe managée par mon ami Georges un véritable esprit « club » une fraternité réelle, une camaraderie qui donnait chaud au cœur.Aucune rivalité, pas de pleurnichards ni de traine-savate. Mais déjà deux avaient été contraints d’abandonner.C’était une bande de fous. Une moyenne de sept heures de marche par jour ne les empêchait pas de faire la fête le soir venu. La moyenne d’âge de ces joyeux trublions devait se situer autour des vingt sept ans. Ce défi transpyrénéen était leur Graal. Durant deux mois, ils en avaient fait un art de vivre. Ils étaient comme des funambules au-delà des nuages sur le fil acéré des crêtes austères. Deux jours de repos par semaine leur était accordés, mis à part les aléas météorologiques.
Je savourais cette semaine avec gourmandise parmi ces isards, malgré mon manque d’entrainement. J’étais gentiment chahuté. Ils avaient tous des mollets comme mes cuisses. Durant les soirées, nous retrouvions Rose, la femme de Georges et Marie. Le ravitaillement était au rendez-vous. Le petit repas du soir et quelques grands apéros idem. Ainsi j’ai connu Marie-: une vraie boute - en train. Une fille pleine de vie. Son truc, c’était la bouffe : une spécialiste du sucré-salé. C’était une gourmande. Mais quelle bavarde elle était. Lorsqu’au petit déj. on lui disait bonjourelle nous disait le reste…c’est pour dire ! Comprenez que pour lui couper la parole, il fallait être doué, et avoir un sens de la diplomatie très élevé. Il ne fallait rien lui promettre. Elle était une de ces filles dont l’art de vivre était plus qu’un art. C’était un dondu ciel.
Marie avait besoin de partager, d’échanger, de se confronter, d’apprendre. Elle naviguait entre bon sens et naïveté. Marie me racontait sa vie. Je regardais vivre son âme derrière ses yeux bleus clairs ornés de larges sourires.A l’aube de la trentaine, elle n’avait jamais pris de vacances de sa vie. Elle n’était jamais sortie de sa Belgique natale. Lorsqu’elle me disait tout cela, elle semblait transportée, transfigurée, absorbée par cette aventure merveilleuse. Elle apparaissait, ivre de liberté. Son imagination était débordante de créativité, de rêves trop longtemps étouffés par son rôle de mère, de femme modèle. Mais elle n’avait aucune prétention disait-elle : juste réussir sa vie et celle des siens. Tous ces moments vécus ensemble ne lui faisaient pas perdre la tête pour autant. Et tous les soirs,lorsqu’un réseau disponible le permettait, elle téléphonait à son mari et à sa fille de dix ans. C’était son rituel. C’était sa condition pour être pleinement heureuse. Son
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