Dans La Peau d un Prof
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Suite ( souvenirs d'une carrière de prof)

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Publié le 13 octobre 2011
Nombre de lectures 165
Langue Français

Extrait

11. Une autre journée comme les autres.
Tu me dis, j’oublie.
Tu m’enseignes, je me souviens.
Tu m’impliques, j’apprends
Benjamin Franklin
Mars 1990.
Dix ans déjà que j’enseigne les langues étrangères à des jeunes âgés
de 16 à 20 ans. J’ai maintenant un peu d’expérience et j’aime mon
métier. Je suis comme un poisson dans l’eau quand je suis dans mes
classes et j’ai de bons contacts avec les élèves.
Pourtant, souvent je me remets en question : pourquoi n’a-t-il pas été
efficace ? Pourquoi Ludovic n’aime-t-il pas assister à mes leçons ?
Parfois, je me décourage : j’ai tout bien expliqué et certains élèves
semblent n’avoir rien retenu ou pas grand-chose !
Je suis souvent
débordée : les préparations, les corrections, les
réunions s’accumulent. Maman de trois charmantes fillettes, je dois
bien gérer mon temps et ce n’est pas toujours facile.
Aujourd’hui, je commence ma journée de cours à 8H30. Heureusement,
j’ai congé le mercredi matin pour programmer mes cours de la semaine
et
faire
quelques
travaux
ménagers.
Comme d’habitude, j’entre dans le studio des professeurs avant de
monter en classe.
Je retrouve Dominique devant le panneau d’affichage et nous
échangeons quelques mots :
- Bonjour ! Comment vas-tu ? Et la petite famille ?
- Ca va bien ! Je n’ai pas beaucoup dormi la nuit mais ça va ! Charlotte
a fait des cauchemars et j’ai dû me lever plusieurs fois. Et toi ?
- Je suis un peu fatiguée aussi….. mais on aura bientôt les vacances de
Pâques. Elles seront les bienvenues.
Quand la sonnerie nous interrompt, nous emportons nos sacs et tout
notre matériel, enregistreur et dictionnaires, et nous nous dirigeons
chacune vers nos classes respectives.
Pour commencer la journée, je vais donner un cours d’anglais à des
élèves des sections Arts et Stylisme.
J’ai pris l’habitude de dicter le programme pour que les élèves le notent
dans le journal de classe dès le début du cours. Les élèves sont obligés
de se concentrer sur ce qu’ils écrivent et le calme s’installe dans la
classe.
La sensibilité artistique
de ces adolescents s’exprime dans leurs
vêtements et accessoires. Maxime se promène avec un cartable bariolé
qui traduit son attirance pour les couleurs, Cindy a fabriqué elle-même
son plumier avec un morceau de velours à poils longs. Aurélie est fan de
porte-clés et les attache à son sac. Iles élèves de ces sections préfèrent
les cours de leur option et ne se sentent pas toujours à l’aise au cours
d’anglais.
Pourtant, j’aime travailler avec eux car ils sont très spontanés et le cours
passe vite pour nous tous.
Après avoir corrigé des travaux pendant une heure de « fourche », je
passe deux heures avec des élèves de la section « Langues
Modernes ». Ils sont motivés pour les cours de langues étrangères
puisqu’ils les ont choisis comme option principale. Aujourd’hui, nous
allons faire une compréhension à l’audition.
IL faut beaucoup de patience. Comme d’habitude, les élèves soutiennent
qu’ils ne comprennent rien après la première écoute.
Il est vrai que le vieux lecteur de cassettes que les professeurs de
langues se partagent dans l’école n’émet pas un son très clair mais les
paroles sont audibles et le dialogue pas très compliqué.
Je les tranquillise et leur demande de se calmer :
- C’est toujours la même chose. Vous paniquez et vous ne vous
concentrez pas.
Mathilde se décourage :
-Je suis nulle en compréhension ! J’abandonne !
Je m’arrête un instant :
- Essaye quand même ! Tu finiras bien par y arriver !
On écoute le texte deux autres fois. Je répète quelques passages plus
difficiles et finalement nous arrivons
non sans peine au bout de
l’exercice.
Je dois faire une remarque à Ludovic qui a sorti ses tartines sur ses
genoux. Il croit que je ne l’ai pas vu et mange son pain derrière le dos de
son ami.
Olivier et Rachid commencent à m’énerver : ils bavardent depuis
plusieurs minutes et se mettent même à rire.
- Faîtes-nous au moins profiter de votre blague ! Qu’on puisse rire avec
vous !
Je trouve les élèves bien nerveux aujourd’hui ! Décidément, on ne sait
jamais comment un cours va se passer ! Hier, ils étaient très attentifs,
aujourd’hui je les trouve dissipés. J’attrape mal à la tête et je suis
éreintée.
Heureusement, le cours se termine et je retrouve mes collègues à la
salle des professeurs pour le temps de midi.
Nous mangeons notre dîner autour d’une étroite table sur laquelle
traînent de vieux journaux et des publicités.
J’apprécie ces moments passés avec les collègues : les discussions
vont bon train et l’ambiance est détendue.
Après la pause de midi, je rejoins le local des élèves de 6me année pour
un test d’expression écrite. Après avoir distribué les questionnaires, je
me promène entre les bancs pour décourager les éventuels tricheurs.
J’ai prévenu les élèves :
- Chacun pour soi et dieu pour tous !
Hier, j’ai surpris Sylvie avec un copion en dessous de sa farde et j’ai dû
la pénaliser pour sa tromperie. J’espère que la leçon portera ses fruits et
que je ne devrai plus intervenir pour de tels actes.
Pendant le test, mes pensées vagabondent et rejoignent mes trois filles.
Je me demande ce qu’elles font : Valérie est à la garderie et les deux
ainées, Nathalie et Patricia à l’école primaire. J’ai hâte d’être le soir
pour retrouver ma petite famille.
Ce soir, nous allons souper chez mes parents. Je me réjouis de passer
un peu de temps avec eux et de trouver mon souper prêt. Les élèves
devront attendre quelques jours avant de recevoir la correction de leurs
travaux.
La sonnerie me rappelle à l’ordre : il faut reprendre les questionnaires et
terminer le cours. Tristan est toujours le dernier à rendre sa feuille et à
quitter le local. Je lui fais remarquer que tous les autres sont déjà partis
et qu’il ferait bien de se dépêcher. Il me sourit mais ne se départit pas de
son flegme habituel. Je dois même le menacer :
- Tristan, si tu ne me rends pas ton test maintenant, je ne le corrigerai
pas.
Finalement, il quitte la classe et je peux ranger mes cours.
Je me dépêche car je suis en retard : mes filles m’attendent dans la cour
de récréation.
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