Justice pour Elie
257 pages
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Description

Un crime effroyable a été commis au domicile de la famille Roslin. Un homme et sa femme sont retrouvés égorgés, l’un à côté de l’autre. Du ventre de Louise Roslin, un fœtus a été arraché et posé au sol. Caché dans une pièce à côté, Elie, deux ans, reste seul survivant.
Dix huit mois plus tard, l’enquêteur privé Michel Salain, ancien capitaine de po-lice qui a dirigé l’enquête et arrêté l’assassin, vient témoigner au procès. Le prévenu, un clandestin fraîchement arrivé, se terre depuis dans le mutisme. Confronté à un climat survolté, le procureur va plaider le crime crapuleux, Sa-lain la piste religieuse. Peu avant de passer à la barre, il concède un entretien à la journaliste Muriel Roncet, jeune, audacieuse, trouble et mystérieuse. Devant la cour, il va livrer un témoignage enflammé sur le déroulement de son en-quête, les obstacles qu’il affronta, et jeter au visage du procureur la complicité des pouvoirs publics qu’il soupçonne. A la sortie du tribunal, épuisé, il sera re-joint sur le parvis par la journaliste, qui, lui prenant le bras, assénera alors sa vérité : « ils étaient deux, et nous sommes seuls à le savoir».
Je vous laisse découvrir la suite et son aboutissement, le jeu de l’avocat du pré-venu, de la juge qui instruisit, de son mari financier international influent, et les prolongements que la journaliste inspire au détective. Le tout entre Paris et La Rochelle, les plaines du marais poitevin, entre la fureur et la quiétude.

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Publié le 04 juin 2019
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Langue Français

Extrait

JUSTICE POUR ELIE
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CHAPITRE1PAGE3 :LETEMOINMICHELSALAINESTDEMANDEALABARRE
CHAPITRE 2 PAGE 22 : MAIS QUI EST CETTE FEMME ?
CHAPITRE 3 PAGE 36 : AGENCE « ELIE RECHERCHES »
CHAPITRE 4 PAGE 43 : IL FAUT QUE L’ON SE PARLE
CHAPITRE 5 PAGE 53 : L’INQUIETANT ACCIDENT DE NADIA OURI
CHAPITRE 6 PAGE 58 : SOMBRES RENDEZ-VOUS
CHAPITRE 7 PAGE 75 : L’UNE EST MORTE, L’AUTRE A DISPARU
CHAPITRE 8 PAGE 82 : LE CALME AVANT LES TEMPETES
CHAPITRE 9 PAGE 95 : LE MOMENT DU VERDICT
CHAPITRE 10 PAGE 104 : UN CORPS DANS LES DECOMBRES
CHAPITRE 11 PAGE 110 : REVELATIONS POSTHUMES
CHAPITRE 12 PAGE 128 : UN SUICIDE QUI TOMBE TROP BIEN
CHAPITRE 13 PAGE 133 : SPECULATIONS A COURT TERME
CHAPITRE 14 PAGE 141 : TRAVAIL FAMILLE
CHAPITRE 15 PAGE 149 TOUT CELA FINIRA MAL
CHAPITRE 16 PAGE 175 LE VASE EST PLEIN
CHAPITRE 17 PAGE 181 UN PACTE AVEC LE DIABLE
CHAPITRE 18 PAGE 193 LE PROCUREUR N’A PAS L’ETOFFE D’UN HEROS
CHAPITRE 19 PAGE 197 QUEL AVENIR POUR ELIE ?
CHAPITRE 20 PAGE 204 LA DROLE DE GUERRE EST DECLAREE
CHAPITRE 21 PAGE 210 AU NOM D’ELIE ET DE LA FAMILLE ROSLIN
CHAPITRE 22 PAGE 217 TROIS MOIS PLUS TARD
CHAPITRE 23 PAGE 221 UN AN PLUS TARD
CHAPITRE 24 PAGE 225 CINQ ANS PLUS TARD
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 LE TEMOIN MICHEL SALAIN EST DEMANDE A LA BARRE
La digue s’est rompue sous la poussée. Le parvis du palais de justice ne se défend plus. Ses forces déclinent à contenir les assauts de la foule, l’agitation des journalistes, l’opportunisme des politiques et des cultureux, le ballet musclé et improvisé des nombreux policiers qui peinent à canaliser tous ces ots. Les premières barrières se couchent. Des corps chavirent dans un fracas soudain de ferrailles et de hurlements. De la mer qui fend brusquement ce dernier écueil, jaillissent cris et bousculades, des personnes sont piétinées. La vague submerge et noie la place qui s’est totalement recouverte en quelques furieux instants. Pour toutes les raisons du monde, cette marée humaine est venue ici laver sa colère, en découdre, heurter l’insupportable. La houle convoque la vengeance, et inévitablement la mort s’invite. Cette compagne d’un froid et sombre matin qui se glisserait en leur nom pour les soulager. En leur nom, mais sans eux bien sûr. La témérité ne les porte pas jusqu’à actionner eux-mêmes le couperet. Si le prévenu n’était pas aussi protégé, si cette furie pouvait simplement l’approcher, il est acquis qu’un déchainement aussi courageusement enragé, se disputerait sans attendre, la îerté de disloquer cette âme. A plusieurs et dans l’anonymat de la multitude, tout devient plus simple. Notre époque n’enfante plus de héros, et une occasion à bon marché ne se refuse pas. Alors les prétendants sont là, la meute gronde et se décharge. Se donner le frisson sans péril et sans gloire, éternellement rabâcher qu’on y était, beaucoup dans la révolte, se nourrit de cette tragique et pathétique impatience. Quelques braves, auréolés d’une contusion qu’ils négocieront en certiîcat médical, bien rangé ou aïché le long d’une vie, pourront s’acheter une inespérée posture ; Le couronnement d’une carrière de médiocre. L’apothéose en démocratie de marché. A l’intérieur, la salle des pas perdus gère ses troubles dans le feutré des émotions contenues, îltrées aux tissus des grands
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principes, du recul et de la profondeur des jugements. Le statut de victimes trie ainsi déînitivement les authentiques dignités. Le théâtre est similaire à la rue, beaucoup de monde aux portiques, pathétiques reets de nos renoncements, et derrière, un silence oppressant, un vaste décor austère, des colonnes froides et jaunies, ce sol brillant et glacé qui claque discrètement au pas des robes, le carrousel des ashs. Quelques attroupements épars contiennent les familles et les avocats dans leurs murmures. Une humeur frappe. Ici, les cris bruts et desséchés, ont fait place aux humidités silencieuses et gênées. Chaque main enveloppe le mouchoir qui éteindra les gouttes de peine, le temps a poli l’horreur, les convulsions se sont cachées puis tues depuis longtemps, derrière les murs fermés d’existences simples et humbles. Les antihéros sont fatigués, ils veulent simplement savoir faute de comprendre. Enîn, la salle d’audience qui s’apprête. Là, vont se brasser dans la douleur, les interrogations qui aboutiront à une vérité. Celle d’une société au nom de son peuple, celle de sa culture rougie et fondue dans les forges de l’histoire. L’accusé la contestera, on le sait déjà, la sienne ne la reconnat pas. Il en invoquera une autre, ancienne et philosophique, qui étrangle les lois d’une république humaine. La seule qui l’oblige. Tous les protagonistes et observateurs, tous les esprits éveillés, n’imaginent pas la moindre lézarde céder au dialogue entre deux hermétismes aussi vigoureux. Ce procès sera celui d’un esprit basculé par le franchissement brutal de quinze siècles en une étape. Ce qui a permis cela ne sera pas jugé dans cette enceinte, ce n’est pas le lieu. Seules, l’écume et sa putréfaction seront observées. D’ailleurs, comment convoquer à la barre, d’un seul coup, quatre décennies de complicités politico médiatico culturelles, et sur quels fondements juridiques ? La lâcheté, la soumission, la médiocrité, la haine de soi, l’idéologie inavouable, la corruption et l’arrivisme, ne relèvent que de jugements moraux, médicaux, pas juridiques. L’étage légitime sur lequel apprécier les immoralités légales qui putréîent, c’est le débat démocratique. Mais ce forum agonise, et n’est plus agité encore, que par un peuple restreint qui semble d’autant plus s’accommoder du moribond, que sa complicité ne sera pas envisagée non plus. Il se donne bonne conscience dehors. Pour l’immense majorité silencieuse, les yeux fermés, le nez bouché et la carte consumée, traduisent une angoissante indiérence. L’eau dort. Mais ses profondeurs ne gonent-elles pas déjà ?
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La salle d’audience est vide, plongée dans un silence fragile que quelques rumeurs proches caressent par instants. Un homme la peuple, un seul, assis sur un banc, fermé dans ses pensées. Le capitaine Michel Salain a dirigé toute l’enquête. Il n’a pas trente ans, ce fut la première. Parti sur un délit banal, il allait tirer un îl dont la pelote en s’amenuisant, devait libérer la plus grande abomination du siècle naissant, et forcer le rempart qui enserrait péniblement la réexion nationale. Au prix de féroces moyens de plus en plus élimés, à l’aide d’esprits tout aussi usagés, les institutions peineront à le contenir. Mais l’édiîce est entamé. La îssure idéologique maintenant béante, la déclinaison des évènements qu’il va simplement étaler, là, se suïra. Il va jouer le jeu et anticipe déjà toutes les interprétations, les mises en cause et autres procès d’intention, voire lynchages auxquels il s’expose. La nudité des faits sera son alliée, et qui la contestera ? Oui, cette abomination dérange, par ce qu’elle contredit, ce qu’elle inîrme, et qui fonde quarante années de constructions idéologiques. Hier encore, un journal en cour sous perfusion bancaire, a livré les réexions d’un sociologue d’état, qui déclasse les faits en simple fait divers contemporain. Une députée de la république, qui étale depuis peu sa haine de la France, généralise les comportements del’accusé à toutes les religions. Aux exactions présentes avérées et corrélées, elle oppose un conditionnel douteux à d’autres spiritualités. « Cela aurait pu aussi arriver ». Ces réactions n’ont trouvé aucune réponse, ni institutionnelle, ni culturelle, ni médiatique. Sa conscience se pénètre de la préoccupante démission qui rôde et de ce que, inévitablement, elle impliquera un jour. La justice est piégée, ce monde est perdu s’il continue à se har, et il pourra le dire au simple énoncé des circonstances, en avançant bien planqué derrière. Il attend ses contradicteurs sur cette scène, et s’intrigue des subterfuges qui le traqueront pour l’ajourer, de la défense à la trouble attitude de l’accusateur public dont il ne spécule aucun concours, et toutes les embûches. Mais il s’est façonné. Personne ne l’éloignera des faits, que les faits. L’armure qu’il forge en l’instant, se fend brusquement par la douceur d’une présence. La jeune journaliste qui l’approche înit avec hésitation par s’assoir à ses côtés, quelques secondes interrogative, comme pour lui en demander la permission. Son parfum suave devance un léger bruissement, les paupières de
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Salain s’en émeuvent, s’ouvrent lentement avant de concéder un large regard. Sur ces boiseries patinées, silencieuses et chaudes, que d’immenses histoires habitent lourdement, les deux seules âmes de la vaste enceinte endormie, se considèrent machinalement, sans reet. Salain se frissonne bien de cette jolie brune qu’un charme inattendu habille modestement, de la touchante appréhension qu’elle distille, mais de ce frémissement son fardeau se moque. Les observations se prolongent pour installer un échange, évaporer une résignation. Il a toujours refusé tout contact avec les journalistes depuis dix huit mois, sait que chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, seront retournés contre lui en cas de dérapage. Le vocable lui fut confronté lorsque la juge décida l’instruction close. « Par rapport à quelle route, et qui la déînit ? » jeta-t-il, avant de renvoyer les moralistes vers le procureur, pour lui laisser comme établi, le soin d’éclaircir les citoyens. Cet hymne à la liberté en deux interrogations, lui valut un déluge d’insultes aussi malveillantes qu’inspirées. Les humanistes institutionnels subventionnés, trop heureux de l’occasion, s’empressèrent ainsi sous les lumières, les bras souvent chargés de leur dernier livre, îlm, album, ou émission de propagande. On vit un vieux boutiquier de téléachat masqué en fausse variété, des passeurs de plats de în de soirée, tous aussi nombreux qu’interchangeables, se bousculer ainsi pour tirer leur canapé ou leur fauteuil. Salain était fasciste, personne pour les contredire, beaucoup de sourires crispés complices, hochements de tête, gravité sur jouée pour accompagner, et des audimats en déshérence. Tout lui revient à la contemplation de ce bout de jeunesse, inconsciente et sûrement inexpérimentée, qui tente un sourire d’approche. Elle est à peine plus jeune que lui, ses yeux gris vert discrètement soulignés pétillent de malice, elle a posé son attirail sur le banc et laissé ses eets projeter une silhouette mince et élancée, une taille plutôt petite. Il s’arrête sur des lèvres înes et dessinées, relevées d’un léger trait luisant, un nez mince, aigu et délicat. Elle-même, semble le percevoir allégée des arrière pensées qui la dominaient peu auparavant, s’attarde dans ses yeux, considère la chevelure mi longue, brillante et soignée, ose le corps et les chaussures. S’attendrit-elle sur cette jeunesse que la vie vient de supplicier, et ce curieux acier qui la déîa au point de résister ?
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Elle déchire subitement le silence. – Vous m’autorisez à prendre une photo de vous, pensif et seul dans la salle ? Ce ferait une belle illustration avant votre passage à la barre. – Vous voulez que je pose comme dans un roman photo. Vous imaginez que la situation consent à ce genre de récréation douteuse? Maintenant, si vous pensez que ma pénétration sincère, et sa traduction sur mon visage apportent quelque chose à l’information, éclairent un climat, faites ! Ce ne sera pas de la pose, simplement une authenticité. Et pensez alors y attacher à côté, la photo des victimes. Car c’est leur sort qui m’habite, et celui de l’orphelin. Pendant deux ou trois minutes, Salain se laissera capturer pour dégager l’instant qui dessine les humeurs. Il s’en surprend. - Puis-je maintenant savoir à qui je îs autant de concessions en si peu de temps ? - Murielle Roncet journaliste au quotidien « La voix libre ». Salain marque une stupeur qu’il réprime diïcilement, glace son regard dans celui de la journaliste, plusieurs secondes, puis secoue très légèrement la tête comme pour souligner un émoi, mais dominé. -Vous ne manquez pas d’aplomb mademoiselle. Mais peut-être débutez vous, et ignorez sans doute que votre journal me trana dans la boue des mois durant. Certes, il ne brilla pas par un esprit original, tout le vocabulaire éculé du terrorisme bien pensant y passa. Alors pourquoi diable venez vous approcher un fasciste nauséabond, qui amalgame et rappelle les heures les plus sombres de notre histoire, évidemment raciste, et bla bla bla, et bla bla bla. Vous devriez d’ailleurs vous méîer, je suis aussi un pervers refoulé, misogyne et dangereux. En fait, et ce fut signiîé, je baigne dans la haine, m’en abreuve au matin. Vous n’avez pas peur de vous faire violenter? Avec toutes les horreurs qu’on a dû véhiculer sur ma trouble personnalité bonne pour l’asile, comme les opposants au temps de l’URSS, je vous trouve bien courageuse, presque inconsciente. Salain a asséné tout çà avec calme, sur un phrasé presque murmuré qui contraste radicalement la véhémence du propos. Son regard s’est perdu dans les immensités de la salle, Il a à peine considéré son interlocutrice, sinon à la conclusion et sur un air neutre, indiérent, blasé. Cette opposition de styles, accentue le ridicule de la position de la journaliste, qui vient pourtant d’obtenir une faveur qui enîèvre bien des confrères.
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Bien sûr, le type qu’elle distingue depuis quelques minutes ne reète en rien, les caricatures obligées et nécessaires que son employeur entretient à dessein. Elle le devinait. - Dois-je envelopper la réponse dans toutes les exigences qui président à un titre sous perfusion bancaire et subventions publiques, dont vous devinez sans doute que le proît recherché n’est pas înancier mais idéologique ? Pensez vous que j’aurais fait cette démarche si mon inconscient vous parait du millième de toutes les perversions qui vous furent prêtées, ou plutôt accordées ? Non, restons sérieux, et considérez la personne qui je vous l’accorde, accepte provisoirement la prostitution au chômage. Tout journaliste conséquent sait devoir se résigner à l’hermétisme de ces deux alternatives. Et si vous pouviez investir sur une rédemption en m’accordant quelques mots, là maintenant, cette audace vous fructiîerait peut-être une îerté, un jour. Salain s’interroge curieusement au sujet de cette fracheur que d’instinct il considère avec méîance. «A quoi joue-telle ? Me prend-elle pour un imbécile avec sa grossière duplicité qui exhale un fort relent sournois? » Il s’agace, et trouve înalement le biais qui convient. -Au risque de nourrir encore quelques spéculations malsaines, je vais vous conîer une humeur que vous garderez. Enîn j’espère ! Quelque chose me trouble chez vous que je ne distingue encore. Ce qui en grandira m’intrigue déjà, si vite. A quelques heures de passer à la barre, j’ignore malheureusement les dispositions des grands élans que vous pourriez m’inspirer en des circonstances plus nuancées. Mais je les soupçonne. Vous m’êtes sympathique, vos gros sabots contrefaits donnent du charme à cette maladroite approche, ainsi je vais vous concéder navement un peu d’authenticité. Cela dit, vous serez déçue. Je n’ai rien d’original à dire, et resterai sur les faits sans considérations personnelles que votre journal se hâterait d’utiliser pour sa propagande. Je veux bien vous parler, mais ce sera du réchaué. Pendant une trentaine de minutes, loin du fracas et baigné du bourdonnement avoisinant qui gone à l’approche des débats, Salain va gentiment décliner les éléments qu’il répètera bientôt à la barre. La journaliste a compris le jeu dans lequel elle s’est laissée enfermer, et ne manifeste aucune impatience. Elle se contentera du privilège qui lui fut octroyé, et enveloppera longtemps son interlocuteur dans ce halot, avant de le ferrer
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sur la dernière question : - Qu’attendez-vous de ce procès , au fond, alors que les faits sont établis, et qu’aucune obscurité particulière ne recouvre ? Salain hésite un long moment avant de répondre, îxe la journaliste, lui ore un rictus, comme pour saluer la virtuose. En début d’entretien, il aurait immédiatement interrompu. -Je n’ai rien à en attendre, je suis un citoyen qui répond à une convocation de la justice de son pays, au sujet d’une aaire dans laquelle elle le considère comme particulièrement qualiîé pour l’éclairer. Je n’ai pas à m’interroger, elle m’appelle, je viens. Il se trouve que je suis celui qui leva en son temps toutes les obscurités que vous signaliez. Je suis heureux qu’ainsi, les débats en soient facilités, et que beaucoup d’ambigüités malsaines ne puissent de ce fait orienter les interprétations. Oui, je crois avoir îcelé la pelote de manière à toutes les étouer. Cette monstrueuse abomination a obéi à des considérations religieuses, et le caractère crapuleux qui a pu être, et sera mis en avant, ne relève que d’une exégèse de confort démocratique. Ceux qui s’en îrent, et s’en feront les complices, seront démentis. Je n’avance là aucun sentiment, je relate des faits incontestables. Mon honneur fut mis en cause pour cela, jamais mon travail. Le temps est venu, la salle se remplit, les émotions se dispersent pour dégager une tension qui s’aïrme. Sur les visages, dans les gestes, les absences, la représentation installe son décor. Murielle Roncet remercie Salain, chaleureusement, pour cet exceptionnel témoignage. - Ne remerciez que votre talent. Vous m’avez racolé dans un moment de fragilité qui ît que je cédai à vos avances. La prostituée qui remercie le client pour ce moment, voila qui n’est pas banal. Nous venons de friser la demande en mariage, avec l’église et le curé en prime. Méîez-vous, je suis capable de dire oui dans la seconde. On s’embrasse ? Salain exprime tout cela sans l’ombre d’un sourire, d’une lumière, le visage fermé, dans un désabusement résigné qui le rend attachant. Certes, le regard fut pénétrant et très vagabond, mais assumé. La journaliste secoue la tête en riant, embrasse Salain, et lui lance avant de partir prendre place : - Bon courage pour la suite. Au fait, certaines épousent leur souteneur, le monde en est trué, et mon univers n’en manque pas. Présentes et si peu présentables, elles sont souvent les
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plus îévreux procureurs contre les pervers refoulés, misogynes et dangereux dans votre genre. A un certain étage, les terminologies changent. Tout est question de statut. Capitaine de police!!! Préfet, pour elles vous deveniez fréquentable, ministre ne véhiculiez que du style, de la tenue et du génie. Mais vous avez raison, la réalité est autre, plutôt inversée, je le constate quotidiennement. Epouser le client me semble plus….sain, propre, honnête, et réjouissant devant le miroir. Je vous promets d’y rééchir. Salain la regarde s’éloigner. A son âge, la naveté guette encore. Il contraint un trouble, s’interroge sur cette incongrue, ou cette imposture. « Alors, le client ou le maquereau ? La lecture de l’article me l’apprendra très vite ! » Il considère le manège qui s’ébroue, les bancs qui se noircissent, les sièges vides en face qui attendent, la barre devant lui, et tout ce chaud mobilier qui transpire les mémoires suppliciées au nom du peuple. La mort ne rode plus, sinon dehors, il s’en réconforte. «Le déchet qui va s’avancer ne mérite aucune pitié. Et pourtant elle n’a rien à foutre ici » pense-t-il. -La cour appelle le témoin Michel Salain, merci de faire approcher. Par ces mots, le président dévoile un des protagonistes majeurs de l’aaire. La salle pleine à craquer est silencieuse, la cour et les jurés détaillent chaque posture, chaque geste, chaque mimique de l’intéressé. Une idée se façonne toujours sur ces premiers instants, donne le ton, fonde une crédibilité ou une désinvolture. Salain est parfait de classicisme, dans un costume cravate bleu nuit impeccable, juste assez sobre, mais classe. II est jeune, grand et séduisant, rasé de près comme pour se détacher des pathétiques banalités pavloviennes qui envahissent la salle, la cour, les jurés…..le prévenu. Sa première provocation est là. Sa démarche est assez lente, rééchie et assurée pour installer d’emblée l’autorité du corps. Le regard vagabonde peu, droit sur la cour. Le type est décidé, responsable, et assume. La défense comme l’accusation, s’accaparent cette impression, cet élément qui conditionnera leur ton. Ainsi, le message est clair. Le client risque d’être retors, et son statut l’a durci. -Présentez vous s’il vous plait. Lance le président. – Michel Salain, 29 ans, enquêteur privé, ancien capitaine de police. J’ai, sous l’autorité de la juge Guidel, mené l’enquête qui
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nourrit ce procès. Je jure de dire la vérité. – Pouvez-vous nous détailler précisément les circonstances qui vous ont amené à investiguer, et déboucher sur cette aaire ? - Je dois en premier lieu, monsieur le président, indiquer quelques éléments de base indispensables à la compréhension des faits, et du chemin qu’ils façonnèrent pour me porter vers l’issue qui nous accapare. Je viens d’être nommé capitaine à l’époque, juste sorti de l’école de formation. Mon classement m’autorise l’aectation que je souhaitais. Je n’ai pas vingt huit ans et intègre la police judiciaire. Sur réquisition du procureur de la république Henri Malaterre, je suis amené à investiguer sur la plainte d’une jeune femme, concernant des cas récurrents de menaces, harcèlements, insultes, et autres provocations, liées précisait-elle, à sa tenue vestimentaire. Cette plainte concernait le quartier des blancs lilas, sur la commune de Bois Gardet, en Ile de France, plus précisément les abords de la gare. Je fus immédiatement frappé par le lieu, un quartier résidentiel de lotissements pour classes moyennes type encadrement, éloigné de toute la sociologie pathogène, presque un ghetto. L’historique n’y racontait rien, et la police locale installée plus de dix kilomètres plus loin, n’y traitait que des futilités. Selon une méthode personnelle, je commençai par me saisir du climat général, interrogeai quelques habitants, tentai de cerner la psychologie ambiante, pour enîn interroger la plaignante, et considérer en quoi elle se fondait ou se distinguait dans ce halo. Je dus me rendre à une réalité humble. Tout là-bas renvoyait au bonheur simple de la tranquillité travailleuse, ambitieuse sans arrivisme, soucieuse du lendemain, protectrice et attachée aux valeurs de la famille. La conscience politique et culturelle des choses, une imprégnation prononcée de l’histoire et des racines de la nation, marquaient les considérations. A condition que les injustices ne s’avèrent pas criantes, cette population acceptait normalement la nécessaire solidarité qui lui était sollicitée. J’eus des entretiens de haute volée intellectuelle et morale, avec des gens dont la gigantesque majorité était issue d’un prolétariat modeste et laborieux, qui leur forgea l’éducation, et à qui l’école à l’époque, donna le civisme et l’instruction. Dois-je vous l’avouer monsieur le président, la république me rendait îer. Non, contrairement à la phrase de Flaubert, je ne me confrontai pas là, à une démocratie qui aurait élevé le prolétariat à la stupidité du bourgeois.
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