Extrait de "Confluence de vies" - Patrick Poncet
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Description

Alors qu'il se promène rive gauche, quartier la Confluence, un homme sauve un enfant tombé d'un pont dans la Saône. Peu après, c'est au tour de la mère de se jeter à l'eau. Cet événement devient le point de départ d'une rencontre entre un divorcé esseulé et une jeune femme étrange et distante, dont le mutisme apparent cache un lourd secret. Alors que la police s'oriente vers une accusation à charge, Martin cherche à comprendre l'envers du décor en menant sa propre enquête. Le début d'un périple sur la Saône, une semaine qui offrira à Martin et Amandine la possibilité de se connaître, de se livrer l'un l'autre pour mieux se délivrer...
Autour d'une énigme douloureuse, Patrick Poncet orchestre une valse fragile entre deux âmes perdues. Quelque part entre la déclaration d'amour à la Saône et le portrait d'écorchés, il nous convie à une balade élégante et cultivée, grave et envoûtante, où la psychologie prend l'ascendant sur la romance... Quelque part dans l'ombre magique de Sauconna, la déesse des rivières sacrées.

Informations

Publié par
Publié le 21 mai 2014
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Patrick Poncet Confluence de vies
Publibook
Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55 IDDN.FR.010.0119183.000.R.P.2013.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2014
À Dounette
Je flâne rive gauche, comme à l’accoutumée. Une nappe de brume fermait la rivière comme un rideau, l’autre rive m’était invisible. C’était ma vie, ma femme avait tiré un voile entre nous, est-ce qu’une autre pourrait de nouveau l’ouvrir. De quoi était fait mon futur, pourrais-je vivre encore longtemps sans présence à mes côtés ? Des mots affleuraient de moins en moins à mes lèvres, mais effleuraient de plus en plus mes doigts. Je tends l’oreille au bruissement de la Saône, elle est ma compagne, ma confidente. La mariée s’apprête, elle s’avance doucement, à pas comptés, à brasse mesurée. Elle entre dans l’église, elle est au seuil de l’autel. La Confluence est le but de la course, la fin d’un célibat, les futurs époux vont se découvrir. Lui vient de l’est, impétueux jeune homme aux yeux verts, elle vient du nord, jolie brunette calme. Elle lui est promise depuis sa source, mais ne lui tombe pas dans les bras, elle se fait dési-rer, elle résiste, ils s’observent. Il tourne autour d’elle, impatient, tourbillonnant. Mais il est puissant, sa force a raison d’elle qui se donne à lui, ils mélangent leurs eaux, Confluence les bénit, les marie. L’étreinte est titanesque, deux géants fluvia-tiles s’assemblent pour donner naissance à un Dieu, Poséidon des eaux douces. L’enfant qui naît de cette union vit sa jeunesse rapidement. Ses gènes lui commandent de s’écouler vers celle qui l’attend, l’attire, la Méditerranée.
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« Un roman naît, d’une façon en quelque sorte nécessaire, avec tous ses chapitres. » Victor Hugo, Notre Dame de Paris. L’histoire débute un dimanche de juin. Les rues sont vides de circulation, les passants sont calmes de l’animation de la semaine. L’été approche timidement. Quelques rayons de soleil fugi-tifs et fragiles se faufilent à travers des paquets de nuages blancs. Les amas nuageux obstruent par instants leur course folle, faisant momentanément chuter la température au grand désarroi des promeneurs avides de chaleur. Lorsqu’aucun obs-tacle ne s’oppose, piétinant d’impatience derrière ces nuées duveteuses, ils s’engouffrent dans une trouée bleue, offrant aux flâneurs une éternité passagère de soleil qu’ils se dépêchent de savourer, qu’ils souhaitent prolonger avant le retour annoncé d’une déferlante grise. La lumière se répand alors sur le monde avec satisfaction. Je ne porte pas le fardeau du désespoir, seu-lement supporte de plus en plus difficilement le poids de la solitude, alors je marche profitant de ces quelques belles éclair-cies. Instinctivement mes pas me ramènent rive gauche de la Saône, j’occupe mes pensées avec elle. J’oublie la vie exté-rieure, triste de livres pour enrichir ma vie intérieure. Je me plonge en elle, me noie dans ses eaux, nage aux côtés de Sau-conna. C’est ma promenade dominicale et aussi souvent, je dois l’avouer, journalière. Je n’ai que cela à faire et lire. Ainsi, je sors mon livre et les pieds pendant au-dessus de l’eau, je bou-quine, je rêvasse. Surtout les week-ends où mes enfants ne viennent pas et ils sont malheureusement de plus en plus nom-breux. Ces fins de semaine ressemblent aux instants privés de lumière. Des nuages lourds et sombres qui obstruent la clarté de ma vie. Il commence à faire beau. De jour en jour la tempéra-
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ture augmente. Il avait beaucoup plu ce printemps, la Saône est à un niveau haut. Une légère brise frisotte la surface de l’eau. Je me prénomme Martin, je vis seul depuis quelques années, après une séparation d’avec ma femme. Je me suis, dès lors, réfugié dans les livres, me suis en quelque sorte refermé sur moi-même et ouvert aux livres, même s’ils ont accompagné ma vie de tout temps, car la lecture a toujours fait partie de ma vie, jusqu’à cet après-midi de début d’été où l’écriture s’est présen-tée, inopinément, mystérieusement à moi. Le roman s’est imposé, incontournable, je me suis glissé dans cette histoire, comme ma rivière dans son lit. J’avais quitté mon métier d’informaticien un an plus tôt pour reprendre une petite librairie de quartier à Lyon. Un ras-le-bol des chiffres, des programmes… J’avais envie d’autre chose, le changement de vie familiale avait précipité ma reconversion. Ce roman pourrait donc débuter ainsi: «Je suis libraire à Lyon dans le quartier de la Confluence…» Je gagne juste ma vie mais tant pis, entouré de livres je suis heureux, presque autant qu’entouré de personnes. Je passe donc le plus clair de mon temps dans mon antre, ou bien je marche sur les berges de la Saône. La boutique que je gère est une de ces petites libraires en voie de disparition où l’on peut encore bavarder avec le libraire, qui vous donne son avis sur les livres, vous conseille des lectu-res. Voilà ce que je suis, conseiller en lecture, et même accompagnateur de voyage en livre, c’est mieux. Je tiens une agence de voyage et je vends des destinations romanesques! Mais attention, pas comme ces grandes surfaces qui tuent le contact. Vous poussez votre caddy, et entre le gel sans savon corps et cheveux, ça doit sûrement mieux laver! et le bœuf carotte cuisiné, vous prenez un autre produit, un livre, parce que ça détend et que vous êtes de la vieille école, celle où l’on ap-prenait encore à lire. Un vieil instituteur vous avait donné le goût de la lecture, ou parce que vous voyez vos parents, encore parfois, éteindre la télé pour se plonger dans un livre, vous vous dites :mais quel plaisir trouvent-ils dans ces phrases? Alors vous vous laissez tenter, mais personne n’est là pour vous dire « ceroman est génial, si vous aimez…» Non, vous arpentez seul ce couloir qui vous intrigue, vous longez ce mur de livres, que vous couvrez du regard, lequel choisir ? Il y en a tellement ! Alors vous en prenez un, un peu au hasard ou parce que vous en
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avez entendu la pub, outrageusement commerciale. Vous vous saisissez d’un autre, duquel vous consultez la quatrième de cou-verture, d’un suivant dont vous vous laissez tenter par un titre accrocheur, une couverture attirante… allons, le temps presse, il faut finir les courses. Bah ! C’est le progrès, une société asepti-sée, formatée… où l’image règne, où le livre perd de sa valeur, le chômage me guette. Le temps et l’image, mes braves gens, voici ce qui est en train de transformer notre société. L’un par son rétrécissement, l’autre par son accroissement. Avaler des images et courir après un leurre, voilà à quoi se résume la vie, si nous n’y prenons pas garde! Car il s’agit bien d’un leurre ce concept de temps que personne ne sait vraiment définir, à l’instar de Saint Augustin, pensant le connaître, et qui se lamen-tait de ne pas savoir l’expliquer dès lors qu’on le lui demandait ! Il n’y a guère que les physiciens pour en faire un paramètre dans leurs équations, une flèche qui oriente leurs expériences, un jumeau de l’espace. Et ingurgiter des images fabriquées, sans recul, s’en repaître jusqu’à satiété. Bref, je ne suis pas là pour me lamenter, pour décrire une société qui dérive, mais écrire une histoire, car c’est de cela qu’il s’agit. Une histoire dont je vais vous en décrire les images, une histoire façonnée par un temps nonchalant, à l’instar d’une rivière qui coule. À force de lire, et Dieu sait si je lis, c’est même devenu ma princi-pale activité, j’ai eu envie d’écrire. Avec le temps il m’apparaît même que ces deux activités sont complémentaires, on écrit parce qu’on lit, on lit parce qu’on écrit, enfin c’est mon avis et je le partage, comme me disait un collègue. J’irai même jusqu’à évoquer le terme de lecture-écriture, nouveau concept, comme Einstein a formé le concept d’espace-temps. C’est-à-dire deux termes qui, de différents, se fondent l’un dans l’autre pour n’en former plus qu’un. L’histoire est venue à moi, tragiquement, brusquement. Je n’ai pas eu besoin de chercher une idée, de passer des heures devant la page blanche, syndrome de l’écrivain. La vie s’est chargée de m’associer à ce qui aurait pu n’être qu’un fait divers mais qui est devenu mon histoire. Je n’ai plus eu qu’à la ra-conter, la développer, bref d’en faire un roman. Une balade, presque quotidienne, le long de cette rivière qui me permet de rêver, mais qui a pris un tour tragique.
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Ce récit, lecteur, tu vas le découvrir en même temps que l’héroïne qui partage cette semaine avec moi, car je me suis mis en scène… obligé… tu vas comprendre. On dit souvent que parler permet d’évacuer le trop plein psychologique. C’est d’ailleurs ce que font les psychologues : faire parler les victimes après un drame. N’est-ce pas la mode des cellules psychologi-ques ?Mais on peut aussi, cela dépend de la personne, écrire. Combien d’enfants alertent leur entourage par des dessins cer-tes, mais également par des mots. Donc ce roman est une thérapie à deux l’un par l’écriture, l’autre par la lecture. J’écris ce que je ressens de sa vie, comment elle m’apparaît, quel tour-nant elle doit prendre, elle lit pour guérir, pour comprendre. Mais j’écris aussi pour nous reconstruire.
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er 1 jour « Ils ne le savaient pas alors, mais c’était l’unique lieu parfait en ce monde. Un lieu totalement isolé et le seul pourtant à n’être pas aux couleurs de la solitude. » Haruki Mura kami, 1Q84. Livre 3. Le moteur ronronnait, le bateau traçait un fin sillon dans l’eau calme. Quelques légères vaguelettes confirmaient son passage en venant lécher doucement le rivage. Le capitaine tenait fermement la barre, jeune loup de Saône, c’était sa pre-mière sortie. Une initiation à la navigation qui n’avait duré que quelques minutes avant le départ et s’était résumée à quelques conseils, l’autorisait dès lors à diriger la frêle embarcation. Un bob enfoncé à mi-yeux, car le soleil était encore puissant malgré l’automne avancé et bien sûr la pipe, mais cela était une habi-tude de longue date et non un mimétisme de circonstance. Je lui avais proposé cette croisière qui devait nous emmener à Lyon, 373 kilomètres, pour lesquels nous avions une semaine. Sept jours de vacances pour l’un et l’autre qui n’avaient pas goûté à ce plaisir depuis bien longtemps, sept jours de liberté pour nous découvrir. Nous avions quitté, en fin de matinée, la petite localité de Corre, en Haute-Saône, où nous étions arrivés de bonne heure le matin. Un train, puis un autobus nous avaient acheminés à ce petit port, point de départ de notre périple fluvial. L’adjectif « haut »associé à la rivière qui en était à son commencement, pour en faire un nom propre, précisait que la petite cité était la première ville en amont où la Saône était navigable, pour re-joindre en aval la Basse Saône. Nous y avions fait des provisions, de quoi tenir jusqu’à la prochaine halte, Saint-Jean de Losne d’après ma carte de navigation. J’avais rapidement
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