L’autre soir, à la tombée du jour, je marchais du côté d’un col couvert de neige...
244 pages
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L’autre soir, à la tombée du jour, je marchais du côté d’un col couvert de neige...
Journal tenu par Dana Hilliot entre Septembre 2005 et Février 2006.

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Publié le 15 septembre 2011
Nombre de lectures 172
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

L’autre soir, a la tombee du jour, je marchais du cˆote d’un col couvert de neige... Journal : St-Flour / Anderlecht Septembre 2005 - Fevrier 2006 dana hilliot licence Ces textes sont issus d’un journal que j’ai tenu entre les mois de sep- tembre2005etfevrier2006.IlssontpubliessouslicenceCreativeCommons: Paternite - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modi cation 2.0 France, qui vous autorise a reproduire, distribuer et communiquer ces textes au pu- blic (sous quelque forme que ce soit), dans la mesure ou : – vous citiez a chaque dois le nom des auteurs – vous conserviez la mˆeme licence en cas de di usion et reproduction – vousn’enfassiezaucunusagedanslecadred’uneactivitecommerciale – vous ne modi ez, ni ne transformez ni n’ adaptez ces textes Chacune de ces conditions peut ˆetre levee si vous obtenez l’autorisation du titulaire des droits. Ce qui precede n’a ecte en rien vos droits en tant qu’utilisateur (exceptions au droit d’auteur : copies reservees a l’usage prive du copiste, courtes cita- tions, parodie...) La version complete de cette licence est lisible a cette adresse : http ://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/legalcode ACes textes ont ete mis en page avec LT X a l’aide du logiciel Kile sousE une distribution Linux Ubuntu. Ceci constitue ma seconde tentative de mise Aen page sous LT X. Merci mille fois a tous les developpeurs qui ont cree deE tels outils. 1 L’ecroulementdessigni ants:s’agit-ild’unsaut,d’unpassagebrusqueet soudaind’unelangueasondemantelement?oubiend’unelentedegradation, d’une fˆelure qui s’elargirait peu a peu? ou bien le denouement d’une tension qu’onavaitsuamenagerjusqueal ?Unelangue,cesontdessigni antsquise tiennent les uns aux autres, comme solidaires, articules autour de quelques uns, des signi ants pivots, peut-ˆetre pas nombreux, mais dont la presence et la stabilite su sent a donner l’illusion du sens. Mais il est aussi dans ce tissu symbolique quelques trous, quelques ou- bliettes, ceux-l a auxquels la psychose fait reference (et, psychotique ou pas, on imagine assez bien combien il est hasardeux de se referer a un trou, et impossible de s’y er). L’ensemble se maintient dans la mesure ou ces trous sontevites,qu’onnes’enapprochepasdetroppres.Etdanslamesureou les signi ants pivots, qui garantissent que les choses demeurent en l’etat, et que ca continue, que ca se perpetue, sont con rmes. Le probleme de la psychose tient peut-ˆetre au fait que ces signi ants pivots, ce qui tient lieu de maˆ tre, nesontmalgreleurcaracteresacrequ’adossesauxtrous,toutcontrelesquels ils dressentune forteresse plus ou moinsepaisse, plus ou moins friable. Alors mˆeme qu’ils s’erigent au c ur de la langue, ces verbes sacres, alors mˆeme qu’ils font gure de ce a quoi le sujet psychotique s’articule, il faut aussi reconnaˆtre qu’ils signalent les failles d’ou s’engendre la psychose, et c’est leur ambivalence qui doit nous inciter a ne pas leur accorder con ance. Le psychotique le sait dej a qui n’y croit pas totalement lui-mˆeme, pressentant toujours la misere souterraine dont ils ne sont que les e gies provisoires. Toujours provisoires. Ainsi, le danger ne cesse jamais : car des qu’une parole s’articule, il se peut que les signi ants cruciaux soient mis en question ou tailles en piece, qu’ils s’ecroulent d’eux-mˆemes d’une simple estocade bien portee, et l’on decouvre alors que les fondations sont en ruines, que toutetait deja en ruine depuis le debut, et c’est pourquoi il vaudrait mieux s’en garder tout a fait des paroles, eviter l’autre autant que faire se peut. 1 2 Un peu comme si je vivais dans un chˆateau, et que je doive me contenter d’un bol de riz par jour. Parfois, quand la faim me tenaille, je pense que ca n’en vaut pas la peine cette viea,l malgre le chˆateau : il faut faire attention aux idees qui viennent quandonafaim.Mais,unefoisrepu,l’estomacsatisfait,jevaisauxfenˆetres, et la tout le territoire sous les yeux : a droite les monts du Cantal a l’horizon de la Planeze, a gauche les montagnes de Margeride, et tout devant moi, les collines qui s’epuisent jusqu’au lac de Garabit. Comment partir ailleurs, quitter cet endroit? C’est une sorte de piege assurement. Une illusion. Ou est-ce la faim qui vous met le doute? Peut-ˆetre on croit raconter des histoires, alors qu’on se raconte des his- toires. De mˆeme qu’un moine n’ira pas traˆ ner au lupanar avant d’avoir atteint un certain etat de sagesse, de mˆeme eviter les echoppes et les boutiques, l’approchedesrestaurants,leslibrairies,lescinemas,tantqu’undesirencore y serait lie. L’ascetisme impose d’abord un certain ralentissement, accepter de ne rien faire et contempler. Lerichechoisitl’ascetismeparconviction,demanieredeliberee,lepauvre plutˆot que de subir sa misere, l’ordonne en discipline. Il s’impose de vouloir ce qu’il subit, et nit par le croire. Et pourquoi, si ce n’est moi, un autre le fera? Je laisse ce texte a votre gouverne. Qu’il puisse faire gure d’explication a posteriori ouqu’onleprenneauserieux-cequ’onauraittortdenepasfaire- et qu’on m’enferme par precaution. Quelqu’un va tenter d’assassiner un jour Nicolas Sarkozy, entendons- nous bien, a titre de ce qu’il est publiquement : un symbole. Et d’ailleurs, assassine-t-on quelqu’un pour une raison autre que symbolique? Cette personne sera probablement pauvre, se sera eprouvee comme hu- milieeparlesdiscourstenusoulesmesuresprisesaunomdesymboleNicolas Sarkozy. Elle croira, a tort ou a raison, qu’il n’est pas d’autre solution aux soulagements de ses sou rances. Elle sera de ceux qui, des l’enfance, se sont familiarises avec la tentation du martyr. Un des rˆeves pivots de la constitution de mon imaginaire est un rˆeve de cruci xion, lequel fut rˆeve de maniere recurrente entre l’ ageˆ de 7 ans et de 33 ans. 2 je n’ai recu aucuneeducation catholique, mais l’image du christ en croix, j’ai du la voiretant petit enfant, et comme on peut s’y attendre, elle m’avait marque et j’en avais fait ce que j’ai pu : un rˆeve par exemple. L’autre jour, cet ete, un homme hospitalise pour des problemes psychia- triques, alors qu’il devait quitter l’hopitalˆ de lendemain apres une breve periode de soins, a tue deliberement un vieille femme pendant son sommeil. Il s’est livre aux autorites sans di culte en expliquant : maintenant je pour- rais ˆetre interne, et ne serais plus oblige de faire des e orts. Une communaute qui n’ecoute pas l’autre, qui nie l’alterite de l’autre - c’est le cas des psychotiques ou des border line, lesquels sont desormais plus ou moins admis comme exemplaires d’une « sou rance psychique »ou «psychosociale»,maiscesontbienlesmˆemes-unetellecommunautedonc, ne doit pas s’etonner que de telles choses arrivent. La denegation de la parole de l’autre -suscitee par la crainte que cette parole soit justement celle qu’on ne veuille pas entendre-, l’assimilation forcee aux regles et aux normes qui gouvernent l’existence des membres dominants de cette pseudo- communaute : voici les moyens de la reduction de l’autre au mˆeme dans les societes democratiques contemporaines. Que parmi tous ces gens qui sont rates deliberement dans leur personna- lite, il en vienne un qui, en proie au desespoir le plus grand, passe a l’acte, c’est presque une certitude. Que ca puisse ˆetre moi, c’est envisageable. 3 «La precarite est une loi de la condition humaine». dixit madame Parisot, ci-devant presidente du MEDEF (syndicat des pa- trons). Je ne peux qu’abonder dans son sens. Joliment dit. Loi me semble toutefois impropre. Je dirais plutˆot que la precarite c’est la condition humaine. C’est la mˆeme chose. Ce qu’on ap- pelle ainsi, « condition humaine», en se donnant de grands airs, c’est tres exactement la precarite. Qu’est-ce que la precarite? C’est la possibilite que toute chose se modi e, la possibilite que la chose ne dure pas dans son etat present. Heraclite avait fort bien decrit cela. Madame Parisot doit ˆetre heracliteenne. Paradoxalement, la plupart des hommes se comportent comme si tout de- vait demeurer en l’etat, comme si rien de devait changer jamais, ou alors, pour les plus audacieux, comme s’ils pouvaient induire de par leur volonte le cours des choses a venir. Le langage est l’outil le plus e cace en vue de nourrir cette illusion. Le psychotique a cet avantage intellectuel sur le nevrose, qu’il lui est plus facile de sentir et concevoir cette precarite : parce qu’il sent bien ce caractere illusoire du langage - et c’estal precisement sa faille : de n’avoir pas pu s’y conformer tout a fait, a ce langage, etant enfant, de n’avoir pas su oublier son caractere arbitraire et le caractere inevitablement interesse de sa structure. Cet avantage ne lui sert pas a grand chose au demeurant, et sa lucidite est recue par les nevroses comme le symptˆome d’une vanite, alors qu’elle devrait ˆetre au contraire, du point de vue rationnel entendue comme criterium de nos jugements de realite. Ce que le nevrose n’admet pas, au fond, ce n’est pas la formulation du caractere precaire de l’existence, sans l’experience duquel il ne serait justement pas nevrose, et ne sou rirait jamais, mais que certains de leurs semblables ne soient pas en mesure de l’oublier. La sou rance de celui qui n’oublie jamais, ou quasiment jamais, est in- supportable, parce qu’on ne parvient pas a lui accorder la pitie - laquelle suppose, comme le dit Rousseau dans le Second Discours, texte magistral, qu’onressentecequel’autreressent.Cettetranslationdel’autreensoi,aussi symboliquesoit-elle,dontlapossibilitefondelenarcissismesecondaire,estla condition necessaire pour que je reconnaisse l’autre comme mon semblable. Quand elle n’est pas possible, quand l’autre m’est insuportable, je deviens impitoyable (incapable de pitie). Et il existe au moins trois manieres de ma- nifester cette absence de pitie : l’indi erence,
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