La fin du monde était pour demain...
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Description

La fin du monde était pour demain... Je me souviens de son enfance, où quelques fois entre deux peurs, il se demandait qui l'appelait... Que lui répondais-je déjà ? Ah oui « tu crois tellement faire des bêtises que ton cerveau pense que l'on t’appelle ! » Des mensonges, oui des mensonges de mauvaises interprétations, des mensonges par omission. Pourtant de ses rêves de plus en plus troublants, de ses actes de plus en plus choquants, nous nous en alarmèrent, mais doucement... trop... Le psychiatre qui l'écouta pendant quelques séances, diagnostiqua un syndrome de Peter pan... Un syndrome qui nous fit sourire... bêtement... Il est vrai qu'il semblait refuser de grandir, son corps croissait, ses jambes s'allongeaient mais sur son visage restaient ancrées les rondeurs angéliques de l'enfance. Il est vrai que l'école lui faisait si peur que dans son refus de s'y impliquer nous voulûmes n'y voir que de la fainéantise. Il nous cacha ses rêves, ses cauchemars et ses voix, en les exprimant dans des dessins d'êtres mi-hommes mi-poissons aux dents de requins, où nous ne vîmes qu'une imagination débordante. Puis le temps fit son œuvre, le quotidien apposa son sournois optimisme. Une période de latence durant laquelle le travail scolaire s'améliora. Des dessins de plans et de maquettes de plus en plus améliorés recouvrirent les murs de sa chambre. Des murs, les dessins transpirèrent et de ses mains s'élaborèrent en objets.

Informations

Publié par
Publié le 04 mars 2013
Nombre de lectures 53
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

La fin du monde était pour demain...
Je me souviens de son enfance, où quelques fois entre deux
peurs, il se demandait qui l'appelait...
Que lui répondais-je déjà ?
Ah oui « tu crois tellement faire des bêtises que ton cerveau
pense que l'on t’appelle ! »
Des mensonges, oui des mensonges de mauvaises
interprétations, des mensonges par omission.
Pourtant de ses rêves de plus en plus troublants, de ses actes
de plus en plus choquants, nous nous en alarmèrent, mais
doucement... trop...
Le psychiatre qui l'écouta pendant quelques séances,
diagnostiqua un syndrome de Peter pan... Un syndrome qui
nous fit sourire... bêtement...
Il est vrai qu'il semblait refuser de grandir, son corps
croissait, ses jambes s'allongeaient mais sur son visage
restaient ancrées les rondeurs angéliques de l'enfance.
Il est vrai que l'école lui faisait si peur que dans son refus de
s'y impliquer nous voulûmes n'y voir que de la fainéantise.
Il nous cacha ses rêves, ses cauchemars et ses voix, en les
exprimant dans des dessins d'êtres mi-hommes mi-poissons
aux dents de requins, où nous ne vîmes qu'une imagination
débordante.
Puis le temps fit son œuvre, le quotidien apposa son
sournois optimisme.Une période de latence durant laquelle le travail scolaire
s'améliora. Des dessins de plans et de maquettes de plus en
plus améliorés recouvrirent les murs de sa chambre.
Des murs, les dessins transpirèrent et de ses mains
s'élaborèrent en objets.
En créations diverses de machines et d'instruments.
Reliés par des fils et des mécanismes de plus en plus
complexes.
Et sous son lit commencèrent à s'entasser des revues
scientifiques, historiques et des coupures de journaux.
Un amoncellement d'inquiétudes.
Un capharnaüm de questions, alors que si j'avais forcé la
porte j'aurai pu simplement répondre.
Mais dans son espace, je n’eus plus le droit d'entrer, ni de
ranger, de nettoyer...
La porte fut verrouillée, cadenassée.
Seul le chat, le vieux chat de son enfance avait le droit d'y
pénétrer...
Pour moi je crus à cet instant à la complexité de
l'adolescence, et ne lui offris pour réponse qu'une tendre
patience.
Dans ma vie, il ne me restait plus que lui, mon mari venait
de nous quitter.
Surtout qu'au dehors de cette pièce, mon enfant était aimé.
Oui, même adoré.Son imagination fertile, sa créativité débordante et sa grande
curiosité de tout, faisaient de lui, un jeune homme apprécié
par ses amis, ses professeurs et moi.

Mais nous voilà au souvenir de ce tragique matin de
Décembre.
Douze, douze, deux mille douze !
J'en riais moi de cette date, ouvertement, devant lui.
Me riant ainsi, piètre ignorante, de ses angoisses.
Pour lui ces chiffres sonnaient le glas du monde.
Pour lui ces chiffres s'approchaient trop vite.
Pour lui, il était le seul à en comprendre l'ultime tragique.

Le soir du onze, lui qui toujours me contait par le menu le
détail de ses cours à l'université, il passa devant moi tel un
zombie.
Sans un mot, un bonjour, un rire ou une larme, il éteignit la
télévision devant laquelle j'aimais regarder avec lui les
informations.
Il éteignit toutes les lumières.
M'imposa de me taire.
Moi, par peur, non, mais plutôt par amour, je lui ai obéi, en
tout.
En tout même quand l'absurde de son délire apparut.Les hommes étaient une espèce menacée.
Les signes avant-coureurs étaient là : le cancer, les virus
mutants.
Tout y passa.
Il m'exposa de grandes théories scientifiques auxquelles je
tentais par de piètres moyens de contre argumenter.
Mais je n'avais pas sa science, je n'avais aucune culture.
Je n'avais que ma foi, celle de prier.
Et dans ma bouche, il n'y avait que « Dieu y pourvoira ».
Dans le noir de notre appartement, perdu au dernier étage de
l'immeuble, il me conduisit dans sa chambre.
Il alluma un cierge sur le sol, à ses côtés scintilla la lame
d'un couteau.
La pièce, dans l'odeur immonde des excréments de chats de
sueurs et d'urines, livra d'étranges secrets.
Sur le papier peint, au marqueur noir étaient inscrits des
formules et des chiffres.
En rouge, les mots « je suis le sauveur » me sautèrent au
visage, avec une telle violence que je pris à cet instant
conscience de la peur que mon fils m'inspirait.
Je tentais alors, par la porte restée ouverte de m'échapper ;
mais il retint mon geste.
Il m'enserra les mains dans l'étau des siennes.
Sa force me sembla décuplée, augmentée, douloureuse.Des larmes de mes yeux coulèrent.
Mais il ne les vit pas, il regardait derrière moi, fixant le mur,
cette partie de mur où le poster d'un être bizarre prenait
toute la place, même du coin de l’œil je pouvais en
percevoir l'étrangeté...
Entre homme et poisson, entre être et robot.
Un poster qui semblait lui parler...
Il écoutait, s'absorbait dans cette image...
Et dans l'angoisse jaillissante, je me mis à prier...
Dieu, Marie, les saints, tous je les implorais, et lui de plus
en plus fortement broyait mes poignets, engourdissant mes
doigts.
Je me plaignais entre deux murmures des douleurs qu'il
m'infligeait.
Lui ne m'entendait plus...
Il parlait, parlait, répondait, parlementait avec l'image...
« oui, non, surtout pas... je vous obéirai en tout...
oui, oui, c'est elle... oui ma mère terrestre...
oui, elle doit se taire... se taire... je ne dois plus l'écouter... »
Et il me regarda, d'un regard qu'aucune mère ne souhaiterait
croiser...
Un regard vide...
Vide de sens...Un regard possédé...
Sans rien dire, sans m'entendre malgré mes cris, pleurs et
sanglots, il me tira jusqu'à la chaise, loin du cierge, dans le
coin le plus sombre...
Sur une chaise il m'obligea à m'asseoir, ma frêle taille, ma
maigre silhouette contre cette rage qui le commandait, ne
pouvaient plus rien...
Une fois assise, il déroula autour de moi, ce scotch horrible,
large, gris, collant et solide.
Puis sur ma bouche malgré mes hurlements, mes
suppliques, le nom de sa mère, il apposa le ruban...
La suite fut une longue traversée dans l'inconcevable.
Il héla son chat, ce si vieux chat, qui à chacun de ses appels
se précipitait...
Il le serra fort dans ses bras, le câlina.
Le chat, mon pauvre vieux chat, ronronna de plaisir.
Il le posa sur son lit. L'animal en confiance s'enroula sur
lui-même et s'endormit.
Mon fils, mon enfant, se déshabilla, puis nu comme le jour
de sa naissance, il reprit le vieux chat, aux regards à demi
sommeillant.
Il entoura sa main autour de son cou et l'écrasa fortement, le
chat précipita ses griffes sur son avant bras, se débattant à
lui en labourer la peau....
Il lutta et moi sur ma chaise, j'essayais en vain de hurler, un marmonnement sourd s'échappa du bâillon...Or, mon fils,
mon enfant, mon unique bébé, ne leva pas un œil. Il
s'abîmait dans la contemplation de la mort de ce chat.
Ses yeux brillaient d'une joie de puissance et dans les reflets
du cierge le cynisme de ses actes donnèrent à mon âme le
froid de l'image du diable.
Sur le sol il ramassa le couteau et trancha la gorge du chat
encore chaud.
Le sang gicla...
rouge...
mort...
Le fruit de ma chair, le fruit de mon sang, lui.. Il passa sur
son corps le chat dégoulinant de sang, recouvrant sa peau de
ce liquide rouge, suintant...
L'odeur impalpable des souvenirs resurgit odieusement en
moi.
Le souvenir de sa naissance.
Lui qui ce premier jour était couvert du mien...
Le couteau luisant, le blanc de ses yeux injectés eux aussi
du rouge de son corps, il s'approcha de moi, déposa sur mes
genoux la dépouille du chat et tournant le couteau entre ses
doigts il me parla, à moi :
«Papa est parti, oui il est parti à cause de toi, à cause de ton
dieu ! Ta foi ne l'a pas sauvé... elle ne l'a pas sauvé de son
cancer... non, ta foi, ta foi est inutile... »Il parla à l'autre, à l'image :
« Oui, je suis le messie !
Non, je ne peux pas la tuer !
Non son sang est impur !
Oui seul le chat qui m'aime peut par son sang me protéger !
Oui, je dois agir...
Oui, il le faut ! »

Et dans le noir. Et dans le froid il me laissa...
J'entendis la porte d'entrée claquer, emportant dans la cage
d'escalier l'écho de sa fermeture.

De ce que je sais maintenant de ce qu'il fit, c'est de la
gendarmerie que je l'appris.

Ce terrible matin du douze, douze, deux mille douze, je
pleurais, les sanglots bâillonnés fixant da

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